Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

JEAN DE LA FONTAINE,

né à Château-Thierry en 1621, mort à Paris en 1695.

Extrait de Philémon et Baucis.

Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux :
Ces deux divinités n'accordent à nos væux
Qne des biens peu certains, qu'un plaisir peu tranquille;
Des soucis dévorans c'est l'éternel asile :
Véritable vautour, que le fils de Japet
Représente enchaîné sur son propre sommet.
L'humble toit est exempt d'un tribut si funeste;
Le sage y vit en paix et méprise le reste :
Content de ses douceurs, errant parmi les bois,
Il regarde à ses pieds les favoris des rois ;
Il lit au front de ceux qu'un vain luxe environne
Que la Fortune vend ce qu'on croit qu'elle donne.
Approche-t-il du but, quitte-t-il ce séjour ;
Rien ne trouble sa fin, c'est le soir d'un beau jour.

Philémon et Baucis nous en offrent l'exemple:
Tous deux virent changer leur cabane en un temple.
Hyménée et l'amour, par des désirs constans,
Avaient uni leurs cæurs dès leur plus doux printemps.
Ni le temps ni l'hymen n'éteignirent leur flamme;
Clothon prenait plaisir à filer cette trame.
Ils surent cultiver, sans se voir assistés,
Leur enclos et leur champ par deux fois vingt étés.
Eux seuls ils composaient toute leur république:
Heureux de ne devoir à

pas un domestique
Le plaisir ou le gré des soins qu'ils se rendaient!
Tout vieillit: sur leur front les rides s'étendaient;
L'amitié modéra leurs feux sans les détruire,
Et par des traits d'amour encor se produire.

5

Les Animaux malades de la Peste.-Fable.

Un mal qui répand la terreur,

Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom,)
Capable d'enrichir en un jour l'Acheron,

Fesait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ;

On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;

Nul mets n'excitait leur envie.
Ni loups ni renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie:
Les tourterelles se fuyaient;

Plus d'amour, partant plus de joie.
Le lion tint conseil, et dit: mes chers amis,

Je crois que le ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune:

Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux :
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidens,

On fait de pareils dévoûmens.
Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence

L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfesant mes appétits gloutons,

J'ai dévoré force moutons.

Que m'avaient-ils fait ? nulle offense,
Même il m'est arrivé quelquefois de manger

Le berger.
Je me dévoûrai donc, s'il le faut: mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi ;
Car on doit ecuhaiter, selon toute justice,

Que le plus coupable périsse,
Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse.
Eh bien ! manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché? Non, non : vous leur fîtes, seigneur,

En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au berger, l'ont peut dire

Qu'il etait digne de tous maux, Etant de ces gens-là qui sur les animaux

Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le renard ; et flatteurs d'applaudir.

On n'osa trop approfondir
Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances,

Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples matins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'âne vint à son tour, et dit: J'ai souvenance

Qu'en un pré de moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense,

Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots, on cria haro sur le baudet.
Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout le mal.
Sa pécadille fut jugée un eas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !

Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait: on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugemens de cour vous rendront blanc ou noir.

[ocr errors]

Le Chat, la Belette et le petit Lapin.-Fable.

Du palais d'un jeune lapin
Dame belette, un beau matin,

S'empara : c'est une rusée.
Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates, un jour
Qu'il était allé faire à l'aurore sa cour

Parmi le thym et la rosée.
Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Janot lapin retourne aux souterrains séjours.
La belette avait mis le nez à la fenêtre.

[merged small][ocr errors]

O dieux hospitaliers ! que vois-je ici paraître
Dit l'animal chassé du paternel logis.

Holà ! madame la Belette,

Que l'on déloge sans trompette,
Ou je vais avertir tous les rats du pays !
La dame au nez pointu répondit que la terre

Etait au premier occupant.

C'était un beau sujet de guerre
Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant.

Et quand ce serait un royaume,
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi

En a pour toujours fait l'octroi
A Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,

Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi?
Jean lapin allégua la coutume et l'usage :
Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis
Rendu maître et seigneur ; et qui, de père en fils,
L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupant ! est-ce une loi plus sage?

Or bien, sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.

à
C'était un chat, vivant comme un dévot hermite,

Un chat, fesant le chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,

Arbitre expert sur tous les cas.
Jean lapin pour juge l'agrée,
Les voilà tous deux arrivés

Devant sa majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit: mes enfans, approchez;
Approchez : je suis sourd, les ans en sont la cause
L'un et l'autre approcha, ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu'à portée il vit les contestans,

Grippeminaud, le bon apôtre,
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.

Ceci ressemble fort aux débats qu'ont par fois
Les petits souverains se rapportant aux rois.

La Fontaine ignorait encore à 22 ans ses grands talens pour la poésie. Il se reconnut poète en entendant lire une ode de Malherbe.

Un de ses parens ayant vu ses premiers essais, lui fit lire les meilleurs auteurs tant anciens que modernes, français et étrangers. Rabelais, Marot et d'Urfé firent ses délices. L'esprit de simplicité, de candeur, de naïveté, qui lui plaisait tant dans ces écrivains, caractérisa bientot ses propres ouvrages, et le caractérisait lui-même. Jamais auteur ne s'est mieux peint dans ses compositions. Doux, ingénu, naturel, sin. cère, crédule, facile, timide, sans ambition, sans fiel, prenant et interprétant tout en bonne part; il était, dit un homme d'esprit, aussi simple que les héros de ses fables. C'était un véritable enfant, mais un enfant sans malice. Il parlait très-peu. Ses fables font l'admiration des connaisseurs. "Avec quelle étonnante facilité cet écrivain si simple s'élève quelquefois au ton de la plus sublime philosophie et de la morale la plus noble! Quelle foule de sentimens aimables répandue dans ses écrits; comme on y trouve l'empanchement d'une ame pure et l'effusion d'un bon cour! . .. Le poète des enfans est en même temps le poète des philosophes.” (La Harpe.) Outre ses fables, La Fontaine nous a laissé des contes, le poème d'Adonis, les aventures de Psyché, des opéras, des comédies, des élégies, et d'autres petites pièces. Il était de l'Académie française.

5*

« ZurückWeiter »