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effort. Les meilleurs manuels de morale présentent sous ce rapport de graves défauts. La plupart des auteurs ne remontent pas jusqu'aux premiers principes de l'ordre moral; ils s'arrêtent à des principes secondaires et dérivés qui ne rendent raison de rien, et par là il leur est impossible de saisir la véritable filiation des idées ; ils ne peuvent apercevoir que fort imparfaitement l'unité de l'ordre dont ils exposent les lois.

Nous avons essayé de corriger ces défauts en partant de principes plus élevés et qui nous paraissent plus philosophiques. C'est au public instruit qu'il appartient de décider jusqu'à quel point nous avons réussi.

Peut-être quelques personnes trouveront-elles notre manière de procéder trop élevée et beaucoup trop métaphysique pour un cours destiné à des jeunes gens. Mais c'est là un reproche auquel il n'est pas difficile de répondre. D'abord nous sommes convaincu que, en dehors d'une métaphysique profonde, il n'y a point de philosophie possible; il peut y avoir des aperçus ingénieux, des analyses plus ou moins solides, mais jamais on ne trouvera la véritable raison des choses. Il faut donc bien en prendre son parti : qu'on fasse de la philosophie, ou qu'on n'en parle point, Nous croyons d'ailleurs qu'il y a toujours moyen de mettre à la portée des jeunes gens, même d'un esprit médiocre, des idées de haute et profonde métaphysique : ces idées sont le patrimoine commun de toutes les intelligences, elles sont présentes à tous les esprits, et nous pensons qu'avec de la méthode on peut les montrer et les faire apercevoir à tous, avec cette différence sans doute, que les uns y verront plus, les autres moins, suivant leur capacité et le degré d'attention qu'ils voudront y prêter.

Au reste, nous pensons qu'un maître n'a pas seulement pour mission d'enseigner à ses élèves les éléments de la science qu'il représente, il nous semble qu'il doit avoir principale

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ment en vue de développer et d'élever les facultés de ses élèves. Or rien de plus propre à atteindre ce but que de les initier aux grandes vues de la métaphysique chrétienne. Qu'on nous permette de transcrire ici sur la mission de l'enseignement une belle page que nous empruntons à l'abbé Balmès. L'enseignement, dit cet écrivain si élevé et si judicieux, se propose deux objets : 1o apprendre aux élèves les éléments des sciences; 2o développer leurs facultés, de sorte qu'au sortir des écoles ils soient en état de s'avancer, en proportion de leur capacité, dans la carrière qu'ils auront choisie. On pourrait croire que ces deux objets de l'enseignement sont identiques; il n'en est point ainsi. Pour réaliser le premier, il suffit d'un maître médiocrement instruit. Seuls, des hommes d'un mérite véritable savent se proposer le second. La science des uns peut se borner à un certain enchaînement de faits et de principes dont l'ensemble forme le corps de la science. Les autres doivent savoir comment s'est formée cette chaîne dont les extrémités se réunissent. Les premiers connaissent les livres. Les seconds doivent connaître les choses... L'explication claire des termes, l'exposition courante et simple des éléments sur lesquels la science repose, l'arrangement méthodique des théorèmes et de leurs corollaires, voilà le caractère spécial de l'enseignement élémentaire. Mais celui qui porte plus haut ses vues; celui qui regarde les jeunes intelligences confiées à ses soins, non comme des toiles neuves sur lesquelles il doit esquisser quelques traits ineffaçables, mais comme un terrain qu'il peut rendre fertile, à celui-là incombe une œuvre plus élevée, un plus difficile labeur. Être à la fois clair et profond, unir les combinaisons à la simplicité, conduire les intelligences par des chemins faciles, et leur enseigner en même temps à vaincre les difficultés dont la route des sciences est toujours hérissée, signaler les défilés par lesquels ont passé les inventeurs, les obstacles qu'ils ont franchis; inspirer le goût, l'enthousiasme du beau,

qui est la splendeur du vrai; donner au talent la conscience de ses forces, sans surexciter l'orgueil, telle est la tâche de celui qui regarde l'enseignement, non comme une moisson qu'il doit récolter lui-même, mais comme une semence d'avenir (1). ·

Ces réflexions de Balmès, chacun le voit aisément, s'appliquent d'une façon toute particulière à l'enseignement de la philosophie.

