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ment des multitudes armées, le piétinement des chevaux qui hennissent, et le tonnerre roulant de la roue des chars; mais les rois s'endurcissent, et le peuple est corrompu; ils croient qu'ils anéantiront les menaces du ciel en tuant les prophètes. Enfin l'orage prédit éclate, un souffle de colère a passé sur Jérusalem, et Jérusalem n'est plus qu'un amas de pierres encore fumantes, sur lesquelles est assis Jérémie qui pleure, image de l'éternité qui viendra un jour s'asseoir immobile sur les débris des mondes.

Voici la captivité et l'histoire de Daniel. Les soixante-dix semaines commencent; Dieu humilie dans Nabuchodonosor l'orgueil des fastueux empires d'Orient, et brise contre terre la tête d'or du colosse aux pieds d'argile. Daniel voit sortir d'une mer agitée les fantômes monstrueux de tous les pouvoirs qui doivent successivement envahir la terre; aucun d'eux n'a la figure humaine, et Daniel, qui sait comment l'ange du Seigneur ferme la gueule des lions, ne craint point que toutes ces bêtes furieuses dévorent l'espérance des élus. Il a vu l'homme vêtu de blanc qui se tient debout sur les eaux, et il attend celui dont le royaume doit être éternel.

Les temps s'accomplissent: «< Cyrus appelé par son nom dans une célèbre prophétie, obéit à Dieu et vient régner pour relever Jérusalem. Le sacerdoce reprend un instant son empire avec Zorobabel et Esdras, et Israël se croit revenu aux beaux jours de sa république. Mais un homme s'élève dans le monde qui le remplit tout entier du bruit de ses armes et s'y trouve trop à l'étroit. Les régions les plus éloignées et les plus barbares apprennent le nom d'Alexandre, et la terre se tait devant lui; puis il tombe sur un lit et se sent mourir. Nous commençons le livre des Machabées. Les successeurs d'Alexandre se partagent le monde, et la Judée tombe dans la part d'Antiochus Epiphanes, qui ouvre l'ère des martyrs, et donne lieu aux grandes batailles des Machabées. Judas, Simon, Eleazar, accomplissent les plus grands prodiges de la vaillance soutenue par la foi, et donnent à leur épée autant de gloire que David et Salomon en avaient acquis à leur sceptre. Un autre Eléazar, un vieillard de plus de cent ans, meurt sous les coups en refusant de violer la loi de ses pères; Razias se déchire les entrailles pour ne pas tomber entre les mains des ennemis de son Dieu : tant de résistance irrite enfin le superbe Antiochus; il part pour détruire Jérusalem, tombe en chemin et meurt rongé de vers.

L'empire des successeurs d'Alexandre avait démembré le monde; Rome vient en réunir les débris, et recompose enfin le grand empire qui devait être conquis par l'Evangile. Après bien des luttes et des déchirements, la paix universelle se fait sous le règne de César Auguste, et le Fils de Dieu vient au monde.

Ici la Bible se ferme et l'Evangile s'ouvre; mais l'Evangile, c'est encore la Bible réalisée dans ses promesses et accomplie dans

ses figures. Les quarante-cinq Evres de l'Ancien Testament et les vingt-sept livres du Nouveau se servent mutuellement de commentaire, tant il y a d'unité dans l'esprit de tous ces ouvrages écrits à des époques si différentes et par des auteurs si divers!

Nous avons dit que la Bible est une immense épopée dont Dieu même est le poëte et le héros; l'humanité y joue d'abord le rôle secondaire; puis s'allie étroitement avec la Divinité dans l'incarnation de l'HommeDieu. Or ce triomphe de la charité divine dans l'assomption de la faiblesse humaine est le dénouement de l'action du poëme; poëme véritablement typique, dont toutes les créations sont vraies par la volonté toute-puissante de celui qui seul peut créer; poëme encyclopédique, espèce d'arche li téraire où sont renfermés, pour nager sur tous les déluges, les principes de toutes les connaissances humaines, les éléments de toutes sciences, les types de tous les chefsd'œuvre littéraires. Telle est la Bible dans son ensemble. Nous en avons rapidement analysé l'idée générale en nous tenant uniquement au point de vue littéraire, dont nous ne devons pas nous écarter. Entrons maintenant dans quelques détails.

