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LA GROSSESSE, L'ACCOUCHEMENT

ET LE NOUVEAU-NÉ CHEZ LES ANNAMITES À HUÉ,

par M. le Dr A. DUVIGNEAU,

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MÉDECIN PRINCIPAL DE 1 CLASSE DES TROUPES COLONIALES.

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Plusieurs auteurs, Mondière (1), Corre (2), Landes (3), Baurac), ont déjà parlé des coutumes et des superstitions se rattachant à l'hygiène de la grossesse, à la pratique des accouchements et aux soins donnés au nouveau-né, en Annam.

Le Dr A. Mangin, qui, au début de l'occupation française, remplit à Hué les fonctions de médecin de la Résidence générale et de la Cour d'Annam, a également, dans une thèse ayant pour titre « La médecine en Annam», consacré quelques pages à la description de ces coutumes et de ces superstitions.

Les notes que nous croyons devoir reproduire, sur le même sujet, représentent les renseignements qui nous ont été fournis par des médecins ou par des sages-femmes annamites, ainsi que les remarques faites à l'hôpital indigène ou au palais, pendant notre séjour à Hué.

Grossesse.

L'appréciation des signes de présomption de grossesse a beaucoup d'analogie avec celle qui existe chez les autres peuples.

La femme annamite se croit enceinte lorsque, chez elle, le flux menstruel a fait défaut pendant deux mois consécutifs et quand, en même temps, elle éprouve des nausées à la vue des aliments et une sensation de fatigue anormale rendant fréquent le besoin de repos.

(1) MONDIÈRE, Monographie de la femme cochinchinoise (Bulletin Soc. an throp., 1880).

(2) A. CORRE, La mère et l'enfant dans les races humaines, 1882.

(3) LANDES, Contes et légendes annamites, 1886.

(4) J. BAURAG, La Cochinchine et ses habitants, 1894.

La coloration plus accentuée de l'aréole des mamelons est aussi considérée comme un signe de grossesse.

Le gonflement des seins et la sortie de gouttelettes de sérosité blanchâtre obtenue par la pression du mamelon entre deux doigts constitueraient, au moins chez la primipare, un signe de certitude.

La sage-femme, qui est ordinairement consultée par les femmes de la classe aisée, confirme l'état de grossesse quand elle constate des battements au niveau de la région thyroïdienne ainsi que le redressement des cils!

Les premiers mouvements fœtaux actifs deviennent perceptibles au cinquième mois chez la primipare et au quatrième mois chez la multipare.

Les signes de probabilité et de certitude ne sont jamais perçus par le palper abdominal. Les matrones annamites croient, en effet, que des pressions exercées sur le ventre d'une femme enceinte peuvent faire prendre une position vicieuse au fœtus ou arrêter ses mouvements. Cependant, pour établir le pronostic de l'accouchement, la matrone applique légèrement la main sur l'abdomen de la femme; si la peau est chaude, l'accouchement se fera dans de bonnes conditions; si elle est froide, le pronostic est mauvais pour la mère et pour l'enfant.

Ces appréhensions au sujet de la pratique du palper abdominal ne sont pas, sans doute, partagées par toutes les sagesfemmes indigènes, car on nous a affirmé que certaines d'entre elles cherchaient quelquefois à se rendre compte de la position occupée par la tête foetale dans les derniers mois ou au terme de la grossesse.

Précautions hygiéniques et pratiques superstitieuses relatives à la grossesse. La grossesse est l'objet de précautions hygiéniques particulières, rarement négligées, auxquelles se mêlent, il est vrai, des pratiques superstitieuses qui peuvent rendre l'intervention du sorcier presque aussi indispensable que celle de la sage-femme et surtout que celle du médecin, auquel on n'a recours que dans des cas exceptionnels.

Il y a des aliments qui sont interdits pendant la grossesse,

le sang de poulet ou de porc par exemple, la chair du canard ou du pigeon et celle d'un poisson appelé con ca rô(1).

La viande de poulet ne doit pas être mangée avec du nêp (riz gluant).

L'usage du safran dans les aliments est également défendu. La goyave, la mangue, la banane à graines et, d'une façon générale, tous les fruits astringents, quand leur maturité est incomplète, sont considérés comme dangereux dans l'alimentation.

L'abstention de l'eau-de-vie de riz comme boisson est recommandée.

En outre, la femme enceinte doit obéir aux prescriptions suivantes :

Éviter de marcher sur un animal; ne pas enjamber une corde, un bambou ou un obstacle analogue, mais poser le pied dessus; ne pas monter sur une échelle ou se livrer à des travaux qui exigent l'élévation des bras; manger dans la position ordinaire, c'est-à-dire accroupie sur une table ou sur un lit, mais sans laisser pendre une jambe et sans trop se pencher en arrière ou en avant.

