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plusieurs différends funestes entre les papes et les empe

reurs.

LOUIS V, nommé ordinairement Louis de Bavière, fils de Louis-le-Sévère, duc de Bavière, et de Mathilde, fille de l'empereur Rodolphe Jer, naquit l'an 1286, et fut élu empereur à Francfort en 1314. Il fut couronné à Aix-la-Chapelle par l'archevêque de Mayence, tandis que Frédéric-le-Bel, fils de l'empereur Albert ler, était sacré à Cologne, après avoir été nommé à l'empire par une partie des électeurs. Ces deux sacres produisirent des guerres civiles d'autant plus cruelles, que Louis de Bavière était oncle de Frédéric, son rival. Les deux empereurs consentirent, après avoir répandu beaucoup de sang, à faire décider leur querelle par trente champions: usage des anciens temps, que la chevalerie a renouvelé quelquefois. Ce combat ne décida rien, et ne fut que le prélude d'une bataille dans laquelle Louis fut vainqueur. Cette journée, suivie de quelques autres victoires, le rendit maitre de T'empire. Frédéric, ayant été fait prisonnier, y renonça au bout de trois ans pour avoir sa liberté. Le pape Jean XXII avait observé jusqu'alors la neutralité entre les deux concurrents, espérant que Louis, dont il connaissait les mauvaises qualités et le peu de religion, serait obligé de céder l'empire Frédéric, prince sage et vertueux; mais, après la bataille décisive de Muhldorf, en 1322, il ordonna à Louis V de suspendre l'exercice de ses droits, et de les soumettre au jugement du pape; donna contre lui plusieurs monitoires, dans lesquels il lui reprochait de favoriser les hérétiques et les ennemis du saint-siége, et alla jusqu'à déclarer l'empire vacant. L'empereur appela du pape mal instruit au pape mieux instruit, et enfin au concile général. Ayant été excommunié, il entra en Italie, entreprit d'y placer de son autorité des évèques sur plusieurs siéges, et de chasser ceux qui y avaient été nommés par le pape, entra dans Rome, s'y fit couronner, fit élire l'antipape Pierre de Corbière ou Corbario, prononça une sentence de mort contre le pape et son défenseur le roi de Naples, et les condamna tous les deux à être brûlés vifs : trait qui donne une plus mauvaise idée de ce prince que toutes les bulles de Jean XXII. Comment, apres de tels excès des empereurs, les écrivains modernes ont-ils pu s'attacher à inculper exclusivement les papes, dont les torts, s'ils en ont eu, sont toujours restés beaucoup en-deçà de si étranges emportements? Les fureurs de Louis irriterent tout le monde: les Romains conspirerent contre lui. Le roi de Naples arrive avec une armée aux portes de Rome; l'empereur et son antipape sont obligés de s'enfuir. Celui-ci demande pardon au pape la corde au cou. Clément VI marcha sur les traces de Jean XXII, son prédécesseur. Il lança les foudres ecclésiastiques sur Louis, en 1346. Cinq électeurs élurent roi des Romains Charles de Luxembourg, marquis de Moravie. L'ancien et le nouvel empereur se firent la guerre; mais un accident arrivé en 1347 termina ces querelles funestes. Louis tomba de cheval en poursuivant un ours à la chasse, et mourut de sa chute à 63 ans. D'autres disent qu'il fut empoisonné. Ce prince est le premier empereur qui ait résidé Constamment dans ses Etats héréditaires, à cause du mauvais état du domaine impérial, qui ne pouvait plus suffire à l'entretien de sa cour. Avant lui, les empereurs avaient voyagé continuellemont d'une province à l'autre. Louis est aussi le premier qui, dans ses sceaux, se soit servi de deux aigles pour désigner les armes de l'empire. Ils furent changés sous Winceslas, et réduits à un seul à deux tètes. C'est par la protection qu'il accorda aux Suisses révoltés, pour affaiblir la puissance d'une maison rivale, qu'il contribua à fonder la république helvétique.

LOUIS HI (le Bègue), roi de France, ainsi nommé à cause du défant de sa langue, était fils de Charles-le-Chauve. Il fut couronné roi d'Aquitaine en 867, succéda à son père dans le royaume de France, le 6 octobre 877, reçut honorablement le pape Jean VIII, et se fit couronner par lui roi de France au concile de Troyes, l'an 878. Il fut contraint de démembrer une grande partie de son domaine en faveur de Boson, qui s'était fait roi de Provence, et de plusieurs autres seigneurs mécontents, et mourut à Compiègne, le 10 avril 879, à 35 ans. Il eut d'Ansgarde, sa première femme (qu'il fut obligé de répudier par ordre de son père), Louis et Carloman, qui partagèrent le royaume entre eux, et laissa en mourant Adélaïde, sa seconde femme, grosse d'un fi's, qui fut Charles-le-Simple. LOUIS HI, fils de Louis-le-Bègue, et frère de Carloman, partagea le royaume de France avec son frère, et vécut toujours uni avec lui. Il eut l'Austrasie avec la Neustrie, et CarFoman l'Aquitaine et la Bourgogne. Louis III défit Hugues

le-Batard, fils de Lothaire et de Valrade, qui revendiquait k Lorraine; marcha contre Boson, roi de Provence, et s'oppos aux courses des Normands, sur lesquels il remporta un grande victoire dans le Vimeu, en 882. Il mourut sans enfants, le 4 août suivant. Après sa mort, Carloman, son frère, fut seul roi de France.

