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que l'homme cherche à être heureux. Toute la question est de savoir en quoi consiste le bonheur. Or le bonheur de l'homme consiste et ne peut consister que dans l'accomplissement de sa fin, dans la réalisation de sa destinée (nous l'avons prouvé antérieurement). Mais le suicide détourne l'homme de sa fin. Donc il est toujours opposé à son bonheur, et par conséquent à la véritable voix de la nature. Quant à ce que l'on dit de la vie présente, qu'elle est souvent un malheur pour nous, je réponds d'abord que la vie présente étant une vie d'épreuve, il n'est pas raisonnable d'y chercher une félicité entière: elle est le chemin du bonheur, et non le bonheur même. J'ajoute qu'elle n'est jamais un malheur réel que par notre faute; car la souffrance acceptée et supportée avec une humble résignation est une source féconde de mérite, et par suite une semence abondante de félicité. Soyez chrétien et vous saurez souffrir.

On objecte 2o. Le suicide, du moins dans certaines circonstances, est un acte de courage et même d'héroïsme, comme le prouvent les exemples de Caton, de Brutus...; donc le suicide est louable.

Réponse. Le courage, pour être vrai et pur, doit avoir un objet légitime et raisonnable; or le suicide est criminel. D'ailleurs le courage n'est point la mesure du bien et du mal, du juste et de l'injuste. Cette objection nous est une preuve nouvelle que les défenseurs du suicide ne songent guère à le justifier par des raisons tirées de l'ordre moral; et pourtant il s'agit uniquement d'apprécier la moralité de cet acte. Mais du reste on peut dire que le suicide est plutôt un acte de lâcheté que de courage : c'est dans l'adversité que se montre le vrai courage; et celui qui se donne la mort ne le fait que pour se délivrer des maux qu'il n'a pas la force de supporter. C'est ce qui a fait dire au poëte Martial :

Rebus in angustis facile est contemnere vitam.
Fortiter ille facit qui miser esse potest.

Chapitre III.

DES DEVOIRS DE L'HOMME ENVERS SES

SEMBLABLES.

Veux ce que Dieu veut; maintiens les rapports conçus et voulus par Dieu, là est tout ensemble le fondement et la règle des devoirs de l'homme envers ses semblables. La vraie base de ces devoirs est toujours la loi morale ou la volonté absolue de Dieu. Nous les appelons donc devoirs envers nos semblables, non parce que ceux-ci en seraient le principe, mais parce qu'ils en sont l'objet direct et immédiat.

Dans ce chapitre, nous devons aussi traiter des droits de l'homme à l'égard de ses semblables, mais nous ne le ferons qu'accessoirement, en tant que cela peut aider à l'intelligence des devoirs. Nous avons déjà procédé de la sorte dans la première partie. On comprend qu'il n'est pas possible d'avoir des idées nettes sur les devoirs de l'homme envers ses semblables si l'on ne connaît exactement le caractère des droits qui leur correspondent: ce sont deux concepts corrélatifs, qui s'éclairent et se complètent mutuellement.

Cette partie de la morale que nous abordons se nomme ordinairement, à raison de son objet, morale sociale.

L'homme ne vit point isolé sur la terre, il est par sa nature en rapport avec d'autres hommes; il y a entre les divers individus de l'espèce humaine des rapports naturels; et de ces rapports naissent des devoirs d'un genre particulier.

Comme le devoir résulte toujours d'un rapport, les devoirs de l'homme envers ses semblables se classent nécessairement dans l'ordre des rapports divers qu'il soutient avec eux. Quel est donc cet ordre? et par où faut-il commencer? La nature commence par la famille ou la société domestique. Il semble que la science doit l'imiter, sous peine de n'être pas convenablement ordonnée. C'est pourquoi nous parlerons d'abord de la société domestique. Nous considérerons ensuite la société publique, et nous étudierons la nature des droits et des devoirs de l'homme à l'égard de ses semblables dans cette nouvelle forme de la société. Enfin nous examinerons les devoirs de l'homme envers ses semblables en général, abstraction faite de tout lien particulier.

Ce chapitre comprendra donc trois paragraphes: le premier traitera des droits et des devoirs de l'homme en tant que membre de la famille; le deuxième, des droits et des devoirs de l'homme en tant que membre de la société publique ou de l'État; le troisième, des droits et des devoirs de l'homme en tant que membre de l'humanité en général.

§ I. De la société domestique.

La famille est le premier état de l'homme; elle est la base et le fondement de la société publique : c'est sur elle que tout repose dans le monde. La famille est tout ensemble l'expression et le complément du mariage. Commençons donc par dire quelques mots sur la nature du mariage.

Article I. Du mariage.

