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plus douce du lait maternel, il a besoin de famille et de fraternité dans la prière, il faut qu'il soit allaité comme un enfant de croyances toutes faites et toutes prouvées; autrement, où en serait-il? sa vie entière ne suffirait pas à la recherche de ce qu'il doit croire pour bien vivre. Il faut, en un mot, qu'il aime pour apprendre à croire; et ce n'est pas une voix terrible soudainement venue du ciel, ce n'est pas un interlocuteur invisible, qui lui enseigneront toutes les saintes tendresses du cœur; il lui faut une bouche qui bégaie avec la sienne, des yeux compatissants à ses larmes, un sourire maternel enfin, qui encourage l'inexpérience de ses lèvres, lorsqu'il épèle pour la première fois le nom incompréhensible de Dieu. Eh bien, dans l'Eglise catholique, la grâce de Dieu s'est faite visible, ses miracles se sont vulgarisés, ses mystères se sont humanisés, si l'on peut parler de la sorte; il a donné une mère à l'enfance spirituelle des hommes; son Verbe incréé a parlé par la voix de nos meilleurs amis, et la Providence a veillé sur nous avec des yeux accessibles aux larmes. Il a mis au front de cette Eglise des signes qui ne sauraient échapper aux regards même des plus faibles, et il à attaché à ces signes certitude de sa grâce; il s'est multiplié en quelque sorte pour mieux se rapprocher de nous; il fait ses délices de demeurer parmi les enfants des hommes; il veut être leur docteur, leur père, leur ami... et que dirai-je?... il est leur pain de chaque jour ! Dites s'il pouvait faire quelque chose de plus; mais s'il devait faire quelque chose de moins, dites si vous consentiriez à perdre cette union si certaine, si visible, si palpable avec votre Dieu, vous tous que l'Eglise catholique a comptés au nombre de ses fidèles enfants : et vous, poëtes, qui êtes amateurs de beaux rêves, qu'imagineriez-vous de plus sublime à la fois et de plus tendre? où chercheriezvous une divinité plus humaine que JésusChrist? où trouverez-vous une humanité plus divine que dans ce pieux troupeau qu'il nourrit de sa vie et qu'il abreuve de lui-même? Ah! cela doit être vrai, n'est-ce pas ? puisque c'est si beau ! Oui, sans doute, et cela est beau, parce que cela est vrai. Mais toute cette splendeur du dogme, toute cette certitude de la foi, toute cette intimité des âmes avec Dieu n'existerait pas sans l'autorité infaillible des successeurs des saints apôtres. Otez cette autorité, et la religion cesse d'être une révélation certaine, pour se transformer en un sentiment vague; Dieu se retire de nous et s'éloigne ; un espace infini nous en sépare; il nous reste des aspirations religieuses, mais nous n'avons plus de religion réelle. Donc, en dehors de la religion catholique, il n'y a pas de religion réelle, et le culte tombe de fuimême dans l'ennui des réunions officielles ; l'homme se sent loin de Dieu, et son cœur reste froid devant des autels sans consécration, dans des temples sans vénération et sans mystères. Mais dans l'Eglise catholique, Dieu est toujours présent réellement

et substantiellement sur les autels; les temples vivent, les autels parlent, les marbres mêmes du sanctuaire ont des souvenirs et des larmes; donc la religion catholique est la seule religion véritable.

Continuons à développer les autres preuves du même ordre.

La religion catholique seule peut suppléer, pour le pauvre d'esprit, à la science et à la philosophic; elle seule tient lieu d'expérience au jeune homme, de génie à l'intelligence bornée, et de raisonnement aux esprits faibles.