LOUIS IV ou d'Outremer, ainsi nommé à cause de sor séjour pendant treize ans en Angleterre, où la reine Odize, sa mère, l'avait conduit, était le fils de Charles-le-Simple. I succéda à Raoul, roi de France, en 936. Il voulut s'empare de la Lorraine; mais l'empereur Othon ler le força de s retirer. Les grands de son royaume se révoltèrent plusieurs fois, et il les réduisit avec peine. S'étant emparé de la Normandie sur Richard, fils du due Guillaume, il fut défait d fait prisonnier par Aigrold, roi de Danemarck, et par Hugas le-Blanc, comte de Paris, en 944. On lui rendit la liberte l'année suivante, après l'avoir obligé de remettre la Normandie à Richard, et de céder le comté de Laon à Hugues le-Blanc. Cette cession occasionna une guerre opiniâtre entry le comte et le roi; mais, Louis d'Outremer étant soutenu de l'empereur Othon, du comte de Flandre et du pape, Hugues le-Blanc fut enfin obligé de faire la paix et de restituer b comté de Laon en 950. Louis d'Outremer finit ses jours d'une manière funeste; il fut renversé par son cheval en poursu vant un loup, et mourut à Reims de cette chute, le 10 septembre 934, à 38 ans. Il laissa de Gerberge, fille de l'empereur Henri l'Oiseleur, deux fils, Lothaire et Charles. Lothaire lu succéda. Depuis lors, le royaume ne fut plus divisé également entre les frères; l'aîné seul eut le titre de roi, et les cadets n'eurent que de simples apanages. Ce fut ce qui rendit à l'Etat une partie de son ancienne grandeur. Louis d'Outremer était un grand prince à plusieurs égards; mais il ne se détiait pas assez des hommes, et il fut souvent trompé.

LOUIS V, le Fainéant, roi de France après Lothaire, son père, en 986, se rendit maître de la ville de Reims, et fit paraitre beaucoup de valeur des le commencement de son regue. Il fut empoisonné par la reine Blanche, sa femme, le 24 mai de l'année suivante, 987, âgé d'environ vingt ans. Louis était d'un caractère turbulent et inquiet, le nom de Fainéant ne lui convenait point. Il parait que ce nom ne lui a été donné que parce que son règne n'offre rien de mémorable; mais que pouvait-il faire dans le peu temps qu'il occupa le trône? C'est le dernier des rois de France de la seconde race des Carlovingiens, laquelle a régné en France 236 ans. Après sa mort, le royaume appartenait de droit à Charles, son oncle, duc de la Basse-Lorraine, et fils de Louis d'Outremer; mais ce prince, s'étant rendu odieux aux Français, fut exclu de la succession, et la couronne fut déférée à Hugues Capet, duc de France, le prince le plus puissant du royaume.

LOUIS VI, le Gros, fils de Philippe er et de Berthe de Hollande, né en 1081, parvint à la couronne en 1108. Le domaine qui appartenait immédiatement au roi se réduisait alors au duché de France. Le reste était en propriété aux vassaux du roi, qui se conduisaient en tyrans dans leurs seigneuries, et qui ne voulaient point de maitre. Ces seigneurs vassaux étaient presque tous des rebelles. Le roi d'Angleterre, duc de Normandie, ne manquait pas d'appuyer leurs révoltes; de là ces petites guerres entre le roi et ses sujets; guerres qui occupèrent les dernières années de Philippe er et les premières de Louis-le-Gros. Ce prince s'aperçut trop tard de la faute qu'on avait faite de laisser prendre pied en France aux Anglais, en ne s'opposant point à la conquête que Henri ler fit de la Normandie sur Robert son frère aîné. Le monarque anglais, étant en possession de cette province, refusa de raser la forteresse de Gisors, comme on en était convenu. La guerre s'alluma, et, après des succès divers, elle fut terminée en 1114 par un traité qui laissait Gisors à l'Angleterre sous la condition de l'hommage. Elle se ralluma bientôt. Louis-le-Gros ayant pris sous sa protection Guillaume Cliton, fils de Robert, dit Courte-Cuisse, qui avait été dépouillé de la Normandie, voulut le rétablir dans ce duché; mais il n'était plus temps: Henri était devenu trop puissant, et Louis-le-Gros fut battu au combat de Brenneville, en 1119. L'année suivante, la paix se fit entre Louis et Henri, qui renouvela son honimage pour la Normandie. Le roi d'Angleterre ayant perdu toute sa famille et la fleur de la noblesse, qui périt à la vue du port de Harfleur, où elle s'était embarquée pour passer en Angleterre, cet événement renouvela la guerre. Guillaume Cliton, soutenu par plusieurs seigneurs normands et français, que Louis-le-Gros appuyait secrètement, profita de ce temps funeste à Henri pour l'attaquer;

