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S II. Du mal moral et du vice.

Nous venons de voir en quoi consistent le bien moral et la vertu; nous devons parler maintenant du mal et du vice. Il est vrai que l'objet propre de la morale est, comme nous l'avons dit, le Bien considéré dans ses rapports avec la volonté créée; d'où il suit que cette science doit surtout s'occuper de l'étude du Bien, de ses prescriptions, de la manière dont il entre en rapport avec la volonté, de la participation de celle-ci au Bien et des effets qui en résultent. Mais nous ne connaîtrions qu'imparfaitement les relations du Bien avec la volonté, si nous ne savions comment elle peut s'en éloigner, s'en détacher, et quelles sont les conséquences de cette séparation. L'étude du mal moral et de ses suites fait donc partie intégrante d'un cours de morale: l'étude du bien appelle l'étude du mal comme quelque chose de tristement corrélatif.

La volonté est libre. Le Bien, en se posant devant elle et en lui commandant, engendre le devoir si elle obéit, elle fait bien, et de là la vertu; si elle désobéit, elle fait mal, et ainsi naît le vice. Le mal moral a donc sa source dans le mauvais usage de la liberté il consiste dans la désobéissance et l'opposition à la loi morale, de même que le bien, son contraire, consiste dans l'obéissance et la conformité à la loi. En accomplissant les prescriptions de la loi, l'homme participe au Bien, et il est bon; en les transgressant, il s'écarte du Bien, et il devient mauvais.

Un acte est donc mauvais moralement lorsqu'il est posé librement en opposition à la loi morale. Que si des actes pareils se répètent, ils engendrent dans l'âme une propension, une inclination plus forte au mal, et c'est là ce qui constitue le .vice. Le vice peut se définir en général l'habitude du mal, ou l'habitude de faire des actes moralement mauvais. C'est une corruption de l'âme produite par la répétition fréquente d'actes mauvais, et qui nous dispose à commettre le mal plus facilement. De même que la vertu est une force morale, ainsi le vice est une véritable faiblesse.

Le mal moral résidant dans l'opposition à la loi morale, il s'ensuit qu'il consiste aussi dans l'opposition à l'ordre et par

conséquent dans le désordre. En effet la loi prescrit le maintien des rapports conçus et voulus par Dieu; or l'ensemble de ces rapports constitue l'ordre universel; donc les violer c'est violer l'ordre, s'en écarter c'est s'écarter de l'ordre, c'est tomber dans le désordre. Le mal moral est donc toujours un désordre; et comme nous avons défini la vertu, avec S. Augustin, l'amour de l'ordre, nous pourrions définir le vice, la haine de l'ordre. L'homme qui fait le mal ou le péché est opposé à l'ordre; il hait, par l'acte qu'il pose, le plan conçu et voulu par Dieu, il le brise dans la sphère où s'étend son action, et il trouble ainsi l'harmonie universelle. De là la laideur du vice, laquelle frappe surtout les âmes vertueuses, qui, étant dans l'ordre, sentent plus vivement tout ce que le désordre a de repoussant.

En poursuivant le parallèle du vice et de la vertu, nous pouvons ajouter que, comme la vertu consiste dans la ressemblance de l'homme avec Dieu, ainsi le vice consiste dans l'opposition de l'homme avec Dieu. Et comme nous avons dit que la vertu, en tant qu'agissante, réside toujours dans l'amour de Dieu, de même on peut affirmer que le vice réside, du moins implicitement, dans la haine de Dieu. Le vice renferme la haine de l'ordre; or haïr l'ordre c'est haïr les conceptions de Dieu, c'est haïr le reflet de ses perfections, le reflet de sa propre nature; c'est donc haïr cette même nature, c'est haïr Dieu lui-même. Il s'ensuit que dans tout péché, dans tout vice, est renfermée, du moins implicitement, la haine de Dieu. Aussi c'est une chose bien digne de remarque que Jésus-Christ, dans l'Évangile, ne distingue que ces deux classes de personnes : celles qui aiment Dieu et celles qui le haïssent.

Enfin, de même que la vertu constitue le perfectionnement moral de l'homme, ainsi le vice est pour lui une dégradation. L'homme qui fait le mal s'éloigne de l'ordre, de l'harmonie, de la beauté; il s'éloigne de tout ce qui est noble et élevé, il s'éloigne de Dieu, type suprême de toute perfection. Par conséquent il se dégrade et s'avilit; et la dégradation de cet homme est d'autant plus profonde qu'il s'éloigne davantage de Dieu. Plus l'homme commet le mal, plus il est vicieux, plus aussi il devient vil et méprisable.

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S III. Du mérite et du démérite.

La notion du mérite est étroitement liée à celle de la vertu, et le concept du démérite à celui du mal moral et du vice. Quelques mots suffiront sur ces deux nouveaux concepts, qui, on le comprend aisément, sont des éléments essentiels d'un cours de morale.

