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VERSIFICATION.-Il n'entre pas dans notre plan de donner ici un traité de versification, et de répéter des règles générales qui d'ailleurs se trouvent partout. Nos remarques se borneront à tout ce qui peut être particulier à la littérature religieuse dans la versification en général.

Lorsqu'on traite en vers des sujets religieux, on ne saurait employer une versification trop pure ni trop correcte. Il faut cependant éviter la sécheresse et la roideur : car la beauté poétique, dans le genre religieux surtout, se compose de correction et de grâce.

S'il est un genre dans lequel les négligences ne sont pas permises, c'est incontestablement la poésie religieuse; mais nulle part aussi ne saurait être mieux à sa place une élégante et douce simplicité la versification doit être facile et n'avoir rien de trop recherché dans les formes.

La versification ne consiste pas seulement dans la mesure et dans la rime, mais aussi dans l'harmonie des sons, le choix et l'arrangement des mots. Des vers sans poésie ne seraient de la prose rimée : il faut donc que que l'harmonie des sons réponde à l'harmonie des idées.

La versification hébraïque a pour base le parallélisme poétique des idées, des mots et des sons, ce qui lui donne trois degrés d'harmonie dont nous ne pouvons apprécier d'une manière bien juste que les deux premiers, le troisième étant déterminé par une accentuation dont la valeur en quelque sorte musicale, échappe à l'oreille même des plus habiles hébraïsants.

Dans les autres langues anciennes, le mètre des vers est déterminé par les inflexions, régulières de la prononciation. En français, le nombre seul des syllabes, la suspension de l'hémistiche et le mélange régulier des rimes masculines et féminines sont les seules règles précises, et c'est ce qui rend les vers français plus difficiles à bien faire que les vers grecs ou latins, parce que le poëte, moins soutenu par la mesure, doit créer le rhythme et le nombre en choisissant lui-même les sons qui lui flattent l'oreille et qui sont en rapport avec les pensées qu'il exprime.

La versification française fixée par Racine dans Athalie, le chef-d'œuvre de la littérature de notre nation, n'a pu subir, depuis le siècle de Louis XIV que des modifications peu importantes, et ces modifications sont des réformes. Ainsi, par exemple, on est maintenant beaucoup plus sévère en fait de rimes qu'on ne l'était au siècle dernier. La rime riche est maintenant de rigueur, et l'on trouverait insuffisantes certaines rimes même de Racine. En revanche, on tolère l'enjambement, lorsqu'il doit faire image, en rejetant au commencement du vers suivant un mot à effet qui appartient au sens du vers précédent.

V

Mais il ne faut se servir que bien rarement de cette licence. (Voy. CANTIQues, Hymnes, POÉSIE.)

Le concile de Tours de l'an 813, en décidant que les évêques expliqueraient l'Ecriture sainte en langue vulgaire, donna lieu à quelques essais de traductions de la Bible facilement dans la mémoire. Ce n'étaient qu'on mit en rimes, afin de les graver plus que des ébauches informes, comme on peut en juger par ces quelques versets empruntés au livre des Rois: Cumque venisset arca fœderis Domini in castra, vociferatus est Israel clamore grandi, et personuit terra.

E cum l'arche vint en l'ost,
Li poples deu duna un merveillus cri
Que tute la terre rebundi.

Et audierunt Philistiim vocem clamoris, dixeruntque: Quænam est hæc vox clamoris magni in castris Hæbræorum? Et cognoverunt quod arca Domini venisset in castra.

Li Philistien virent cest cri

Et distrent quo deïst cest cri k'il funt en l'ost?
Apperceurent sei que l'arch' fud venue en l'ost.

Respondens autem ille qui nuntiabat, Fugit, inquit, Israel coram Philistiim, et ruina magna facta est in populo. Insuper et duo filii tui mortui sunt, Ophni et Phinees, et arca Dei capta est.

Les nos de l'ost s'en sunt enfuiz,
E laidement sunt descunfiz,
E mors sunt ambe-dons tes fiz
E l'arche deu i unt eil pris.