La littérature de la Bible se compose, comme nous l'avons dit, de modèles en prose et en vers les livres en prose sont ou des lois ou des histoires; les livres en vers sont des poëmes, ou des cantiques, ou des prophéties. Les styles varient avec les sujets; celui de la Genèse est simple et grandiose à la fois, comme doivent l'être les récits de l'enfance du monde; la cosmogonie y est tracée à grands traits : c'est un dessin pur et sévère, esquissé par un grand maître. Longin, qui était païen, y a, le premier que nous sachions, remarqué des formes qu'il ne craint pas de proposer aux amis de la belle littérature comme des modèles du genre sublime Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut. Jamais les dieux de l'antiquité, jamais le Jupiter d'Homère, de Cléanthe, ou même d'Orphée, n'avait été peint en deux mots si majestueux dans leur concision, si beaux dans la simplicité de leur force. Les tableaux du paradis terrestre sont des sujets d'idylles enchanteurs. Le drame de la chute de l'homme joint le gracieux au terrible avec des proportions si saisissantes, que le sublime poëme de Milton ne doit être regardé que comme un commentaire fidèle, mais insuffisant quelquefois, d'un chapitre de la Genèse. La division qui se manifeste entre les enfants d'Adam, types de deux races ennemies parmi les hommes, est une révélation profonde des destinées humaines, et doit porter la lumière sur des questions physiologiques dont la solution est encore de nos jours le tourment des penseurs.

La guerre n'est pas finie entre les enfants d'Abel et ceux de Caïn, et telle sera la destinée immuable de ces deux races, que les enfants de Caïn seront toujours bourreaux et vaincus, les enfants d'Abel toujours vic

times et vainqueurs. L'expiation sur la terre se fait par le sang; mais le sang du juste a seul une vertu expiatoire, et c'est pourquoi la vertu toujours immolée rachètera toujours le monde, parce qu'ainsi l'a voulu la sagesse du Verbe, qui a sanctifié par le sien le sang de toutes les victimes, et a voulu perpétuèr dans un sacrifice nouveau la mort volontaire par laquelle il nourrit le monde de sa propre vie.

L'histoire d'Abraham et des patriarches est de l'intérêt le plus saisissant et de la plus naïve poésie. On y trouve au plus haut degré ce qu'on appelle de nos jours la couleur locale. C'est bien l'Orient primitif avec ses chefs de tribus nomades et ses rois pasteurs. On trouve dans les mœurs des patriarches je ne sais quoi de primitif et de sauvage qui étonne notre imagination, mais qui lui plaît. Dieu d'ailleurs semble marcher dans le désert avec ces familles errantes, roi suprême de ces maîtres subalternes, pasteur de ce troupeau de bergers qu'il conduit la houlette haute, toujours prêt à châtier les écarts de ces natures impétueuses et bouillantes encore de la première séve de la vie humaine.

L'Exode est grand comme le génie de Moïse; l'histoire des dix fléaux et celle du passage de la mer Rouge, les révoltes et les châtiments du désert, tout cela est empreint d'un merveilleux divin qui ne s'efface jamais de la mémoire. Il fallait de pareilles impressions à l'enfance d'un grand peuple, et de pareils souvenirs à toute sa vie morale et politique, pour en faire cette race à part toujours en lutte avec toutes les nations, et toujours vivace même après ses défaites; car les principes de la religion de Moïse étaient ceux qui devaient survivre à toutes les révolutions religieuses des siècles suivants, et Moïse ne les avait pas, sans une grande intuition prophétique, incarnés en quelque sorte dans un peuple qui devait être si souvent dispersé, si difficilement abattu, tant de fois vaincu, mais jamais changé; souvent proscrit, toujours errant, jamais détruit.

Les livres poétiques de la Bible sont un poëme dramatique; celui de Job, un épithalame mystique, le Cantique des cantiques de Salomon; plusieurs fragments des livres sapientiaux, les Psaumes de David et les livres des prophètes.

Les savants hébraïsants ne sont pas encore parfaitement d'accord sur le rhythme particulier de la poésie hébraïque. L'opinion du savant M. Garnier, supérieur général de la société des prêtres de Saint-Sulpice, était que le parallelisme seul y tenait lieu de mesure et de rime; la phrase poétique se composant ainsi de deux hémistiches qui riment par l'idée, si je puis m'exprimer ainsi, et dont les mots s'accentuaient sans doute dans le rhythme musical avec un certain parallélisme de mesure qui ajoutait une har monie nouvelle au parallélisme de la pensée. Le parallélisme de la poésie hébraïque consiste en une répétition de la même idée

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La Judée fut faite la sanctification du Seigneur;

Israël devint sa puissance;

La mer le vit et s'enfuit;

Le Jourdain retourna en arrière. On voit par cet exemple que dans le parallélisme le second hémistiche de phrase ajoute toujours au sens du premier, s'il répète exactement la même idée, ou produit les plus grands effets par le rapprochement de deux beautés ou de deux pensées analogues, bien que distinctes.

