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qu'elle n'a pas été restaurée par la grâce de Jésus-Christ, elle ne fait le bien qu'avec une extrême difficulté. Quiconque voudra seulement se regarder soi-même ratifiera volontiers la vérité de ce que j'affirme. D'ailleurs, quand même la nature humaine serait pure, la doctrine Fouriériste et Saint-Simonienne serait encore fausse, parce qu'elle méconnaît l'existence de la loi morale. Prétendre que l'homme doit laisser les passions se développer librement et sans entrave, c'est nier qu'il existe une loi souveraine et nécessaire à l'empire de laquelle tout homme soit tenu d'assujettir ses passions; c'est proclamer l'indépendance complète de l'homme. L'homme n'est point un être indépendant; ses affections, comme son intelligence et son libre arbitre, sont soumises à une règle; il est tenu de développer toutes ses facultés d'une manière conforme à cette règle. Hors de là c'est l'athéisme et l'immoralisme.

La doctrine de Saint-Simon et de Fourier est la doctrine la plus dégradante et la plus anti-sociale qui se puisse imaginer. Si jamais elle était acceptée par la société, tout l'édifice social s'écroulerait rapidement, toute trace de civilisation disparaîtrait, et les hommes, n'ayant d'autre guide que leurs instincts brutaux, ne tarderaient pas à se consumer de misère ou à se dévorer les uns les autres.

S III. Du libre arbitre.

La volonté est libre. Tout ce qui émane de la volonté n'est pas libre pour cela, comme nous l'avons vu dans le paragraphe précédent; les affections procèdent de la volonté, et en soi elles sont fatales. Mais pourtant la volonté est douée de liberté, elle possède la faculté d'agir en vertu de sa propre détermination et de son propre choix. C'est cette faculté que nous appelons libre arbitre. L'expression même d'arbitre indique une faculté qui juge, se détermine et décide.

L'arbitre réside dans la volonté, mais il n'agit point sans le concours de l'intelligence : il est nécessaire de connaître pour se déterminer et prendre une décision. C'est ce qui a fait dire

à S. Bonaventure que le libre arbitre commence dans l'intelligence et se consommé dans la volonté (1).

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Avant de considérer le libre arbitre de l'homme plus particulièrement dans ses rapports avec la loi morale, il ne sera pas inutile de dire quelques mots sur la liberté en général.

Nous ferons d'abord observer que le pouvoir de transgresser la loi et par conséquent de faire le mal n'appartient pas du tout à l'essence de la liberté : pouvoir transgresser la loi est une imperfection et un défaut, tandis que la liberté est une perfection; or jamais l'imperfection ne peut être de l'essence de la perfection. Dieu est libre, les bienheureux qui jouissent de la vision de Dieu dans le ciel sont libres, et là assurément le pouvoir de faire le mal n'existe point (2). « Voilà, dit Bossuet, dans ma liberté un trait défectueux, qui est de pouvoir mal faire; ce trait ne me vient pas de Dieu, mais il me vient du néant dont je suis tiré. Dans ce défaut, je dégénère de Dieu qui m'a fait; car Dieu ne peut vouloir le mal... Mon Dieu, voilà le défaut et le caractère de la créature! Je ne suis pas une image et ressemblance parfaite de Dieu, je suis seulement fait à l'image : j'en ai quelque trait, mais parce que je suis, je n'ai pas tout et on m'a tourné à la ressemblance, mais je ne suis pas une ressemblance, puisqu'enfin je puis pécher. Je tombe dans le défaut par mille endroits...; mais l'endroit où je dégénère le plus, le faible, et, pour ainsi dire, la honte de ma nature, c'est que je puisse pécher (3).

:

Il est donc permis de dire que non-seulement le pouvoir de transgresser la loi n'appartient point à l'essence de la liberté,

(1); « Patet quod libertas arbitrii, sive facultas quæ dicitur liberum arbitrium, in ratione inchoatur, et in voluntate consummatur. Et quoniam penes illud principaliter residet, penes quod consummatur, ideo principaliter libertas arbitrii... in voluntate consistit. » In lib. II Sentent. dist. 25, p. 1, q. 6.

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(2) << Talem, dit S. Anselme, oportet dare definitionem libertatis arbitrii quæ nec plus nec minus illâ contineat. Quoniam ergo liberum arbitrium divinum, et honorum angelorum peccare pon potest, non pertinet ad definitionem libertatis arbitrii posse peccare. Denique nec libertas nec pars libertatis est proinde peccandi potestas. » Dialog. de libero arbitrio. c. 1. (3) Élévations sur les mystères, ve sem, élév. m.

mais que la liberté parfaite exclut nécessairement ce pouvoir. Aussi longtemps que la liberté peut faillir, elle est imparfaite; elle n'est véritablement parfaite que quand elle s'exerce sans pouvoir faillir; c'est là l'idéal de la liberté.

La liberté de l'homme dans son état actuel comprend le pouvoir de trangresser la loi; et même notre volonté incline plus fortement au mal qu'au bien.

Nous ne pouvons nous arrêter à établir ex professo que l'homme possède réellement la liberté; cette question est traitée dans le cours d'Anthropologie. Nous devons seulement considérer ici le libre arbitre de l'homme dans ses rapports avec la loi morale.

