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conduit pas immédiatement dans la terre promise, au ciel. Il la fait passer à travers des épreuves, où les consolations sont mêlées aux peines, et les peines aux consolations. De plus, dans tout homme converti à Dieu il y a deux hommes, l'ancien et le nouveau, ou plutôt il y en trois; car, dans le vieil homme, il y en a déjà deux, les sens et la raison 1. L'homme sensuel ou charnel penche à vivre uniquement selon les sens et la chair, à peu près comme la brute; l'homme intellectuel, raisonnable, l'homme humain tend à vivre selon la raison naturelle, selon l'homme, sans s'élever plus haut; l'homme nouveau, l'homme spirituel, l'homme divin, vit selon la raison surnaturelle, selon la foi, selon Dieu. Dans les parfaits, ces trois hommes ne font qu'un tout harmonieux, les sens étant parfaitement soumis à la raison, et la raison à Dieu. Mais, pour arriver là, il faut des combats, des efforts. Les sens se révoltent contre la raison: la raison, faible de soi, se laisse souvent entraîner par les sens contre la foi, contre la grâce; celle-ci même éprouve quelquefois des défaillances. Le Dieu de puissance et de miséricorde, voilà l'unique espoir.

Ainsi en va-t-il être du peuple hébreu. L'immense multitude de toute sorte d'étrangers qui s'est attachée à lui, nous représente la partie charnelle de l'homme, les sens, les passions si nombreuses et si variées c'est de là que s'élèveront la plupart des murmures et des séditions. Le peuple d'Israël proprement dit, les descendants des patriarches, nous représentent la partie raisonnable et humaine : elle est au-dessus de l'autre, mais encore peu constante et se laissant entraîner facilement par la première. Moïse et Aaron, avec les soixantedix vieillards, représentent la partie surnaturelle et divine de l'homme, celle qui est en communication avec Dieu, et qui doit diriger tout le reste. Nous y verrons la foi, le zèle, la charité, mêlés encore à quelques imperfections. C'est ce peuple figuratif que Dieu va mettre à l'épreuve, comme lui-même nous l'apprend.

Des bords de la mer Rouge, où ils avaient ramassé les dépouilles des Égyptiens engloutis, Moïse conduisit les enfants d'Israël dans le désert de Sur. Ils y marchèrent pendant trois jours sans trouver d'eau; celle qu'ils rencontrèrent enfin était amère, ainsi qu'il s'en trouve fréquemment et dans ce désert et dans ceux d'Afrique. Le peuple en murmura contre Moïse, disant: Que boirons-nous? il cria vers l'Éternel, qui lui enseigna un bois ; il le jeta dans l'eau, et elle fut adoucie. Ce lieu reçut le nom de Mara ou amertume. Là, Dieu mit le peuple à l'épreuve, disant : Si tu écoutes la voix de l'Éternelton Dieu,

1 Voyez une image analogue dans Platon, De republ., 1. 9. p. 274 et 275, t. 7.

et si tu fais ce qui est droit devant lui, et que tu obéisses à ses commandements, et que tu gardes toutes ses ordonnances, je n'enverrai sur toi aucune de ces langueurs dont j'ai affligé l'Égypte ; car je suis l'Eternel, ton médecin 1. Ce titre ne devait pas leur paraître étrange; car il s'était révélé à eux comme le médecin le plus admirable, non-seulement en édulcorant les eaux par la vertu occulte d'un bois, mais surtout en ce que, parmi toutes leurs tribus, il n'y avait pas alors un malade". Ils vinrent ensuite à Élim, où il y avait douze fontaines d'eau vive et soixante-dix palmiers, et ils campèrent auprès des eaux 3.

Ce bois qui adoucit les eaux d'amertume, figurait le bois du Christ qui a édulcoré toute la nature humaine; ces douze fontaines du désert, les douze apôtres qui arrosèrent de la doctrine céleste les plages arides de ce monde; les soixante-dix palmiers, les soixante-dix ou douze disciples qui, se renouvelant de siècle en siècle comme les palmiers, devaient offrir à jamais, à tous les peuples, les fruits de la vie éternelle. Tel est, du moins, le sentiment de la plupart des Pères et des interprètes 4.

Partie d'Élim, toute la multitude des enfants d'Israël vint au désert de Sin, qui est entre Élim et Sinaï, le quinzième jour du second mois. Comme ils étaient sortis de l'Égypte le quinzième du mois précédent, il y avait un mois tout entier qu'ils vivaient des provisions qu'ils avaient portées avec eux, et du peu qu'ils purent trouver sur la route. Mais, ces provisions consommées, la famine se fit sentir à tous, famine irremédiable dans cet affreux désert. Ils murmurèrent donc généralement tous contre Moïse et Aaron, et leur dirent: Que ne sommes-nous morts par la main de l'Éternel en la terre d'Égypte, lorsque nous étions assis auprès des marmites de viandes et que nous mangions du pain à satiété! car vous nous avez amenés dans ce désert pour faire mourir de faim toute cette multitude.