Le mariage peut se définir, l'union légitime de l'homme et de la femme, impliquant obligation de vivre dans une seule et même société. Cette union matrimoniale n'est pas une union matérielle, un simple rapprochement des corps : l'homme n'est pas une brute n'ayant que des appétits à satisfaire. Loin de nous cette triste philosophie qui, n'ayant des yeux que pour voir la partie inférieure de notre nature, est un perpé

tuel outrage à la dignité de l'homme! L'union de l'homme et de la femme dans le mariage est une union morale, une association des âmes et des corps, fondée par la libre volonté des deux conjoints.

Avant d'entrer plus avant dans la nature du mariage, nous tenons à rappeler sa divine origine.

Le mariage, pas plus qu'aucune autre chose essentielle à la vie de l'humanité, n'est d'institution humaine. Dieu lui-même en est l'auteur, et il a même voulu l'être d'une manière spéciale en bénissant solennellement l'union du premier homme et de la première femme. La Genèse nous apprend que Dieu, après avoir créé l'homme et la femme, les bénit et leur dit : Croissez et multipliez-vous. Rappelons toutes les paroles de l'écrivain sacré qui se rapportent à l'institution du mariage, elles sont singulièrement remarquables. Adam seul était créé, la femme n'existait pas encore. Dieu dit alors : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul; faisons-lui une aide semblable à lui. » Adam avait déjà nommé tous les animaux; mais parmi tous ces êtres nul n'était semblable à lui. « Le Seigneur Dieu lui envoya donc un sommeil; et pendant qu'il était endormi, il lui tira une côte..., et en forma la femme qu'il présenta à Adam. Celui-ci, la voyant, dit : Voilà maintenant l'os de mes os et la chair de ma chair; elle sera appelée d'un nom pris de l'homme (Virago), parce qu'elle a été tirée de l'homme. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme; et ils seront deux dans une seule chair (1). Ces paroles nous montrent à la fois et l'institution divine du mariage et son vrai caractère.

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Le mariage est un contrat, en vertu duquel les époux se donnent l'un à l'autre. Le consentement des deux parties est essentiel à l'acte matrimonial; c'est ce consentement qui le constitue, qui en est l'essence : les autres choses ne peuvent être requises que comme conditions. Nous ne pouvons pas entrer ici dans le détail de ces conditions; nous voulons seulement appeler l'attention sur deux ou trois points qui, tout en réfutant des erreurs capitales, feront ressortir la véritable nature du mariage.

(1) Gen. c. II.

Le mariage est l'union légitime de l'homme et de la femme, impliquant l'obligation de vivre dans une seule et même société. Cette union, la plus étroite qu'il soit donné à l'homme de contracter, donne aux conjoints un droit réciproque sur leurs personnes et fait qu'ils ne sont plus indépendants, mais qu'ils s'appartiennent mutuellement. Cette même union a pour but direct et principal de procréer des enfants et de perpétuer ainsi l'espèce humaine sur la terre. De là ces paroles que Dieu prononça en bénissant l'union du premier homme et de la première femme Croissez et multipliez-vous.

:

Mettons en lumière quelques-unes des conséquences les plus graves qui découlent de ces notions.

Le mariage, d'après son institution primitive, est l'union d'un seul homme et d'une seule femme; il exclut donc et la polyandrie et la polygamie. Personne ne doute que la polyandrie ou l'union d'une femme avec plusieurs hommes à la fois ne répugne essentiellement à la nature et ne soit tout à fait contraire au droit naturel ou à l'ordre absolu et nécessaire des choses. La polygamie ou l'union d'un homme avec plusieurs femmes à la fois ne répugne certainement pas d'une manière aussi directe à l'ordre essentiel des choses ou au droit naturel; mais pourtant il est manifeste qu'elle n'est pas non plus conforme à cet ordre elle est contraire, dirons-nous avec S. Thomas, non aux premiers préceptes du droit naturel, lesquels ne varient point et que rien ne peut faire fléchir, mais aux préceptes secondaires, qui, dans certaines circonstances exceptionnelles, peuvent cesser d'obliger (1). Ces préceptes secondaires dont parle S. Thomas n'ont pas pour objet des choses essentiellement mauvaises, mais des choses qui, en principe général, contrarient le vœu de la nature et doivent, dans une certaine mesure, troubler et déranger l'ordre que la raison conçoit et réclame. D'après cela, il est permis de dire avec le R. P. de Decker que « le bien général de l'humanité, la position exceptionnelle des sociétes primitives, des circonstance sextraordinaires et d'autres motifs peuvent suffisamment expliquer ou justifier certains exemples de poly

(1) S. Thomas, Summa theol. III part. Supplem. q. LXV.

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