C'est le libre arbitre qui est le terme direct et immédiat de la loi morale, c'est à lui qu'elle s'adresse, c'est lui qui est chargé de diriger les autres facultés selon les règles de l'ordre établi de Dieu. C'est donc le libre arbitre qui fait de l'homme un être moral, capable de bien et de mal moral, un être responsable de ses actes; sans le libre arbitre point de responsabilité possible. On comprend aussi par là que le libre arbitre fait la principale noblesse de l'homme. C'est par lui que l'homme s'unit au Bien, y participe, et entre ainsi dans une communion intime avec Dieu, travaillant sous sa direction à la réalisation du plan que cet auteur de son être a conçu et voulu de toute éternité. Mais d'un autre côté l'abus d'un don si excellent doit plonger l'homme dans un abîme de dégradation. Car l'arbitre humain peut violer la loi, il peut troubler l'ordre divin qui régit le monde, il peut s'opposer à la volonté de Celui qui l'a fait.

Néanmoins, il est bon de le remarquer, notre libre arbitre ne peut jamais aller jusqu'à détruire le plan de la Providence dans le gouvernement du monde moral. La liberté humaine est une liberté finie et limitée qui demeure soumise, même dans ses écarts, à l'action de la Providence divine. Dieu lui permet de se déployer à son gré dans certaines limites; mais il sait aussi la contenir sans la violer : il lui dit comme à la mer : Tu iras jusque-là, mais là tu briseras l'orgueil de tes flots (1).

(1)

Celui qui met un frein à la fureur des flots,
Sait aussi des méchants arrêter les complots.

II у

des écrivains qui considèrent la liberté humaine comme une faculté pleinement indépendante, pouvant se déployer sans règle et sans frein, au gré de ses caprices. Aussi l'existence d'une loi morale, extérieure à l'homme et lui imposant un lien, est, à leurs yeux, inconciliable avec la liberté. Nous ne dirons que deux mots sur cette étrange doctrine. La liberté créée ne saurait se confondre avec l'indépendance; l'indépendance absolue n'appartient qu'à Dieu, parce que Dieu seul est par soi; et encore l'indépendance divine est nécessairement réglée par la raison. Prétendre que la volonté humaine n'est libre qu'autant qu'elle est affranchie de toute règle, c'est tomber dans l'athéisme; car s'il existe un Dieu intelligent et sage, toute force, toute faculté doit avoir sa loi suivant laquelle elle agisse et se développe : c'est l'ensemble de ces lois qui constitue l'ordre universel (1).

C'est en vertu de son libre arbitre que l'homme est la cause morale de ses actes, c'est par là qu'ils lui sont imputables. On distingue l'imputabilité et l'imputation. L'imputabilité est cette qualité qui fait qu'un acte peut être attribué à un agent comme à sa cause morale; l'imputation est un jugement pratique par lequel on attribue réellement un acte à quelqu'un comme à sa cause morale. Il ne suffit pas, et il n'est point nécessaire que quelqu'un soit la cause physique d'une chose, pour qu'elle lui soit imputable, il doit en être la cause morale; et l'homme n'est cause morale d'une chose qu'en tant qu'elle procède de sa libre volonté. Néanmoins il n'est pas nécessaire qu'une action soit libre en elle-même pour être imputable, il suffit qu'elle soit libre dans sa cause ce qui a lieu toutes les fois que l'on prévoit que tel ou tel effet doit résulter d'un acte qu'on pose librement.

(1) Nous avons traité avec un peu plus de détail la question de la liberté dans l'ouvrage qui a pour titre : Les dogmes catholiques exposés, prouvés et vengés des attaques de l'hérésie et de l'incrédulité; tom. I, liv. VII, chap. II.

Chapitre VI.

DU BIEN ET DU MAL MORAL.

Les moralistes distinguent d'ordinaire trois sortes de biens : le Bien en soi, le bien physique et le bien moral dans le sens strict de ce mot. 1o Le Bien en soi c'est Dieu s'aimant lui-même et aimant les conceptions de son intelligence. 2o Le bien physique réside dans les choses créées, en tant qu'elles sont l'expression et l'image des conceptions divines; il consiste donc dans la conformité matérielle des créatures avec la volonté absolue de Dieu. Ainsi les choses créées, et en elles-mêmes, et en tant qu'elles suivent fatalement les lois de leur nature, sont bonnes, mais d'une bonté purement physique; elles ne sont point bonnes moralement. « Quand un arbre, dit M. Saisset, se nourrit des sucs de la terre, quand une rivière suit son cours, quand la terre parcourt son orbite autour du soleil, cela est bien, cela est bon; mais cela n'est pas un bien moral, par la raison très-simple que la terre, un arbre, une rivière, vont à leur fin sans le vouloir, sans y concourir librement (1).» 5o Le bien moral consiste dans la conformité libre de la volonté créée avec la volonté absolue de Dieu. La créature intelligente et libre participe d'une manière spéciale au Bien en soi : elle agit avec connaissance et liberté; elle connaît le Bien et peut l'embrasser ou le répudier: si elle l'embrasse en agissant en conformité avec lui, elle fait bien, et c'est là

(1) Morale, v, § 2.

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