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LE TAILLEUR,

CERTAIN

FABLE.

IN tailleur, habile en son métier,

Vouloit introduire la mode

D'un habillement singulier,

Mais de bon goût, leste et commode.

Il employa tout son avoir

A faire une emplette choisie

Des plus beaux draps, et mit tout son savoir A les tailler selon sa fantaisie.

Puis, le tout emmagasiné,

Il afficha sur sa boutique

Un beau patron bien dessiné,
Où se voyoit sa nouvelle pratique.
Le dessin plut, et chalands de venir
Au magasin, pour se fournir.
Jusqu'alors l'affaire étoit bonne :
Mais il y manquoit le grand point.
Chacun voulut essayer un pourpoint:
Il se trouva qu'ils n'alloient à personne.
La mode ne réussit point.

Ceci convient aux faiseurs de systême,
En fait de mœurs, de police et de loix,
Qui, selon moi, ressemblent quelquefois
A ce tailleur : leur objet est le même ;

Réforme utile au citoyen,

Voilà le but, et tout va bien Sur le papier; l'intention est pure, Les matériaux excellens,

Les ouvriers pleins de talens:

Mais on n'a pas pris la mesure.

Par le C. MANCINI-NIVERNOIS.

SUR LA MORT D'UNE JEUNE FILLE.

SON âge échappoit à l'enfance.

Riante comme l'Innocence,

Elle avoit les traits de l'Amour.

Quelques mois, quelques jours encore,

Dans ce cœur pur et sans détour,

Le sentiment alloit éclore.
Mais le Ciel avoit au trépas
Condamné ses jeunes appas.

Au Ciel elle a rendu sa vie,
Et doucement s'est endormie,

Sans murmurer contre ses loix.
Ainsi le sourire s'efface;

Ainsi meurt, sans laisser de trace,
Le chant d'un oiseau dans les bois.

Par le C. PARNY.

MESSA LINE,

TRADUCTION DE JUVÉNAL (*). QUAND de Claude assoupi la nuit ferme les yeux,

D'un obscur vêtement sa femme enveloppée,
Seule avec une esclave, et dans l'ombre échappée,
Préfère à ce palais, tout plein de ses aïeux,
Des plus viles Phrynés le repaire odieux.
Pour y mieux avilir le rang qu'elle profane,
Elle emprunte à dessein un nom de courtisane;
Son nom est Lysisca: ces exécrables murs,
La lampe suspendue à leurs dômes obscurs,
Des plus affreux plaisirs la trace encor récente,
Rien ne peut réprimer l'ardeur qui la tourmente.
Un lit dur et grossier charme plus ses regards,
Que l'oreiller de pourpre où dorment les Césars.
Tous ceux que dans cet antre appelle la nuit sombre,
Son regard les invite, et n'en craint pas le nombre.

(*) Cet essai de traduction a été fait à la suite d'une gageure entre quelques gens de lettres. On prétendoit que la poésie françoise ne pouvoit rendre avec fidélité certains détails des satyres de Juvénal, et on cita pour exemple la peinture des excès de Messaline. On alléguoit l'autorité de Despréaux :

Le latin dans ses mots brave l'honnêteté;

Mais le lecteur françois veut être respecté.

Thomas, animé par la difficulté même, fit ces vers le len demain. (Extrait d'une lettre du C. Fontanes.)

Son sein nud, haletant, qu'attache un réseau d'or,
Les défie, et triomphe, et les défie encor.
C'est là que, dévouée à d'infames caresses,
Des muletiers de Rome épuisant les tendresses,
Noble Britannicus, sur un lit effronté,

Elle étale à leurs yeux les flancs qui t'ont porté!
L'aurore enfin paroît, et sa main adultère
Des faveurs de la nuit réclame le salaire.
Elle quitte à regret ces immondes parvis.
Ses sens sont fatigués et non pas assouvis.
Elle rentre au palais hideuse, échevelée ;
Elle rentre, et l'odeur autour d'elle exhalée,
Va sous le dais sacré du lit des empereurs,
Révéler de sa nuit les lubriques fureurs.

Par feu THOMAS.

POUR LE PORTRAIT DE D'ALEMBERT.

JE change à mon gré de visage.

Je deviens tour-à-tour Dangeville, Poisson, Rimeur (1), historien (2), géomètre, bouffon (3); Je contrefais même le sage (4).

Par feu CHAMFORT.

(1) D'Alembert faisoit alors des vers.

(2) Les mémoires de la reine Christine.

(3) On connoît les talens de d'Alembert pour contrefaire. (4) Il y a sans cesse dans les ouvrages de d'Alembert: Lo sage fait ceci ou cela. (Note de l'auteur.)

LES CONSOLATIONS

DE LA

VIEILLESSE,

POEME.

O toi qui reçus les hommages

De ce sage Romain, ce chantre audacieux,
Qui brava les enfers et détrôna les dieux;
Volupté ! volupté! charme de tous les âges,
Baume délicieux répandu sur nos maux,

Objet de tous nos vœux et de tous nos travaux,
Embellis, s'il se peut, les restes de ma vie.
Que seroient-ils sans toi, qu'un tissu de regrets?
Que deviendroit ce cœur qui t'a si bien sentie,
Si tu le quittois pour jamais?

C'est à toi d'égayer les jours de mon automne;
Mais ne me range plus au nombre des amans.
J'ai vu le vieux Damon, sur ses genoux tremblans,
Tomber aux genoux de Théone,

Et j'ai ri le premier de ses beaux sentimens.

D'un amour mutuel l'espérance crédule
Ne doit pas égarer un sage à cheveux blancs;
Gardons-nous d'ajouter au fardeau des vieux ans,
Celui d'un malheur ridicule.

Délices du cœur et des sens,

Transports divins, charmante ivresse,

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