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Ainsi, Moïse punit de mort quiconque s'adonne à la superstition, et le philosophe, quiconque ne s'y asservit point. Qui des deux à le mieux servi la raison humaine?

Ce qui est vrai de la raison, l'est de la pudeur. Dans les législations philosophiques de l'antiquité, la pudeur était également comptée pour rien. La loi de Dieu la rétablit et la protége comme la seconde innocence. L'homme est fait à l'image de Dieu son corps est de terre, mais c'est Dieu qui l'a formé; la femme est prise des os et de la chair de l'homme, mais c'est Dieu qui la façonne, c'est Dieu qui la présente à son époux, c'est Dieu qui consacre leur union. Là tout est saint, tout est d'une origine divine, même le corps de l'homme et de la femme. Cette sainteté sera vengée d'une manière terrible. Quand toute chair a corrompu sa voie, le déluge fait mourir toute chair. Pour avoir violé la pudeur par son regard et son langage, Chanaan est maudit; Sodome et Gomorre sont consumés par une pluie de feu et de soufre. L'adultère est puni de mort ainsi que la fornication: il n'y aura point de prostituée en Israël, encore moins de ces hommes infâmes que l'on voyait cependant chez tous les autres peuples. On ne recevra point à l'autel l'offrande de pareilles gens. En un mot, l'homme, fait à l'image de Dieu, ne doit point vivre à la ressemblance de la bête.

Enfin, la loi divine apprend l'humanité à l'homme envers l'homme. Dieu nous a donné à tous le même père et la même nère; nous sommes tous frères et sœurs, tous formés à l'image de Dieu. De là, le châtiment du premier meurtrier; de là, ces hommes de violence, ces géants primitifs engloutis dans le déluge; de là, cette loi à Noé : Quiconque répandra le sang de l'homme, son sang sera répandu, car l'homme a été fait à l'image de Dieu. De là, dans la loi de Moise, ces commandements d'aimer, de bien traiter l'étranger, l'esclave, le pauvre; elle ne défend la communication, les alliances avec certains autres peuples que parce qu'il y avait danger de participer à leurs superstitons impures et cruelles. Tout individu qui renonçait à ce honteux esclavage de la raison humaine, était reçu en Israël et s'y voyait protégé par la loi divine.

Moïse, ayant reçu de Dieu le sommaire de cette loi, descendit de la montagne et la proposa aux enfants d'Israël. Tout le peuple répondit d'une voix : Toutes les paroles que l'Éternel a dites, nous les ferons. Moïse mit alors par écrit toutes les paroles de Jéhova, et se levant de grand matin, il érigea un autel au pied de la montagne, avec douze colonnes suivant les douze tribus d'Israël. En même temps il envoya les jeunes hommes d'entre les enfants d'Israël : on croit que c'étaient les premiers-nés; et ils offrirent des holocaustes,

ainsi que des victimes pacifiques. Moïse prit la moitié du sang de ces victimes, le mit dans des coupes, et répandit l'autre moitié sur l'autel. Ensuite, prenant le livre de l'alliance, il lut devant tout le peuple, qui dit : Tout ce qu'a dit l'Eternel, nous le ferons et nous lui obéirons. Alors prenant le sang qui était dans les coupes, il le répandit sur le peuple, et dit: Voici le sang de l'alliance que l'Eternel a faite avec vous sur toutes ces paroles.

Ainsi fut conclue l'alliance particulière de Dieu avec le peuple d'Israël. C'était l'application, à une nation choisie, de cette alliance universelle que Dieu contracta avec Noé, et, en lui, avec tout le genre humain, à la fin du déluge et au sortir de l'arche. Cette alliance particulière avec un seul peuple devait préparer le renouvellement et la plénitude de cette alliance première avec tous les peuples. L'alliance universelle et éternelle s'accomplira également par le sang d'une victime, et cette victime sera Dieu-Homme.

On s'étonnera peut-être que dans la loi qu'il donne à Israël, Dieu ne parle que de peines et de récompenses temporelles. L'étonnement cessera, si l'on pense que Dieu parle à un peuple, et qu'il n'y a de peuple que dans le temps.

Le peuple ayant ainsi librement accepté le pacte divin, ses princes, ses représentants sont admis en la présence du souverain monarque. D'après un ordre précédent, Moïse et Aaron, ses deux fils Nadab et Abiu, ainsi que soixante-dix parmi les anciens d'Israël, montèrent sur la montagne, et ils virent Dieu, et ils l'adorèrent de loin. Sous ses pieds paraissait comme un ouvrage de saphir, et comme le ciel lorsqu'il est serein. Et il n'étendit point sa main sur les élus d'Israël, et ils virent Dieu, et ils vécurent 1.

La fin de la loi est le Christ, dit saint Paul 2; c'est à lui qu'elle mène. Ce Dieu que virent les élus d'Israël après la loi écrite, était apparemment le Verbe de Dieu sous une forme humaine, le prophète à venir comme Moïse. Jusque-là, comme nous l'apprend le même apôtre, il avait fait entendre la loi à tout le peuple, par le ministère des anges 3. Maintenant il se laisse voir non pas de près, mais de loin; non pas à toute la multitude, mais à ses élus, à ses princes. Dès lors les âmes saintes et élevées considèrent le Christ dans toute la loi et l'adorent dans le lointain.

