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Pour nous, nous devons le dire, il ne nous est pas possible d'attacher un sens précis aux expressions employées par S. Thomas et par les écrivains qui suivent son opinion. Nous ne comprenons pas ce que l'on peut entendre par une image fidèle, exacte de Dieu, et qui ne soit pas Dieu lui-même (1).

Article IX. La loi morale n'est point distincte de Dieu.

La vérité de cette proposition est établie par tout ce qui précède; nous ne la formulons ici que pour la mettre davantage en relief. La loi c'est le Bien absolu, c'est Dieu commandant aux esprits finis le maintien des rapports inhérents à la nature des êtres.

Ainsi non-seulement la loi morale suppose un législateur, comme les moralistes s'attachent d'ordinaire à le prouver, mais elle est le législateur lui-même parlant et commandant à la volonté créée : c'est Dieu faisant résonner sa voix douce et impérieuse tout ensemble dans le sanctuaire de la conscience humaine, et lui prescrivant d'observer l'ordre éternel et absolu, de se conformer à ses conceptions éternelles, à sa volonté absolue. La loi n'est donc point, comme l'enseignent plusieurs philosophes, quelque chose d'abstrait, qui n'aurait d'existence que dans la pensée humaine; elle est concrète, vivante, personnelle; elle est la vie suprême, la personnalité souveraine et absolue.

qu'avec moi-même; enfin qui me soit plus présent et plus intime que mon propre fonds. Ce je ne sais quoi si admirable, si familier et si inconnu ne peut être que Dieu. C'est donc la vérité universelle et indivisible qui me montre comme par morceaux, pour s'accommoder à ma portée, toutes les vérités que j'ai besoin d'apercevoir. » De l'existence de Dieu, part. II, chap. IV, n. 49, 50. Cf. Part. I, chap. II, n. 49 sqq.

(1) Gerdil a fait une remarque analogue : « Si on veut un peu y réfléchir, dit-il, on se convaincra aisément que ce que disent les théologiens, après S. Thomas, de la loi naturelle, que c'est une lumière, une participation, une impression, une émanation, un rayon réfléchi de la loi éternelle... ne peut s'entendre qu'en prenant au pied de la lettre le sentiment formel de S. Augustin.» Principes métaphysiques de la morale chrétienne, vine principe. OEuv. tom. 11, p. 73. Rome 1806.

Corollaires. Sont nécessairement faux tous les systèmes qui 4o séparent de Dieu la loi morale et la considèrent comme indépendante de lui; 2o ceux qui, tout en reconnaissant que la loi morale ne peut exister indépendamment de Dieu, la distinguent cependant de lui et en font je ne sais quoi d'abstrait qu'ils ne peuvent définir.

S IV. De la source et du fondement de la loi morale.

Nous avons déjà constaté précédemment la source et le fondement de la loi, en montrant et ce qu'elle est, et comment elle s'engendre. Néanmoins nous croyons utile de formuler cette question séparément afin de classer dans un ordre plus sévère et de placer ainsi dans un plus grand jour les principes que nous avons déjà reconnus.

On entend par source de la loi ce dont elle dérive, et par fondement ce sur quoi elle repose, ce qui par conséquent lui donne sa force et sa valeur.

La loi morale, étant absolue et autonome, doit avoir sa source et son fondement en elle-même. Mais comment faut-il le comprendre?

On peut distinguer la source prochaine et la source dernière. La source dernière de la loi morale c'est Dieu en tant qu'il s'aime lui-même d'un amour nécessaire et absolu. C'est de cette source, que jaillit en dernière analyse le commandement qui s'impose à la volonté créée comme sa règle et sa loi; c'est là que ce commandement puise le caractère de bonté et de justice souveraine qui le distingue.

La source prochaine de la loi ce sont les rapports naturels des êtres en tant que conçus et voulus par Dieu, ce sont les essences métaphysiques des choses.

Le fondement de la loi morale se confond en réalité avec sa source, on peut donc appliquer à celui-là ce que nous avons dit de celle-ci.

SV. De la loi morale considérée comme le fondement et comme le modèle de toute loi positive.

On appelle en général loi positive une loi qui ne dérive pas immédiatement et nécessairement de la nature des choses, mais qui émane de la librè volonté de Dieu ou de l'homme; on la nomme positive en opposition à la loi naturelle (appelée par nous loi morale), qui est nécessaire et ne dépend point de la libre détermination ni de Dieu, ni de l'homme (1).

On distingue deux grandes classes de lois positives : les lois positives divines et les lois positives humaines. Les premières émanent de la libre volonté de Dieu, les secondes de la libre volonté de l'homme investi du pouvoir de porter des lois.