:

Dieu, dit le grand Apôtre, voyant que, par la sagesse de la philosophie, les hommes no parvenaient pas à le connaître assez pour le servir, voulut par la folie de la prédication sauver la foule des croyants. Et pourtant la philosophie des anciens était grande et belle: Pythagore, au moyen des mathématiques transcendantes, avait presque deviné le mécanisme de l'univers; Platon s'approchait de nos dogmes; Socrate semble avoir deviné notre morale; mais Socrate et Platon étaient de ces hommes que la foule admire quand ils sont morts, mais que de leur vivant on baffoue et on tue; leur science était inaccessible au vulgaire, et pourtant ils n'avaient pas poussé l'héroïsme de leur vertu jusqu'à cette charité qui commence par l'abnégation et le renoncement à tout orgueil. Que d'efforts de raison, quels prodiges de génie ne fallait-il pas faire avant d'en venir là, et jamais les hommes y fussent-ils parvenus par leurs propres forces? Mais voilà que, par un symbole qui résume et précède de bien loin et domine de bien haut tous les théorèmes de la philosophie la plus avancée, le résultat pratique de la plus haute sagesse et de la science la plus profonde est mis à la portée de tous les femmes et les enfants du peuple vont franchir d'un pas cette barrière inaccessible qui les séparait du sanctuaire de la sagesse, et plus heureux tout à coup et plus forts en même temps que les savants les plus avancés qui cherchent et doutent encore, ils croiront! Les théorèmes vainement cherchés par Pythagore sont des dogmes que la foi d'un enfant possède, et les conséquences de ces dogmes admis par la foi sont plus claires et plus pratiques que ne seraient les conséquences des théorèmes, s'ils eussent été trouvés et démontrés par la raison. Les hommes les plus simples, sortis des classes les plus obscures, peuvent désormais pratiquer une morale plus pure que celle de Socrate, et la justifier par des principes immuables, puisqu'ils sont fondés sur la foi. L'aristocratie de l'intelligence est anéantie, car ce ne sont pas les dons, mais l'usage des dons qui fait la véritable grandeur; et tous les hommes, égaux devant le devoir et devant la vertu, s'élèvent par leur fidélité dans la hiérarchie de la grâce. Quel modèle de société que celui-là ! monarchie par l'autorité, république par la consécra→ tion des droits de shacun et le respect des pauvres, le catholicisme résout seul tous les problèmes politiques et sociaux de notre

de victoire Les cris éloquents de la poésie triomphante se succèdent avec rapidité dans cette ode, comme les éclats de la trompette. La victoire est remportée, et Débora, qui est une mère, songe à ses enfants que la guerre a épargnés. Elle fait la revue de son armée triomphante, elle nomme les tribus qui se sont distinguées à cette guerre, et flétrit ceux des enfants d'Israël qui se sont abstenus d'y prendre part.

« Les rois sont venus, dit-elle ensuite, et ils ont combattu; ils ont combattu les rois de Chanaan à Thanach, près des eaux de Mageddo, et toutefois ils n'ont pas emporté de butin !

« Le ciel a combattu contre eux; les étoiles, rangées en bataille, sans sortir de leur place et sans interrompre leur course, ont lutté contre Sisara !

dit:

« Le torrent de Cison a traîné leurs cadavres dans ses eaux, et l'esprit du torrent J'ai broyé la dépouille des forts.

« Les ongles des chevaux tombaient dans l'impétuosité de leur fuite, pendant que les plus puissants de l'armée ennemie roulaient dans les abîmes.

Maudissez la terre de Méros, a dit l'ange du Seigneur; maudissez ses habitants, parce qu'ils ne sont pas venus au secours du Seigneur, à l'aide de ses braves guerriers.

« Mais bénie soit entre les femmes Jahel, femme de Haber le Cinéen, et bénie soit la tente qui lui sert d'abri!

« Elle a donné du lait à celui qui lui demandait de l'eau: elle lui a servi la crème dans la coupe des princes.

« De la main gauche elle a pris le clou, et de la droite un marteau de forgeron, et, choisissant la place du coup sur la tête de Sisara, elle a frappé et lui a troué vigoureusement la tempe.

« Il a roulé entre ses pieds, il s'est affibli et il est mort, et il palpitait à ses pieds, où il gisait expirant et misérable!

<< Regardant par la fenêtre, sa mère cependant l'appelait par des cris douloureux, et du fond de sa demeure elle disait: Pourquoi son char tarde-t-il donc à revenir? Qui peut avoir ralenti la course de ses quadriges?

« Une de ses épouses, plus sage que les autres, répondait alors à sa belle-mère : Peut-être qu'il partage les dépouilles, et qu'on choisit pour lui la plus belle d'entre les captives. On donne à Sisara, pour sa part, des vêtements de diverses couleurs et des bijoux pour orner le cou de ses femmes.

