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fenseur ou de l'offensé. Dites, si les loups savaient raisonner, auraient-ils d'autres maximes?... Gardez-vous donc de confondre le nom sacré de l'honneur avec ce préjugé féroce qui met toutes les vertus à la pointe de l'épée, et n'est propre qu'à faire de braves scélérats... Quand il serait vrai qu'on se fait mépriser en refusant de se battre, quel mépris est le plus à craindre, celui des autres en faisant bien, ou le sien propre en faisant mal? Croyez-moi, celui qui s'estime véritablement lui-même est peu sensible à l'injuste mépris d'autrui, et ne craint que d'en être digne; car le bon et l'honnête ne dépendent point du jugement des hommes, mais de la nature des choses; et quand toute la terre approuverait l'action que vous allez faire, elle n'en serait pas moins honteuse (1). »

La morale est au-dessus des jugements de la société; et le véritable honneur, qui est fondé sur l'accomplissement du devoir, ne dépend point des préjugés des hommes.

Article II. Du respect dû à la propriété de nos semblables.

Tu ne déroberas point, dit le Décalogue, et ce précepte, quoique souvent mal observé, est néanmoins confirmé par la conscience de tous les peuples. La propriété est un droit, et c'est un devoir pour nous de respecter la propriété de nos semblables.

Le droit de propriété n'a jamais été contesté sérieusement que par un nombre infiniment petit d'hommes opposés en toute chose au bon sens et à la raison. Tout le monde sait que de nos jours certains esprits, aveuglés par les plus déplorables préjugés ou égarés par les plus viles passions, ont attaqué la propriété avec une violence inouïe et l'ont représentée comme opposée à la nature et contraire au bonheur des peuples. Ce n'est pas ici le lieu de discuter en détail les funestes théories des socialistes et des communistes contemporains, nous devons nous borner à poser quelques principes généraux.

(1) La nouvelle Héloïse, Ire part. lettre 57.

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Lorsqu'on traite aujourd'hui de la propriété contre les communistes, il faut commencer par distinguer la propriété générale, s'il est permis d'associer ces deux mots, et la propriété individuelle. La question est entre la propriété générale et la propriété individuelle. Il s'agit de savoir si l'individu doit avoir certaines choses qui lui appartiennent en propre, à l'exclusion d'autrui; ou bien si cette appropriation des choses doit rester aux mains de la société, de la communauté, qui alors distribuerait à chaque membre une part des fruits. Ce serait là la propriété générale, laquelle seule est admise par les communistes. « Dieu, dit le R. P. Lacordaire, a donné la terre à l'homme, et, avec la terre, une activité qui la féconde et la rend obéissante à nos besoins. Ce don primitif constitue en faveur du genre humain une double propriété, la propriété du sol et la propriété du travail. La question n'est donc pas de savoir si la propriété doit être détruite, puisqu'elle existe nécessairement, par cela seul que l'homme est un être actif, et que nul, sans Dieu, ne saurait lui arracher la terre des mains. Mais la question est de savoir sur qui repose la propriété, si elle est un don fait à chacun de nous, ou, au contraire, un don indivisible et social, où nul ne saurait prétendre qu'une part des fruits distribués par la société, selon de certaines lois (1). »

C'est donc la propriété individuelle qui est condamnée et proscrite par les communistes et par les socialistes conséquents.

La question ainsi posée, nous allons la résoudre brièvement sur le terrain des principes philosophiques.

La propriété est définie de cette manière par le code civil: « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements (2). » Nous dirons, nous, en nous plaçant à un point de vue plus élevé : pourvu qu'on n'en fasse pas un usage contraire à la loi morale;

(1) Conférences de Notre-Dame de Paris, XXXIIIe conf. De l'influence de la société catholique sur la société naturelle quant à la propriété. (2) Art. 544.

car il n'y a pas de droit contre la loi morale. - Nous affirmons que la propriété, ainsi entendue, existe de droit naturel. Elle dérive nécessairement des lois de la nature; et l'ordre naturel du monde, conçu et voulu par Dieu, exige absolument que la propriété existe.

Comment se constatent les lois de la nature? Elles se constatent par des faits généraux, permanents, invariables. Or il est de fait que le principe de la propriété individuelle a été reconnu et consacré partout dès l'origine des sociétés; on a pu l'appliquer diversement, mais nulle part il n'a été méconnu; et toujours toutes les sociétés du monde ont continué de le proclamer. Le sauvage lui-même a du moins la propriété de son arc et de ses flèches. Le nomade, qui est pasteur, a la propriété de ses tentes et de ses troupeaux. Cette seule considération suffirait pour prouver que le droit de propriété est inhérent à la nature de l'homme; car lorsque tous les peuples s'accordent sur un point de ce genre, c'est un signe certain qu'il y a là une loi de la nature. Et si la propriété dérive d'une loi de la nature, elle dérive de la volonté de Dieu même, auteur des lois de la nature; et par là elle revêt le caractère sacré de droit.

