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donc la sainteté absolue comme il est le bien absolu. En vertu de sa sainteté, il aime nécessairement ce qui est conforme à sa nature, c'est-à-dire le bien, il hait nécessairement ce qui lui est opposé, c'est-à-dire le mal. Donc il récompense nécessairement le premier et punit nécessairement le second. L'amour et la haine de Dieu ne sont point des sentiments stériles, inactifs, ne se traduisant par aucun effet extérieur; il les manifeste nécessairement à l'égard des hommes, qui sont sous sa puissance et sous sa conduite. Il manifeste son amour du bien en le récompensant, et sa haine du mal en le punissant. Prétendre que Dieu ne doit pas récompenser le bien et punir le mal, c'est dire qu'il peut placer sur la même ligne le bien et le mal, qu'il est indifférent à l'un et à l'autre, qu'il aime autant l'un que l'autre : c'est donc détruire sa sainteté, c'est l'anéantir lui-même.

2o Dieu est juste; il est la justice par essence, la justice souveraine et absolue. En vertu de sa justice, Dieu rend à chaque étre ce qui lui est dû, il traite chaque créature raisonnable selon sa conduite, selon son mérite: c'est là ce qu'emporte l'idée de la justice divine appliquée aux créatures. Donc Dieu doit récompenser la créature libre qui se conduit bien, et punir celle qui se conduit mal. Quiconque révoque en doute cette conclusion doit nier la justice divine, et par conséquent nier Dieu lui-même.

3o La sanction de la loi morale se prouve par la nature même de cette loi. Pour le comprendre, il suffit de considérer l'objet de la loi. Que prescrit-elle en effet? Elle prescrit le maintien des rapports qui dérivent de la nature des êtres. Ceux donc qui l'observent suivent les lois de leur nature, ils sont dans l'ordre, et ils arrivent ainsi à leur fin; ceux au contraire qui la violent transgressent par là même les lois de leur nature, ils se placent dans un état contre nature, et s'éloignent ainsi de leur fin. Voilà des notions qui découlent évidemment de la nature même de la loi morale. Eh bien, si l'on veut y regarder attentivement, on verra que ces mêmes notions expriment la sanction de la loi, c'est-à-dire le bonheur et le malheur qu'entraînent son observation ou sa violation. En effet le bonheur d'un être consiste à se trouver dans un état conforme à sa na

ture et à atteindre sa fin; le bonheur complet n'existe qu'au moment où la fin est atteinte; c'est alors seulement que toutes les tendances et toutes les facultés sont pleinement satisfaites. D'un autre côté le malheur d'un être consiste à se trouver dans un état contraire à sa nature, à être privé de sa fin tout être qui n'est point à sa place se trouve par cela même dans un état violent, dans un état de peine et de souffrance. Ainsi l'homme qui observera la loi morale sera nécessairement heureux, et par conséquent récompensé; l'homme qui la violera sera nécessairement malheureux, et par conséquent puni.

SII. La sanction de la loi morale est complète et parfaite.

1. Nous appelons sanction complète celle qui, d'un côté, récompense l'observation de la loi, et de l'autre en punit la transgression; elle est incomplète si elle punit seulement la transgression de la loi sans en récompenser l'observation. Les lois humaines n'ont en général qu'une sanction incomplète elles punissent ceux qui les violent, mais elles ne récompensent point ceux qui les observent. Mais la sanction de la loi morale est complète, puisque, comme nous l'avons établi, non-seulement elle punit le mal, mais elle récompense encore le bien.

2. Nous appelons sanction parfaite celle qui d'une part ne laisse sans récompense aucun acte conforme à la loi, et de l'autre ne laisse impuni aucun acte contraire à la loi, et qui en outre observe dans la distribution des récompenses et des châtiments une proportion rigoureuse. La sanction des lois humaines est toujours imparfaite, parce qu'elles n'atteignent jamais que les actes extérieurs, et encore ordinairement les transgressions qui ont quelque gravité. Mais la sanction de la loi morale est parfaite : il n'est pas un seul acte bon qui reste sans récompense, pas un seul acte mauvais qui demeure impuni. La raison en est simple. Dieu voit les actes les plus secrets, rien n'échappe à ses regards; et comme il est la justice même, il doit tenir compte de la valeur morale de chaque ac

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tion. La même raison prouve que Dieu doit observer dans la distribution des récompenses et des châtiments une proportion rigoureuse; la grandeur des récompenses et des châtiments croit en raison directe du mérite ou du démérite des actes posés par la volonté créée; Dieu tient compte de tous les degrés de bonne ou de mauvaise volonté.

S III. La sanction de la loi morale s'accomplit dans une autre vie.

Nous venons de constater la réalité et les caractères généraux de la sanction de la loi morale; il nous reste à examiner quand et de quelle manière cette sanction s'effectue. Or voici le principe général que nous pouvons établir: la loi morale a, durant cette vie, un commencement de sanction; mais la sanction complète et parfaite, telle que nous l'avons définie, n'existe que dans la vie future.