Dans ce moment solennel, l'Eternel dit à Moïse : Monte vers moi sur la montagne, et sois là, et je te donnerai des tables de pierre, et la loi et les commandements que j'ai écrits, afin que tu enseignes les enfants d'Israël. Moïse se leva donc avec Josué, son ministre, et dit

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aux anciens : Attendez-nous jusqu'à ce que nous revenions à vous. Vous avez avec vous Aaron et Hur; s'il survient quelque débat, on s'adressera à eux. Et lorsque Moïse fut monté, la nuée couvrit la montagne, et la gloire de l'Eternel reposa sur le sommet du Sinaï, et la nuée le couvrit pendant six jours, et au septième jour il appela Moïse du milieu de la nuée. Et l'aspect de la gloire de l'Eternel était au sommet de la montagne, comme un feu ardent devant les yeux des enfants d'Israël. Et Moïse étant entré dans la nuée, monta sur la montagne, et il fut là quarante jours et quarante nuits 1.

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LIVRE HUITIÈME.

DE 1490 A 1451 AVANT L'ÈRE CHRÉTIENNE.

Voyage dans le désert.- Mort de Moïse. Épreuves de l'Eglise

sur la terre.

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Jusqu'alors la loi non écrite se lisait dans la vie des patriarches, désormais elle se lira, de plus, écrite dans le livre de Moïse. Il s'en est fait une plus solennelle promulgation, l'acceptation d'Israël a été plus expresse, le sang des victimes a consacré ses engagements. Heureux peuple s'il y demeure fidèle. Hélas! il n'en sera, ce semble, que plus prévaricateur. Plus d'une fois nous serons obligés de le condamner. Peut-être le ferons-nous avec une justice superbe; peutêtre dirons-nous comme le pharisien : Mon Dieu, je vous rends grâces de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, en particulier comme les Juifs.

Ce mal est déjà vieux, c'est même l'origine première du mal et le grand obstacle à la guérison. Dieu est sage et parfait de lui-même. Nous pouvons le devenir du sien, nous prétendons l'être du nôtre; la sagesse et la vertu ne sont plus que la pâture de l'orgueil, un titre à mépriser les autres. Le philosophe disait : Il suffit de demander au Dieu suprême ce qu'il donne et ce qu'il ôte. Qu'il m'accorde la vie, qu'il m'accorde les richesses, je me procurerai moi-même la vertu 1. Il faut demander à Dieu la fortune et prendre la sagesse en soimême tel est, ajoute-t-il, le jugement de tous les mortels 2. Cette dernière assertion même a du vrai. Pour la vie et les richesses, nous voulons bien convenir que Dieu en est le maître. Encore l'oublionsnous volontiers, quand nous sommes bien portants et bien riches. Mais pour ce qu'il y a de plus excellent, la sagesse et la vertu, nous prétendons que c'est fruit de notre crû. Bien que nous cultivions le

1 Hæc satis est orare Jovem, quæ donat et aufert det vitam, det opes, æquum mí animum ipse parabo. Horat. epist., I. 1, 18. -2 Judicium hoc omnium mortalium est fortunam a Deo petendam, à seipso sumendam esse supientiam. Le stoïcien Cotta, apud Cic., de Nat. Deor., 1. 3.

De 1490 champ, nous ne pensons pourtant pas que ce soit nous qui fassions venir la moisson. Nous la voyons dépendre de trop de choses, comme la pluie, la sécheresse, la grêle, les insectes, où nous ne pouvons rien. Mais quand ce champ c'est nous-mêmes; mais quand ses fruits sont nos pensées, nos affections, nos œuvres ; quand tout, en un sens, y dépend de notre volonté, alors il est facile de s'attribuer la gloire du bien, d'oublier que nous sommes le champ de Dieu, que c'est lui qui sème en nous les bonnes pensées, les bonnes affections, les bonnes œuvres, et que si nous coopérons librement à sa grâce, c'est encore à la grâce que nous le devons; que par conséquent nous n'avons qu'un droit et qu'un devoir, compatir à la misère humaine et bénir la miséricorde divine.

Pour nous amener là, il faut des leçons de tous les siècles et de tous les jours. Dieu nous les donnera, et dans les philosophes, et dans les Juifs, et dans nous mêmes. Oui, ces philosophes orgueilleux, qui se glorifient de trouver en eux seuls la vérité, la sagesse, la vertu, nous apprendront à reconnaître humblement que cela n'est point en eux ni en nous, mais un don de la divine miséricorde. En effet, ôtez de leurs écrits ce qui appartient à ce fonds commun de vérités principales que Dieu a communiquées aux premiers hommes et qui se transmettent avec la vie et la parole comme l'héritage de tous et de chacun, que restera-t-il? un chaos informe d'opinious discordantes, au point qu'il est impossible d'inventer une absurdité qui n'y soit pas soutenue, d'imaginer un vice qui n'y ait pas son apothéose. Cicéron l'a remarqué comine Socrate; Lucien parle là-dessus comme saint Paul. Les philosophes modernes ne diffèrent pas de leurs devanciers. « Je consultai les philosophes, dit un de leurs chefs, et je les trouvai tous fiers, affirmatifs, n'ignorant rien, ne prouvant rien, se moquant les uns des autres; et ce point, commun à tous, me paraît le seul sur lequel ils ont tous raison. Triomphants quand ils attaquent, ils sont sans vigueur en se défendant. Si vous pesez leurs raisons, ils n'en ont que pour détruire; si vous comptez les voix, chacun est réduit à la sienne; ils ne s'accordent que pour disputer. A les entendre, ne les prendrait-on pas pour une troupe de charlatans qui crient chacun de son côté sur une place publique: Venez à moi, c'est moi seul qui ne trompe point! L'un prétend qu'il n'y a point de corps et que tout est en représentation; l'autre, qu'il n'y a d'autre substance que la matière. Celui-ci avance qu'il n'y a ni vices ni vertus et que le bien et le mal ne sont que des chimères; celui-là, que les hommes sont des loups et peuvent se manger en sûreté de conscience. Chacun sait bien que son système n'est pas mieux fondé que les autres; mais il le soutient parce qu'il est à lui. Il n'y en a pas un

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