Après ces traductions rimées vinrent les chroniques également en rimes, et les chansons des troubadours; mais la versification ne prit pas avant le xir siècle une apparence de régularité et d'harmonie. En 1130, un chevalier, nommé Béchada, publia un poëme sur la prise de Jérusalem qui fit grand bruit à cette époque, et dont il ne nous reste rien. Peu de temps après parurent le roman du Chevalier du lyon et le Rou de Normandie; puis vinrent Hélinant, qui chantait ses vers à la table de Philippe Auguste, comme Démodocus ou Jopas aux banquets d'Alcinoüs et de Didon; et Alexandre de Paris, qui le premier fit usage du grand vers de douze syllabes auquel on a conservé depuis le nom de vers alexandrin, du nom de son inventeur, et aussi du nom du poëme où il fut employé pour la première fois; car Alexandre de Paris donna peut-être lui-même le nom de son poëme. son nom à son poëme allégorique, ou prit L'Alexandre dont il est question dans cette composition bizarre n'est pas le conquérant Macédonien, mais bien Philippe Auguste sous le nom d'Alexandre. Voici comment l'auteur nous représente son confrère en poésie, Hélinant chantant ses vers à la table de Philippe :

Quant li rois ot mangié s'apela Hélinant, Por li esbauoïer commande que il chant. Cil commence à noter ainsi com' li jaïant Monter voldrent au ciel, come gent mescréant. Entre les diex y ot une bataille grant. Si ne fust Jupiter, à la foudre bruyant, Qui tous les desrocha, jà n'éüssent garant, etc. On voit que les rimes alors ne variaient guère; les auteurs du roman de la Rose y inirent plus de diversité, sans faire encore la distinction de celles dont le son est plein et de celles qui finissent par une muette; Clément Marot lui-même n'y a aucun égard, Ronsard paraît être le premier qui les ait régulièrement disposées, en faisant suivre toujours deux rimes féminines par deux rimes masculines, dans les vers à rimes plates, et en mélangeant artistement les rimes masculines dans les vers croisés. Mais la versification vraiment française et digne d'être employée aux louanges de Dieu fut créée par Malherbe, qui a le premier traduit avec dignité et grandeur la belle poésie des psaumes. Il est à remarquer que Marot, si gracieux dans les sujets badins, a complétement échoué lorsqu'il a voulu aborder la poésie sacrée d'abord parce que son génie. personnel se refussit à la gravité des choses saintes, puis aussi parce qu'il ne disposait pas encore d'une versification assez régulière, assez pure et assez forte. C'est Marot qui a grotesquement traduit ces paroles du Psalmiste: Aperi os tuum el implebo illud, par:

Ouvre la bouche grande,
Et je l'emplirai de viande,

et celles-ci: Amplius lava me ab iniquitate mea, et a peccato meo munda me, par :

Lave-moi, sire, et relave bien fort
De ma commise iniquité mauvaise,
Et des péchés qui me rendent si ord.

Pour compléter la parodie, les seigneurs de Pour compléter la parodie, les seigneurs de la cour de François I chantaient les psaumes de Marot sur des airs de rondes et de

mascarades. Malherbe eût imposé plus de

respect.

De Malherbe à Corneille il n'y a qu'un pas les vers de Polyeucte sont de la même famille que le beau psaume :

N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde. Polyeucte et Athalie sont les deux chefsd'œuvre de la littérature et de la scène française; mais pour la versification, Racine, dans son Athalie, a posé les colonnes d'Hercule: Nec plus ultra.

Les poëtes modernes ont essayé de joindre à la correction de Racine la vigueur de Corneille, et de créer un vers nouveau en faisant comme la synthèse de ces deux génies. L'avenir dira s'ils ont réussi. En attendant, nous admirerons Corneille, nous étudierons Racine, et en vers comme en prose, en littérature comme en religion, nous nous défierons d'abord et longtemps de tous les novateurs.

