Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

qui auparavant se nommait Bala, fut appelée Ségor ou la petite. Le soleil se levait sur la terre quand Lot parvint en Ségor; alors Jéhova fit tomber sur Sodome et Gomorre une pluie de soufre et de feu, de la part de Jéhova, du haut des cieux. Et il détruisit ces cités, et toute la contrée qui les environne, et tous les habitants des villes, et toutes les plantes de la terre; et la femme de Lot, regardant derrière elle, fut changée en statue de sel1.

Ainsi, la Sagesse divine, est-il dit ailleurs, délivra-t-elle le juste lorsqu'il fuyait du milieu des méchants, qui périrent par le feu tombé sur les cinq villes. Leur corruption est marquée par cette terre qui fume encore, qui est demeurée déserte, où les arbres portent des fruits qui ne mûrissent point, et où l'on voit une colonne de sel, monument d'une âme incrédule 2.

Les cinq villes étaient Sodome, Gomorre, Adama, Séboïm et Bala ou Ségor; mais cette dernière fut épargnée à la prière de Lot. A leur place il se forma un lac que les Arabes appellent le lac de Lot; l'Écriture le nomme mer de sel. Il est plus connu sous le nom de mer Morte et de lac Asphaltite ou de bitume, parce qu'on en tire beaucoup tous les ans.

Ici, non-seulement les auteurs juifs et les Pères de l'Église, mais encore les écrivains profanes, Strabon, Solin, Pline, Tacite, servent de commentaire à l'Écriture3. Ce lac, dit le dernier, d'un circuit immense, pareil à une mer, avec une saveur plus insupportable, exhale une odeur fétide et pestilentielle. Les vents n'y soulèvent point de vagues: il ne souffre ni poissons ni oiseaux aquatiques. Ses eaux, élément indécis, portent, comme une surface solide, les objets qu'on y jette. Le plus ignorant comme le plus habile dans l'art de nager en sont également soutenus. A une certaine époque de l'année, il rejette du bitume; non loin de là sont des campagnes qui, dit-on, fertiles autrefois et couvertes de cités populeuses, ont été dévorées par le feu du ciel. On ajoute qu'il y reste encore des traces de ce fléau, et que la terre elle-même, dont la surface paraît brûlée, a perdu la force de produire. Tous les végétaux, nés sans culture ou semés de main d'homme, avortent en herbe ou en fleur; ou, s'ils parviennent à leur accroissement ordinaire, leur fruit noir et vide se résout en poussière. Que cette région ait été travaillée par le feu, ajoute Strabon, l'on en apporte plus d'une preuve : des rochers brûlés, de nombreuses crevasses, une terre de cendre, des fleuves qui répandent au loin une odeur infecte, et çà et là, des habitations en ruine. Tout

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

cela fait croire ce que racontent les gens du pays, qu'autrefois il y avait là treize villes, dont Sodome était la métropole ; mais que, par des tremblements de terre, des éruptions de feux souterrains et les vagues brûlantes d'eaux bitumineuses et sulfureuses, le lac envahit la contrée, et les rochers gardèrent les marques de l'incendie. Parmi ces villes, les unes furent englouties, les autres abandonnées des habitants qui purent se sauver 1.

Voilà comme parlent ces graves auteurs. Qui ne saurait pas que ce sont deux écrivains de l'antiquité païenne, les prendrait peut-être pour quelques vieux interprètes de la Bible, expliquant un peu plus au long ce que disent, en peu de mots, et Moïse et le livre de la Sagesse. De part et d'autre, les circonstances sont les mêmes au fond. Le feu du ciel, qui consuma ces villes criminelles, dut allumer naturellement les puits de bitume dont le pays abondait; de là, les feux souterrains, les tremblements de terre, les torrents enflammés de bitume et de soufre. L'Écriture ne nomme que quatre ou cinq villes, mais elles pouvaient en avoir chacune de moindres dans leur dépendance, qui furent englouties avec elles, ou abandonnées par leurs habitants. Quant à la colonne ou statue de sel, en qui fut changée la femme de Lot, l'historien Josèphe assure qu'elle subsistait encore de son temps, et qu'il l'avait vue de ses yeux 2. Les anciens Pères de l'Église supposent et disent expressément la même chose dans leurs

écrits.

