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elle requiert aussi le concours de l'intelligence, elle n'existe point sans la connaissance dans toute détermination libre il

y a choix, et l'on ne peut choisir qu'autant que l'on connaît. Dans la première partie, nous avons traité du libre arbitre dans ses rapports généraux avec la loi morale; ici nous le considérons en face des prescriptions particulières de la loi, nous l'envisageons dans son exercice. Nous devons, après avoir marqué ce qui est requis pour que l'arbitre soit libre dans son action, examiner brièvement quelles sont les causes qui peuvent affaiblir ou détruire cette liberté et par conséquent diminuer ou anéantir la moralité de l'acte.

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Nous avons défini précédemment la liberté : la faculté d'agir en vertu de sa propre détermination et de son propre choix (1). En appliquant cette définition à la liberté considérée en action, nous dirons que la volonté agit librement toutes les fois qu'elle se détermine véritablement elle-même, sans être contrainte ou nécessitée par quoi que ce soit, et que, éclairée par l'intelligence, elle se détermine avec connaissance et par choix. Donc lorsqu'un acte est posé dans ces conditions, il est imputable à son auteur, parce que celui-ci en est la cause morale; et il revêt dès lors un caractère moral, il devient méritoire ou déméritoire suivant qu'il est conforme ou opposé à la loi.

Les caractères de la liberté étant connus, il est facile d'apprécier les causes qui peuvent l'affaiblir ou la détruire. Ces causes sont généralement ramenées à quatre par les moralistes: 1° l'ignorance; 2o la contrainte; 5° la crainte; 4° la concupiscence ou les passions. Nous dirons un mot de chacune d'elles en particulier.

1o De l'ignorance. La connaissance étant un élément essentiel de la liberté, il est clair que l'ignorance peut en empêcher l'exercice. Par ignorance nous entendons ici une ignorance qui concerne la loi soit directement soit indirectement. On distingue l'ignorance de droit et l'ignorance de fait. Il y a ignorance de droit lorsqu'on ne connaît pas la loi elle-même,

(1) Voyez Ire part. chap. V, § III.

ni par conséquent ce qui est ordonné ou défendu. Par exemple: quelqu'un ignore qu'il est défendu par la loi morale d'acheter des choses volées. Il y a ignorance de fait lorsque quelqu'un, tout en connaissant la loi, ne sait pas que tel fait particulier est atteint par la loi. Par exemple : quelqu'un sait très-bien qu'il n'est pas permis d'acheter des choses volées, mais il ignore que la chose qu'il achète ait réellement été volée.

L'ignorance, soit de fait, soit de droit, est vincible ou invincible. Elle est vincible quand elle peut être surmontée par l'emploi des moyens ordinaires, c'est-à-dire en prenant les moyens que doit prendre toute personne sage et prudente eu égard à l'importance et à la gravité de la chose. Quand l'ignorance ne peut pas être surmontée par ces moyens, elle est invincible. L'ignorance vincible est censée volontaire; l'autre est involontaire et ôte la liberté par rapport à la loi. Celui donc qui pose un acte en soi contraire à la loi morale, mais qu'il ignore invinciblement être défendu, ne commet point de faute, parce qu'il ne transgresse pas librement la loi; sa transgression est une transgression purement matérielle (1). L'ignorance vincible au contraire étant censée volontaire, l'action dont elle est la cause demeure aussi volontaire et imputable; seulement cette action sera plus ou moins volontaire suivant que l'ignorance le sera plus ou moins elle-même.

2o De la contrainte. On nomme contrainte la violence faite à quelqu'un pour le forcer ou l'empêcher de poser un acte. La volonté en soi ne saurait être forcée ou contrainte : nulle force créée ne peut me faire vouloir ce que je ne veux pas. L'acte extérieur seul peut être l'objet de la violence.

On distingue la contrainte absolue ou parfaite et la contrainte imparfaite. La contrainte est absolue quand on résiste de toutes ses forces à l'acte qui est arraché; elle n'est pas absolue quand on ne résiste pas à ce point. Lorsqu'il y a contrainte absolue, elle ôte entièrement la liberté de l'acte, et l'acte

(1) << Non tibi deputatur ad culpam, dit S. Augustin, quod invitus ignoras, sed quod negligis quærere quod ignoras. » De libero arbitrio, lib. III, c. 19.

ainsi arraché n'est point imputable à celui qui le subit; il en est tout au plus la cause physique, non la cause morale. La contrainte à laquelle on ne résiste pas complètement ne détruit pas la liberté de l'acte; seulement elle la diminue plus ou moins suivant qu'il y a dans la volonté plus ou moins de répugnance à poser l'acte qu'on nous entraîne à poser.