VINCENT DE LÉRINS. - Parmi les beaux souvenirs de l'antiquité catholique, il faut compter cette paisible solitude de Lérins,

où la science et la piété trouvèrent an abri pendant que les fléaux de Dieu passaient sur le monde. Or, de tous les solitaires de Lérins, aucun n'est plus célèbre que le bienheureux Vincent, surnommé de Lérins, auquel ses écrits vraiment catholiques ont acquis une réputation universelle. Il publia sous le nom de Peregrinus, qui veut dire le voyageur, l'étranger, l'homme qui passe, une Apologie de la foi catholique contre toutes les hérésies, et y répandit tous les trésors de l'éloquence et de l'érudition les plus distinguées. Il y établit victorieusement la nécessité d'une autorité infaillible et le besoin d'unité dans la foi qui perpétue en quelque sorte le concile ecuménique de tous les premiers pasteurs unis ensemble et soumis au siége de Rome. Il fait voir combien toutes les nouveautés qui peuvent se produire dans l'Eglise sont dépourvues ea même temps d'autorité et de raison, puisqu'une croyance qui détruit la foi est en contradiction avec elle-même. Or c'est détruire la foi que de détruire l'autorité : car la foi sans autorité ne peut être que de la superstition et du fanatisme. La vraie foi n'est digne de notre confiance que par cette autorité invariable qui en rend les dogmes inaccessibles aux caprices de la science et de l'ignorance humaine. « Et cependant, ajoute Vincent de Lérins, cette immobilité n'est pas la mort: nous conservons au contraire pour l'avenir un germe de vie. Ce que nous croyons aujourd'hui sans le comprendre, l'avenir le comprendra et se réjouira d'en avoir connaissance. Posteritas intellectum gratuletur, quod ante vetustas non intellectum venerabatur. Si donc on nous demande Est-ce que tout progrès est exclu de la religion de Jésus-Christ? Non, sans doute, et nous en espérons un très-grand.. Quel homme, en effet, serait assez jaloux des hommes, assez ennemi de Dieu pour vouloir empêcher le progrès ? Mais il faut que ce soit réellement un progrès, et non pas un changement de croyance. Le progrès, c'est l'accroissement et le développement de chaque chose dans son ordre et dans sa nature. Le désordre, c'est la confusion et le mélange des choses et de leur nature. Sans aucun doute, il doit y avoir, tant pour tous les hommes en général que pour chacun en particulier, selon la marche naturelle des âges de l'Eglise, différents degrés d'intelligence, de science et de sagesse, mais en telle sorte que tout soit conservé, et que le dogme garde toujours le même esprit et la même définition. La religion doit développer successivement les âmes, comme la vie développe les corps, qui grandissent et sont pourtant toujours les mêmes. Quelle différence entre la fleur enfantine du premier âge et la maturité de la vieillesse! Les vieillards sont pourtant les mêmes, quant à la personne, qu'ils étaient dans l'adolescence: il n'y a que l'extérieur et les apparences de changées. Les membres de l'enfant au berceau sont bien frêles, et pourtant ils ont les mêmes principes rudimentaires et les mê

mes organes que les hommes; ils grandissent sans que leur nombre augmente, et le vieillard n'a rien de plus en cela que n'avait l'enfant. Et cela doit être ainsi, sous peine de difformité ou de mort.

« Il en est ainsi de la religion de JésusChrist, et le progrès pour elle s'accomplit dans les mêmes conditions et suivant les mêmes lois. Les années la rendent plus forte et la grandissent, mais n'ajoutent rien à tout ce qui compose son être. Elle est née complète et parfaite dans ses proportions, qui peuvent croître et s'étendre sans changer. Nos pères ont semé du froment, nos neveux ne doivent pas moissonner de l'ivraie. Les récoltes intermédiaires ne changent rien à la nature du grain : nous devons le prendre et le laisser toujours le même. Le catholicisme a planté des roses, devons pous y substituer des ronces? Non, sans doute, ou malheur à nous ! Le baume et le cinname de ce paradis spirituel ne doivent pas se changer sous nos mains en aconit et en poison. Tout ce qui, dans l'Eglise, cette belle campagne de Dieu, a été semé par les Pères, doit y être cultivé et entretenu par les fils c'est cela qui toujours doit croitre et fleurir; mais cela peut grandir et doit se développer. Dieu permet en effet que les dogmes de cette philosophie céleste soient, par le progrès du temps, étudiés, travaillés, polis en quelque sorte; mais ce qui est défendu, c'est de les changer ; ce qus crime c'est de les tronquer et de les mutiler. Qu'ils reçoivent une nouvelle lumière et des distinctions plus savantes, mais qu'ils gardent toujours leur plénitude, leur intégrité, leur propriété. »