«Ainsi périssent tous tes ennemis, Seigneur; mais que ceux qui t'aiment brillent toujours comme le soleil à son matin! >>

Nous avons cessé d'analyser, parce que cette poésie, si magnifiquement orientale, nous débordait et marchait plus vite que nous. Cette grandeur, qui tient aux idées religieuses, jointe à ces cris de triomphe, peut-être un peu barbares, qui sont la couleur locale de cette œuvre antique; l'opposition entre la mort de Sisara terrassé par une femme et les idées de la femme même de

Sisara, qui est déjà peut-être un peu jalouse de cette belle captive qu'elle croit destinée au vainqueur; les cris douloureux de sa mère inquiète pendant qu'on le tue, et s'inquiétant déjà de ne le pas voir revenir, tout cela appartient au génie de la femme autant qu'à celui de la prophétesse; mais le patriotisme ardent, la haine des étrangers et la fureur du combat la rendent insensible aux délicatesses de son sexe, dont elle ne veut voir que le double triomphe. Elle raconte avec complaisance l'action de Jahel et l'agonie de Sisara. Les dernières angoisses de cet homme, le sang qui coule de sa tête traversée par un clou, ne la font point pålir: on dirait qu'elle veut rivaliser d'énergie avec Jahel, afin de partager la fin comme le commencement de la victoire.

Le cantique de Judith n'est pas d'une moins sombre énergie: il commence aux cris d'une ville sauvée, mêlés au bruit des tambours et des cymbales. Judith rend gråces au Dieu qui termine les guerres comme on tue les serpents en leur écrasant la tête. Ce Dieu a établi son camp au milieu de son peuple; que pouvait un misérable lieutenant du roi d'Assyrie? Les enfants d'Assur étaient tombés des montagnes comme les cataractes; ils arrivaient poussés par l'aquilon comme des nuées; leurs chevaux, en s'abreuvant, tarissaient les fontaines et dépouillaient en passant les collines de leur verdure; quand ils passaient en se serrant les uns contre les autres, les torrents étaient arrêtés par uno digue humaine; ils apportaient la mort, l'incendie et l'esclavage. Mais voilà que Dieu lui-même prend le chef de cette formidable multitude et le livre aux faibles mains d'une femme! On doutait si des géants oseraient l'attendre, et il est tombé sans combattre, vaincu par un regard de la fille de Mérari!

Parée comme aux beaux jours de son mariage, elle est allée tendre des piéges au chef superbe; elle l'a pris comme un oiseau dans les filets de sa beauté, puis elle a coupé la tête à sa victime!

« Adonaï, tu es grand, malheur à qui s'élève contre ton peuple et contre toi: car personne ne pourra jamais se flatter de t'avoir vaincu.

« Tu as dit, et tout a été fait; tu as envoyé ton esprit, et toutes choses ont été créées, et il n'est personne qui résiste à ta voix.

« Les montagnes seront arrachées de leurs fondements et emportées avec leurs fleuves; les rochers se liquéfieront comme la cire devant ta face; mais ceux qui te craignent seront toujours grands devant toi. »

Puis le cantique se termine par de nouvelles et plus terribles imprécations contre les ennemis du Seigneur et de son peuple.

S'il fallait comparer ensemble les cantiques que nous venons d'analyser, nous dirions que ceux de Moise nous paraissent les plus sublimes, celui de Débora le plus brillant, et celui de Judith le plus patriotique et le plus

fier.

Le Nouveau Testament a aussi ses canti

ques, et ce sont les plus admirables de toute l'Ecriture sainte. Mais devant eux la littérature s'arrête, pour faire place à la piété qui s'incline. Il ne s'agit plus, en effet, de l'élégance des images, ni de la pompe des expressions: le temps des figures est passé, et tout l'éclat du langage des hommes tombe et s'évanouit au seul murmure des lèvres du petit enfant de Bethleem. La grandeur des mystères surpasse tellement ici la puissance des termes, qu'un style simple comme la vérité et modeste comme la foi suffit aux interprètes du Verbe éternel. Nous n'analyserons donc ici ni le Benedictus, ni le Magnificat, de peur d'empiéter sur les droits des théologiens: car, pour expliquer toutes les beautés de ces cantiques, dont chaque mot exprime quelque particularité ineffable du plus profond de nos mystères, il faudrait entrer dans des explications relatives aux mystères euxmêmes, et ce serait sortir du cercle que notre sujet et notre position nous ont tracé.

