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tes, les salles d'asiles, les maisons pénitentiaires pour l'amélioration des jeunes détenus et des condamnés, les maisons de refuge, les associations pour le soutien des pauvres, les sociétés de tempérance, les prix proposés à l'émulation des jeunes talents, et mille choses de ce genre que la charité chrétienne et la vraie philanthropie peuvent inventer ou soutenir, sont d'immenses services rendus à la société (1). » On sert la patrie en servant les membres qui la composent.

Aimer sa patrie et travailler à sa prospérité et à sa gloire, est réellement une vertu; car c'est conforme à l'ordre établi de Dieu. Cette vertu, qui consiste dans l'accomplissement habituel des devoirs envers la patrie, se nomme patriotisme. Le patriotisme exige du citoyen la préférence constante de l'intérêt public à son intérêt privé tout citoyen qui sacrifie l'intérêt de son pays à son intérêt propre est un lâche égoïste et non un patriote.

Dans l'organisation des républiques païennes de la Grèce et de Rome la patrie était tout, et le patriotisme imposait au citoyen le sacrifice de sa personne, de sa famille et de ses biens: cet étrange patriotisme n'allait à rien moins qu'à la négation même de l'individualité humaine. L'homme ne conservait point vis-à-vis de l'État son existence personnelle, il ne gardait point ses droits et ses devoirs d'homme, il n'était qu'un instrument au service de la patrie. Celle-ci était censée maîtresse et propriétaire des citoyens; elle pouvait en disposer d'une manière absolue sans consulter d'autre règle que sa gloire et son intérêt. « Le sentiment de la personnalité humaine, comme le dit très-bien M. Guizot, était inconnu au monde romain, inconnu à presque toutes les civilisations anciennes. Quand vous trouvez, poursuit-il, dans les civilisations anciennes la liberté, c'est la liberté politique, la liberté du citoyen. Ce n'est pas de sa liberté personnelle que l'homme est préoccupé, c'est de sa liberté comme citoyen; il appartient à une association, il est dévoué à une association, il est prêt à se sacrifier à une association (2). » L'association est tout, l'individu n'est rien, voilà

(1) Ibid.

(2) Histoire de la civilisation en Europe, II leçon.

en deux mots la charte de ces républiques païennes dont J. J. Rousseau et d'autres sophistes élégants nous ont si souvent vanté la liberté et les bienfaits (1). Rien ne protégeait l'homme contre les despotiques exigences de l'État, et la morale elle-même devait s'incliner devant l'intérêt sacré de la patrie. Un patriotisme pareil n'est donc plus celui que prêche la morale, il est au contraire en opposition directe avec les principes de la raison.

Le christianisme nous a donné une idée plus vraie du patriotisme; il a restitué à toutes les notions et à tous les sentiments de la nature leur véritable caractère. Nous savons aujourd'hui que l'homme ne peut être absorbé par l'État, qu'il demeure toujours avec les droits et les devoirs que la nature et la religion lui donnent ou lui imposent; et qu'ainsi le patriotisme n'est vrai qu'à la condition de respecter la personnalité humaine.

Malheureusement le patriotisme, entendu dans le sens légitime et chrétien du mot, est fort rare aujourd'hui ; l'égoïsme dessèche trop souvent les cœurs, et beaucoup de citoyens ne cherchent que leur intérêt, même au préjudice de l'intérêt public.« On entend dire tous les jours, dit M. Bautain, que nous périssons par l'égoïsme, qu'un état où chacun ne voit et ne cherche que son intérêt ne peut subsister, et que l'unique remède à la dissolution qui nous menace est d'inspirirer aux citoyens du désintéressement, ou au moins assez de vertu pour subordonner leur intérêt privé à l'intérêt public. Où prendrez-vous le motif de ce désintéressement, et quelle base donnerez-vous à la vertu civique que vous réclamez? Le cœur de l'homme, abandonné à luimême et sans foi à une loi supérieure, ne connaît qu'une chose, n'aime qu'une chose, lui-même. Naturellement et par réflexion, il se préfère à tous, se met au-dessus de tout; et voilà justement ce qui pervertit l'individu et corrompt la société. La parole évangélique a osé dire à l'homme, à une époque où il était plus démoralisé que jamais, où les passions