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telle de sa mère: ce fut la première fois que les qualités de tutrice et de régente se trouvèrent dans la même personne. La minorité du jeune roi fut occupée à soumettre les barons et les petits princes, toujours en guerre entre eux, et qui ne se réunissaient que pour bouleverser l'Etat. Le cardinal Romain, légat du pape, aida beaucoup la reine par ses conseils. Thibaud VI, comte de Champagne, depuis longtemps amoureux de Blanche, fut jaloux de l'ascendant que prenait Romain, et arma contre le roi. Blanche qui avait méprisé jusqu'alors son amour, s'en servit avec autant d'habileté que de vertu pour ramener le comte et pour apprendre de lui les noms, les desseins et les intrigues des factieux. Louis parvenu à l'âge de majorité, soutint ce que sa mère avait si bien commencé, et ne s'occupa que du bonheur de ses sujets. H se conduisit avec beaucoup de prudence durant les différends de Grégoire IX et de Frédéric II, et ne voulut pas que son frère Robert acceptat la couronne impériale que le pape lui offrait. Il condamnait hautement la conduite de Frédéric, mais il ne croyait pas « qu'on pût lui ôter la couronne, s'il n'était condamné dans un concile général; » ce qui prouve quelle était sur ce point, mème dans les cours, la jurisprudence de ces temps reculés, relativement aux rois, et combien l'on a eu tort, de nos jours, de s'élever à ce sujet contre les papes. Après l'excommunication de ce prince au concile de Lyon, et sa déposition, qu'il semblait ne pas approuver, quoiqu'il en reconnut la légalité, il travailla à le réconcilier avec le pape; mais Frédéric ne répondit pas à ses vues. Louis leva des troupes contre le roi d'Angleterre Henri II, et contre les grands vassaux de la couronne de France, unis avec ce monarque. Il les battit deux fois, la première à la journée de Taillebourg en Poitou, l'an 1241; la deuxième quatre jours après, près Saintes, où il remporta une victoire complète. Henri fut obligé de faire une paix désavantageuse. Le comte de La Marche et les autres vassaux révoltés rentrèrent dans leur devoir et n'en sortirent plus. Louis n'avait alors que 27 ans. Il quitta son royaume bientôt après pour passer en Palestine. Dans les accès d'une maladie violente, dont il fut attaqué en 1244, il crut entendre une voix qui lui ordonnait de prendre la croix contre les infidèles, de faire restituer aux chrétiens les belle provinces que les Sarrasins leur avaient enlevées, et de les délivrer du plus cruel esclavage qui fut jamais: il fit dès lors vœu de passer dans la Terre-Sainte. La reine, sa mère, la reine, sa femme, le prièrent de différer jusqu'à ce qu'il fut entièrement rétabli; mais Louis n'en fut que plus ardent à demander la croix. L'évêque de Paris la lui attacha, fondant en larmes, comme s'il eût prévu les malheurs qui attendaient le roi dans la Terre-Sainte. Louis prépara pendant quatre ans cette expédition, aussi illustre que malheureuse; enfin, laissant à sa mère le gouvernement du royaume, il s'embarqua l'an 1248 à Aigues-Mortes, avec Marguerite de Provence sa femme, et ses trois frères. Presque toute la chevalerie de France l'accompagna. Arrivé à la rade de Damiette, il s'empara de cette ville en 1249. Il avait résolu de porter la guerre en Egypte, pour attaquer dans son pays le sultan, maitre de la Terre-Sainte. Il passa le Nil à la vue des infidèles, remporta deux victoires sur eux, et fit des prodiges de valeur à la journée de Massovre en 1250. Les Sarrasins eurent bientôt leur revanche; la famine et la maladie contagieuse ayant obligé les Français à reprendre le chemin de Damiette, ils vinrent les attaquer pendant la marche les mirent en déroute et en firent un grand carnage. Le roi, dangereusement malade, fut pris près Massoure avec tous les seigneurs de sa suite et de la meilleure partie de l'armée. Louis parut dans sa prison aussi und que sur le trône. Les musulmans ne pouvaient se lasser d'admirer sa patience et sa fermeté à refuser ce qu'il ne croyait pas raisonnable. Il lui disaient: «Nous te regardions comme notre captif et notre esclave, et tu nous traites étant aux fers, comme si nous étions tes prisonniers!» On osa lui proposer de donner une somme excessive pour sa rançon; mais il répondit aux envoyés du sultan : « Allez dire à votre maître qu'un roi de France ne se rachète pas pour de l'argent. Je donnerai cette somme pour mes gens, et Damiette pour ma personne.»> Il paya en effet 400,000 liv. pour leur rançon, rendit Damiette pour la sienne, et accepta du sultan une trève de dix ans. Son dessein était de repasser en France; mais ayant appris que les Sarrasins au lieu de rendre les prisonniers, en avaient fait périr un grand nombre dans les tourments, pour les obliger de quitter leur religion, il se rendit dans la Palestine, où il demeura encore quatre ans, jusqu'en 1254. Le temps de son séjour fut employé à fortifier et à réparer les places des