La composition et le chant des cantiques étaient en usage dans la primitive Eglise. Saint Paul, dans une de ses Epitres, recommande aux fidèles de s'édifier mutuellement par des hymnes et des cantiques. Il est à regretter qu'aucune composition de ce genre ne soit venue de ces temps de foi jusqu'à nous; mais il est probable que l'usage des cantiques s'étant perpétué dans l'Eglise, les premiers chants destinés à l'édification des catéchumènes et des fidèles ne se sont perdus qu'en subissant de siècle en siècle des transformations successives. Ainsi le recueil de cantiques dont on se sert maintenant dans les catéchismes et les assemblées de confréries, ne remonte guère plus haut que le xvir siècle, et aurait déjà besoin d'ètre profondément modifié, la plupart des poésies dont il se compose ayant déjà vieilli et ne supportant plus l'examen de la saine critique et du bon goût, du moins quant à la forme et à l'expression, le fond étant toujours assuré contre toute erreur par l'examen de l'ordinaire et l'approbation de NN. SS. les évêques.

Il serait à désirer que les poëtes vraiment chrétiens consacrassent leurs loisirs à la correction et au renouvellement de nos cantiques; les plus grands talents ne seraient point rapetíssés par ce travail, et les plus habiles, lorsqu'ils s'exerceraient dans ce genre si difficile, à force d'être simple, auraient de la peine peut-être à se trouver satisfaits d'eux-mêmes. C'est que les cantiques, destinés à tous les âges et à tous les états, doivent, pour échapper à l'obscurité, aux contre-sens et au ridicule, réunir toutes les qualités qui font les succès populaires et universels. Le plus bel ornement des phrases, dans un cantique, doit être leur clarté ; l'expression doit être noble sans être jamais recherchée; la métaphore ne doit jainais exposer une pensée novice à des erreurs ou à des contre-sens d'intelligence. Le poete doit s'étudier à être plus clair, plus récis que le catéchiste lui-même; car il n'a -as, comme ce dernier, le loisir d'expliquer

sa pensée d'abord mal comprise, et de la reproduire sous une autre forme. Quant aux mots qu'il doit employer, il n'en a pas le choix lorsqu'il s'agit de dogme, et doit s'exprimer suivant toute la rigueur de l'exactitude théologique, en évitant toutefois d'étre sec, guindé, ou d'abuser des lieux communs. Resserré dans l'étroit espace de quelques strophes, il faut qu'il instruise l'esprit, qu'il touche le cœur et qu'il plaise encore au bon goût. On conviendra que la tâche est excessivement difficile.

On a déjà senti tout ce qu'il y avait d'inconvenant à mettre les cantiques sur des airs de chansons profanes, dont les titres mêmes, indiqués en tête de chaque cantique, semblaient une épigraphe irrévérencieuse et quelquefois insultante.

Nous avons dans notre enfance entendu avec une sorte d'effroi les airs révolutionnaires de la Marseillaise et du Chant du Départ, retentir encore dans le saint lieu, comme un triste souvenir des fêtes de la Raison. On avait parodié les chants de Rouget de l'Isle et de Chenier. Tout le monde se souvient encore de ce refrain où l'on avait substitué le nom de chrétien à celui de Français, et le nom de la Religion à celui de la République, sans aucun égard pour le mètre et pour la césure, en sorte que le vers était coupé par la mesure musicale au milieu d'un mot.

La religion vous appelle.

Des fautes aussi visibles contre les convenances et le bon goût sont fâcheuses, et nuisent au respect que l'on doit aux choses

saintes.

Il serait à désirer qu'on supprimât avec soin, dans les cantiques, toutes les expressions trop communes ou incorrectes qui peuvent exciter le dégoût ou l'ennui. Pourquoi la forme des petits poëmes que l'Eglise consacre à l'éducation des enfants ne seraitelle pas aussi pure que leur doctrine? Ne saurait-on apprendre les mystères à nos jeunes écoliers sans y joindre des barbarismes? Quelle nécessité y a-t-il de leur faire chanter des vers avec des fautes de la nature de celle qui dépare ceux-ci :

Quelle est cette aurore nouvelle
Dont le lever est si pompeux ?
Qu'elle est brillante, qu'elle est belle !
Est-il d'astres plus radieux ?