La poésie orientale en général se distingue d'ailleurs par un luxe de comparaisons et une richesse d'expressions qui lui sont propres. La vivacité des sentiments y multiplie volontiers l'hyperbole, et les comparaisons y ont plutôt une grande vérité de sentiment qu'une parfaite exactitude de raison. Ainsi, quand Salomon dit à l'épouse du Cantique: Votre nez ressemble à la tour du Liban qui regarde vers Damas, il n'a certainement pas songé à établir entre les deux choses comparées une parfaite similitude : il veut seulement peindre une grande rectitude de lignes, et il compare à un chefd'œuvre d'architecture noble et hardie un des traits les plus caractéristiques du visage de sa royale fiancée.

Voltaire, qu'il ne faudrait jamais nommer lorsqu'il s'agit des beautés de la Bible, Voltaire, qui n'était pas capable de les comprendre ni de les sentir, a fait preuve de la plus complète ignorance du génie des langues orientales, ou de la plus insigne mauvaise foi, lorsqu'il s'est moqué si peu judicieusement de certaines comparaisons des livres poétiques des Hébreux; mais un aveu de ce triste philosophe peut nous donner la mesure de sa conscience comme critique. « David, dit-il quelque part, lui plairait assez, s'il ne vantait un peu trop sa triste cité sainte. » Ce n'est certainement pas au patriotisme du roi d'Israël que le reproche peut s'adresser, c'est aux aspirations célestes du prophète, et le sectaire de Ferney, atteint d'un mal jusqu'alors inconnu dans l'humanité, et qu'on pourrait nommer théophobie, si toutefois une pareille manie peut avoir un nom, calomniait le prophète de la cité sainte en haine du ciel, et tous les prophètes sa is doute en haine de l'esprit qui les inspire, parce que c'est l'esprit du Père et du Fils qui sont au ciel!

(Voy., à leurs titres particuliers, tcus les livres de la Bible.)

BIBLIOTHÈQUE, collection de livres. L'art de composer ou de ranger une bibliothèque n'est pas aussi facile qu'on pourrait se l'imaginer. Un amas confus de livres n'est pas une bibliothèque pour faire un choix parmi tant de matériaux (car la quantité de

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livres qui existe est innombrable), pour les classer dans un ordre vraiment logique, il faut nécessairement adopter un système bibliographique, c'est-à-dire un plan de divisions et de subdivisions qui puisse diriger les recherches dans ce labyrinthe d'ouvrages. Un bon plan de bibliothèque serait le plan d'une encyclopédie, et pourrait servir non-seulement à classer convenablement des volumes dans leurs casiers, mais encore toutes les connaissances acquises dans l'esprit et dans la mémoire. Le plan d'une bibliothèque complète, avec ses subdivisions, ses divisions et son unité, ne serait rien moins que l'esquisse d'une synthèse universelle ou d'une somme de toutes les connaissances humaines.

Rapporter tout ce qu'on a écrit et tout ce qu'on peut écrire à des divisions générales rattachées ensemble par une idée mère, c'est préparer les voies pour l'organisation d'une science universelle qui, au point de vue catholique, ne saurait être qu'une théologie transcendante, puisque toutes les connaissances humaines et l'usage qu'on en peut faire ont leur raison d'être et leur règle dans la connaissance de Dieu. Cette théologie universelle pourrait, comme la notion même de Dieu, se diviser en trois branches principales, conformément à l'idée des trois personnes divines. Dieu manifeste en effet ses trois personnes par une triple opération : Père, il est créateur; Fils, il est rédempteur; et Saint-Esprit, il est sanctificateur.

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A Dieu considéré comme créateur, c'està-dire à Dieu le Père, on pourrait rapporter la philosophie, sorte de théologie naturelle qui procède du connu à l'inconnu, et passe du sensible à l'intelligible par voie de déduction et de raisonnement. A Dieu considéré comme rédempteur se rapporte tout ce qui tient à la science du salut et toutes les parties dont se compose la théologie soit dogmatique, soit morale; et enfin à Dieu sanctificateur se rapporte tout ce qui tient à la théologie mystique, en classant tous les hagiographes selon les degrés de la vie spirituelle, dont sainte Thérèse et plusieurs autres nous ont indiqué la synthèse dans les traités complets qu'ils en ont donnés.