est un

Ce passage de Vincent de Lérins est des plus remarquables, et semble fait pour résoudre une des questions les plus difficiles de notre époque, celle du progrès. Vincent de Lérins y croyait, comme on peut le voir; mais il lui donnait pour sanction l'autorité catholique, et il donnait au mouvement la stabilité pour contre-poids.

Vincent de Lérins démontre ensuite que la science, le talent, le génie même ne sont rien sans l'obéissance à l'autorité qui règle l'usage des dons divins. « A quoi peut servir un flambeau pour le voyageur imprudent qui se hasarde à travers les abîmes et ne veut pas suivre les guides qui l'appellent? Les grandes qualités des hérésiarques n'ont servi qu'à rendre leur chute plus irrémédiable et leur aveuglement plus profond. Tertullien n'était-il pas un orateur plein de gé nie? Origène n'avait-il pas tous les dons de la science et de la sagesse, lui qui poussa cette même sagesse jusqu'à la folie, en se mutilant lui-même, par amour de la chasteté? Nestorius n'était-il pas un homme disert et habile? Mais ce sont leurs talents mêmes qui ont perdu ces hommes, que l'obéissance à l'Eglise eût rendus si grands. Mais celui qui n'entre pas dans le bercail évangélique par la porte de l'autorité, celui-là est un voleur et un brigand, et ainsi tous les hérétiques se sont faits les

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voleurs de la vérité sainte, et en ont dépouillé le sanctuaire; ils ont forcé les portes de l'Ecriture sainte, que les clefs seules peuvent ouvrir, et se sont approprié la loi sainte que Dieu avait donnée pour tous; bientôt, quand il faudra se défendre, ils se feront de la parole sainte elle-même un bouclier sacrilége et en déroberont les textes divins. >>

Ces paroles de Vincent de Lérins sont pleines de force, et il les fait suivre, en terminant son ouvrage, de ce passage célèbre de l'Epître de saint Paul aux Ephésiens C'est Dieu qui a constitué les uns prophètes, les autres évangélistes, les autres pasteurs et docteurs pour la consommation des saints et l'édification du corps de JésusChrist, jusqu'à ce que nous arrivions tous à l'âge de l'homme parfait, à la mesure de la plenitude du Christ. « Ces prophètes, d.t Vincent de Lérins, ces apôtres et ces docteurs que Dieu lui-même a constitués, voilà les maîtres, consultons-les. L'enseignement des maîtres est uniforme, tandis que les hommes sans maîtres et sans frein se contredisent sans cesse. Ici est l'unité, là le caprice; ici l'autorité, là le déréglement; ici la raison, là tous les rêves de la folie. Attachons-nous à l'autorité, unissons-nous à la communion des sages; suivons les maîtres (Toùs d daskádovs), et c'est par ce mot grec que Vincent de Lérins finit son ouvrage, ouvrage d'autant plus utile qu'il est plutôt philosophiquement pensé que théologiquement combiné. C'est de la raison plutôt que du mysticisme; la dialectique en est simple, la logique serrée, la diction élégante, la forme éminemment littéraire. Il serait à désirer que ce petit traité fût universellement connu et étudié par les catholiques; les défenseurs de la religion y trouveraient un modèle d'urbanité et de sagesse, et les agresseurs imprudents y verraient que, dans l'enseignement religieux toutes les vérités se tiennent, et qu'il faut nécessairement choi sir entre un déisme hasardé et sceptique et l'autorité catholique tout entière, sans restriction et sans mélange. Le livre de Vinceni de Lérins est vieux de quinze siècles, et les vérités qu'il renferme sont encore nouvelles, parce qu'elles sont éternelles et parce que les combats de l'Eglise ne sont pas encore terminés. Pour en faire un livre de polémique religieuse moderne, il suffirait d'ajouter un certain nombre de noms à ceux des hérétiques qu'il nomme. Le nombre en effet de ceux qui ont nié l'unité catholique s'est augmenté, mais leur caractère n'a pas changé. Quant à l'Eglise catholique, elle est aujourd'hui ce qu'elle était du temps de Vincent de Lérins. Son esprit est le même, ses enseignements n'ont pas changé, ses vertus la protégent toujours, et pendant que de nouvelles persécutions peut-être se préparent, pendant qu'un nouveau déluge de barbares menace d'engloutir encore une fois le monde, le petit nombre des croyants, retiré hors du tumulto de la vie présente, contemple la même éter