Sans compter que dans le second vers il faut choisir entre un hiatus ou une mauvaise consonnance, et que l'adjectif pompeux est presque un contre-sens appliqué à la gloire si modeste et si gracieuse de Marie.

Dans les nouvelles éditions, il est vrai qu'on a remplacé le solécisme par un barbarisme, dans le quatrième vers, en disant:

Est-il astre plus radieux?

Il nous semble qu'on eut mieux fait de changer résolument les deux vers, de cette manière, par exemple, ou de toute autre:

Evangile, écrit en grec, se distingue par la pureté de sa diction, et a été mis au rang des classiques: ses formes littéraires se rapprochent de celles des anciens historiens grecs, et sa manière d'entrer en matière rappelle les antiques récits d'Hérodote ou de Thucydide.

Que l'Evangile selon saint Luc et les Actes des apôtres soient écrits purement en grec, cela n'est sans doute pas une chose indifférente pour les philologues; mais au point de vue de la littérature religieuse, l'auteur des Actes des apôtres, eût-il écrit dans l'idiome le plus barbare, n'en serait pas moins le plus merveilleux, le plus intéressant et le plus grave en même temps des historiens. Si en effet il est une histoire importante dans les annales du monde, c'est celle de ce grand événement qui vint en changer la surface et en renouveler de fond en comble toutes les institutions, il y aura bientôt deux mille ans événement imprévu par la politique, négligé par l'histoire contemporaine, inexplicable par les lois qui président au cours ordinaire des choses. Un prophète de Galilée, un juif qui se dit le Fils de Dieu, est mis à mort dans un coin reculé de l'empire romain ses disciples effrayés l'abandonnent; il lui reste à peine douze pauvres ouvriers qui se cachent; rien dans tout cela ne semble digne, je ne dis pas d'éveiller la sollicitude des maîtres de l'empire, mais de troubler même un instant la sécurité d'un proconsul: eh bien ! ces douze hommes, illettrés et sans éducation pour la plupart, sortent tout à coup de la retraite où ils se cachent, et annoncent hautement que leur maître est ressuscité, qu'ils l'ont vu, qu'ils l'ont touché, qu'ils ont bu et mangé avec lui. On se moque d'eux d'abord, et on les prend pour des gens ivres ; ils ne se découragent pas, et bientôt huit mille personnes sont entraînées par cette conviction contagieuse qui, en ne cédant pas à la contradiction, finit par la vaincre et par s'imposer. On s'alarme et l'on persécute les douze: ils se séparent et se dispersent dans toutes les parties du monde, et c'est alors que commence le merveilleux. Ces malheureux proscrits, ces sectaires rejetés par la Synagogue, partent pour renverser tous les temples du monde, pour changer les autels et les lois de l'univers. Ce sont des fous, n'est-ce pas ? - Tout le monde le penserait encore s'ils n'avaient pas réussi. Ils ont réussi !... le fait est là, incontestable, irrévocablement accompli. Ces douze hommes ont parcouru la terre, et la terre a changé; les Césars, alors maîtres du monde, ont lutté pendant trois cents ans et ont cédé; les dieux qui depuis tant de siècles semblaient présider à la fortune des empires; ce culte de la force, des plaisirs et de la beauté, qui charmait depuis si longtemps le peuple par sa riante mythologie, par la beauté de ses idoles et par la splendeur de ses fêtes; les traditions si poétiques de la Grèce, les images consacrées par le génie d'Homère et que semblait avoir tout récemment encore vouées à une seconde immor