chrétiens, à mettre en liberté tous ceux qui avaient été fas prisonniers en Egypte, et à travailler à là conversion des mfidèles. Arrivé en France il trouva son royaume dans un meil leur état qu'il n'aurait dû naturellement espérer. La Provi dence avait veillé sur un pays qu'il n'avait abandonné qu par les motifs les plus chrétiens. Son retour à Paris, où il se fixa fit le bonheur de ses sujets et la gloire de la patrie. Il établith premier la justice du ressort; et les peuples, opprimés par le sentences arbitraires des juges des baronies, purent porter leurs plaintes à quatre bailliages royaux. créés pour les écouter Sous fui, les hommes d'étude commencèrent à être admis am séances de ses parlements, dans lesquelles, des chevaliers, qui rarement savaient lire, décidaient de la fortune des citoyens. Il diminua les impôts, et révoqua ceux que l'avidité des financiers avaient introduits. Il porta des édits sévères contre les blasphémateurs et les impies, båtit des églises, des hopitaux, des monastères, et publia une Pragmatique sanction en 1269, pour conserver les anciens droits des églises cathédrales et la liberté des élections. Le sixième canon défend de payer les sommes que le Saint-Siége pourrait exiger: mais Fleury fait observer: « que ce canon manque dans beaucoup d'exemplaires; dans les autres canons, il n'est nullement fait mantion de la cour de Rome, et on croit que le saint roi n'y a eu en vue que les entreprises des seigneurs et des juges laïques sur les bénéfices.» Le président Hénault doute que cette Pragmatique soit de saint Louis. Ce monarque reçut en 1264 un honneur qu'on ne peut rendre qu'à un monarque vertueux: le roi d'Angleterre Henri III et les barons le choisirent pour arbitre de leurs querelles. Ce prince était venu le voir à Paris au retour de son voyage de la Palestine, et l'avait assure qu'il était son seigneur et qu'il le serait toujours. » Le comte d'Anjou, Charles, son frère, dut à sa réputation et au bon ordre de son royaume l'honneur d'ètre choisi par le pap pour roi de Sicile. Louis augmentait cependant ses domaines de l'acquisition de Péronne, d'Avranches, de Mortagne, du Perche. Il pouvait ôter aux rois d'Angleterre tout ce qu'ils possédaient en France : les querelles de Henri III et de ses barons lui en facilitaient les moyens; mais il préféra la justice à l'usurpation. Il les laissa jouir de la Guienne, du Périgord, du Limousin, en les faisant renoncer pour jamais à la Touraine, au Poitou, à la Normandie, réunie à la couronne par Philippe-Auguste son aïeul. Voyant la France florissante et son gouvernement bien affermi, il partit pour la sixième croisade en 1270. Il assiégea Tunis en Afrique; huit jours après il emporta le château, et mourut dans son camp le 25 août de la même année, d'une maladie contagieuse qui ravageait son armée. Dès qu'il en fut attaqué, il se fit étendre sur la cendre, et expira, à l'âge de 55 ans, avec la ferveur d'un anachorète et le courage d'un héros, et avec la satisfaction d'avoir fait aux ennemis du nom chrétien une guerre sage et juste quoique avec des succès variés et d'éclatants revers. Boniface VIII le canonisa en 1297. La bulle de canonisation du saint roi est un éloge magnifique et très étendu, fondé, comme il y est dit, sur une certitude entière de la pureté de ses mœurs, de la régularité et de l'austérité de sa vie, de son amour pour la justice, de son zèle généreux pour les progrès de la foi, de sa charité envers les pauvres, les infirmes, les gens sans appui et de toute nation, en un mot de toutes ses vertus chrétiennes, royales, héroïques. On avait reçu à ce sujet la déposition sous serment de plus de 300 témoins, et l'on avait vérifié jusqu'à 63 miracles. Saint Louis a été, au jugement du P. Daniel et du président Hénault, un des plus grands princes qui aient jamais porté le sceptre, compatissant comme s'il n'avait été que malheureux; libéral, sans cesser d'avoir une sage économie; intrépide dans les combats, mais sans emportement. Il n'était courageux que pour des grands intérêts. Il fallait que des objets puissants, la justice ou l'amour de son peuple excitassent son âme, qui hors de là paraissait faible, simple et timide. Prudent et ferme à la tête de ses armées et de son conseil, quand il était rendu à lui-même il n'était plus que particulier. Ses domestiques devenaient ses maîtres, sa mère le gouvernait, et les pratiques de la dévotion la plus simple remplissaient ses journées. Il est vrai que ces pratiques étaient ennoblies par des vertus solides et jamais démenties; elles formaient son caractère. C'est à ce règne, suivant Joinville, que doit se rapporter l'institution des maîtres des requêtes : ils n'étaient d'abord que trois; ils furent portés à quatrevingts par l'édit de 1752, qui les fixa à ce nombre. Saint Louis proscrivit aussi des terres de son domaine l'absurde procédure des duels judiciaires, et y substitua la voie d'appel à un