nité qui remplissait déjà les jours des solitaires de Lérins et leur faisait oublier les tumultes du siècle et des empires qui s'écroulent. Qu'importent des siècles qui passent? qu'importent des mortels qui meurent? qu'importent des choses corruptibles qui se corrompent? Tout cela n'est-il pas dans la nature? Et que pourrions-nous faire pour l'empêcher? Mais ce qui doit nous intéresser, mais ce que nous devons défendre, c'est l'intégrité de notre foi, car la foi c'est en nous le sentiment de ce qui demeure tou

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Z

ZACHARIE. Zacharie est le prophète de la délivranice; il annonce la fin de la captivité, il montre les quatre grandes nations qui ont régné successivement sur l'ancien monde, passant comme des courriers que Dieu envoie, ou comme des conducteurs de chars qui se disputent le prix de la course. Allez leur crie l'ange du Seigneur, et ils partent; ils font en passant du bruit et de la poussière; mais ils passent et ne reviendront plus; les chars roulent et se précipitent entre des montagnes d'airain; leur bruit est comme celui du tonnerre; mais ils passent, et l'ange du Seigneur, debout dans une vallée plantée de myrtes, crie au Seigneur que la soixante-dixième année de la captivité est venue. Dieu montre au prophète quatre cornes d'airain qui soulèvent la terre, et quatre anges armés de marteaux, comme des forgerons, qui viennent les abattre et les briser. Ainsi tous les grands empires du monde, toutes les puissances de T'orgueil seront brisées et anéanties; ainsi le Seigneur frappera la domination humaine, et lui rivera sur son double front ses quatre cornes de taureau. L'heure est venue de rebâtir Jérusalem. Voyez-vous cet ange qui tient le cordeau et qui mesure déjà la place? C'est que l'élu du siècle nouveau va venir. « Réjouis-toi, Sion, va-t-on dire bientôt : voici ton roi qui vient à toi, plein de douceur. Il est pauvre, et il monte tour à tour sur une ânesse et sur le petit de l'ânesse. Revenez, revenez habiter Jérusalem, où le nouveau monarque doit venir; abandonnez la terre de l'aquilon; sortez, sortez de Babylone, oh oh! oh !... »

Entendez-vous les travailleurs qui partent, qui s'appellent et qui se répondent ? Ils s'en vont rebâtir le temple. Le sacerdoce va se renouveler, le grand prêtre est debout, au jugement de Dieu, entre son ange qui le défend et le démon qui l'accuse. Ses vêtements ont vieilli dans l'exil, et la blancheur de sa robe s'est souillée dans les fers; le démon rit de ses malheurs, et l'accuse des effets de sa longue misère. Mais Dieu impose silence à Satan, et donne au pontife une nouvelle tiare avec des vêtements nouveaux.

