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Que vous en avez tant appris.

Non, répond le Hibou, j'ai fort peu de science;
Mais je sais me suffire, et j'aime le silence,
L'obscurité sur-tout. Quand je vois les oiseaux
Se disputer entre eux la force, le courage,
Ou la beauté du chant, ou celle du plumage,
Je ne me mêle point parmi tant de rivaux,
Et me tiens dans mon hermitage.

Si quelquefois, le matin, dans le bois, Quelque étourneau bavard, quelque méchante pie M'apperçoit, aussi-tôt leurs glapissantes voix Appellent de par-tout une troupe étourdie

Qui me poursuit et m'injurie.

Je souffre, je me tais; et dans ce chamaillis,
Seul de sang-froid, et sans colère,

M'esquivant doucement de taillis en taillis,
Je regagne à la fin ma retraite si chère.
Là, solitaire et libre, oubliant tous mes maux,
Je laisse les soucis, les craintes à la porte.
Voilà tout mon secret. Je m'abstiens, je supporte.
La sagesse est dans ces deux mots.

Tu me l'as dit cent fois, cher Ducis ; tes ouvrages,
Tes beaux vers, tes nombreux succès,
Ne sont rien à tes yeux auprès de cette paix
Que l'innocence donne aux sages.

Quand de l'Eschyle anglois heureux imitateur,
Je te vois, d'une main hardie,

Porter sur la scène agrandie

Les crimes de Macbeth, de Léar le malheur,
La gloire est un besoin pour ton mále génie t

Mais elle épouvante ton cœur.

Seul au fond d'un désert, au bord d'une onde pure, Tu ne veux que ta lyre, un saule et la nature.

Le vain desir d'être oublié

Te séduit, te fait fuir sans cesse :
Ah! souffre au moins que l'amitié
Trompe en ce seul point la sagesse.

Par feu FLORIAN.

A DELPHINE, AGÉE DE DIX ANS, Auteur du roman intitulé: Les Suites de la désobéissance.

AUTEUR Sévère de dix ans

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Jeune beauté dont l'éloquence
Nous moralise avant le temps,
Et nous prêche l'obéissance;
Que vos préceptes séduisans
Vont nous paroître doux à suivre !
Mais pour nous rendre obéissans,
Vos yeux, je crois, seront puissans
Encore plus que votre livre.
Dans un àge où des dons naissans
Cherchent encore à peine à luire,
Vous exercez le double empire
Et des graces et des talens.
Poursuivez vos succès brillans;
Montrez de qui vous êtes fille,
Et qu'à mille traits ressemblans,
On dise: elle est de la famille !

Par le C. B

C

L'OCCASION.

PAGNE aimable du desir,

Quoique par fois un peu volage,
L'Occasion mène au plaisir :
Elle a des droits à notre hommage.
Amans, ne la négligez pas,
En soupirant auprès des belles ;
Suivez-la toujours pas-à-pas,
Et songez bien qu'elle a des ailes.
Soyez toujours prompts à saisir
Le moindre trait qui la décèle.
Un regard, un tendre soupir
Font triompher d'une cruelle.
Qu'elle sommeille un seul instant,
C'en est assez! adieu sa gloire!
L'Occasion n'a qu'un moment,
Mais il suffit pour la victoire.
Belles, sur-tout à votre voix,
L'Occasion aime à souscrire;
Vos vœux pour elle sont des loix,
Dès que votre cœur le desire.
Toujours ardente à vous servir,

Sans cesse on la voit sur vos traces:

Elle fit naître le plaisir,

Et ce fut pour l'offrir aux graces.

Par le C. A. MORTIER.

DE L'ABBÉ TRIGAUD,

DE SA DOCTRINE,

DE GLUCK, DE PICCINI, &c. Fragment d'un poëme sur la Musique. 7o chant.

CONNOISSEZ-VOUS la bizarre alliance

De la Paresse et de la Vanité ?
L'une chérit sa douce obscurité,
L'autre s'agite avec impatience.
Ainsi captif dans leur étroit lien,
Un malheureux, à lui-même contraire,
Désespéré de n'être jamais rien,
Ne peut jamais se résoudre à rien faire,
Tel fut Trigaud, lorsque, dans un fauteuil,
Sa nullité fut mise en évidence;

Tout l'effaçoit, tout blessoit son orgueil,
Et de sa faute il sentit l'imprudence.
Mieux eût valu, dans un repos obscur,
Garder sa place, et rien n'étoit si dur
Que d'être pauvre au sein de l'abondance.
Il veut du moins être riche en propos :
Des grands projets la fièvre le dévore;
Mais par malheur ils ne sont point éclos.
Il les rumine, il les rumine encore,
Et chacun dit: cessez, triste chaos ;
Et du chaos il ne peut rien éclore.

46..

Un torrent qui bondit,

» Sur des rochers, à nos yeux s'agrandit;
>> En mugissant il imprime la crainte :

De même un chant qui, d'écueil en écueil,
»Va se brisant, en a bien plus d'orgueil;
»Et nous dirons que pour être effrayante,
Ainsi bondit la passion bruyante;

» Qu'elle préfère un vers rude et scabreux
Aux vers coulans du foible et doux Racine;
» Qu'on ne peut rien dans un style nombreux,
Et que le chant, de ravine en ravine,
»Veut bouillonner dans un lit caverneux.
Que pensez-vous de cette rhétorique?
» J'ai, quand je veux, le style pindarique;
>>Et nul, je crois, ne l'a porté plus haut.
>> Allez, allez, laissez faire à Trigaud.

Il arriva ce jongleur de Bohême (*);
Il arriva, précédé de son nom.
Sur les débris d'un superbe poëme,
31 fit beugler Achille, Agamemnon;
Il fit heurler la reine Clytemnestre ;
Il fit ronfler l'infatigable orchestre ;
Du coin du roi les antiques dormeurs
Se sont émus à ses longues clameurs,
Et le parterre, éveillé d'un long somme 2
Dans un grand bruit crut voir l'art d'un grand homme

(*) Il est certain qu'il y a de l'exagération dans ce por trait. Il y en avoit alors dans ce qu'écrivoient les deux partis.

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