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ne cherche que l'indépendance; c'est une humilité trompeuse et hypocrite. On veut s'exagérer à soi-même sa bassesse, son néant, et la disproportion infinie qui est entre Dieu et soi, pour secouer le joug de Dieu, et pour devenir une espèce de petite divinité à sa mode, en contentant toutes ses passions déréglées, et se faisant le centre de tout ce qui est autour de soi. On est ravi de mettre Dieu dans une supériorité et une disproportion infinie, où il ne daigne, ni nous observer, ni nous rapporter à sa gloire, ni s'intéresser à nous, ni nous redresser. ni nous perfectionner, ni nous récompenser, ni nous punir... En faisant semblant d'élever Dieu de la sorte, on le dégrade: car on en fait un Dieu indolent sur le bien et sur le mal, sur le vice et sur la vertu de ses créatures, sur l'ordre et sur le désordre du monde qu'il a formé. En faisant semblant de s'abaisser soi-même, on s'érige en divinité, on renverse toute subordination, on se donne toute licence, on veut se mettre audessus de la raison même (1).

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On dit encore que Dieu n'a nul besoin de nos hommages... Je réponds par une distinction qui est fort simple. Dieu n'a pas besoin de nos hommages, en ce sens qu'ils lui soient nécessaires pour être heureux, cela est évident; il se suffit pleinement à lui-même. Mais il en a besoin en ce sens, qu'étant la raison absolue, il doit prescrire tout ce que l'ordre réclame, tout ce que la raison demande, et punir tout ce qui y est opposé.

SII. Du culte extérieur.

Le culte extérieur n'est autre chose que le culte intérieur manifesté par des signes sensibles.

Ce culte extérieur est dû à Dieu, et il est nécessaire comme expression et complément du culte intérieur. En effet, 1° il est évident que l'homme doit à Dieu l'hommage de tout son être. puisqu'il le tient tout entier de lui. Or l'homme est composé de deux substances; il n'a pas seulement une âme, il a aussi

(1) Loc. cit., n. X.

un corps. Il faut donc qu'il pose, en l'honneur de Dieu, des actes où le corps ait une part, des actes sensibles, extérieurs, auxquels le corps concoure.

2o D'ailleurs le culte extérieur découle naturellement et nécessairement du culte intérieur; celui-ci ne peut exister sans celui-là. Nous sommes constitués de telle sorte, que nous manifestons naturellement par des signes extérieurs les sentiments qui affectent notre âme, pour peu qu'ils aient de vérité et d'intensité. Si donc il est vrai que notre âme doit éprouver pour Dieu de vifs sentiments de religion, il faut admettre aussi que ces sentiments doivent se produire extérieurement et revêtir une forme sensible. « Ce que l'homme sent vivement, dit M. Bautain, tend à se manifester par les moyens d'expression dont il est doué. Toute impression amène naturellement une expression. Quand nous éprouvons pour quelqu'un un sentiment de bienveillance ou d'aversion, nous sommes portés à le laisser paraître; il perce souvent malgré nous, et le manifester nous est un soulagement ou une consolation... La pensée est pressée de s'exprimer par la parole... Plus les émotions sont profondes, mystérieuses, plus aussi, après la première impression, nous avons besoin de les épancher... Le sentiment religieux et le culte de l'esprit qui en ressort, tendent donc spontanément à se manifester. Cette tendance produit le culte extérieur, forme du culte intérieur aussi ancienne que lui, comme la parole est contemporaine de la pensée...; et l'un et l'autre, conséquences nécessaires du rapport de l'humanité avec Dieu, ont commencé avec ce rapport (1).

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3o Le culte extérieur est nécessaire au culte intérieur luimême pour le nourrir et le soutenir. L'homme, à cause de son corps, est toujours plus ou moins dominé par les choses sensibles, il a besoin de signes extérieurs qui le rappellent à Dieu et entretiennent ses sentiments religieux. Otez les cérémonies du culte, et bientôt tout sentiment religieux aura disparu. Le peuple, j'en conviens, en a un besoin plus grand que les hommes instruits, parce qu'il se conduit davantage par les sens; mais les hommes les plus cultivés et les plus méditatifs en ont

(1) Philosophie morale, part. II, chap. V, § 63.

toujours besoin aussi, par la raison très-simple qu'ils demeurent toujours hommes. Nous subissons tous l'empire des choses sensibles.