(1) Voir nos Études sur la civilisation européenne considérée dans ses rapports avec le christianisme, chap. II.

le gouvernaient sans partage, et le précipitaient dans toutes les ignominies: Renonce au monde et à toi-même, et suis-moi. Celui qui a commandé ce renoncement sublime en a le premier donné l'exemple; ses apôtres l'ont prêché jusqu'aux extrémités de la terre, et dans toutes les parties du monde il a eu des imitateurs. Le désintéressement chrétien, c'est-à-dire l'abnégation de soi-même, de sa volonté propre, de ses passions, de son avantage, pour la justice et pour le bien des autres, coïncide donc parfaitement avec le vrai patriotisme, qui doit préférer l'utilité commune à l'intérêt privé... Faites donc des chrétiens, et vous aurez de bons citoyens (1).

Article V. Des rapports des États entre eux.

Après avoir étudié les rapports mutuels des hommes en tant qu'ils sont membres d'un même État, on devrait considérer les rapports naturels des différents États entre eux, et examiner ainsi les droits et les devoirs qui existent de nation à nation, d'État à État. C'est l'objet du droit des gens (2). Nous ne pouvons pas en traiter ici. Nous nous bornerons à rappeler un principe général que des nations chrétiennes oublient trop

souvent encore.

Chaque État, chaque nation forme un corps moral qui est représenté par ses chefs. Le monde offre une foule d'États distincts les uns des autres, mais ayant entre eux des relations multiples, des rapports de tout genre. Eh bien! ces rapports ont pour règle obligée la loi morale, ils doivent être en tout conformes à cette règle souveraine, et il n'est pas plus permis aux nations qu'aux individus de s'écarter de ses immuables prescriptions: la loi morale domine les États autant que les individus, rien n'échappe à son empire, elle ne fléchit devant aucune puissance, elle est la règle irréformable de tous les rapports humains. De ces rapports ainsi réglés par la loi mo

(1) Loc. cit. § 92.

(2) Le Droit des gens a des règles positives, mais qui supposent des règles naturelles dont elles tirent leur valeur morale.

rale naissent entre les États des droits et des devoirs qui veulent être respectés. L'équité naturelle doit présider à toutes les relations internationales. Tout État qui, méconnaissant ce principe sacré, ne règle ses rapports avec les autres peuples que sur son intérêt. est un État immoral, digne de l'anathème de toutes les âmes honnêtes. Certes l'intérêt de la nation doit toujours être consulté de ceux qui la gouvernent; mais il faut avant tout que la justice soit observée, et nul intérêt n'autorise à fouler aux pieds les droits d'un peuple quelconque.

Chapitre IV.

DES DEVOIRS GÉNÉRAUX DE L'HOMME ENVERS

SES SEMBLABLES.

Jusqu'ici nous avons considéré l'homme dans des rapports spéciaux, et nous avons essayé de marquer l'ensemble des devoirs qui en résultent. Nous devons maintenant examiner brièvement les rapports de l'homme avec ses semblables en général, quels qu'ils soient, abstraction faite de tout bien particulier, et tâcher de marquer les devoirs généraux qui en dérivent.

Nous l'avons dit, Dieu, qui est l'ordre absolu, établit nécessairement entre les hommes des rapports dont il veut et prescrit le maintien. C'est de cette volonté que naissent tous nos devoirs envers nos semblables. Quels sont donc ces devoirs en général? Ces devoirs sont renfermés dans la justice et dans la charité. -« La conscience universelle, dit M. Saisset, a dès longtemps exprimé les principaux devoirs des hommes les uns à l'égard des autres par deux antiques maximes, que le christianisme a fait passer dans les mœurs des peuples modernes : Ne fais point à autrui ce que tu ne voudrais pas qui fût fait à toi-même; voilà la traduction expresse et populaire de notre formule négative, qui renferme tous les devoirs qu'on nomme proprement devoirs de respect ou de justice. Fais pour autrui ce que tu voudrais qui fût fait pour toi-même; on reconnaît là notre seconde formule, celle qui est positive et qui comprend

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