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tribunal supérieur : ainsi il ne fut plus permis, comme au- ble au comte de Saint-Pol. La paix fut conclue à Conflans, paravant, de se battre contre sa partie ni contre les témoins le 5 octobre de la même année. Le roi accorda tout par ce qu'elle produisait. Joinville, La Chaise et l'abbé de Choisi traité, espérant tout ravoir par ses intrigues. Il enleva bienLa ont écrit sa Vie. tôt la Normandie à son frère, et une partie de la Bretagne au duc de ce nom. L'inexécution du traité de Conflans allait ranimer la guerre civile: Louis XI crut l'éteindre en demandant à Charles-le-Téméraire, duc de Bourgogne, une conférence à Péronne, dans le temps même qu'il excitait les Liégeois à faire une perfidie à ce duc et à prendre les armes contre lui. Charles, instruit de cette manœuvre, retint Louis XI prisonnier dans le château de Péronne, le força à conclure un traité fort désavantageux, et à marcher à sa suite contre ces mêmes Liégeois qu'il avait armés. Le comble de l'humiliation pour lui fut d'assister à la prise de leur ville, et de ne pouvoir obtenir son retour à Paris qu'après avoir prodigué les bassesses et essuyé mille affronts. Le due de Berry, son frère, fut la victime de cet élargissement. Louis XI le força de recevoir la Guienne en apanage, au lieu de la Champagne et de la Brie: il voulut l'éloigner de ces provinces, dans la crainte que le voisinage du duc de Bourgogne ne fût une nouvelle source de divisions. Louis XI n'en fut pas plus tranquille. Le duc de Bourgogne fit offrir sa fille unique au nouveau duc de Guienne; mais cette alliance ne se conclut pas le duc de Guienne mourut empoisonné avec sa maîtresse, par une pèche qui leur fut donnée, «non sans soupçon, dit le président Hénault, contre le roi lui-même. >> Oder d'Aidie, favori du prince empoisonné, voulut venger la mort de son maître. Il enleva l'empoisonneur, et le conduisit en Bretagne, pour pouvoir lui faire son procès en liberté; mais le jour qu'on devait prononcer l'arrêt de mort, on le trouva étouffé dans son lit. Cependant le duc de Bourgogne se prépare à tirer une vengeance plus éclatante de la mort d'un prince qu'il voulait faire son gendre. Il entre en Picardie, met tout à feu et à sang, échoue devant Beauvais, défendu par des femmes, passe en Normandie, la traite comme la Picardie, et revient en Flandre lever de nouvelles troupes. Cette guerre cruelle fut terminée, pour quelques instants, par le traité de Bouvines, en 1474; mais, cette même année, il y eut une ligue offensive et défensive, formée par le duc de Bourgogne, entre Edouard IV, roi d'Angleterre, et le duc de Bretagne, contre le roi de France. Le prince anglais débarque avec ses troupes : Louis peut le combattre, mais il aime mieux le gagner par des négociations. Il paie ses principaux ministres; séduit les premiers officiers, au lieu de se mettre en état de les vaincre; faits des présents de vin à toute l'armée; enfin achète le retour d'Edouard en Angleterre. Les deux rois conclurent à Amiens, en 1475, un traité qu'ils confirmèrent à Pecquigni. Ils convinrent d'une trève de sept ans; ils y arrêtèrent un mariage entre le dauphin et la fille du monarque anglais; et Louis s'engagea à payer jusqu'à la mort de son ennemi une somme de 50,000 écus d'or. Le duc de Bretagne fut aussi compris dans ce traité. Celui de Bourgogne, abandonné de tous et seul contre Louis XI, conclut avec lui à Vervins une trève de neuf années. Ce prince, ayant été tué au siége de Nanci en 1477, laissa pour héritière, Marie, sa fille unique, que Louis XI, par une politique mal entendue, refusa pour le dauphin son fils. Cette princesse épousa Maximilien d'Autriche, fils de l'empereur Frédéric III, et ce mariage fut l'origine des querelles que la France ne cessa de faire à la maison d'Autriche, souveraine des Pays-Bas. La guerre entre l'empereur et le roi de France commença peu de temps après cette union. Louis XI s'empara de la Franche-Comté par la valeur de Chaumont d'Amboise. Il y it une bataille à Guinegate, où l'avantage fut égal des deux côtés. Un traité, fait à Arras en 1482, termina cette guerre. On y arrêta le mariage du dauphin avec Marguerite, fille de Marie de Bourgogne. Louis XI ne jouit pas longtemps de la joie que lui devaient inspirer ces heureux événements. Sa santé dépérissait de jour en jour; enfin, sentant la mort approcher, il se renferma au château du Plessis-les-Tours, où l'on n'entrait que par un guichet, et dont les murailles étaient hérissées de pieux de fer. Inaccessible à ses sujets, entouré de gardes, dévoré par la crainte de la mort, par la douleur d'ètre hai, par les remords et par l'ennui, il fit venir de Calabre un pieux ermite, révéré aujourd'hui sous le nom de saint François de Paule. Il se jeta à ses pieds et le supplia, en pleurant, de demander à Dieu la prolongation de ses jours. Mais le saint lui parla en prophète, et lui dit, comme un autre Isaïe: Dispone domui tuæ, quia morieris tu; et non vives. «Sire, mettez ordre à votre Etat, « et à ce que vous avez de plus précieux dans votre Etat, 6

