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NOTICE

BIOGRAPHIQUE ET LITTÉRAIRE

SUR

L'ABBÉ ROHRBACHER

PAR

CHARLES SAINTE-FOI

M. l'abbé René François Rohrbacher naquit à Langatte, au diocèse de Nancy, le 27 septembre 1789. Il était fils de Nicolas Rohrbacher, maître d'école de cette paroisse, et de Catherine Gantener. Ses parents étaient pieux, et donnèrent à leur fils une éducation chrétienne. A cette époque de bouleversement politique et religieux, les études du jeune Rohrbacher durent être fort négligées; mais le désir qu'il avait de s'instruire, et sa volonté ferme et persévérante surent vaincre les obstacles que lui suscitaient les circonstances. Il dut presque uniquement à son travail les connaissances qu'il acquit dans sa jeunesse. L'attrait vers l'état ecclésiastique s'éveilla de bonne heure en lui, favorisé par les leçons et les exemples qu'il recevait dans sa famille. Il entra au grand séminaire de Nancy, et y reçut les premiers ordres de la cléricature, le 6 avril 1811. Un an plus tard, le 21 mars 1812, il reçut le sous-diaconat, à l'âge de 23 ans. Un document retrouvé dans ses papiers, nous fait connaître les admirables dispositions que la grâce produisit en son âme, au moment où il allait s'engager irrévocablement au service des autels. Nous nous contenterons d'en citer ici les passages les plus importants :

<< Vous avez dit, mon divin Sauveur : Si quis vult post me venire, abneget semetipsum et tollat crucem suam quotidiè et sequatur me: oh! donnez-moi la force de me renier moi-même, de haïr et de crucifier ma chair, et faites-moi la grâce d'être fidèle

aux résolutions suivantes, que je vous conjure de rendre efficaces par la vertu de votre croix :

<«< D'abord, je mortifierai ma volonté par une stricte observance de tous les points de la règle, je rechercherai les occasions d'obéir aux autres, et toutes les fois que je ne l'aurai pas fait, ou que je le ferai avec difficulté, je dirai un Pater et un Ave, et je m'imposerai une pénitence corporelle.

<< 2o Toutes les fois que je sentirai une envie naturelle et inquiète de faire quelque chose qui n'est pas commandé, ou que je peux omettre, je ne le ferai pas, je tâcherai sans cesse de contrarier ma curiosité, mes répugnances et mes fantaisies.

«< 3o A tous les repas, je mortifierai mon goût et mon appétit, en quelque manière que ce soit, me rappelant souvent ce verset: Dederunt in escam meam fel, et in siti mea potaverunt me aceto.

«< 4° Toutes les premières fois que je m'éveillerai la nuit, je sortirai de mon lit, et me prosternant en terre, je dirai: 0 crux ave, etc., et je ferai quelque mortification corporelle.

« Pour pratiquer l'humilité, que je n'espère, ô mon Jésus ! que de votre infinie miséricorde, (1o) J'aurai toujours un grand soin qu'il n'y ait rien dans mon extérieur, ma démarche, mon ton, mes paroles, qui sente l'orgueil ou la vanité. (2o) Je ne dirai jamais rien à ma louange, soit directement, soit indirectement, et j'éviterai de parler de ma propre personne. (3°) Toutes les fois qu'il m'arrivera quelqu'humiliation, je dirai un Pater et un Ave pour celui qui me l'a faite; et si j'en ai été fâché, j'en dirai deux, et je m'imposerai de plus une pénitence; j'aurai une affection et des intentions particulières pour celui qui m'aura humilié.....

<< Et vous, mon Jésus crucifié, auteur et consommateur de ma oi, ans lequel je ne peux rien, qui m'avez tiré à vous par votre grâce; dès aujourd'hui je veux mourir entièrement au péché, et ne plus vivre pour moi, mais pour vous seul, ô mon divin Jésus! qui êtes mort pour moi. Ou plutôt, je ne veux plus vivre du tout; mais je veux, je désire, je vous demande instamment par les douleurs de votre croix, que vous viviez seul en moi; je ne veux plus savoir que vous et votre croix : Nihil scire nisi Jesum, et hunc crucifixum, je ne veux plus rien apprendre, désirer, entreprendre, qu'avec vous et par vous, ut sive vigilemus, sive

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dormiamus, simul cum illo vivamus. Seigneur Jésus, qui m'avez inspiré ces bonnes résolutions, faites-moi la grâce d'y être fidèle. Je veux vous suivre, sequar te quocumque ieris, non pas parce que je le veux, ou par mes propres efforts; mais j'espère en votre ineffable miséricorde : non volentis neque currentis, sed miserentis est Dei. »

