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un gouvernement, qu'ils le veuillent ou ne le veuillent pas, à moins de désirer que le genre humain périsse, ce qui est contre l'inclination de la nature (et la nature ne fait que manifester la volonté de son auteur). Mais le droit de la nature est droit divin; donc le gouvernement existe de droit divin; et c'est là proprement ce que l'apôtre semble avoir en vue, lorsqu'il dit ( Rom. 13): Celui qui résiste à la puissance, résiste à l'ordre de Dieu (1). n.

Tel est donc le véritable sens de la doctrine du droit divin. Je ne vois pas trop comment on pourrait expliquer et justifier autrement l'existence du pouvoir politique. Je dirai plus tard un mot de la théorie du contrat social. Mais avant d'aller plus loin, je crois devoir résumer les principes que la raison et la religion proclament de concert sur cette importante matière.

Dieu a fait l'homme sociable; il a voulu, il a ordonné le plan du monde de telle manière, qu'il dût y avoir association, communauté entre les hommes. Et comme Dieu veut l'ordre en tout, il a établi que la société humaine dût être organisée et composer ainsi un tout harmonique. Il a donc voulu qu'il y eût un pouvoir chargé de relier entre eux les différents membres du corps social, en les dirigeant et en les gouvernant. Nous venons de voir avec quelle force la nature humaine atteste que telle est réellement la volonté de celui qui l'a faite. Le pouvoir dérive donc de la volonté de Dieu; il est conçu et voulu de Dieu comme un élément intégrant de l'organisme du monde.

On comprend par là que celui qui est revêtu du pouvoir soit investi d'un droit réel : son droit émane de la volonté de Dieu, et par elle du droit absolu, dont il tire sa valeur. Ainsi le sou

(1)« Sed hic observanda sunt aliqua. Primo politicam potestatem in universum consideratam, non descendendo in particulari ad Monarchiam, Aristocratiam, vel Democratiam, immediate esse a Deo; nam consequitur necessario naturam hominis, proinde esse ab illo qui fecit naturam hominis. Præterea hæc potestas est de jure naturæ, non enim pendet ex consensu hominum, nam velint, nolint, debent regi ab aliquo, nisi velint perire humanum genus, quod est contra naturæ inclinationem. At jus naturæ est jus divinum; jure igitur divino introducta est gubernatio, et hoc videtur proprie velle Apostolus, cum dicit Rom. 13 : Qui potestati resistit, Dei ordinationi resistit. De laicis, lib. 3, c. 6.

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verain possède une autorité véritable sur les sujets ; et ceux-ci sont obligés de lui obéir dans les limites de ses attributions. Car alors le souverain n'est plus seulement un homme qui commande à d'autres hommes; il est, dans l'ordre du plan divin, le délégué, le ministre et le lieutenant du pouvoir absolu ou de Dieu. A parler rigoureusement, Dieu seul est souverain, parce que seul il est par nature le maître de tout ce qui existe; et l'homme qui gouverne un État, sous quelque forme d'organisation politique que sa souveraineté s'exerce, n'est jamais qu'un simple ministre et un lieutenant : le vrai, le seul roi absolu, c'est le créateur de l'univers. Dieu gouverne la société humaine par des hommes; et ceux-ci n'ont qu'une souveraineté ministérielle : leur autorité n'est qu'une autorité d'emprunt.

Voilà le droit divin que l'Écriture sainte enseigne et que la raison reconnaît et proclame. Cette divinité du droit ennoblit et sanctifie l'obéissance de l'homme envers l'homme, laquelle serait sans cela inique et intolérable.

Mais qu'on n'oublie pas qu'il s'agit ici du pouvoir en général, et non de tel ou tel représentant du pouvoir, de tel ou tel prince en particulier, de telle ou telle famille déterminée, comme le fait très-bien remarquer Balmès avec S. Jean Chrysostôme. « A entendre certains hommes se moquer du droit divin des rois, observe l'illustre docteur espagnol, on dirait que nous, catholiques, nous supposons pour les individus ou les familles royales comme une bulle d'institution envoyée du ciel, et que nous ignorons grossièrement l'histoire des vicissitudes des pouvoirs civils. En examinant plus profondément la matière, ces hommes auraient trouvé que, loin qu'on nous puisse reprocher de semblables niaiseries, nous ne faisons qu'établir un principe dont la nécessité fut reconnue de tous les législateurs de l'antiquité; et que nous concilions fort bien notre dogme avec les saines doctrines philosophiques et les événements dont l'histoire fait foi. A l'appui de ce que je viens de dire, voyez avec quelle admirable lucidité saint Jean Chrysostôme explique ce point dans l'homélie 25, sur l'Épître aux Romains. Il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu.»> Que dites-vous? Tout prince est donc constitué de Dieu? Je

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ne dis point cela, puisque je ne parle d'aucun prince en par>>ticulier, mais de la chose en elle-même, c'est-à-dire de la puissance elle-même : j'affirme que l'existence des principautés est l'œuvre de la divine sagesse, et que c'est elle qui » fait que toutes choses ne soient point livrées à un téméraire » hasard. C'est pourquoi l'apôtre ne dit pas « qu'il n'y a point » de prince qui ne vienne de Dieu;» mais il dit, parlant de » la chose en elle-même : « il n'y a point de puissance qui ne » vienne de Dieu (1). »

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On ne saurait mieux dire.