LOUIS X, roi de France et de Navarre, surnommé le Hutin, c'est-à-dire mutin et querelleur, succèda à Philippe-le-Bel son père, le 20 novembre 1314, étant déjà roi de Navarre par Jeanne sa mère, et s'étant fait couronner en cette qualité à Pampelune le 1er octobre 1308. Veuf de Marguerite de Bourgogne, il différa son sacre jusqu'au mois d'août de l'an 1315, mà cause des troubles de son royaume, et parce qu'il attendait sa nouvelle épouse, Clémence, fille de Charles, roi de Hongrie. Pendant cet intervalle, Charles de Valois, oncle du roi, 1 se mit à la tète du gouvernement, et fit pendre Enguerrand de Marigni à Montfaucon, au gibet que ce ministre avait luimême fait dresser sous le feu roi, dont il était ministre. Louis X rappela les Juifs dans son royaume, fit la guerre sans succès contre le comte de Flandre, et laissa accabler son peuple d'impôts sous le prétexte de cette guerre. Il contraignit encore le reste des serfs de ses terres de racheter leur liberté ce qu'ils firent avec peine. En remplissant un devoir connu, ils étaient tranquilles, et ils ignoraient ce qu'on exigerait d'eux quand ils seraient libres. L'édit du roi portait que, « selon le droit de nature, chacun doit naître « franc. Louis X mourut à Vincennes le 8 janvier 1316, à 26 ans. Il eut de Clémence un fils posthume nommé Jean, né le 15 novembre 1316; mais ce jeune prince ne vécut que huit jours. Il s'éleva une grande difficulté au sujet de la succession. Jeanne, fille du roi et de sa première femme, devait régner, selon le duc de Bourgogne. Les états-généraux décidèrent que la loi salique excluait les femmes de la couronne. Leur avis prévalut, et ce fut Philippe-le-Long, deuxième fils de Philippe-le-Bel, qui monta sur le trône de France. Jeanne eut pour sa part la couronne de Navarre, qu'elle porta en dot à Philippe, petit-fils de Philippe-le-Hardi.

