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Dieu choisit lui-même cette maison pour y faire éclater sa puis

sance.

Ce ne sont point des hommes qui font ces miracles par une vertu inconnue et douteuse, qui nous oblige à un difficile discernement. C'est Dieu même ; c'est l'instrument de la passion de son fils unique qui, étant en plusieurs lieux, a choisi celui-ci, et fait venir de tous côtés les hommes pour y recevoir ces soulagements miraculeux dans leurs langueurs.

La dureté des jésuites surpasse donc celle des Juifs, puisqu'ils ne refusoient de croire JÉSUS-CHRIST innocent que parcequ'ils doutoient si ces miracles étoient de Dieu. Au lieu que les jésuites ne pouvant douter que les miracles de Port-Royal ne soient de Dieu, ils ne laissent pas de douter encore de l'innocence de cette maison. Mais, disent-ils, les miracles ne sont plus nécessaires, à cause qu'on en a déja; et ainsi ils ne sont plus des preuves de la vérité de la doctrine. Oui. Mais quand on n'écoute plus la tradition, qu'on a surpris le peuple, et qu'ainsi, ayant exclu la vraie source de la vérité, qui est la tradition, et ayant prévenu le pape, qui en est le dépositaire, la vérité n'a plus de liberté de paroître: alors les hom mes ne parlant plus de la vérité, la vérité doit parler elle-même aux hommes. C'est ce qui arriva au temps d'Arius.

Ceux qui suivent JÉSUS-CHRIST à cause de ses miracles honorent sa puissance dans tous les miracles qu'elle produit; mais ceux qui, en faisant profession de le suivre pour ses miracles, ne le suivent en effet que parcequ'il les console et les rassasie des biens du monde ; ils déshonorent ses miracles quand ils sont contraires à leurs commodités.

C'est ce que font les jésuites. Ils relèvent les miracles : ils combattent ceux qui les convainquent. Juges injustes, ne faites pas des lois sur l'heure ; jugez par celles qui sont établies par vous-mêmes : Vos qui conditis leges iniquas.

La manière dont l'Église a subsisté est que la vérité a été sans contestation; ou si elle a été contestée, il y a eu le pape, et sinon il y a eu l'Église.

Le miracle est un effet qui excède la force naturelle des moyens qu'on y emploie, et le non-miracle est un effet qui n'excède pas la force qu'on y emploie. Ainsi ceux qui guérissent par l'invocation du diable ne font pas un miracle, car cela n'excède pas la force naturelle du diable.

Les miracles prouvent le pouvoir que Dieu a sur les cœurs par celui qu'il exerce sur les corps.

Il importe aux rois, aux princes, d'être en estime de piété ; et pour cela, il faut qu'ils se confessent à vous. (Des jésuites.) Les jansénistes ressemblent aux hérétiques par la réformation des mœurs; mais vous leur ressemblez en mal.

ARTICLE XVII.

PENSÉES DIVERSES SUR LA RELIGION.

I.

Le pyrrhonisme a servi à la religion; car, après tout, les hommes, avant JÉSUS-CHRIST, ne savoient où ils en étoient, ni s'ils étoient grands ou petits. Et ceux qui ont dit l'un ou l'autre n'en savoient rien, et devinoient sans raison et par hasard : et même ils croyoient toujours, en excluant l'un ou l'autre.

II.

Qui blâmera les chrétiens de ne pouvoir rendre raison de leur croyance, eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison? Ils déclarent au contraire, en l'exposant aux Gentils, que c'est une sottise, stultitiam, etc.; et puis vous vous plaignez de ce qu'ils ne la prouvent pas? S'ils la prouvoient, ils ne tiendroient pas parole: c'est en manquant de preuves qu'ils ne manquent pas de sens. Oui. Mais encore que cela excuse ceux qui l'offrent telle, et que cela les ôte du blâme de la produire sans raison, cela n'excuse pas ceux qui, sur l'exposition qu'ils en font, refusent de la croire.

III.

Croyez-vous qu'il soit impossible que Dieu soit infini sans parties? Oui. Je veux donc vous faire voir une chose infinie et indivisible: c'est un point se mouvant partout d'une vitesse infinie; car il est en tous lieux, et tout entier dans chaque endroit.

Que cet effet de nature, qui vous sembloit impossible auparavant, vous fasse connoître qu'il peut y en avoir d'autres que vous ne connoissez pas encore. Ne tirez pas cette conséquence de votre apprentissage, qu'il ne vous reste rien à savoir; mais qu'il vous reste infiniment à savoir.

IV..

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La conduite de Dieu, qui dispose toutes choses avec douceur est de mettre la religion dans l'esprit par les raisons, et dans le cœur par sa grace. Mais de vouloir la mettre dans le cœur et dans

l'esprit par la force et par les menaces, ce n'est pas y mettre la religion, mais la terreur. Commencez par plaindre les incrédules; ils sont assez malheureux. Il ne faudroit les injurier qu'au cas que cela servît; mais cela leur nuit.

Toute la foi consiste en JÉSUS-CHRIST et en Adam; et toute la morale, en la concupiscence et en la grace.

V.

Le cœur a ses raisons, que la raison ne connoît pas : on le sent en mille manières. Il aime l'être universel naturellement, et soimême naturellement, selon qu'il s'y adonne; et il se durcit contre l'un et l'autre, à son choix. Vous avez rejeté l'un et conservé l'autre est-ce par raison?

VI.

Le monde subsiste pour exercer miséricorde et jugement : non pas comme si les hommes y étoient sortant des mains de Dieu, mais comme des ennemis de Dieu, auxquels il donne, par sa grace, assez de lumière pour revenir s'ils veulent le chercher et le suivre, mais pour les punir s'ils refusent de le chercher et de le suivre.

