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Et quand il eut fini, contemplant son ouvrage,
Quelques larmes de joie humectèrent ses yeux;
Et d'un air satisfait, il sourit sous l'ombrage
Du chêne conservé par ses soins généreux.

Content il s'éloignoit ; mais une voix propice
Le rappelle, exprimant la joie et ses transports:
De cet arbre c'étoit la nymphe protectrice,
Une Dryade enfin : il en étoit alors.

Tu protégeas mes jours, ô berger, lui dit-elle;
Pauvre, tu ne conduis que deux chèvres au bois:
Que veux-tu ? parle, ordonne; en faveur de ton zèle,
J'accomplirai ton vœu ; je le puis, je le dois.

Nymphe, dit le berger, bienfaisante Dryade,
J'ai pour moi le travail, la force et la gaité;
Mais depuis la moisson mon voisin est malade:
O Nymphe! que Daphnis recouvre la santé.

Son vœu fut exaucé: Daphnis lui dut la vie.
Mais lui-même depuis prospéra chaque jour;
De ses nombreux troupeaux il couvrit la prairie :
Les dieux ne laissent pas un bienfait sans retour.

Par la C. PIPELET.

L'EXEMPLE DE NOÉ.

A MON ONCLE, RUINÉ COMME MOI.
AINSI périt dans le même naufrage
Votre fortune et mon pauvre héritage!
Unique bien qui me restoit encor,
Dernier espoir, prends aussi ton essor;
Allez vous joindre à mes défuntes rentes
Dans le pays des chimères errantes ;
Du même pas, allez aux mémes lieux :
Tout ce que j'eus, recevez mes adieux.

C'en est assez ! plus de plainte frivole.
Dans son malheur, mon oncle se désole ;
Courons à lui, rappelons sa vertu,
Et relevons son esprit abattu.

Mon oncle, vous ! vous dévôt et poète!
Le sort en vous ne trouve qu'un athlète
Sans foi, sans verve! A-t-on le don des vers:
Il faut chanter, non pleurer ses revers.
Dans son exil, Ovide fit les Tristes.
Aimez-vous mieux des saints suivre les pistes ?
Regardez Job: pauvre comme un rentier,
Il est encor ferme sur son fumier.

Mais ce n'est Job, ce n'est pas même Ovide,
Que j'ai dessein de vous offrir pour guide.
L'exemple est bon, plus il est ancien ;
Du grand déluge aussi date le mien.
Et cette époque a, malgré la distance,

G

Avec la nôtre assez de ressemblance.

Non que je veuille, avec intention,
Blesser en rien la révolution:

Je sais quels biens un jour doivent la suivre ;
Pour en jouir, qu'il ne faut qu'assez vivre;
Que la tempête enfin se calmera;

Qu'au fond de l'eau la vase tombera;

Que l'on aura le calme et l'abondance;

Qu'en moins d'un siècle, il fera bon en France; Qu'en moins d'un siècle, on pourra s'arranger Pour être à jour avec le viager.

Mais hier encor, quand c'étoit la tourmente;
Quand du papier vint acquitter ma rente;
Quand les pervers nous persécutoient tous ;
Quand tous les maux fondoient sur moi, sur vous;
Quand nous n'avions que la mort pour refuge :
On l'avoûra, c'étoit bien le déluge ;
Et s'il est vrai, vous conviendrez aussi
Que de Noé l'exemple est bien choisi.

Or notez bien, au sortir de son arche,
Tout ce que fait le sage patriarche.
Il bénit Dieu; de quoi? De ce qu'il vit;
C'est quelque chose, alors que tout périt.
Puis il travaille, il nous plante la vigne.
Aimable saint, de modèle bien digne !
Et puis il boit. Je n'en dirai pas plus.
Mais à bon droit, mon oncle, je conclus

Qu'il faut, pour mettre à profit cette histoire,

Prier d'abord, puis travailler, puis boire.

Par le C. M.

LE CIMETIERE DE CAMPAGNE,

ÉLÉGIE

TRADUITE DE L'ANGLOIS.

De la cloche du soir j'entends les sons funèbres ¿
Le troupeau vers l'étable avance en mugissant;
Le laboureur le suit d'un pas pénible et lent:
Me voilà seul au monde au milieu des ténèbres

Les objets effacés rentrent dans le chaos;
Un silence imposant règne sur la nature;
Du seul insecte ailé résonne le murmure,
Son vol bruyant et lourd assoupit les hameaux.

Des créneaux d'une tour que tapisse le lierre,
Le hibou fait sa plainte à l'astre de la nuit;
Peut-être dans ma course errante et solitaire,
Ai-je troublé la paix de son triste réduit.

A l'ombre des cyprès et des ormes antiques,
Sous ces monceaux poudreux recouverts de gazons,
Reposent du hameau les ancètres rustiques,
Pour toujours resserrés dans leurs sombres prisons.

Vainement du matin la fraîcheur les appelle;
Le chant aigu du coq annonçant le réveil,
Le son perçant des cors, le cri de l'hirondelle,
Rien ne peut les tirer de leur profond sommeil,

Ils ne verront donc plus l'épouse prévoyante
S'empresser sur le soir autour de leurs foyers;
Ni des tendres enfans la troupe bégayante,
Sur leurs genoux assis, disputer leurs baisers.

Tantôt fiers de conduire un superbe attelage,
Ils soumettoient la terre au joug du labourage;
Tantôt ils moissonnoient les fertiles guérets;
Ou, la hache à la main, abattoient les forêts.

L'ambitieux se rit de leurs travaux utiles,

De leurs plaisirs grossiers, de leurs obscurs destins ;
Mais du simple colon les annales stériles
Peuvent braver des grands les superbes dédains.

Est-ce donc un reproche à faire à sa mémoire,
S'il n'a pas dans le temple un trophée orgueilleux,
Qui semble disputer l'empire des saints lieux
A celui dont sans cesse on y chante la gloire?

La beauté, les trésors, dont l'éclat nous séduit, La fierté du pouvoir, l'orgueil de la naissance, Tôt ou tard de la mort éprouvent la puissance; Chaque pas de la gloire au tombeau nous conduit.

L'éloge charme-t-il des morts la froide oreille?
A des cendres peut-on rendre le sentiment?
Uné vaine épitaphie, un pompeux monument,
Peuvent-ils réveiller une ombre qui sommeille ?

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