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l'homme envers son âme. Ils doivent surveiller et diriger soit par eux-mêmes, soit par des maîtres sûrs, le développement des facultés intellectuelles et morales de leurs enfants. Dans l'enfance, tout est à l'état de simples facultés, de puissances; ces puissances doivent s'actualiser, se développer graduellement. Mais ce développement peut être vrai ou faux; et dans ce dernier cas il est une altération ou une corruption des puissances. Or les parents sont chargés par l'auteur de la nature de veiller à ce que ce développement soit vrai, soit en tout point conforme à l'ordre. Ainsi, pour l'intelligence, c'est un devoir pour eux d'en éloigner soigneusement l'erreur et de lui procurer en même temps les connaissances requises, dans le sens où nous l'avons défini plus haut. La vérité est le pain de l'intelligence malheur aux parents qui négligent de le donner à leurs enfants! La formation de la volonté réclame particulièrement la sollicitude des parents. La volonté, quoique distincte de l'intelligence, n'en est pas séparée : c'est de l'intelligence qu'elle reçoit la lumière qui lui est nécessaire pour agir conformément à sa nature; en sorte que, en éclairant l'intelligence, on contribue déjà à former la volonté. Mais il faut que les parents exercent sur la volonté de leurs enfants une action plus directe encore, c'est pour eux une grave obligation de la tourner au bien, d'exciter en elle l'amour du bien, de lui faire faire l'apprentissage de la vertu. C'est ainsi qu'ils éveilleront véritablement la vie morale dans leurs enfants; et c'est ainsi qu'ils montreront que l'âme de ceux à qui ils ont donné le jour a bien quelque prix à leurs yeux.

Rien de plus important que cette première éducation, laquelle, dans l'âge le plus tendre, doit surtout être l'œuvre de la mère; c'est elle qui est plus spécialement chargée par la nature de former, avec la vie physique, la vie morale de l'enfant. « C'est à la mère, dit Mgr Dupanloup, à éveiller dans son enfant les premières lueurs de l'intelligence et le premier amour du bien; à mettre sur ses lèvres les premières paroles de la foi et de la vertu; à tourner ses premiers regards vers le ciel; c'est à la mère, en un mot, à le doter d'une âme chrétienne, comme elle lui a donné un corps humain; et si rien n'est hideux comme l'exemple, heureusement bien rare! d'une mère souf

flant l'irréligion au cœur de son fils, rien aussi n'est attendrissant et beau à voir comme le spectacle d'une mère chrétienne, donnant à un enfant béni de Dieu les premiers enseignements de la foi, lui racontant les touchantes histoires de la religion, lui apprenant à joindre ses petites mains pour la prière, et faisant bégayer à sa bouche enfantine les noms les plus sacrés.

<< Telle doit être, poursuit ce sage et éminent écrivain, la première Éducation je l'appellerais plus volontiers l'Éducation maternelle (1). Elle doit se passer au foyer domestique; seulement, que la maison paternelle soit toujours pour cet enfant qui commence à apprendre à vivre, une École de pureté, de justice, de bonté, de vertu, de sagesse, de douceur! Que rien n'y vienne gâter son cœur ou son intelligence, pendant ces temps heureux où se forment primitivement en lui la pensée, la raison, la parole, la conscience, où se préparent les premiers éléments de toute sa vie intellectuelle et morale (2)!

On ne saurait trop insister sur la gravité de ce devoir, l'éducation morale des enfants fait la plus grande part de la responsabité des parents.

Article III. Des devoirs des enfants envers leurs parents.

Aux droits des parents sur les enfants correspondent en ceux-ci des devoirs : tout droit sur une personne suppose en cette même personne un devoir corrélatif. Les enfants ont donc des devoirs à remplir envers leurs parents, cela n'est

(1) Rappelons, après ces paroles de M. Dupanloup, ce passage si connu du comte J. de Maistre : « C'est à notre sexe sans doute qu'il appartient de former des géomètres, des tacticiens, des chimistes, etc.; mais ce qu'on appelle l'homme, c'est-à-dire l'homme moral, est peut-être formé à dix ans ; et s'il ne l'a pas été sur les genoux de sa mère, ce sera toujours un grand malheur. Rien ne peut remplacer cette éducation. Si la mère surtout s'est fait un devoir d'imprimer profondément sur le front de son fils le caractère divin, on peut être à peu près sûr que la main du vice ne l'effacera jamais. » Soirées, III entret.

(2) De l'éducation, par Mgr Dupanloup, évêque d'Orléans, p. 125. Paris 1851.

pas contestable, et cela n'a guère jamais été contesté. Mais ces devoirs, quels sont-ils? quel en est du moins le caractère général? Ces devoirs sont déterminés par la nature même du rapport des enfants aux parents. Or il suffit de considérer ce rapport pour se convaincre tout de suite que la soumission ou l'obéissance est le premier devoir des enfants envers leurs parents; car sans cette soumission les enfants échapperaient à la direction matérielle et morale que les parents sont obligés de leur donner. « A l'action des parents, dit M. Bautain, doit correspondre la réaction de l'enfant, et le pouvoir serait sans effet, s'il n'était reconnu et obéi. Quand l'enfant se détourne de ses parents ou s'oppose à eux, il se dérobe à leur sollicitude, à leur tendresse en même temps qu'à leur autorité. Alors il manque de direction morale comme de soins matériels, et il compromet à la fois son existence physique et sa vie spirituelle. La soumission de l'enfant est donc son premier devoir, son unique devoir; sa vertu principale est l'obéissance... Or l'homme est porté à obéir par deux motifs, l'amour et la crainte, qui mêlés et se tempérant l'un par l'autre, constituent le respect. L'enfant, qui respecte ses parents, est le seul qui soit vraiment obéissant. Il reconnaît leur autorité et s'y soumet; il la craint, et dans cette crainte est la garantie de sa subordination (1). »