Article I. La loi morale est le fondement des lois positives.

Les lois positives ne sont point arbitraires; il est absurde de supposer qu'un législateur puisse ne consulter que ses caprices, que ses dispositions personnelles pour porter une loi : il y a une règle à laquelle toute loi doit être conforme, et cette règle suprême est la loi morale.

Nous arrivons à cette conclusion par deux voies différentes. 1° Toute loi comme telle doit être bonne (ou juste), elle s'adresse à la volonté, et la volonté n'a d'autre règle que le bien. Or une chose n'est bonne qu'en tant qu'elle participe du Bien absolu, source et fondement de tout bien; et la loi morale sidentifie avec le Bien absolu. Donc une loi positive ne peut être bonne et porter légitimement le nom de loi qu'en tant qu'elle s'appuie sur la loi morale.

2° Toute loi positive a pour objet le maintien ou la réalisation des vrais rapports des êtres; elle porte sur les rapports dérivés et secondaires. Mais ces rapports doivent s'appuyer sur les rapports primitifs et naturels; ceux-ci sont le fondement

(1) « Sciendum est, dit Suarez, illam legem vocari positivam quæ non est innata cum natura vel gratia, sed ultra illas ab aliquo principio extrinseco habente potestatem posita est; inde enim positiva dicta est, quasi addita naturali legi, non ex illa necessario manans. » De legibus, lib. 1. c. 5, n. 13.

nécessaire de ceux-là. Or la loi morale est le commandement qui prescrit le maintien des rapports primitifs et naturels des êtres; donc elle est de ce chef encore la base obligée de toute loi positive.

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D'ailleurs c'est un principe philosophique incontestable, que le nécessaire est en toute chose la base indispensable du contingent, l'absolu du relatif : le contingent et le relatif n'ont point leur raison d'être en eux-mêmes, et par conséquent il leur faut un fondement extérieur qui les soutienne et les légitime. Les lois positives tirent donc leur valeur et leur force obligatoire de la loi morale, c'est dans cette source qu'elles puisent le caractère sacré de lois. D'où il suit que quiconque nie la loi morale doit par là même refuser toute force obligatoire aux lois positives: détachées de leur base, elles perdent toute valeur et toute autorité.

Article II. La loi morale est le modèle des lois positives.

En général l'absolu est le modèle du relatif, le nécessaire est le type du contingent. Le relatif, en tant qu'il a de la perfection, ressemble à l'absolu; il lui est dissemblable par son imperfection. Eh bien, la loi morale est absolue et nécessaire, comme nous l'avons prouvé antérieurement. On voit donc à priori la vérité de notre proposition.

On peut également établir cette proposition en montrant les caractères que présente la loi morale. Nous les avons énumérés plus haut, nous ne les répéterons point. Ces caractères prouvent d'une manière éclatante qu'elle est réellement la loi parfaite, la loi-type: c'est sur ce modèle que toute loi doit être jugée. Plus les lois positives en approchent, plus elles sont parfaites, plus elles méritent de porter le nom de lois.

Ces considérations, fort simples en soi, prouvent en quelle étrange méprise tombent les moralistes qui, suivant une marche inverse, empruntent les caractères des lois positives pour les appliquer à la loi morale.

Ils commencent par traiter de la loi en général, et sous ce titre ils comprennent surtout les lois positives, les lois telles

qu'elles existent dans la société. Ils examinent les caractères généraux que présentent ces lois; puis ils cherchent à montrer que ces mêmes caractères, en ce qu'ils ont d'essentiel, se rencontrent dans la loi morale, et ils en concluent enfin que celleci est véritablement une loi!

J'aimerais autant qu'en traitant de Dieu, on commençât par exposer les caractères que présentent les êtres finis, puis que l'on appliquât ces caractères à Dieu, en vue de prouver qu'il peut légitimement porter le nom d'être! De part et d'autre c'est absolument le même procédé. L'être fini n'est être qu'en tant qu'il a quelque ressemblance avec l'être absolu, de même que les lois positives ne sont lois qu'en tant qu'elles sont l'image plus ou moins parfaite de la loi morale. Les philosophes dont nous parlons renversent complètement l'ordre de la nature; ils prennent la copie pour le modèle, l'effet pour la

cause.

Article III. Toute loi positive contraire à la loi morale est nulle.

La vérité de cette proposition résulte des deux précédentes. Dès qu'une loi positive est en opposition avec les prescriptions de la loi morale, elle cesse d'être loi; car toute loi doit être bonne; or ce qui est contraire à la loi morale est par là même mauvais.

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