On sait que les Protestants ont beaucoup déclamé contre les cérémonies du culte catholique, et que plusieurs des réformateurs auraient voulu supprimer entièrement le culte extérieur. Autant vaudrait supprimer le corps de l'homme.« Il ne faut pas se méconnaître, dit Pascal, nous sommes corps autant qu'esprit. >>

Le culte extérieur peut être ou privé ou public. Il est privé, lorsqu'il est rendu par les individus en tant qu'individus. Il est public, lorsqu'il est rendu en commun, au nom d'une société, selon des rites déterminés. C'est un culte solennel, qui demande une organisation extérieure ; il lui faut des temples, des autels, des cérémonies, des prêtres.

Le culte extérieur ne saurait demeurer un culte privé, il devient nécessairement public, il prend naturellement une forme commune et sociale. L'homme n'est point fait pour vivre isolé; il est naturellement social, et il l'est dans l'ordre religieux comme dans l'ordre civil et purement terrestre la communauté ou la société religieuse est une conséquence nécessaire de sa nature essentiellement sociale. Mais dès qu'il y a communauté, société religieuse, cette société doit avoir une expression; il faut donc une expression publique, commune, des sentiments religieux des différents membres qui la composent. Dès lors apparaît le culte public avec ses cérémonies et ses rites solennels. Il est le lien religieux de la société. Le culte extérieur revêt donc nécessairement la forme d'un culte public et social.

Aussi chez tous les peuples et à toutes les époques de la vie du genre humain, nous trouvons un culte public en l'honneur de la Divinité; partout nous rencontrons des temples, des autels, des prêtres, des cérémonies publiques et solennelles. Ce fait universel et constant suffirait à prouver que le culte public est réellement fondé sur les lois de la nature.

On objecte contre le culte extérieur en général 1°que Dieu est esprit, et que par conséquent il doit être adoré en esprit

et en vérité; donc il suffit de l'honorer par un culte intérieur.

Réponse. Dieu est esprit, et doit être adoré en esprit et en vérité, rien de plus juste. Mais que suit il de là? Il s'ensuit que le culte extérieur, pour être digne de Dieu, doit être uni au culte intérieur et vivifié par lui, mais n non que le culte extérieur soit inutile.

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On objecte 2o. Le corps n'est capable ni de mérite ni de démérite donc le culte extérieur ne peut être une obligation pour l'homme.

Réponse. Je nie la conséquence, et je distingue l'antécédent. Le corps par soi est incapable de mérite et de démérite, je l'accorde volontiers, puisque pour mériter il faut être intelligent et libre; mais le corps, en tant que régi et dirigé par l'âme, peut mériter et démériter; ou plutôt, pour parler plus exactement, c'est l'âme qui alors mérite et démérite par le corps.

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Nous n'en dirons pas davantage sur le culte tant intérieur qu'extérieur que l'homme doit à Dieu, nous devons nous borner à poser des principes. Plusieurs moralistes chrétiens placent en cet endroit de la morale une courte démonstration de la vraie religion. Ils recherchent quel est en particulier le culte que Dieu a prescrit à l'homme, et par conséquent quelle est la vraie religion; car le culte n'est que l'expression pratique de la religion. Mais la démonstration de la vraie religion' ne rentre point dans le cercle de la philosophie morale. Tout ce que nous pouvons dire ici, c'est que l'homme est tenu d'embrasser la vraie religion, et de rendre à Dieu le culte qu'il demande et comme il le demande.

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Une première question se présente tout d'abord, à savoir si et comment l'homme peut être lié par des devoirs envers soi-même.

M. Bautain condamne absolument cette dénomination de devoirs envers soi-même, il la regarde comme contraire à l'esprit chrétien et même au bon sens : « Admettre des devoirs envers soi, dit-il, c'est revenir à la doctrine antique de l'autonomie, proclamée par tous les philosophes païens, par la philosophie purement humaine, combattue et renversée par le christianisme, comme le système le plus contraire à la parole divine, et qui cependant par préjugé, par imitation et par habitude, reparaît chez la plupart des moralistes modernes ; chez ceux-là mêmes qui ont de la foi et veulent être chrétiens (1). L'homme, dit-il encore, n'a rien de lui, il a tout reçu, et ainsi il ne peut rien se devoir à lui-même; en outre, tout devoir entraîne une obligation, et nul ne peut s'obliger envers soi-même (2). On voit que M. Bautain rejette la dénomination de devoirs envers soi, parce qu'il entend par là des devoirs dont l'homme serait lui-même le principe.

>> -- K

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