Nous devons maintenant dire un mot de la distinction établie entre la philosophie morale et le droit naturel.

Dans l'enseignement des universités on traite aujourd'hui séparément le droit naturel et la morale. Cette séparation peut ne pas être sans profit pour la science. Le cours de droit naturel ou de philosophie du droit, comme on l'appelle encore, peut devenir une utile introduction à l'étude du droit positif, en appropriant spécialement à cette étude quelques principes généraux de l'ordre moral. On peut en outre réserver à ce cours certains points de l'ordre moral qui concernent les rapports extérieurs des hommes entre eux, soit comme membres de la famille, soit comme membres d'une société civile, soit comme membres de l'humanité en général. Mais pour demeurer dans le vrai, il ne faut pas oublier que ces principes sont réellement des principes moraux; il ne faut pas perdre de vue que ces divers points doivent relever de la morale et s'appuyer sur elle. Le droit ne saurait jamais être qu'une dépendance de la morale. Hors de là il n'est rien.

Nous n'admettons donc point en principe cette distinction radicale entre le droit et la morale, établie avec tant d'éclat

(1) Art d'arriver au vrai, chap. XVII, § 1. Je ne saurais trop recommander cet ouvrage de l'éminent publiciste espagnol; c'est une sorte de philosophie pratique où abondent les vues les plus ingénieuses, les plus profondes et les plus utiles pour la conduite de la vie : je voudrais que ce beau livre devint le vade-mecum de tous les jeunes gens et même de tous les hommes qui s'occupent de travaux intellectuels. Il a été réimprimé à Liége.

par Kant et adoptée depuis lors assez généralement en Allemagne; cette différence nous semble ne reposer sur aucun fondement philosophique. Kant, à cause du point de départ subjectif et abstrait de sa philosophie, n'a jamais su, comme nous le prouverons dans ce livre, s'élever jusqu'au principe générateur de la morale ni du droit. Aussi dès qu'il s'agit de principes, le plus souvent il ne s'appuie que sur des abstractions, ou tout au moins sur des notions secondaires et accessoires qui en elles-mêmes n'ont aucune valeur. C'est ce qui lui est particulièrement arrivé dans la question de la différence entre le droit et la morale. Les traités de morale et de philosophie du droit du profond penseur de Koenigsberg renferment d'excellents détails; mais ils nous paraissent manquer de base.

Encore un mot avant de terminer cette préface. Ce n'est pas un cours complet de philosophie morale que nous donnons au public; nous ne publions qu'une exposition scientifique des principes généraux qui sont le fondement de la morale, et qui forment la première partie de notre cours. Mais ces principes une fois bien compris, il est facile de les appliquer. Nous indiquerons, du reste, à la fin de ce livre, la manière dont nous les appliquons dans la seconde partie.

Louvain, à la Fête de la Purification de la Sainte-Vierge 1852.

AVERTISSEMENT DE LA SECONDE ÉDITION.

Nous ajoutons dans cette nouvelle édition la seconde partie de notre cours. En publiant cette seconde partie, qui complète notre cours de philosophie morale, nous déférons au vœu de plusieurs personnes instruites qui nous ont fait l'honneur de lire notre première édition, et qui ont exprimé le désir de voir comment nous appliquons les principes généraux et théoriques de la morale aux différents ordres de rapports que l'homme soutient; car tel est l'objet de la seconde partie, elle n'est qu'une application de la première. Nous avons voulu aussi, en publiant notre cours complet, abréger et faciliter le travail des élèves qui suivent nos leçons.

Nous traitons dans la seconde partie de quelques matières que plusieurs moralistes ont voulu, de nos jours, exclure du cadre de la philosophie morale. Ainsi notre premier chapitre est consacré à l'exposition des devoirs de l'homme envers Dieu. Or Kant prétend que ces devoirs appartiennent exclusivement à la religion et ne rentrent pas dans le cadre de la philosophie morale; il croit donc qu'en morale on ne doit traiter que des devoirs envers soi-même et des devoirs envers les autres hommes (1). Mais c'est là une erreur très-grave; et cette

(1) Die Metaphysik der Sitten, II Th. Metaphysische Anfangsgründe der Tugendlehre, II Th. Ethische Methodenlehre. OEuvres, tom. 5, p. 329 sqq. Leipzig 1858.

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