Aussitôt l'Éternel annonce à Moïse qu'il leur enverra de la chair et leur fera pleuvoir du pain du ciel. Moïse et Aaron leur rapportent ces paroles, leur reprochent leur conduite: Car que sommes-nous ? ce n'est pas contre nous que sont vos murmures, mais contre l'Éternel. Ils parlaient encore et les invitaient à s'approcher tous, lorsque la gloire de l'Éternel apparut dans la nuée, et qu'à la vue de toute la multitude, l'Éternel parla à Moïse, disant : J'ai entendu les plaintes séditieuses des enfants d'Israël; dis-leur : Sur le soir vous mangerez de la chair, et au matin vous serez rassasiés de pain, et vous saurez que c'est moi l'Éternel, votre Dieu.

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- De 1491 Et, le soir même, des cailles montèrent et couvrirent tout le camp, et, le matin, la rosée se répandit à l'entour; et quand elle fut montée, voilà qu'il y avait sur la superficie de la solitude quelque chose de petit et de grenu, comme la gelée blanche sur la terre. Ce que voyant, les enfants d'Israël se disaient l'un à l'autre : Manhu, c'est-àdire, qu'est-ce que cela? Car ils ne savaient ce que c'était. Moïse leur dit: C'est là le pain que l'Éternel vous a donné à manger.

En même temps il leur commanda de sa part d'en amasser chacun autant qu'il pouvait en manger, une mesure ou gomor pour chaque personne de la maison. Ils en recueillirent, les uns plus, les autres moins; mais, quand on le mesura, l'un eut autant que l'autre. Moïse leur dit encore de n'en réserver rien pour le lendemain. Ceux qui le firent néanmoins, y trouvèrent des vers et de la corruption. L'homme de Dieu fut indigné de leur désobéissance.

Depuis ce temps ils en amassaient tous les matins, et, dès que le soleil était en sa chaleur, la manne se fondait. Le sixième jour, ils en amassèrent le double; tous les princes de la multitude vinrent et l'annoncèrent à Moïse. Il leur répondit : C'est ce que l'Éternel a dit Demain est le sabbat, le repos consacré à l'Éternel. Faites donc aujourd'hui tout ce que vous avez à faire, faites cuire tout ce que vous avez à cuire, et gardez pour demain matin ce que vous aurez réservé d'aujourd'hui. Ils firent commeMoïse leur avait commandé, et la manne ne se corrompit point, et les vers ne s'y mirent pas. Moïse ajouta : Mangez-la aujourd'hui, car c'est le jour de repos en l'honneur de l'Éternel; aujourd'hui il ne s'en trouvera point dans les champs. Quelques-uns du peuple sortirent néanmoins le septième jour pour en recueillir, mais ils n'en trouvèrent point. L'Éternel dit là-dessus à Moïse: Jusqu'à quand refuserez-vous de garder mes commandements et ma loi! Considérez que l'Éternel vous a donné un jour de repos, c'est pourquoi il vous accorde le sixième jour la nourriture de deux jours; que chacun demeure donc chez soi, et que nul ne sorte de son lieu le septième jour. Et le peuple se reposa désormais ce jour-là.

La manne était semblable à la graine de coriandre, ou à ces petits grains de gelée blanche que l'on voit sur la terre pendant l'hiver. On en faisait des gâteaux qui avaient le goût d'un pain pétri avec de l'huile et du miel. On offrait en sacrifice de ces gâteaux pétris à l'huile, ce qui marque que c'est tout ce que les Israélites avaient de plus exquis. Encore aujourd'hui les Arabes voisins de la Palestine n'ont point de plus grand régal que du pain pétri avec de l'huile. Les gâteaux formés de manne, outre le goût d'huile, avaient encore celui de miel, ce qui en faisait l'aliment le plus délicieux que les Hébreux connussent. Ainsi, Dieu n'avait pas donné à son peuple une nourriture com

mune et grossière, mais une nourriture délicate; cette nourriture dont le peuple n'usait que dans ses festins, était semblable à celle des princes et des grands; car c'est ce que peut signifier encore l'hébreu du psaume 77, que la Vulgate et les Septante ont rendu par le pain des anges 1.