VII.

On a beau dire, il faut avouer que la religion chrétienne a quelque chose d'étonnant ! C'est parceque vous y êtes né, dira-t-on ; tant s'en faut je me roidis contre par cette raison-là même, de peur que cette prévention ne me suborne. Mais quoique j'y sois né, je ne laisse pas de le trouver ainsi.

VIII.

Il y a deux manières de persuader les vérités de notre religion : l'une par la force de la raison, l'autre par l'autorité de celui qui parle. On ne se sert pas de la dernière, mais de la première. On ne dit pas Il faut croire cela; car l'Écriture, qui le dit, est divine; mais on dit : Qu'il faut le croire par telle et telle raison, qui sont de foibles arguments, la raison étant flexible à tout.

Ceux qui semblent les plus opposés à la gloire de la religion n'y seront pas inutiles pour les autres. Nous en ferons le premier argument, qu'il y a quelque chose de surnaturel : car un aveuglement de cette sorte n'est pas une chose naturelle; et si leur folie les rend si contraires à leur propre bien, elle servira à en garantir les autres par l'horreur d'un exemple si déplorable et d'une folie si digne de compassion.

IX.

Sans JÉSUS-CHRIST, le monde ne subsisteroit pas; car il faudroit, ou qu'il fût détruit, ou qu'il fût comme un enfer.

Le seul qui connoît la nature ne la connoîtra-t-il que pour être misérable? le seul qui la connoît sera-t-il le seul malheureux?

Il ne faut pas que l'homme ne voie rien du tout; il ne faut pas aussi qu'il en voie assez pour croire qu'il possède la vérité, mais qu'il en voie assez pour connoitre qu'il l'a perdue: car, pour connoître ce qu'on a perdu, il faut voir et ne pas voir; et c'est précisément l'état où est la nature.

Il falloit que la véritable religion enseignât la grandeur et la misère, portat à l'estime et au mépris de soi, et à l'amour et à la haine.

Je vois la religion chrétienne fondée sur une religion précédente, et voilà ce que je trouve d'effectif.

Je ne parle pas ici des miracles de Moïse, de JÉSUS-CHRIST et des apôtres, parcequ'ils ne paroissent pas d'abord convaincants, et que je ne veux mettre ici en évidence que tous les fondements de cette religion chrétienne qui sont indubitables, et qui ne peuvent être mis en doute par quelque personne que ce soit.

X.

La religion est une chose si grande, qu'il est juste que ceux qui ne voudroient pas prendre la peine de la chercher, si elle est obscure, en soient privés. De quoi donc se plaint-on si elle est telle qu'on puisse la trouver en la cherchant?

L'orgueil contre-pèse et emporte toutes les misères. Voilà un étrange monstre, et un égarement bien visible de l'homme. Le voilà tombé de sa place, et il la cherche avec inquiétude.

Après la corruption, il est juste que tous ceux qui sont dans cet état le connoissent, et ceux qui s'y plaisent, et ceux qui s'y déplaisent. Mais il n'est pas juste que tous voient la rédemption.

Quand on dit que JÉSUS-CHRIST n'est pas mort pour tous, vous abusez d'un vice des hommes qui s'appliquent incontinent cette exception: ce qui favorise le désespoir, au lieu de les en détourner pour favoriser l'espérance.

XI.

Les impies, qui s'abandonnent aveuglément à leurs passions sans connoître Dieu et sans se mettre en peine de le chercher, vérifient par eux-mêmes ce fondement de la foi qu'ils combattent, qui est que la nature des hommes est dans la corruption. Et les

Juifs, qui combattent si opiniâtrément la religion chrétienne, vérifient encore cet autre fondement de cette même foi qu'ils attaquent qui est que JÉSUS-CHRIST est le véritable Messie, et qu'il est venu racheter les hommes, et les retirer de la corruption et de la misère où ils étoient, tant par l'état où on les voit aujourd'hui, et qui se trouve prédit dans les prophéties, que par ces mêmes prophéties qu'ils portent, et qu'ils conservent inviolablement, comme les marques auxquelles on doit reconnoître le Messie. Ainsi les preuves de la corruption des hommes et de la rédemption de JÉSUS-CHRIST, qui sont les deux principales vérités qu'établit le christianisme, se tirent des impies qui vivent dans l'indifférence de la religion, et des Juifs qui en sont les ennemis irréconciliables.

XII.

La dignité de l'homme consistoit, dans son innocence, à dominer sur les créatures, et à en user; mais aujourd'hui elle consiste à s'en séparer, et à s'y assujettir.

XIII.

Il y en a plusieurs qui errent d'autant plus dangereusement, qu'ils prennent une vérité pour le principe de leur erreur. Leur faute n'est pas de suivre une fausseté, mais de suivre une vérité à l'exclusion d'une autre.

Il y a un grand nombre de vérités, et de foi, et de morale, qui semblent répugnantes et contraires, et qui subsistent toutes dans un ordre admirable.

La source de toutes les hérésies est l'exclusion de quelques unes de ces vérités; et la source de toutes les objections que nous font les hérétiques est l'ignorance de quelques unes de nos vérités.

Et d'ordinaire il arrive que, ne pouvant concevoir le rapport de deux vérités opposées, et croyant que l'aveu de l'une renferme l'exclusion de l'autre, ils s'attachent à l'une et ils excluent l'autre.

Les nestoriens vouloient qu'il y eût deux personnes en JésusCHRIST, parcequ'il y a deux natures; et les eutychiens, au contraire, qu'il n'y eût qu'une nature, parcequ'il n'y a qu'une personne. Les catholiques sont orthodoxes, parcequ'ils joignent ensemble les deux vérités de deux natures et d'une seule per

sonne.

Nous croyons que la substance du pain étant changée en celle

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