talité la gloire immense de Virgile, tout cela a été balayé comme des feuilles sèches par l'orage à la parole obscure de ces douze pêcheurs, mis à mort sur tous les points du monde sans que l'empire officiel daignât savoir s'ils avaient vécu : par quelle puissance d'éloquence, par quelle séduction de doctrine ont-ils remporté cette effrayante victoire ? Quel dien plus disert que Mercure, plus brillant qu'Apollon, plus gracieux que l'Amour, leur a prêté le prestige de ses attraits; ils prêchaient un Dieu austère, dont les seuls attributs étaient des clous et des épines, un vase plein de fiel et une croix ! ils parlaient de chasteté et d'abstinence à la populace des saturnales et aux prêtresses de Vénus! Mais le temps était venu où l'on devait les écouter et les croire, et toujours les remèdes divins se révèlent par leur opposition tranchée avec les maux qu'ils viennent guérir. Le monde alors était malade comme un débauché au lendemain d'une orgie, et il accepta l'austérité des doctrines chrétiennes comme un moyen de revenir à la santé et à la vie. L'heure était venue encore une fois: Dieu le voulait. Les Actes des apôtres sont le premier chapitre de cette étrange histoire, qui se déroule entre le crucifiement du Sauveur sous Tibère, et l'exaltation de la croix sous le règne de Constantin ; c'est là que sont retracés les premiers symptômes de cette révolution universelle qui changea le gibet en labarum. Ici les merveilles de l'histoire non seulement justifient, mais rendent nécessaires les miracles du livre sacré

la grandeur des événements relève la simplicité du narrateur, et ses récits, qu'on pourrait appeler la Genèse du monde chrétien, empruntent pour nous un nouvel éclat de merveilleux divin à dix-huit siècles et demi de vénération et de croyance. Quel poëme épique pourrait offrir plus d'intérêt que l'histoire de ces douze fondateurs de la société nouvelle? Les Actos, en effet, sont les premières pages d'une grande épopée dont le poëte a été Dieu même. Le récit de saint Luc commence après l'ascension du Sauveur; les disciples, sont encore debout sur cette montagne des Oliviers où le Sauveur vient de laisser ses dernières empreintes; une nuée vient de le couvrir, et deux anges vêtus de blanc apparaissent et disent: « Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous à regarder le ciel? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel redescendra vers vous un jour comme vous l'avez vu monter. Les disciples reviennent à Jérusalem, et les douze se constituent en assemblée apostolique, en complétant leur nombre par l'élection de saint Mathias, élection qui se fait non à la majorité des suffrages, mais par la décision du sort, puis ils se retirent dans le cénacle, où leur consécration miraculeuse se fait le jour de la Pentecôte; puis, animés du Saint-Esprit, ils commencent à se livrer au ministère de la parole.

Le premier discours de saint Pierre commence par une citation remarquable de la prophétie de Joël :

« Dans les derniers jours, dit le Seigneur, je répandrai de mon esprit sur toute chair et vos fils prophétiseront et vos filles et vos jeunes hommes verront des visions, et vos vieillards songeront des songes. Et alors sur mes serviteurs et mes servantes, dans ces jours-là je répandrai de mon esprit et ils seront prophètes. Et je donnerai des prodiges en haut dans le ciel et en bas sur la terre le sang, le feu et la vapeur de la fumée. Le soleil sera changé en ténèbres et la lune en sang avant que ne vienne le jour du Seigneur grand et manifeste. Et il arrivera, et quiconque aura invoqué le nom du Seigneur sera sauvé. »

Ce Seigneur dont le nom invoqué au dernier jour sauvera les élus de la conflagration universelle, saint Pierre vient le révéler aux Juifs. C'est ce même Jésus de Nazareth qu'ils ont crucifié ! A cette voix, déjà investie d'une autorité infaillible, les vrais Israélites, ceux qui étaient mûrs pour l'Eglise nouvelle, se sentent frappés au cœur et ils se soumettent à la direction sacerdotale de Pierre et des apôtres, en leur disant : « Frères, que ferons-nous ? » Ecoutons la réponse de saint Pierre,car nous y trouverons la première institution du culte chrétien: « Faites pénitence, » leur dit-il; « que chacun de vous soit baptisé au nom du Seigneur Jésus-Christ, et vous recevrez le don de l'Esprit-Saint. » Nous voyons commencer ici la pénitence des catéchumènes et l'administration des deux sacrements de baptême et de confirmation. Quant à la sainte Eucharistie, c'était le grand héritage du Sauveur, mais on ne devait y admettre que les parfaits, c'est-àdire les chrétiens confirmés. Dès ce moment la religion de Jésus-Christ existe déjà dans le monde comme elle existe encore de nos jours. C'est à la suite de cette institution du culte par le cénacle que vient cet admirable tableau de l'Eglise primitive, lorsqu'elle ne faisait encore pour ainsi parler qu'une seule famille. Ils persévéraient dans la doctrine des apôtres, dans la communication de la fraction du pain et dans les prières. Et la crainte se répandait dans toutes les âmes, car il se faisait beaucoup de signes et de prodiges par les apôtres dans Jérusalem, et la terreur était générale. Tous ceux qui croyaient vivaient d'une vie pareille et ils avaient toutes choses en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, et en distribuaient le prix suivant les besoins de chacun. Tous les jours ils étaient réunis dans le temple, et, rompant le pain de maison en maison, ils prenaient leur nourriture dans l'allégresse et la simplicité du cœur, louant Dieu tous ensemble et trouvant grâce devant le peuple, car le Seigneur augmentait tous les jours le nombre de ceux qui étaient sauvés par cette doctrine. »