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« qui est votre conscience: car il n'y a pas de miracle pou « vous; votre heure est venue, et il faut mourir. » C'était une parole bien dure pour tout homme, encore plus pour un roi, mais surtout pour un roi si attaché à la vie. Cependant Louis écouta François avec respect, le pria de le disposer à la mort, et expira entre ses bras le 21 août 1483, à 60 ans; heureux si de vifs et sincères repentirs ont effacé les iniquités de sa vie! Les chroniques du temps comptent 4000 sujets (nombre sans doute exagéré) exécutés sous son règne, en public ou en secret. Les cachots, les cages de fer, les chaines dont on chargeait les victimes de sa barbare défiance, sont les monuments qu'a laissés ce monarque. Tristan l'Ermite, prévôt de son hôtel, était le juge, le témoin et l'exécuteur de ses vengeances; et ce roi cruel ne craignait pas d'y assister, après les avoir ordonnées. Lorsque Jacques d'Armagnac, due de Nemours, accusé peut-être sans raison du crime de lèse-majesté, fut exécuté en 1477 par ses ordres, Louis XI fit placer sous l'échafaud les enfants de ce prince infortuné, pour recevoir sur eux le sang de leur père. Ils en sortirent tout couverts, et dans cet état on les conduisit à la Bastille, dans des cachots faits en forme de hotte, où la gène que leur corps éprouvait était un continuel supplice. Ce monarque inhumain eut pour confidents et pour ministres des hommes dignes de lui: il les tira de la boue. Son barbier devint comte de Meulan et ambassadeur; son tailleur, héraut d'armes; son médecin, chancelier. Il abâtardit la nation en lui donnant ces vils simulacres pour maîtres : aussi sous son règne il n'y cut ni vertu ni héroïsme. L'obéissance et la bassesse tinrent lieu de tout; et le peuple fut enfin tranquille comme les forçats le sont dans une galère. Sa dévotion aurait dù, par un effet même naturel, adoucir son cœur dur, et corriger son caractère inconstant, bizarre, inquiet et perfide; mais sa dévotion n'était que la crainte servile d'une àme basse, pusillanime et égarée. Toujours couvert de reliques et d'images, portant à son bonnet une Notre-Dame de plomb, il lui demandait pardon de ses assassinats, et en commettait toujours de nouveaux. Il fit solliciter auprès du pape le droit de porter le surplis et l'aumusse, et de se faire oindre une seconde fois de l'ampoule de Reims, au lieu d'implorer la miséricorde de l'Etre suprême, de laver ses mains souillées de tant de meurtres commis avec le glaive de la justice. S'il avait un cœur pervers, du moins il possédait de grands talents. Il avait du courage, connaissait les hommes et les affaires, et portait tout son conseil dans sa tète. Prodigue par politique, autant qu'avare par goût, il savait donner en roi. Paris, désolé par une contagion, fut repeuplé par ses soins; une police rigoureuse y régnait. S'il avait vécu plus longtemps, les poids et les mesures auraient été uniformes dans ses Etats. Ce fut lui qui établit les postes, jusqu'alors inconnues. Deux cent trente courriers en France, à ses gages, portaient les ordres du monarque et les lettres des particuliers dans tous les coins du royaume. Il est vrai qu'il leur fit payer chèrement cet établissement; il augmenta les tailles de trois millions, et leva, pendant vingt ans, 4,700,000 liv. par an ce qui pouvait faire environ 23 millions d'aujourd'hui; au lieu que Charles VII n'avait jamais levé par an que 4,800,000 fr. En augmentant son pouvoir sur ses peuples par ses rigueurs, il augmenta son royaume par sa politique. L'Anjou, le Maine, la Provence, la Bourgogne et quelques autres grands fiefs, furent réunis sous lui à la couronne. Ce prince a fait recueillir les Cent Nouvelles nouvelles, ou histoires contées par différents seigneurs de sa cour, dont la belle édition est d'Amsterdam, 1701, 2 vol. in-8°, figures de Hoogue. Si l'on en croit quelques auteurs, c'est sous son règne, en 1469, que le prieur de Sorbonne fit venir des imprimeurs de Mayence; Charles VII avait déjà tâché, quoique sans succès, d'introduire cet art en France. Duclos, historiographe de France, a publié l'Histoire de ce prince, en 3 vol. in-12: elle est curieuse, intéressante et bien écrite.

LOUIS XII, roi de France, né à Blois, en 1442, de Charles duc d'Orléans et de Marie de Clèves, parvint à la couronne en 1498, après la mort de Charles VIII. Louis XI, avant de mourir, avait déclaré sa fille, madame de Beaujeu, régente du royaume, pendant la minorité de Charles VIII. Le duc de Bourbon et le duc d'Orléans, depuis Louis XH, disputerent l'autorité à la duchesse; mais, le roi ayant été déclaré majeur par les états tenus à Tours, le duc d'Orléans n'obtint que la présidence du conseil : il était marié avec Jeanne, seconde fille du feu roi. Ayant subi plusieurs désagréments de la part de la régente, il quitta la cour, et se réfugia en Bretagne, où il s'éprit de la célèbre Anne, fille et héritière du due

