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arabe. Cette traduction existe encore: on la retrouve dans deux manuscrits de la Bibliothèque nationale, tous deux du XIe siècle, et dont l'un avait appartenu à Gérard d'Abbeville, qui le légua aux étudiants en théologie de la maison de Sorbonne (1). Un écrivain de l'âge de la Renaissance, Jérôme Bagolini, fait remarquer, avec peu d'indulgence, que cette vieille version, rédigée à une époque de barbarie, est écrite dans un style embarrassé, et que, de la première page à la dernière, elle est criblée d'erreurs (2). Telle qu'elle est, avec ses défauts, que nous ne contestons pas, elle suffisait pour faire connaitre Alexandre d'Aphrodisiade dans les écoles chrétiennes. D'autres traductions des ouvrages de notre philosophe sont parvenues d'assez bonne heure à la connaissance des docteurs scolastiques. Sans parler de quelques opuscules ou fragments qui dans divers manuscrits portent le nom d'Alexandre, Albert le Grand paraît bien avoir eu sous les yeux une traduction latine du traité De la mixtion, Hepi píčews; car il fait longuement allusion aux doctrines qui s'y trouvent développées. Quel a été le sort de ces traductions, toutes renouvelées au XVIe siècle par des interprètes plus habiles que ceux du moyen âge? Peut-être ont-elles péri comme tant d'autres ouvrages. En tout cas, elles ont dû être fort rares, mème dès l'origine, enveloppées qu'elles étaient, ainsi que tout le fait présumer, dans l'anathème lancé par le concile de Paris contre les écrits récemment apportés de Constantinople.

Il s'agirait maintenant de savoir si, indépendamment de l'influence de Scot Érigène, d'Aristote et d'Alexandre d'Aphrodisiade, il convient de faire une part, dans l'hérésie d'Amaury de

(1) Anciennement fonds de Sorbonne, 1786 et 1796; aujourd'hui fonds latin, 16602 et 16613. Le dernier feuillet du manuscrit 16602 contient la mention suivante : « Iste « liber est pauperum magistrorum studentium Parisiis in theologia, ex legato magistri « Gerodi de Abbatis-Villa. » Le manuscrit 16602 renferme divers écrits d'Alexandre d'Aphrodisiade: De tempore; De sensu et sensato; — Quod augmentum et incrementum fuerit in forma et non in yle. La traduction du premier de ces opuscules est attribuée à Gérard de Crémone, qui l'aurait écrite dans la ville de Tolède translatus a magistro Girardo Cremonensi, in Tolelo.

(2) « Qualem et mihi hujus opusculi De intellectu, incerto interprete, his diebus, a me nunquam ante animadversam, vidisse contigit [interpretationem] : in qua, præter «<locutionis involutam seriem, errata non multo verbis pauciora, ab ipso statim limine « ad calcem usque, sese legentibus nobis obtulerunt. » (Hieronymi Bagolini Veronensis in interpretationem Alexandri Aphrodisei De intellectu præfatio, Veronæ, 1516, in-4°.)

Chartres et dans celle de David de Dinan, à l'influence des écrivains arabes. Nous ne le pensons pas. Le célèbre ouvrage d'IbnGebirol, la Source de vie, le livre De causis et quelques écrits d'Averroès, destinés à devenir un peu plus tard un ferment d'agitation, étaient sans doute traduits et commençaient, dès les premières années du XIII° siècle, à trouver des lecteurs et des disciples dans les rangs de l'Université de Paris; mais nulle part on ne les voit cités par les contemporains comme ayant été connus d'Amaury ni de David, ni comme ayant contribué au développement de leurs doctrines. Quelles que soient les analogies que la critique peut constater entre les opinions de ces deux novateurs et celles d'Ibn-Gebirol sur la nature des choses et en particulier sur la matière, nous doutons que l'historien soit autorisé à établir entre les uns et les autres un rapport de filiation. Ce qui nous parait ressortir au contraire avec quelque précision des recherches qui précèdent, c'est que Scot Érigène et Alexandre d'Aphrodisiade sont les véritables auteurs du mouvement philosophique, promptement comprimé par l'autorité religieuse, que les premières années du XIII° siècle ont vu éclater dans le diocèse de Paris. Amaury de Chartres s'inspira de Jean Scot Érigène exclusivement, et entreprit de relever dans les écoles sa doctrine oubliée. David de Dinan, au contraire, suivit, outre Jean Scot, Alexandre d'Aphrodisiade, sur la trace duquel il se perdit dans les voies du matérialisme.

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Le xv et le xvre siècle étaient jusqu'ici la seule époque, depuis l'antiquité, où les traces de la doctrine d'Alexandre d'Aphrodisiade eussent été signalées par les historiens, et dans laquelle il parût avoir exercé une sérieuse influence sur la marche de la philosophie. En effet, il inspire alors Nicolas de Cus, Pomponat et l'école de Padoue; il est le promoteur des tendances rationnelles qui poussent la métaphysique à méconnaitre la nature spirituelle de l'homme et la personnalité divine. Mais, fait curieux et trop ignoré, trois cents ans auparavant, lors de cette première renaissance de la philosophie ancienne, qui s'opéra au XIIIe siècle sous l'influence des livres d'Aristote et des Arabes, introduits en Occident, Alexandre avait eu sa part d'impulsion et de direction dans le mouvement considérable imprimé aux écoles. Ses commentaires, comme nous venons de le voir, avaient frappé les esprits; ses doc

trines, quelque contraires qu'elles fussent au christianisme, avaient trouvé des partisans; et si, dès son apparition, cette école de matérialisme avait été dispersée par la vigilance rigoureuse du pouvoir ecclésiastique, c'est qu'elle avait devancé les temps et qu'elle ne pouvait être, en un siècle de foi, qu'un sujet de scandale et de persécution cruelle. Cependant, malgré les anathèmes et les bùchers, il est probable qu'elle ne fut pas étouffée entièrement et que ses débris allèrent rejoindre la secte plus dangereuse encore des Averroïstes, contre laquelle Albert le Grand et saint Thomas d'Aquin ont soutenu, au nom du christianisme et de la philosophie. de si vives controverses.

DISCUSSION DE QUELQUES POINTS

DE

LA BIOGRAPHIE DE ROGER BACON.

EXCURSIONS HISTORIQUES.

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