La femme qui séjourne dans un endroit où l'on défriche, où l'on entreprend des travaux de terrassements, doit toujours craindre un avortement.

Pendant toute la durée de sa grossesse, la femme peut prendre des bains à son domicile, mais jamais dans un cours 'd'eau.

Les rapprochements sexuels doivent être supprimés à partir du troisième ou du quatrième mois de la grossesse, la continuation de ces rapprochements pouvant faire craindre que l'enfant né naisse imbécile ou ne devienne plus tard un mauvais sujet.

A partir du huitième mois, la femme enceinte doit s'abstenir de crier, de se disputer, de frapper le sol du pied, de piler le riz, de porter de trop lourds fardeaux et, enfin, d'as

(1) Ce poisson est très-commun dans la vase des terrains périodiquement inondés où le riz est cultivé.

sister à des spectacles qui peuvent produire chez elle une vive émotion.

Une femme enceinte ne doit rien recevoir d'une femme qui a eu une ou plusieurs fausses couches; si la femme a déjà eu un avortement, elle doit en craindre un nouveau (la syphilis, très fréquente, est méconnue comme cause d'avortement); aussi devra-t-elle prendre certaines précautions, apaiser les esprits des enfants mort-nés qui sont les mauvais génies des femmes enceintes; pour cela, elle fera pratiquer une scène d'exorcisme par un sorcier (1). "

A la fin de sa grossesse, la femme doit s'assurer la protection des ancêtres, des déesses de l'accouchement et des trois fondateurs des religions de l'empire.

Maladies observées pendant la grossesse. — La grossesse ne met pas la femme annamite à l'abri des atteintes des diverses maladies régnant dans le pays et n'atténue pas, non plus, la gravité de ces atteintes.

Chez 127 femmes traitées pendant leur grossesse, à l'hôpital indigène ou à l'extérieur, nous avons observé 2 cas de diarrhée, 7 cas de dysenterie aiguë dont 2 à forme grave, et 6 cas de paludisme.

Ces affections ont atteint des femmes de paysans ou de coolies dont les conditions de logement, de nourriture et d'habillement sont déplorables et qui sont obligées, même en état de grossesse avancée, de participer, beaucoup plus qu'il ne conviendrait, à des travaux pénibles, exécutés sous le soleil ou sous la pluie, dans des localités peu salubres.

A Hué et dans la banlieue, les manifestations palustres ne sont généralement pas graves et ne peuvent guère avoir une influence fâcheuse sur la grossesse que par l'état d'anémie qu'elles engendrent à la longue chez des sujets intoxiqués, dont les accès de fièvre n'ont jamais été convenablement traités. Il n'en est pas de même dans quelques régions voisines de Hué, où le paludisme sévit avec intensité. Dans un cas, en

(1) A. MANGIN, La médecine en Annam, 1894.

effet, nous avons cru devoir rattacher à cette affection la cause d'un accouchement prématuré qui se produisit pendant une période fébrile chez une femme de coolie, provenant du huyên de Phu-Loc où étaient entrepris les travaux de construction de la voie ferrée qui relie Hué à Tourane.

Chez la femme de mandarin, dont la vie est absolument sédentaire, qui n'a point à craindre les intempéries et, enfin, qui est exempte des soucis et du surmenage physique occasionnés par la misère, la grossesse suit ordinairement son cours sans accident ou sans complication grave et peut même, dans certains cas, être l'occasion d'une amélioration de l'état général de la femme. Mais il est une maladie, commune à Hué, dont les funestes effets peuvent se manifester sur la grossesse, quelle que soit la classe de la société à laquelle la femme appartient. Nous voulons parler de la syphilis, affection dont les rapports avec la grossesse ne sont point connus des Annamites. A l'occasion de 143 accouchements qui ont eu lieu à l'hôpital, il a été noté, comme étant une conséquence de la syphilis maternelle, deux cas d'avortement, un cas d'accouchement prématuré et trois cas d'expulsion d'un enfant mort. En outre, nous avons traité, en ville, quatre femmes syphilitiques atteintes d'écoulements sanguins répétés compliquant l'avortement embryonnaire. Beaucoup de cas, cela ne fait pas de doute, à notre avis, échappent à l'observation, soit parce que, le produit de la conception étant expulsé tout à fait au début de la grossesse, la nature de l'accident reste ignorée, soit parce que, l'avortement ayant eu lieu au deuxième ou au troisième mois de la gestation, la femme, surtout dans la classe pauvre, s'abstient de réclamer les soins de la sage-femme ou du médecin. L'installation d'une maternité à Hué et la création d'un service de consultations gratuites dans les divers quartiers de la ville rendront de grands services à la population féminine et permettront de se rendre plus exactement compte de la fréquence des avortements spontanés et de la part de responsabilité qui revient à la syphilis dans leur production. La syphilis de date ancienne a été le plus souvent observée et, dans les différents cas qui se sont présentés, la

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