François II. La princesse de Beaujeu convoqua un lit de justice et fit déclarer rebelle le duc d'Orléans, qui leva bientôt une armée; mais il fut battu par La Trémouille et fait prisonnier. Trainé de prison en prison, le duc Louis fut enfermé à la tour de Bourges, dans une cage de fer, où il demeura trois ans. Enfin les prières de sa femme auprès de Charles VIII lui obtinrent la liberté. Il coopéra ensuite, et malgré sa passion, au mariage de Charles avec Anne de Bretagne, et suivit ce monarque en Italie, où il se distingua dans Novare, par sa valeur et son intelligence. A son retour en France, Charles VIII mourut, et le duc d'Orléans monta sur le trône, sous le nom de Louis XII. Son caractère bienfaisant ne tarda pas à éclater: il soulagea le peuple et pardonna à ses ennemis. Louis de La Trémouille l'avait fait prisonnier à la bataille de Saint-Aubin; il craignait son ressentiment; il fut rassuré par ces belles paroles: «Ce n'est point au roi de France à venger les querelles du duc d'Orléans. » Stimulé par l'esprit de conquète, il jeta ses vues sur le Milanais, sur lequel il prétendait avoir des droits par son aïeule Valentine, sœur unique du dernier duc de la famille des Viscontis. Ludovic Sforce en était possesseur; le roi envoya une armée contre Sforce en 1499, et en moins de vingt jours, le Milanais fut à lui. Il fit son entrée dans la capitale, le 6 octobre de la même année; mais, par une de ces révolutions si ordinaires dans les guerres d'ltalie, le vaincu rentra dans son pays, d'où on l'avait chassé, et recouvra plusieurs places. Sforce, dans ce rétablissement passager, payait un ducat d'or pour chaque tète de Français qu'on lui apportait. Louis XII fit un nouvel effort: il renvoya Louis de La Tremouille, qui reconquit le Milanais. Les Suisses qui gardaient Sforce le livrèrent au vainqueur. Maitre du Milanais et de Gènes, le roi de France voulut avoir Naples; il s'unit avec Ferdinand-le-Catholique pour s'en emparer. Cette conquète fut faite en moins de quatre mois, l'an 1501. Frédéric, roi de Naples, se remit entre les mains de Louis XII, qui l'envoya en France, avec une pension de 120,000 livres de notre monnaie d'aujourd'hui. A peine Naples fut-il conquis, que Ferdinand-le-Catholique s'unit avec Alexandre VI pour en chasser les Français. Ses troupes, conduites par Gonsalve de Cordoue, qui mérita si bien le titre de grand capitaine, s'emparèrent en 1503 de tout le royaume, après avoir gagné les batailles de Séminare et de Cérignole. Cette guerre finit par un traité honteux, en 1505; le roi y promettait la seule fille qu'il eût d'Anne de Bretagne, au petitfils de Ferdinand, à ce prince depuis si terrible à la France sous le nom de Charles-Quint. Sa dot devait être composéc de la Bourgogne et de la Bretagne, et on abandonnait Milan et Gènes, sur lesquels on cédait ses droits. Ces conditions parurent si onéreuses aux états assemblés à Tours en 1506, qu'ils arrêtèrent que ce mariage ne se ferait point. Les Genois se révoltèrent la mème année contre Louis XII. Il repassa les monts, les défit, entra dans leur ville en vainqueur, et leur pardonna. L'année 1508 fut remarquable par la ligue de Cambrai, formée par Jules II; le roi de France y entra, et défit les Vénitions, à la bataille d'Aignadel, le 14 mai 1509; la prise de Crémone, de Padoue et de plusieurs autres places fut le fruit de cette victoire. Jules II, qui avait obtenu par les armes de Louis XII à peu près ce qu'il voulait, n'avait plus d'autre crainte que celle de voir les Français en Italie. Il se ligua contre eux; le jeune Gaston de Foix, duc de Nemours, repoussa une armée de Suisses, prit Bologne, et gagna, en 1511, la bataille de Ravenne, où il perdit la vie. La gloire des armes françaises ne se soutint pas le roi était éloigné, les ordres arrivaient trop tard, et quelquefois se contredisaient. Son économie, quand il fallait prodiguer l'or, donnait peu d'émulation; l'ordre et la discipline étaient inconnus parmi les troupes. En moins de trois mois, les Français furent forcés de sortir de l'Italie; le maréchal Trivulce, qui les commandait, abandonna, l'une après l'autre, les villes qu'ils avaient prises, du fond de la Romagne aux confins de Savoie. Louis XIt eut la mortification de voir établir dans Milan, par les Suisses, le jeune Maximilien Sforce, fils du duc, mort prisonnier dans ses états. Gènes, où il avait étalé la pompe d'un roi asiatique reprit sa liberté et chassa les Français. Elle fut soumise de nouveau; mais la perte de la bataille de Novare, gagnée par les Suisses contre La Trémouille, le 6 juin 1543, fut l'époque de la totale expulsion des Français; l'empereur Maximilien, Henri VIII et les Suisses attaquerent à la fois la France; les Anglais mirent le siége devant Térouane, qu'ils prirent après la journée de Guinegate, dite la journée des éperons, où les troupes françaises furent mises en déroute sans presque livrer de combat; la prise de Tournai suivit celle de Térouane; les

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