Une vie si sainte et si paisible ne pouvait durer longtemps sans persécutions. La haine des bourreaux du Sauveur éclate au sujet de la guérison éclatante de ce boiteux qui mendiait devant la belle porte du temple.

DICTIONN. DE Littérature CHRÉT ̧

« Je n'ai ni or ni argent, lui dit saint Pierre, mais ce que j'ai je te le donne: Au nom de Jésus-Christ le Nazaréen, lève-toi et marche ! »

Ceux qui avaient de l'or et de l'argent et qui ne connaissaient pas d'autre puissance, s'indignèrent de ce pouvoir qui guérissait les malades et commandait aux infirmités humaines. Les princes de la synagogue veulent connaître de cette guérison merveilleuse, et il faut que saint Pierre leur rende compte de son audace pour avoir fait le bien dont ils étaient incapables. Saint Pierre, au milieu de cette synagogue quia conspiré la mort de son maître, répare glorieusement ses faiblesses de la veille par un témoignage éclatant qu'il rend à la vertu du divin Crucifié. A la nouvelle de cette généreuse manifestation, toute l'Eglise naissante se répand en actions de grâces, et, à la fin du chapitre quatrième, l'auteur des Actes revient encore une fois et comme avec amour à cette image de la fraternité et de la vie commune des premiers fidèles, qu'il nous montre si dignes de toute notre admiration et de tous nos regrets:

« La multitude des croyants n'avait qu'un cœur et qu'une âme, et aucun parmi eux ne disait être à lui ce qu'il possédait, mais toutes choses leur étaient communes. Et il n'y avait personne parmi eux qui manquât du nécessaire, car tous ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient et apportaient le prix de la vente. Et ils le déposaient aux pieds des apôtres, qui le distribuaient suivant les besoins de chacun. >>

C'est au sujet de cette communauté volontaire et facultative qu'est rapportée l'histoire d'Ananie et de Saphire, qui sont frappés de mort non pour avoir soustrait une partie de leur bien à la communauté des fidèles, mais pour avoir menti au Saint-Esprit en se parant d'une générosité hypocrite. « Pourquoi avez-vous menti? » leur dit saint Pierre : « n'étiez-vous pas les maîtres de garder tout ce qui était à vous ? » Ils tombèrent donc l'un après l'autre, frappés d'une mort surnaturelle et soudaine, et une grande épouvante se fit dans toute l'Eglise et pour tous ceux qui en entendirent parler.

Le nombre des fidèles augmentait de jour en jour, et les miracles se multipliaient au point que les malades étaient apportés sur le passage de saint Pierre, afin que du moins, en passart devant eux, il les couvrît de son ombre, et tous ceux qui touchaient son om bre étaient guéris.

Jésus-Christ avait promis à la foi de ses apôtres des miracles pareils aux siens, et plus grands même que les siens la promesse du maître était déjà réalisée.

on

Tant d'éclat provoquait le martyre commence à poursuivre et à emprisonner les apôtres; on leur défend de prêcher au nom de Jésus-Christ. Les apôtres répondent avec une dignité pleine de modestie : « Voyez vous-mêmes s'il ne vaut pas mieux obéir à Dieu qu'aux hommes; » et ils continuent, sans affectation, mais aussi sans crainte,

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