Zacharie voit apparaître une pierre vivante, et dans cette pierre il y a des yeux

jours; c'est le gage des réalités que nous espérons au milieu des déceptions et des songes de la vie. Fides est sperandarum substantia rerum, argumentum non apparen— tium. Or notre foi n'a qu'un point d'appui, elle n'a qu'un rempart inaccessible et une tour inexpugnable, l'autorité permanente dans la communion des pasteurs légitimes.. Là est la vérité, là est la paix, là est la sanc tion et la règle du progrès véritable. Ecoutons les maîtres, tous diduozálovs, comme dit Vincent de Lérins.

qui sont au nombre de sept. Qu'est-ce que cette pierre? C'est la pierre angulaire qui avait été rejetée par les hommes, et que le Seigneur a choisie. Les yeux représentent l'esprit et la vigilance du Seigneur; à droite, et à gauche de cette pierre, sur laquelle brille le chandelier d'or, avec ses yeux de flammes, s'élèvent deux oliviers ; et le Seigneur dit : Voici les deux enfants de l'huile sainte, voici les deux ministres qui aident le Seigneur lui-même à gouverner toute la terre. C'est le pontife et c'est le roi; le temple protége la cité, et la cité entoure le temple. Voilà le monde nouveau reconstruit sur sa double base. L'esprit et la chair ont chacun leur prince qui rendent compte à Dieu de leur pouvoir, et qui veillent l'un sur l'autre. Voilà le pape et l'empereur.

La prophétie de Zacharie est pleine de ces étonnantes images. Ce qu'il dit de la fin de la captivité et de l'inauguration d'un règne nouveau pour le Seigneur et pour son Christ, l'Eglise peut l'attendre encore; car il parle clairement de la conversion future des juifs et de leur repentir amer lorsqu'ils reconnai tront enfin la divinité de Jésus-Christ. 17s verront celui qu'ils ont percé, dit le prophète, et ils pleureront comme une mère pleure la mort de son fils unique. L'impiété vient d'etre précipitée et renfermée comme un vin empoisonné dans une amphore que les vertus emportent de devant la face de Dieu.

« Peuples de la terre, n'adorez plus de vaines idoles qui ne peuvent vous donner ni la rosée du matin, ni les douces pluies du soir; mais priez le Seigneur qui prend pitié de l'herbe des champs, et qui abreuve la campagne altérée. » Mais ce n'est plus seulement dans la Judée que le vrai Ďieu veut être adoré. Elargissez le sanctuaire du Seigneur, où tous les peuples vont venir. Liban, ouvre tes portes, et que le feu dévore tes cèdres! Pleurez, sapins, les cèdres sont tombés! Pleurez, chênes de Basan, car vos forêts sont démantelées, et les vieux arbres qui vous servaient de remparts se renversent coupés à leur racine. Voix des hurle ments des pasteurs, parce que leur empire est dévasté; voix du rugisseinent des lions, parce que les rives du Jourdain sont dépouillées de ce qui faisait leur orgueil! Voici

ce que le Seigneur a dit : Conduisez aux pâturages les troupeaux de la mort. Ils ont tué, parce qu'ils étaient les maîtres; ils vendaient la chair de leurs victimes, et ils disaient Béni soit le Seigneur! nous sommes devenus riches, et ils étaient sans pitié pour mon troupeau. Eh bien! moi, dit le Seigneur, je n'aurai pas pitié des habitants de la terre je les livrerai aux mains de leurs semblables; je les abandonnerai au pouvoir qui découpera les empires avec les glaives, et je ne les en délivrerai pas. Voilà pourquoi, o pauvres de mon peuple! voilà pourquoi je conduis au pâturage les troupeaux de la mort. J'ai pris à la main deux bâtons; l'un, je l'appelle l'honneur, et l'autre l'héritage, et je pousse mon troupeau à la pâture. Et je leur ai dit: Je ne veillerai plus sur vous; que ceux-là meurent que vous laissez mourir; que ceux-là soient frappés que vous frappez, et que le reste s'entre-déchire!

« Cette verge, qui s'appelle l'honneur, je l'ai coupée, et je la leur jette pour rompre avec eux l'alliance que j'ai faite avec tous les peuples de la terre. Aujourd'hui le pacte est rompu, et les pauvres du troupeau vont savoir ce que c'est que le Verbe de Dieu.