Voici, dit l'Éternel par son prophète, voici quelle a été l'iniquité de Sodome et de ses filles, c'est-à-dire de ses bourgades: l'orgueil, l'intempérance, l'opulence et l'oisiveté; elles ne tendaient point la main au pauvre et à l'indigent, et elles se sont élevées, et elles ont fait des abominations devant moi, et je les ai détruites comme tu le vois 3. Dans cet acte d'accusation il n'est pas parlé d'idolâtrie, au moins d'une manière expresse ; si les habitants de Sodome péchèrent, ce ne fut pas faute de connaître Dieu ou d'avoir pu le connaître. Le roi de Salem, prêtre du Très-Haut, n'était pas loin. Il y avait peu d'années qu'au nom de ce Dieu suprême, Abraham les avait délivrés de la captivité; un juste était au milieu d'eux pour le leur rappeler sans cesse Lot, que la renommée, que son seul aspect leur faisait connaître pour un homme juste; Lot, dont la vertueuse âme était tourmentée chaque jour par leurs œuvres d'iniquité. Car ainsi nous parle de lui saint Pierre 4. Les habitants de Sodome ne manquaient donc ni d'instruction nécessaire, ni d'avertissement. On s'étonnera

[merged small][ocr errors][merged small]
[ocr errors][merged small]

plutôt, qu'après avoir été châtiés naguère par la main de Dieu, puis délivrés par un de ses serviteurs, en considération d'un autre, ils se soient replongés si promptement dans leurs excès abominables. Hélas! ce n'est pas tout que l'esprit connaisse le bien, il faut encore que la volonté soit guérie pour s'y attacher fortement et surmonter les passions désordonnées de la chair : et Dieu n'accorde cette grâce qu'aux humbles. Ainsi voyons-nous ceux d'entre les païens qui connaissaient plus distinctement le vrai Dieu et sa loi sainte, înais qui, au lieu d'adorer humblement, s'enorgueillissaient de leurs connaissances; nous voyons ceux qui se donnaient le nom de sages tomber dans les mêmes abominations que les habitants de Sodome. Saint Paul, dans son épître aux Romains, les leur reproche à la face du ciel et de la terre; mais ce qui passe tout ce qu'a dit saint Paul, le voici: parmi les œuvres d'un philosophe grec 1, il existe un dialogue où les interlocuteurs finissent par conclure que l'amour conjugal doit être le partage des hommes du commun, mais que l'amour infâme des sodomites est le privilége des philosophes. Savants orgueilleux ! philosophes de tous les siècles! apprenez à être humbles. Tous enfin, qui que nous puissions être, craignons, tremblons en voyant de si prodigieux égarements. Eussions-nous, comme Lot, résisté au spectacle de la plus affreuse corruption; en eussions-nous été retirés par la main des anges; fussions-nous cachés dans la solitude, craignons encore; car, si nous ne veillons sur nous-mêmes, si nous n'évitons l'orgueil, l'intempérance, l'oisiveté, le danger nous suivra jusque dans la solitude. Lot même pourrait nous servir d'exemple.

La conduite de ce juste est loin d'être aussi parfaite que celle d'Abraham. Lorsque les anges lui commandent de se retirer sur la montagne, il s'y refuse: il prétend qu'il sera plus en sûreté dans une ville, et, après qu'ils l'ont épargnée à cause de lui, il la quitte par la peur d'y périr. Comme il vit que toute la terre aux environs de Ségor s'allumait, il douta qu'elle pût subsister dans un tel voisinage, quoique les anges l'en eussent assuré. Il comprit alors qu'il eût mieux fait de suivre leur conseil, et se retira sur la montagne, qu'il crut lui tenir lieu, dans ce déluge de feu, de l'arche où Noé fut sauvé dans le déluge des eaux. Il aurait dû demander aux anges où il devait aller; il aurait dû ne pas s'enfermer seul avec ses filles dans une caverne d'où il ne pouvait rien apprendre ni rien voir distinctement. En se réfugiant dans une grotte dont l'entrée était encore obscurcie par la fumée de l'embrasement, qui dura encore longtemps sans se dissiper, il donna occasion à ses filles de croire que tous les hommes

1 Lucien.

avaient péri. L'histoire du déluge servit sans doute beaucoup à les tromper, ainsi que la tradition répandue que, dans les derniers temps, le monde serait consumé par le feu. Pour renouveler la race humaine, elles form.èrent le projet d'enivrer leur père, circonstance qui prouve clairement qu'elles agissaient contre leur conscience, et qu'elles croyaient leur père incapable de consentir à ce qu'elles avaient concerté entre elles, s'il conservait la raison. On ne peut sans doute excuser Lot d'avoir bu deux fois jusqu'à la perdre. Mais des filles adroites surent bien tromper un vieillard affligé et lui persuader de se soutenir contre la tristesse par un peu plus de vin qu'à l'ordinaire. Quoi qu'il en soit, elles montrèrent bien au reste qu'elles ne pensaient qu'à rétablir le genre humain, en se contentant l'une et l'autre d'une seule surprise. Aussi, saint Chrysostome et Origène les ont-ils jugées avec beaucoup d'indulgence 1.

