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L'INFLUENCE D'ARISTOTE

ET DE SES INTERPRÈTES

SUR LA DÉCOUVERTE DU NOUVEAU-MONDE.

DE

L'INFLUENCE D'ARISTOTE

ET DE SES INTERPRÈTES

SUR LA DÉCOUVERTE DU NOUVEAU-MONDE.

Je me propose de rechercher, dans les pages qui suivent, l'influence qu'Aristote et ses interprètes ont exercée sur le développement d'une conception géographique qui, de l'aveu de tous les historiens, a joué un rôle essentiel dans la découverte du Nouveau-Monde.

Lorsque, le 3 août 1492, Christophe Colomb quitta le port de Palos avec les trois vaisseaux que la reine Isabelle de Castille avait placés sous ses ordres, il s'attendait, en cinglant vers l'ouest, à rencontrer les côtes de l'Inde. C'était surtout cette conjecture, évidente à ses yeux, qui lui avait inspiré sa périlleuse entreprise; ce fut elle qui le soutint contre le découragement de ses compagnons, effrayés de la longueur du voyage; tel était l'empire qu'elle exerçait sur son esprit, qu'en touchant la terre il se crut à proximité de l'Asie; qu'au voyage suivant, parvenu à l'île de Cuba, il en prit les côtes pour celles du Cataï, et qu'il mourut avant d'avoir été détrompé. Il est constant, par le témoignage de Christophe Colomb, que la possibilité d'aller d'Espagne en Asie, à travers l'océan Atlantique, n'était pas une hypothèse qui lui fût propre et qu'il eût personnellement inventée; il avoue qu'il l'avait puisée dans les ouvrages des cosmographes les plus accrédités

de son temps, entre autres, l'Imago mundi du cardinal d'Ailly. C'est d'ailleurs un fait avéré, que cette doctrine remonte plus haut même que Pierre d'Ailly, plus haut même que le moyen âge, et qu'elle a été soutenue dès l'antiquité : le témoignage de Sénèque, à défaut de ceux d'Aristote et de Strabon, ne permet aucune hésitation à cet égard. Mais combien d'autres conceptions qui s'étaient produites chez les anciens se sont ensuite effacées et perdues, ou bien sont demeurées stériles! Comment se fait-il que l'idée d'une communication entre les rivages de l'Europe et la côte de l'Asie, prolongée à l'orient, ait surnagé, et par quels intermédiaires cette idée s'est-elle transmise jusqu'à l'époque où Christophe Colomb devait en faire une application si courageuse et si féconde, encore que ses prévisions se soient trouvées en partie erronées et que la découverte qu'il accomplit n'ait pas été celle qu'il avait annoncée? La question touche aux origines du fait le plus important qui soit consigné dans les annales de la géographie. Elle méritait assurément un sérieux examen, et c'est à juste titre que M. Alexandre de Humbold en a fait le sujet principal de son livre sur la géographie du nouveau continent (1). Mais peut-être eût-il été possible à l'éminent écrivain d'apporter des conclusions encore plus précises. Les témoignages qu'il a recueillis et le commentaire dont il les accompagne laissent-ils clairement discerner la principale influence qui a perpétué en Occident la tradition que Christophe Colomb a suivie? Dans ces savantes recherches, où éclate une érudition si variée et en général si exacte, il y a, si je ne me trompe, une lacune que je voudrais essayer de combler, en insistant sur un point qui me paraît capital : c'est que l'hypothèse du voisinage de l'Espagne et de l'Asie, cette hypothèse fausse en elle-même et cependant très favorable aux entreprises maritimes, fut empruntée, non pas aux livres des géographes, mais à ceux d'Aristote et de ses interprètes. Aristote l'avait indiquée; ses interprètes l'ont recueillie, et c'est par leur intermédiaire qu'elle s'est transmise au moyen âge, qu'elle a pénétré dans l'enseignement de l'école et qu'elle est entrée dans

(1) Examen critique de l'histoire de la géographie du nouveau continent, Paris, 1836 et années suiv., 5 vol. in-8°. Voyez aussi l'Essai sur l'histoire de la cosmographie et de la cartographie pendant le moyen dge, par le vicomte de Santarem, Paris, 1849-1852, 3 vol. in-8°.

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