1. La vertu en cette vie a une certaine récompense, et le vice subit un certain châtiment. La raison en est que la vertu place l'homme dans l'ordre, dans un état conforme aux lois de sa nature; or cet état produit de lui-même la paix, la jouissance, et par conséquent un certain bonheur. Le contraire arrive à l'homme coupable. La faute produit chez lui un certain malaise, une peine, une souffrance, parce qu'elle contrarie les lois de sa nature. Il est certain que le méchant est déjà malheureux sur la terre. On pourrait ajouter que généralement la vertu éloigne de l'homme une foule de misères physiques qui s'attachent d'ordinaire au vice.

2. La loi morale a donc réellement un commencement de sanction en cette vie. Mais d'abord il est à remarquer que ce commencement de sanction s'appuie lui-même en partie sur la sanction plus complète de la vie future: cette jouissance intime qui naît de la vertu, de même que ce malaise profond qu'engendre le vice, sont causés en partie par l'idée de la vie future. L'espoir de la récompense et la crainte du châtiment qui attendent l'homme au-delà du tombeau ont une grande part dans la joie du juste et dans le remords du coupable; et

notre

jamais l'âme, quoi qu'on en dise, ne peut perdre entièrement de vue ces peines et ces récompenses de l'autre vie existence actuelle se rattache à une existence supérieure par des liens infinis et des plus étroits, que des esprits distraits et superficiels peuvent ne pas apercevoir, mais qui n'en sont pas moins visibles aux yeux de tout homme attentif. Toutes les fois que nous pensons à la vertu ou au vice, nous pensons en même temps au bonheur et au malheur qui doivent les accompagner, parce que nous avons toujours sous les yeux cette sainteté et cette justice absolue de Dieu, qui récompensent le bien et punissent le mal. Otez ce rapport nécessaire de la vie présente avec la vie future, et ce commencement de sanction, que nous avons défini, n'existera plus."'

Au reste, cette sanction est évidemment insuffisante et incomplète. Car d'abord, durant le cours de cette vie, le juste est soumis comme le coupable à ces misères générales qui sont le triste lot de l'humanité tout entière, comme les infirmités, les maladies, les contre-temps de tout genre. Ensuite il arrive assez fréqueminent que le juste est opprimé et persécuté par le coupable; ce qui assurément serait contraire à toute idée de justice, s'il n'y avait point une autre vie où tout rentre dans l'ordre. « Quand, dit J. J. Rousseau, je n'aurais d'autre preuve de l'immortalité de l'âme que le triomphe du méchant et l'oppression du juste dans ce monde, cela seul m'empêcherait d'en douter. Une contradiction si manifeste, une si choquante dissonance dans l'harmonie universelle me forcerait de la résoudre; je me dirais : tout ne finit pas pour moi avec la vie, tout rentre dans l'ordre à la mort. »

Ajoutons que, à part même ces considérations particulières, les peines et les récompenses ne sont nullement proportionnées aux actes posés par le coupable et par le juste. Souvent la vertu demande des efforts et des sacrifices dont le bonheur qu'elle procure n'est point une rétribution suffisante, tandis que, d'un autre côté, le remords qu'éprouve le coupable n'est point une punition proportionnée à la faute; d'autant plus que d'ordinaire le remords s'affaiblit à mesure que l'homme devient plus criminel.

Il existe donc une autre vie où la sanction de la loi morale

s'effectue pleinement. Il nous reste maintenant à établir en quoi consiste cette sanction de l'autre vie; et par conséquent nous devons traiter du bonheur et du malheur suprêmes de l'homme, car c'est en cela que réside la sanction de la loi.

S IV. Du bonheur et du malheur suprêmes.

Article I. Du souverain bonheur.

L'idée même du bonheur complet emporte, d'un côté, l'exemption de toute peine, et, de l'autre, une jouissance pleine et entière. Ce bonheur, qui doit être la conséquence de l'observation de la loi morale, ne se réalise pas, nous venons de le voir, durant le cours de la vie actuelle, il ne peut avoir sa réalisation que dans la vie future. En quoi donc consiste-til? quelle en est l'essence? qu'est-ce qui le constitue? Evidemment le bonheur de l'homme doit consister dans la réalisation de sa fin dès qu'il atteint la fin de sa nature, il doit être heureux, parce que toutes ses facultés, toutes ses puissances sont pleinement satisfaites, et qu'alors aussi rien. ne peut plus le contrarier. Or la fin de l'homme c'est la possession de Dieu.

Cette vérité est attestée par toutes les tendances et par toutes les aspirations de notre nature. L'intelligence et le cœur de l'homme aspirent à ce qui est absolu, nécessaire, immuable, infini; il ne leur est pas possible de trouver leur satisfaction dans les créatures, dans les choses qui passent et qui sont bornées : rien de fini ne peut leur suffire. Il y a dans le cœur de l'homme comme un vide immense que la possession de Dieu seul peut combler. C'est ce qui a fait dire à S. Augustin ces paroles dont toute âme humaine éprouve, à chaque instant, la profonde vérité : « Vous nous avez faits, pour vous, ô mon Dieu, et notre cœur est dans l'agitation jusqu'à ce qu'il repose en vous (1). » Il faut en dire autant de notre intelligence; l'in

(1) << Fecisti nos ad te, et inquietum est cor nostrum donec requiescat in te. » Confess., lib. I, c. 1.

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