Ayant donc conçu toutes les deux, l'aînée enfanta un fils, et l'appela Moab, c'est-à-dire né d'un père, en disant: Celui-ci est né de mon père. La seconde enfanta aussi un fils, qu'elle appela Ammon, c'est-à-dire fils du peuple, en disant: Celui-ci est fils de mon peuple, et non pas de l'étranger. Moab et Ammon furent les pères de deux nations très-connues dans l'Écriture, les Moabites et les Ammonites. Dieu leur donna des terres, dont il défendit aux Israélites de leur disputer la possession: aux Moabites, la terre des Emim, espèce de géants qu'il extermina devant eux; aux Ammonites, la terre des Zomzommim, autre race gigantesque qui fut également exterminée". Les Moabites et les Ammonites subsistèrent sous leur nom, jusque vers le troisième siècle de l'ère chrétienne, où ils se virent confondus avec les Arabes.

Pour ce qui est d'Abraham, il partit de la vallée de Mambré, quelque temps après la ruine de Sodome, peut-être à cause des mauvaises exhalaisons qui s'en répandaient dans toute la contrée. Il s'en alla dans la terre du midi; s'établit entre Cadès et Sur, et demeura comme étranger en Gérare. Comme il disait de Sara, sa femme, elle est ma sœur, Abimélech, roi de Gérare, envoya l'enlever. Mais Dieu apparut en songe dans la nuit à Abimélech, et lui dit : Voilà que tu mourras à cause de la femme que tu as enlevée; car elle a son mari. Or, Abimélech ne s'était point approché d'elle; il répondit done : Seigneur, perdrez-vous ainsi une nation innocente, à cause de son ignorance? Ne m'a-t-il pas dit: C'est ma sœur? et elle-même m'a dit : C'est mon frère. J'ai agi dans la simplicité de mon cœur et en la pureté de mes mains. Dieu lui dit: Je sais que tu as fait ceci dans

1 Chrysost., Homil., 44, in Gen., 19. Origen., Homil., 5, in Gen., 19.— 2 Deut., 2.

la simplicité de ton cœur ; mais aussi je t'ai gardé, afin que tu ne péchasses pas contre moi, et je n'ai point permis que tu t'approchasses d'elle. Maintenant donc, rends la femme à son mari; car il est prophète, et il priera pour toi, et tu vivras; mais, si tu ne la rends pas, sache que tu mourras, toi et tout ce qui est à toi. Abimélech, se levant donc à la pointe du jour, appela tous ses serviteurs et leur raconta toutes ces paroles; et tous furent saisis d'effroi. Il appela aussi Abraham, et lui dit : Que nous as-tu fait ? et en quoi t'avons-nous offensé, toi qui as attiré sur moi et sur mon royaume un si grand mal? Ce que tu ne devais pas faire, tu nous l'as fait. Et, se plaignant encore, il ajouta : Qu'as-tu vu, pour en agir ainsi? Abraham répondit: Je pensais en moi-même : Peut-être la crainte de Dieu n'est-elle point en ce lieu, et ils me tueront à cause de ma femme. D'ailleurs elle est vraiment ma sœur, fille de mon père, quoiqu'elle ne soit point fille de ma mère. Paroles que l'on entend communément en cette sorte: Sara était sœur d'Abraham au même titre que Lot était son frère : comme celui-ci, elle descendait de Tharé par Aran, frère d'Abraham, mais né d'une autre mère. Abraham et Sara étaient ainsi nés du même père, lui au premier degré, elle au second; mais ils avaient une mère différente. Les Hébreux ne distinguant point entre fille et petite-fille, Abraham pouvait dire au pied de la lettre qu'elle était fille de son père, et sa sœur.

Alors Abimélech prit des brebis et des bœufs, et des serviteurs et des servantes, et il les donna à Abraham, et il lui rendit sa femme Sara. Et il dit: Cette terre est devant toi; demeure partout où il te plaira. Il dit en même temps à Sara : J'ai donné à votre frère mille pièces d'argent, pour que vous ayez toujours un voile sur les yeux devant tous ceux qui seront avec vous, et partout où vous irez; et souvenez-vous que vous avez été enlevée. Ce voile est regardé par les interprètes comme un témoignage public que rendait Abimélech à l'honneur de Sara, et comme un signe qui apprenait à tout le monde qu'elle était mariée. Et, à la prière d'Abraham, Dieu guérit Abimélech, sa femme et ses servantes, et elles enfantèrent: car l'Éternel avait frappé de stérilité la maison d'Abimélech, à cause de Sara, femme d'Abraham 1.

On voit, à la manière dont Dieu parle à Abimélech, et dont Abimélech répond, que ce roi des Philistins avait la connaissance et la crainte de Dieu. Nous en trouverons encore une autre preuve. Et comme les Philistins étaient une colonie égyptienne, on peut croire qu'il en était encore à peu près de même en Égypte.

[blocks in formation]
« ZurückWeiter »