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Au reste il suffit de considérer l'homme pour reconnaître aussitôt que le droit de propriété est inhérent à sa nature. L'homme est un être intelligent et libre, une individualité raisonnable, une personne, en un mot, se distinguant de toute autre et disposant d'elle-même. Il est le maître de soi, de ses facultés, de son activité; c'est là ce qui constitue sa personnalité. Voilà donc une première propriété incontestable. - Mais si l'homme est le maître de son activité, il doit être le maître de son travail, qui n'est que l'exercice de l'activité, et par conséquent du produit de son travail. Or voilà le principe de la propriété individuelle dans son intégrité. Il résulte immédiatement de la personnalité humaine. Aussi, si l'on veut y prendre garde, on remarquera sur-le-champ que le communisme tend fatalement à amoindrir et même à anéantir la personnalité de l'homme pour faire de lui un simple instrument au service de la société.

Enfin il était nécessaire que la propriété individuelle exis

tât dans la société : l'ordre naturel du monde, conçu et voulu par Dieu, l'exigeait impérieusement. En effet 1° la propriété est nécessaire pour empêcher le désordre et la confusion, et par conséquent pour maintenir le calme et la paix dans la société. Si la propriété n'existait pas et que chacun fût libre de soigner ce qu'il voudrait, il n'y aurait partout que confusion et désordre; rien ne serait à sa place; et les passions empèchant toute entente sur l'emploi des biens, la société serait en proie à des dissensions et à des luttes incessantes.

Les défenseurs du communisme nous objectent que leur système produirait dans la société un ordre beaucoup plus parfait que le nôtre, parce que l'État, étant seul propriétaire, distribuerait toutes choses selon les règles de l'ordre. Nous répondons que pour tout esprit qui ne se paie pas de mots l'État ce serait en réalité quelques hommes, qui, s'ils étaient seuls propriétaires, ajouteraient au désordre l'esclavage universel. Car

2o Quand l'homme n'est maître ni du sol ni de son travail, il a perdu toute indépendance, il est esclave. La propriété individuelle est donc nécessaire pour maintenir la liberté et la dignité de l'homme; sans elle les hommes seraient presque tous esclaves, jouet des caprices de ceux qui se trouveraient à la tête de la société.

3o La propriété individuelle est nécessaire pour faire travailler l'homme, et par conséquent pour empêcher l'espèce humaine de mourir de faim. Le travail est toujours un sacrifice, et souvent un sacrifice très-pénible; l'homme ne s'y livre que par le mobile du devoir et de l'intérêt, et il est trop évident pour tout esprit sincère que sans le puissant aiguillon de l'intérêt personnel la généralité des hommes travailleraient fort peu. «Sans salaire personnel, dit M. Thiers, proportionné au travail, à sa quantité, à sa qualité, point de zèle à ce travail. Votre communauté, avec le traitement général et commun, mourrait de faim avant peu. C'est tout au plus si la société où la propriété est admise, où le travail profite à celui qui s'y consacre, à lui seul, à ses enfants, c'est tout au plus si elle arrive à procurer du pain à tous, et souvent du (sic) mauvais pain. Qu'en serait-il, si aucun ne travaillait pour

soi, et si tous ne travaillaient que pour la généralité? La répartition fût-elle différente, le résultat serait le même; car, ainsi que je l'ai déjà dit, on sait par un calcul facile à établir, que la réversion de la richesse des plus riches sur les plus pauvres ne produirait pas une augmentation sensible pour ces derniers. Elle n'ajouterait pas un centime à la journée de chaet elle aurait diminué de moitié, des trois quarts peutêtre, la masse de la production générale. Tous mourraient de faim: c'est l'unique bien qu'on leur aurait fait (1). »

cun,

Il était donc absolument nécessaire que la propriété individuelle existât dans le monde; et Dieu, qui est l'ordre substantiel et absolu, a dû la vouloir comme un élément essentiel de la société humaine.

Concluons que tout concourt à prouver que la propriété n'est pas simplement le résultat de lois positives, mais qu'elle est dans la nature même des choses telle que Dieu l'a conçue et voulue, ou, en d'autres termes, qu'elle existe de droit naturel. N'oublions point que la nature des choses, isolée et séparée de Dieu, ne serait qu'un simple fait, impuissant à devenir le fondement d'un droit ou d'un devoir quelconque (2). Voilà pourquoi, lorsqu'il s'agit d'établir un droit naturel, il faut toujours considérer la nature ou l'essence des choses, non pas seulement en soi, mais unie à Dieu, c'est-à-dire en tant que conçue et voulue par Dieu. Ceux qui ne reconnaissent pas Dieu ou qui, tout en le reconnaissant, l'écartent de leurs théories philosophiques et sociales, ne peuvent rendre

(1) De la propriété, liv. II, chap. III.

Au x siècle le prince de la théologie catholique établissait déjà à peu près comme nous venons de le faire la nécessité de la propriété. Voici comment il s'exprime : «..... Est necessarium ad humanam vitam propter tria primo quidem quia magis sollicitus est unusquisque ad procurandum aliquid quod sibi soli competit, quam id quod est commune omnium vel multorum, quia unusquisque laborem fugiens relinquit alteri id quod pertinet ad commune, sicut accidit in multitudine ministrorum; alio modo quia ordinatius res humanæ tractantur, si singulis imminet propria cura alicujus rei procurandæ, esset autem confusio, si quilibet indistincte quælibet procuraret; tertio quia per hoc magis pacificus status hominum conservatur; dum unusquisque re sua contentus est. » S. Thomas, Summa theol. 2. 2. q. 66, a. 2.

(2) Voyez 1" part. chap. III, § III et chap. IV.

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