Lorsque l'homme a fait une bonne action, lorsqu'il a posé un acte vertueux, il a acquis par cela même un titre à la récompense et au bonheur, il est devenu digne de récompense; c'est là ce qui constitue le mérite. Le mérite est le produit direct et immédiat de la vertu. Nous pourrions le définir, la valeur morale de la vertu ou encore, le droit à la récompense, provenant de la vertu.

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Le mérite, se fondant uniquement sur la vertu, lui est toujours rigoureusement proportionné. L'homme est digne d'une récompense plus ou moins grande selon qu'il est plus ou moins vertueux.

Le démérite est l'opposé du mérite. Quand l'homme a posé un acte mauvais, il est par ce fait même devenu digne de punition et de châtiment; c'est là ce qui constitue le démérite. Le démérite est donc l'effet direct et immédiat du mal moral et du vice: l'idée du mal emporte avec soi celle de peine, de châtiment mérité. Nous ne séparons jamais ces deux choses : sitôt que nous avons conçu la faute, nons concevons en même temps que cette faute doit être punie; en sorte que l'idée du démérite est inséparablement unie à l'idée de la faute. Cette même idée est accompagnée dans le coupable du remords de la conscience, comme l'idée du mérite est accompagnée dans l'homme vertueux du bon témoignage que la vertu se rend à elle-même.

Le démérite étant la conséquence de la faute et se fondant uniquement sur elle, il lui est strictement proportionné : l'homme est digne d'un châtiment plus ou moins fort, selon qu'il est plus ou moins coupable. La faute est la mesure du démérite, comme la vertu est la mesure du mérite.

Chapitre VII.

DE LA SANCTION DE LA LOI MORALE.

Le mérite et le démérite sont les concepts intermédiaires qui unissent d'une part la vertu au bonheur comme récompense, et de l'autre le vice au malheur comme punition. Le mérite contient la promesse de la récompense, le démérite la menace du châtiment. Or la récompense ou le bonheur d'un côté, le châtiment ou le malheur de l'autre, voilà la sanction de la loi morale.

Nous avons vu, en parlant du Bien devenu loi morale, qu'il commande à la volonté avec une autorité souveraine, et qu'en commandant il promet de récompenser l'obéissance et menace de punir la transgression. Nous avons vu ensuite comment la volonté, en obéissant à la loi, devient bonne et vertueuse, et acquiert ainsi un titre à cette récompense promise, ou bien comment, en contrevenant aux prescriptions de la loi, elle devient mauvaise et se rend digne par là des peines dont elle est menacée. Nous devons maintenant étudier de plus près ce côté de l'ordre moral; nous devons nous occuper spécialement de cette récompense et de ce châtiment qui forment la sanction de la loi.

Tel sera l'objet de ce chapitre, qui est nécessairement le dernier de la partie générale et théorique de la morale; car il ferme le cycle des rapports du Bien avec la volonté créée. Nous allons voir, dans ce chapitre, l'homme arrivé, par le bon usage de son libre arbitre, à sa fin et au bonheur, ou bien, par

suite du mauvais usage de sa liberté, séparé à jamais de sa fin et fixé dans le malheur.

SI. La loi morale a une sanction.

Toute loi, pour se faire obéir, doit avoir une garantie suffisante; cette garantie se trouve dans la sanction. La sanction, prise dans le sens formel, c'est la promesse d'une récompense pour ceux qui observent la loi, et la menace d'un châtiment pour ceux qui la transgressent. Considérée objectivement, la sanction est l'ensemble des peines et des récompenses destinées à assurer l'exécution de la loi.

Constatons rapidement la réalité de la sanction pour la loi morale.

Que la loi morale ait une sanction, c'est une vérité évidente aux yeux de tout homme qui pense. Quiconque fait bien doit être récompensé; quiconque fait mal doit être puni: voilà un principe qui a la valeur d'un axiome; il n'est contredit par aucun homme sensé, et il est proclamé par tous les peuples de l'univers. La loi se révèle à la conscience comme devant récompenser le bien et punir le mal; c'est de là que naissent, du moins en partie, le remords de la conscience, qui est chez le coupable un commencement de punition, et la satisfaction intérieure, qui est chez le juste un commencement de récompense. La sanction de la loi morale est donc pour chacun de nous une vérité évidente.

Toutefois nous ne pouvons nous contenter de cette évidence générale que le philosophe partage avec le vulgaire, nous devons tâcher d'acquérir de cette vérité une évidence réfléchie et scientifique; et pour cela il faut nous rendre compte de notre conviction en analysant les éléments qui la forment. Or voici, je crois, les principaux éléments qui entrent dans notre conviction.

La sanction de la loi morale dérive nécessairement de la sainteté et de la justice de Dieu.

1° Dieu est saint. La sainteté divine se confond avec le Bien absolu, c'est Dieu en tant qu'il s'aime lui-même : Dieu est

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