« J'ai dit aux ingrats: Arrêtez, ou, si vous voulez me repousser à jamais, payez-moi comme un serviteur congédié; mettez un prix à ma tête, et proscrivez-moi; et ils m'ont payé trente pièces d'argent! Jetez cela dans le temple; donnez cet argent au potier. Trente pièces d'argent! voilà le prix magnifique qu'ils ont bien voulu offrir de leur Dieu, afin qu'il les abandonnât pour toujours!

«La seconde verge que j'ai coupée, et qui s'appelle héritage, je l'ai jetée entre Juda et Israel, pour y mettre la division et détruire toute fraternité.

« Le Seigneur m'a dit encore : Prends les insignes d'un pasteur stupide; car je susciterai sur la terre un pasteur qui ne visitera pas ceux qu'on abandonne, qui ne cherchera pas les brebis égarées, qui ne soignera pas les malades, qui ne nourrira pas celles qui se portent bien; mais tout ce qu'il trouvera de gras, il en mangera la chair, et il leur brisera les ongles. O pasteur et idole qui abandonnes le troupeau! le glaive de ma justice a touché ton ceil, et ton bras droit est devenu aride, et ton œil s'est couvert de ténèbres ! »

On ne peut s'arrêter au milieu de cette analyse de Zacharie, tant les images sont saiSissantes, tant le style est rapide, et tant les choses qu'il dit vous serrent le cœur et vous effrayent! Mais, rassurons-nous, voici que

les eaux de la fontaine de David vont couler pour tout le monde : les faux prophètes vont disparaître de la terre. Epée, lève-toi sur le pasteur. Je frapperai le pasteur, dit l'Eternel, et les brebis seront dispersées; mais j'étendrai la main pour sauver les petits. Le prophète, après ces paroles, que le Sauveur lui-même s'applique dans l'Evangile, annonce que le troupeau du Seigneur sera divisé en trois parts, et que la plus petite part sera conduite au salut de croix en croix et d'épreuves en épreuves; puis viendra la dernière guerre, la guerre des nations contre Jérusalem, et le triomphe définitif de l'Eglise, de la vérité et des saints. Ici se renouvellent les promesses qui doivent s'accomplir à la fin des temps, et les images du bonheur des élus après le jugement universel.

On peut voir, d'après cet aperçu rapide, que la prophétie de Zacharie est une des plus importantes de la Bible, et combien ce prophète a de véhémence dans ses mouvements et de poésie dans ses images.

Ce qu'il dit des mauvais pasteurs annonçait clairement à la Synagogue qu'elle était répudiée, et qu'un nouveau sacerdoce allait être institué par celui-là même que la Synagogue devait excommunier et condamner à mort. La prophétie de Zacharie a trois objets représentatifs les uns des autres; premièrement, la fin de la captivité et la réédification du temple; secondement, la fin de la Synagogue et l'institution de l'Eglise; troisièmement, la fin de l'incrédulité et de la servitude de l'Eglise à la fin des temps, et le second avénement du Sauveur. On trouve, entre plusieurs images de Zacharie et celles de l'Apocalypse, une concordance qui indique aussi nécessairement des harmonies proportionnelles dans le sens de ces mêmes images symboliques et allégoriques. (Voy. APOCALYPSE et ALLEGORIE.) La prophétie relative aux trente pièces d'argent et au champ du potier est une des plus claires et des plus remarquables parmi celles qui se trouvent réalisées dans l'Evangile.

Nous avons tracé à grands traits l'analyse de Zacharie, en nous laissant guider plutôt par le mouvement des idées que par la succession des chapitres. Nos lecteurs n'oublieront pas que nous ne faisons ni une traduction nouvelle ni un commentaire, mais une simple indication des beautés qui frappent l'esprit dans la forme extérieure de la prophétie, beautés qu'il ne nous appartient d'approfondir qu'au seul point de vue litté raire, et que des littérateurs plus habiles feront mieux comprendre que nous.

FIN.

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