5o De la crainte. La crainte, en général, est une inquiétude de l'âme, un trouble de l'esprit, occasionné par la vue d'un mal dont on est ou dont on se croit menacé. La crainte peut être grave ou légère. « Elle est grave, dit le cardinal Gousset, lorsqu'elle a pour objet un mal qui est de nature à faire impression même sur une personne forte; telle est la crainte d'une mort probable et prochaine dont on est sérieusement menacé de la part d'un ennemi; telle est encore la crainte de perdre sa réputation, son honneur, sa liberté, une partie notable de sa fortune, par suite de la méchanceté d'un homme (1). » La crainte est légère quand son objet n'est pas un mal considérable ou que le danger n'est pas très-sérieux.

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Toutefois, pour juger de la gravité et de la légèreté de la crainte, on ne doit pas seulement tenir compte de la gravité de l'objet, il faut avoir égard encore à la qualité des personnes qui peuvent en être affectées, à l'âge, au sexe, à la condition. Telle crainte qui ne serait pas jugée suffisante pour intimider un homme fort, peut l'être à l'égard d'un enfant, d'un vieillard, d'un malade, d'une femme.

La crainte, qu'elle soit grave ou légère, n'ôte point la liberté; car celui qui agit par crainte peut, s'il le veut, ne pas agir: il agit toujours en vertu de son propre choix. Néanmoins la crainte, quand elle est grave, diminue le volontaire : l'acte posé sous l'empire de la crainte est moins volontaire. Mais comme il demeure libre, il est imputable à son auteur. Il est cependant un cas où la crainte peut ôter entièrement la liberté, c'est lorsqu'elle trouble tellement l'esprit de celui qui agit, qu'il ne sait plus ce qu'il fait.

(1) Théologie morale, Des actes humains, chap. III, art. III.

4o Des passions. Nous entendons ici par passions des mouvements violents et désordonnés qui troublent plus ou moins l'esprit. Pour mieux apprécier l'influence de la passion sur la liberté et par suite sur la moralité des actes, on la distingue d'ordinaire en passion antécédente et passion subséquente, comme on parle dans l'école. La passion antécédente est ainsi nommée, parce qu'elle prévient le consentement de la volonté; la passion subséquente au contraire existe du consentement de la volonté et suit ce consentement. Cette passion, étant entièrement volontaire, ne diminue point la liberté, quelque forte qu'elle soit. Donc tous les actes qui en émanent sont imputables à celui qui les pose. Quant à la passion antécédente, elle est en soi involontaire, et par conséquent elle n'est pas imputable. Mais d'ordinaire elle ne demeure pas longtemps purement antécédente; elle est bientôt remarquée par l'esprit, et alors la volonté intervient soit pour la combattre et l'arrêter, soit pour y consentir et s'y abandonner.

Comment donc faut-il apprécier en général l'influence de la passion antécédente sur la moralité des actes qui en sont la suite? On doit distinguer: 1o si la passion est d'une telle violence qu'elle ôte la présence d'esprit, l'usage de la raison, il est clair que les actes qui en dérivent ne sont pas imputables, puisqu'ils n'ont rien de volontaire. Ces actes ne pourraient être imputables que dans le cas où la passion, quoique involontaire en elle-même, serait volontaire dans sa cause. 2o Si la passion, comme il arrive ordinairement, ne fait que troubler l'esprit sans suspendre l'usage de la raison, elle diminue bien la liberté, mais elle ne la détruit point. Les actes qui en sont la suite sont donc imputables, du moins dans une certaine

mesure.

Chapitre VI.

DES VERTUS ET DES VICES.

Dans la première partie nous avons traité de la vertu et du vice en général; nous devrions ici, en appliquant les principes posés alors, parler avec quelque détail des vertus et des vices en particulier ou du moins expliquer les vertus principales et les vices capitaux, et montrer comment celles-là sont le principe et le centre de toutes les vertus, et ceux-ci la source de tous les vices. Nous nous bornerons à dire quelques mots sur ce grave et inépuisable sujet.

§ 1. Des vertus.

Ce qui constitue un acte vertueux, ou une habitude vertueuse, avons-nous dit dans la première partie, c'est la conformité à la loi morale, règle et mesure souveraine de toute bonté morale. Les vertus doivent donc se diviser et se classer d'après les préceptes dans lesquels la loi morale se particularise; en d'autres termes,elles doivent suivre la division et la classification des devoirs. Devoir et vertu, ce sont là deux concepts étroitement unis; car en définitive qu'est-ce que la vertu, sinon l'accomplissement du devoir? L'ordre des devoirs étant posé, celui des vertus l'est donc également. Il y a plus, il n'est pas possible de traiter des devoirs sans parler en même temps des vertus; et dans les trois chapitres que nous avons consa

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