Nous voyons déjà dans ces sentiments du jeune lévite le germe de cette foi vive et ardente, qui fut le caractère distinctif de sa piété. Il reçut le diaconat, deux jours seulement après le sousdiaconat; et il fut ordonné prêtre le 21 septembre 1812. Il n'avait pu consacrer que deux années aux études ecclésiastiques dans le grand séminaire; de sorte qu'il dut à lui-même, à son amour pour l'étude, à un travail persévérant tout ce qu'il avait acquis. Et cependant, à partir du jour où il reçut le sacerdoce, jusqu'à celui où il s'attacha à M. de Lamennais, il se voua aux fonctions du ministère ecclésiastique avec un zèle qui ne se démentit jamais. Mais il savait que les lèvres du prêtre sont les dépositaires de la science, et qu'il doit trouver dans l'étude et la prière un délassement aux travaux que lui impose le soin des âmes : aussi consacrait-il à la lecture de quelque livre sérieux les instants dont il pouvait disposer. Et ils étaient bien courts, à cette époque où les vides du sanctuaire, les besoins des populations, et l'état de la société, au sortir d'une révolution qui en avait ébranlé toutes les bases, forçaient chaque prêtre à se multiplier pour ainsi dire, et à faire ce que trois ou quatre auraient fait à peine en temps ordinaire. On nous saura gré de citer ici les paroles que cet homme de Dieu écrivit sur le point d'être ordonné prêtre.

<«< Au nom de la sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, sous l'invocation de Marie, ma bonne mère, de mes saints patrons, de tous les saints prêtres, de mon saint ange et de tous les saints, le 15 septembre de l'an de grâce 1812, si, R. F. R. diacre par la grâce, mais indigne pécheur par mon orgueil, ma vanité, ma jalousie, ma présomption, suis entré en retraite au séminaire de Nancy, pour préparer, avec la grâce de mon Jésus, mon indignité inconcevable à la réception du sacerdoce.

<< O mon Dieu ! pénétrez-moi de la crainte de vos terribles jugements, afin que j'emploie bien ces précieux instants, confige

timore tuo. Brisez mon orgueil, videz mon cœur de moi-même, afin qu'il soit prêt à recevoir abondamment votre grâce, et que je n'aie plus d'autres pensées, d'autre désir, d'autre volonté, que vous, mon Dieu, mon héritage, mon attente, ma seule confiance, mon tout; sainte Vierge, et tous les saints, obtenez-moi cette grâce.

<< O ma bonne et douce mère ! On nous a parlé de votre bonté et de la dévotion que nous devons avoir envers vous. Je me consacre de nouveau à votre service. Je réciterai, tous les jours de ma vie, le chapelet en votre honneur, et je ferai outre cela quelque bonne pratique pour l'amour de vous. O ma bonne mère ! secourez-moi en ce moment; je dois être sacré prêtre, faites que je devienne bon prêtre pour l'amour de Jésus et de vous, ou obtenez ma mort plutôt que d'être ordonné pour offenser Jésus et vous contrister. Je me remets entièrement entre vos mains pour mon ordination; secourez-moi, comme vous l'avez déjà fait si souvent. Je voue ma personne, ainsi que mon futur ministère, à votre sacré cœur et à celui de Jésus. Oh! souvenez-vous que jamais pécheur ne vous invoqua en vain. »

L'abbé Rohrbacher fut nommé le 1er octobre 1812, vicaire de la paroisse de Wibersviller, et six mois après à Lunéville. Son zèle pour le salut des âmes l'engagea à se vouer aux missions. Il entra donc chez les missionnaires diocésains en 1821, et il y resta jusqu'en 1826. Il fut nommé en 1823 supérieur de la maison. Il puisait dans sa piété toute son éloquence, et sa parole, empreinte de la grâce divine qui remplissait son cœur, avait une force à laquelle ne résistaient point les bons habitants de la Lorraine, et qui produisait en eux des fruits abondants de bénédiction et de salut. Il avait de ces succès qui réjouissent le cœur du prêtre, sans nourrir sa vanité, parce qu'ils sont le témoignage de l'efficacité de la grâce, plutôt que du pouvoir de la parole humaine. Souvent, lorsqu'il descendait de chaire, ses auditeurs, émus par ses discours, se pressaient autour de lui, hommes, femmes et enfants, afin de lui baiser les mains. Il pouvait à peine s'arracher à cette foule, dont le pieux empressement alarmait à la fois son humilité et son extrême modestie; et quelquefois il rejetait ces témoignages de reconnaissance et d'admiration avec une rudesse qui n'échappait point à ses confrères, et dont le souvenir égayait ordinairement le repas du soir.

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