Ainsi l'obéissance inspirée par l'amour et par cette crainte qu'on a justement nommée filiale, voilà le résumé des devoirs de l'enfant envers les auteurs de ses jours.

M. Bautain remarque avec infiniment de raison que l'affaiblissement de l'obéissance, et par conséquent de la puissance paternelle, est une des causes les plus actives de la dissolution sociale. « Quand le désordre est dans la famille, il passe bientôt dans l'État, et le gouvernement civil s'affaiblit, à mesure que le régime paternel se relâche. C'est ce qu'on a vu à la fin du dernier siècle. On avait tant prôné l'égalité de tous les hommes, que les supériorités naturelles ont paru elles-mêmes une usurpation, et les parents ont cru rentrer dans l'ordre en renonçant à leur autorité, comme les nobles à leurs titres.

(1) Philos. mor., ch. VI, § 74.

Puis quand la foi religieuse se perd, les hommes, se détournant de Dieu et l'oubliant, ne comprennent plus la dignité paternelle. Ils méconnaissent le caractère sacré que lui donne la délégation divine. Abandonnés à eux-mêmes, ils flottent alors entre les deux excès de la faiblesse et de la violence selon leur caractère, et la famille n'est plus gouvernée par la justice et la loi de Dieu, mais par les caprices de la chair et la passion du moment. Alors aussi le devoir des enfants n'est pas mieux rempli que celui des parents. La révolte, cachée ou déclarée, prend la place de l'obéissance; le désir de l'indépendance s'exalte dès le plus bas-âge; la jeunesse, l'enfance même devient impatiente du frein de la discipline et de la loi. Quand on n'a pas appris à obéir dans la famille, il est difficile de s'y habituer dans la société, et la loi paraîtra toujours tyrannique à celui qui n'a pas su respecter la parole paternelle. La mauvaise éducation des enfants prépare les mauvais citoyens, et les désordres de la famille sont les préludes des troubles de l'État (1). »

Les obligations que le devoir filial impose varient avec la position respective des parents et des enfants. Il est visible que l'enfant, devenu majeur et se suffisant à lui-même, ne peut plus être tenu à cette complète obéissance dont nous venons de parler. Mais quel que soit son âge, quelle que soit sa position, il doit toujours à ses parents la déférence et le respect. Et si l'âge, la maladie ou toute autre cause les met dans l'impossibilité de se suffire, le devoir filial lui impose l'obligation de leur rendre ce qu'il en a reçu, non-seulement en leur fournissant les choses nécessaires au soutien de leur existence, mais encore en faisant tout ce qu'il peut pour adoucir leurs maux et soulager leur vieillesse (2). Il n'y a qu'un enfant dénaturé pour méconnaître cette obligation, que la raison et le sentiment proclament de concert.

(1) Loc. cit.

(2) Cf. Bautain, § 75.

SII. De la société publique.

L'homme est fait pour la société; il ne vit de la vie organique comme de la vie intellectuelle et morale que par la société. La première forme de la société est la famille; c'est dans son sein que l'homme naît, grandit et commence à se former au moral comme au physique. Mais la famille n'existe point isolée dans ce monde, une famille est unie à d'autres familles, et cette aggrégation de familles unies les unes aux autres par un lien commun constitue une société d'un genre nouveau, que nous appelons la société publique.

Nous ne voulons parler ici que de la société civile ou politique, à laquelle on donne aussi le nom d'État.

Comme nous n'écrivons pas une Philosophie du droit, nous n'avons pas à discuter les questions qui concernent la nature de la société en général et les formes diverses qu'elle peut revêtir sans violer les règles essentielles de sa constitution. Nous devons nous borner à dire un mot des éléments qui entrent nécessairement dans toute société publique, de manière à pouvoir faire ressortir ensuite le vrai caractère des devoirs qu'engendrent ces nouvelles relations des hommes entre eux. Or il est de fait que toute société publique se compose du pouvoir et des sujets; ce sont là les deux termes généraux qui apparaissent invariablement dans tout État, quelle que soit son organisation, quel que soit le régime qui le distingue. Il nous faut donc parler de ces deux termes et exposer brièvement les rapports essentiels qui les unissent. Ainsi nous traiterons successivement: 1° du pouvoir en général; 2o des droits et des devoirs du pouvoir à l'égard des sujets; 3o des devoirs et des droits des sujets; 4° nous ajouterons un mot sur les devoirs de l'homme envers sa patrie; et 5° sur les rapports des États entre eux.

Article I. Du pouvoir social ou politique.

Section Ire. Fondement du pouvoir.

Dans toute société on voit un pouvoir, et un pouvoir souverain auquel les membres de la société sont soumis, auquel ils

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