Le livre de la Sagesse relève encore d'autres merveilles dans la manne, lorsqu'il dit à Dieu : Vous donniez à votre peuple la nourriture des anges, et vous leur présentiez le pain du ciel préparé sans travail, renfermant en soi toutes les délices et tout ce qui peut flatter les sens. Et cet aliment faisait voir combien est grande votre douceur envers vos enfants, puisque, s'accommodant au désir de chacun d'eux, il se changeait en tout ce qui leur plaisait. Oui, cet aliment, prenant toutes les formes, obéissait à votre grâce qui est la nourriture de tous, s'accommodant an besoin de ceux qui vous témoignaient leur indigence, pour apprendre aux fils de votre amour, Seigneur, que ce ne sont pas les fruits de la terre qui nourrissent les hommes, mais que votre parole conserve ceux qui croient en vous. Ce qui le fait encore bien voir, c'est que cette manne, qui ne pouvait être consumée par le feu, se fondait soudain, échauffée par un léger rayon du soleil afin qu'il fût connu de tous qu'il faut prévenir le soleil pour vous bénir et vous adorer au lever de la lumière 2.

Le texte grec de ce livre appelle, entre autres, la manne du nom d'ambroisie, c'est-à-dire nourriture immortelle. Et qui sait si ce n'est pas de la manne du désert, de ce pain du ciel, de ce pain des anges, que les poëtes de la gentilité ont pris l'idée de leur ambroisie, de leur nourriture des dieux et autres créatures célestes3? Le bruit de ce divin aliment dut se répandre partout, car le peuple d'Iraël en vécut tout le temps qu'il fut dans désert, c'est-à-dire pendant quarante ans, et jusqu'au moment où il toucha aux frontières de Chanaan. Pour conserver à jamais le souvenir toujours présent de cette longue merveille, Moïse ordonna, de la part de Dieu, à son frère Aaron, d'emplir un vase de manne et de le placer devant l'Éternel dans le tabernacle, c'est-à-dire dans la tente où, vraisemblablement dès lors, Moïse réunissait les anciens du peuple pour célébrer le culte du Seigneur et leur communiquer ses ordres. Par un autre prodige, cette même manne, qui ne pouvait se garder du jour au lendemain sans se corrompre, si ce n'est le jour du sabbat, se conserva dans l'urne du tabernacle pendant des siècles.

Cette nourriture miraculeuse en figurait une autre plus miraculeuse encore, que le Christ lui-même nous explique quand il dit aux

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Juifs Je suis le pain de vie. Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts. Je suis le pain vivant descendu du ciel : qui mange ce pain vivra éternellement, et le pain que je donnerai est ma chair que je livrerai pour la vie du monde 1.

Mystère ineffable! Ce pain de vie, ce pain d'immortalité descend tous les matins du ciel sur la terre, non plus en un lieu ni pour un peuple, mais en tout lieu et pour tous les peuples. Il est pour Dieu le sacrifice d'une valeur infinie, et pour l'homme la plus merveilleuse des nourritures. Bien plus que l'ancienne, la nouvelle manne, prise avec les dispositions convenables, se transforme en tous les désirs de l'âme fidèle: foi, espérance, charité, humilité, douceur, patience, repentir filial, douces larmes, zèle ardent, courage invincible, sainte joie, délices du ciel, tout y est, et tout y est pour tous. Que des formes extérieures de cette manne, l'un en prenne plus, l'autre moins, chacun aura la substance, la vertu tout entière. C'est là cette manne cachée qui soutient le peuple chrétien dans l'aride désert de ce monde, qui embrase le zèle de l'apôtre, illumine l'intelligence du docteur, inspire la soif du martyre, sanctifie le cœur de la vierge; elle, en un mot, qui soutient les enfants de Dieu à travers l'aride désert de ce monde, jusqu'à ce qu'ils aient dépassé les frontières du ciel, et qu'ils contemplent et possèdent éternellement à découvert ce que maintenant ils contemplent et possédent sous le voile du sacrement.

Les enfants d'Israël recevaient ainsi chaque jour de leur père qui est au ciel le pain nécessaire. Mais ce qu'il ne leur fallait pas moins au milieu d'un désert aride et de sables brûlants, c'était de l'eau ; et il ne leur en fallait pas peu, attendu que leur multitude allait à trois millions, sans compter des troupeaux sans nombre. Pendant les quarante ans qu'ils allaient voyager dans cette effroyable solitude, étaient exposés fréquemment soit à n'en pas trouver du tout, soit à n'en pas trouver assez, soit à en trouver d'amère. De là une cause de découragement et de murmure, particulièrement pour le menu peuple, ainsi que nous allons le voir.

ils

Tout Israël étant parti du désert de Sin, sur l'ordre de l'Éternel, et ayant campé en deux endroits intermédiaires, arriva en Raphidim, non loin de la montagne d'Horeb, et y dressa ses tentes. Mais le peuple n'y trouva point d'eau. Il en fit une querelle à Moïse, et lui dit: Donne-nous de l'eau afin que nous buvions. Il leur répondit : Pourquoi me querellez-vous? Pourquoi tentez-vous l'Éternel? Le peuple, ayant toujours plus soif, éclata contre lui en plaintes séditieuses, disant : Pourquoi est-ce que tu nous as fait sortir d'Égypte

1 Joan., 6, 48-52.

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