On voit donc de plus en plus ce qu'il faut entendre, et ce que les docteurs catholiques ont toujours entendu par l'origine divine du pouvoir civil. Rien de plus simple et tout ensemble de plus philosophique que cette doctrine. On ne peut la rejeter sans tomber dans l'athéisme et sans enlever du même coup au pouvoir et à la société toute base morale. Il est trop visible en effet que l'homme ne saurait être obligé d'obéir à l'homme comme tel; et si le pouvoir souverain ne vient pas de Dieu, ne tire pas sa force du pouvoir absolu qui est en Dieu, il porte injustement le nom de pouvoir, et nul n'est tenu de s'y soumettre. De quel droit, je vous prie, un homme peut-il me commander? En vertu de sa nature, il est mon égal et n'est investi d'aucun droit sur ma personne. Dira-t-on que le droit naît de la force physique ou d'une certaine supériorité d'intelligence et de volonté ? Mais évidemment la force n'a rien de commun avec le droit et jamais elle ne peut le fonder : le droit est une qualité morale, il ne relève pas de l'ordre `physique. La supériorité d'intelligence ou de volonté ne saurait non plus fonder un droit : je ne suis pas obligé de vous obéir parce que vous avez plus d'esprit que moi, ou parce que vous avez une volonté plus forte, plus virile, plus pure, plus parfaite. La prudence en pareil cas peut me conseiller de me soumettre à votre direction, mais la conscience ne m'y oblige point : l'idée de devoir n'intervient en aucune façon. C'est en vain que, voulant à tout prix écarter le droit divin, on invoquerait

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(1) Balmès, Le protestantisme comparé au catholicisme dans ses rapports avec la civilisation européenne, chap. XLVIII.

la nature pour établir sur ce fondement un droit exclusivement naturel. D'abord ce serait se précipiter dans l'athéisme, puisqu'on ne reconnaîtrait plus que la nature a un auteur dont elle tient son être et ses lois; ce qui ne peut se soutenir que par ceux qui n'admettent pas l'existence du Dieu vivant et véritable. Ensuite, la nature une fois séparée de Dieu, une fois qu'elle n'est plus considérée comme l'expression, comme la manifestation de la pensée de l'Être souverain et absolu, elle perd toute valeur morale, et ses lois ne sont plus que des faits, impuissants à fonder un droit quelconque la nature alors c'est vous, c'est moi, ce sont nos corps, nos âmes, nos intelligences, nos volontés, toutes choses qui n'ont pas d'autorité par elles-mêmes et qui ne peuvent servir de base première à aucun droit. Rien de créé, rien de contingent, rien de relatif ne peut fonder un droit : tout droit, tout pouvoir réclame en définitive un fondement absolu, qui porte ses titres avec soi, qui s'explique et se légitime de soi-même. Il n'y a donc pas de droit naturel possible en dehors du droit divin (1).

Section II. Du mode de communication du pouvoir.

Nous en avons dit assez pour montrer en quel sens il est nécessaire d'admettre que le pouvoir souverain vient de Dieu. Si l'on voulait traiter d'une manière complète la question de l'origine du pouvoir, il se présenterait maintenant un nouveau point à éclaircir, à savoir: quel est le mode suivant lequel ce pouvoir est communiqué de Dieu à l'homme. Les grands théologiens catholiques ont discuté avec un soin minutieux tout ce qui se rattache à ce sujet, et il serait à souhaiter que les écrivains qui traitent aujourd'hui de la Philosophie du droit et des principes de la politique connussent un peu mieux ces remarquables travaux, leurs livres y gagneraient considérablement. On peut lire dans Balmès plusieurs fragments tirés des ouvrages de nos principaux docteurs. Pour nous, nous devons nous borner ici à dire un mot de la nouvelle question que nous venons de poser.

(1) Voyez le chapitre IV de la 1 partie.

Le pouvoir civil ou politique vient de Dieu, c'est là un principe incontestable; mais comment Dieu le communique-t-il à celui qui l'exerce dans la société? Il y a sur ce point deux opinions parmi les publicistes et les théologiens catholiques. Balmès résume ainsi ces deux opinions : << Parmi ceux qui affirment que cette puissance (civile) vient de Dieu, les uns soutiennent qu'elle en vient d'une manière médiate, les autres d'une manière immédiate. Selon les premiers, au moment où se fait la désignation des personnes qui doivent exercer le pouvoir, la société non-seulement désigne, c'est-à-dire met la condition nécessaire pour que le pouvoir soit communiqué, mais elle le communique elle-même réellement, l'ayant auparavant reçu de Dieu. Dans l'opinion des seconds, la société ne fait autre chose que désigner; et moyennant cet acte, Dieu communique le pouvoir à la personne désignée (1).

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Ces deux opinions, qui, au premier aspect, semblent trèsopposées, au fond ne nous paraissent pas différer beaucoup. Car il est à remarquer que de part et d'autre on admet l'intervention de la société pour désigner et la personne et le mode suivant lequel elle exercera le pouvoir; or que cette intervention de la société soit simplement une condition de la collation du pouvoir, ou qu'elle soit le canal par lequel il doive arriver à la personne qui en sera investie, nous ne voyons pas trop quelle différence il y a dans le résultat. C'est ce que montre très-bien un théologien fort sagace, le P. Concina : « Nous tenons pour fausse, dit-il, l'opinion qui affirme que Dieu confère immédiatement et prochainement cette puissance au roi, au prince ou à tout chef quelconque du gouvernement suprême, à l'exclusion du consentement tacite ou exprès de la république. Il est vrai, ajoute cet écrivain, que cette discussion porte plutôt sur les mots que sur les choses; car cette puissance vient de Dieu, auteur de la nature, en tant que celui-ci a ordonné et disposé que la république elle-même, pour la conservation et la défense de la société, conférât à un ou à plusieurs la puissance du gouvernement suprême. Une fois faite, cette désignation de la personne ou des personnes qui

(1) Ouv. cit., chap. LI, tom. III, p. 57.

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