Bien entendu que la Bible avec tous ses commentaires doit tenir la première place dans une bibliothèque ainsi conçue; puis on disposera trois grands compartiments distincts consacrés aux trois notions distinctes des personnalités divines. Sous l'invocation du Père on classera tous les livres de sciences philosophiques et naturelles; la démonologie, ou la science poétique des mythes el des fables de l'antiquité; la physiologie, à laquelle on rapportera tout ce qui tient à la science sociale et à la politique des associations humaines divisées en royaumes, en ⚫républiques et en empires; puis toute la partie de l'histoire qui se rapporte à l'Ancien Testament et au règne du Père, et comme compléments et monuments de cette histoire, tous les monuments littéraires des DICTIONN. DE LITTÉRATURE CHRέt.

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Les sciences naturelles viendraient ensuite, comme complément de la philosophie, si l'on veut faire sa classification selon l'ordre de dignité, et ranger la science des csprits avant celle des corps; si au contraire on voulait suivre dans la classification des livres un ordre plus conforme à la marche et aux progrès de l'esprit humain, on commencerait par la physique, dont toutes les sciences naturelles sont les dépendances et les parties. La chimie viendrait à son rang, puis l'anatomie comparée, la zoologie, la médecine, et tout le dédale enfin de ces sciences positives dont les mathématiques nous font coordonner entre eux tous les détours, à l'aide de leur fil conducteur.

En les rapportant à l'idée de Dieu rédempteur, on disposera par rang d'autorité tous les lieux théologiques. Le Nouveau Testament, les écrits des Pères et des docteurs, les livres des théologiens présidés par la Somme de saint Thomas, les conciles et leurs actes, les livres de droit canon et de liturgie, les apologistes, les sermonnaires, les historiens de l'Eglise et les littérateurs chrétiens.

Enfin, dans la série placée sous l'invocation du Saint-Esprit, pourront se trouver les ouvrages de piété de tous les siècles, les légendes des saints, les traités de théologie mystique, les livres de pieux désirs ou de prières, les poésies qui traitent du divin amour, les traités allégoriques, les livres de pieuses images et d'ingénieux emblèmes, enfin tout ce qui tient à la direction que la religion doit donner aux facultés aimantes de notre cœur et aux puissances créatrices de notre esprit dirigé par la charité. La symbolique chrétienne, la poésie religieuse, les commentaires laissés par les plus grands hommes et les plus saints personnages de l'Eglise sur les livres qui restent encore prophétiques pour nous, après l'avénement du Sauveur, tels que l'Apocalypse et le Cantique des cantiques, les méditations sur les psaumes, les œuvres de saint François de Sales, que nous prenons ici pour type des écrivains inspirés par le véritable amour de Dieu et de leur prochain, qui savent répandre dans leurs écrits toutes les suavités de la charité divine; enfin tout ce qui peut consoler, avertir, relever, fortifier l'âme, l'initier aux entretiens avec Dieu et à cette vie intérieure qui est le royaume de Dieu sur la terre, tout ce qui peut porter à aimer Dieu, à l'exalter, à le bénir, à le faire aimer des autres, tout ce qu'il y a dans la religion de beau, de gracieux, d'aimable, tout ce qui peut adoucir les mœurs, nous rendre plus heureux en nous rendant d'abord meilleurs,

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tout ce qui peut contribuer à la concorde entre les frères, au pardon des injures, à la consolation des afiligés, à la récréation des malades, à l'édification des justes et à la conversion des pécheurs, trouverait naturellement sa place dans la partie de notre bibliothèque mise sous l'invocation du SaintEsprit.

Il nous semble qu'une bibliothèque ainsi disposée aurait quelque chose d'abord de pieusement monumental, et serait comme une espèce de temple consacré à l'étude, mais que, dans cette classification toute simple, on trouverait un grand avantage soit pour ranger et retrouver au besoin tous les livres qu'on pourrait avoir, soit pour classer et coordonner dans son esprit toutes les connaissances déjà acquises, ou qui nous restent encore à acquérir.

On pourrait distinguer les classes générales par des signes particuliers, les subdivisions par des couleurs, et n'employer l'ordre alphabétique que pour les livres des mêmes séries qui n'auraient pas un arrangement plus logique et moins arbitraire, indiqué par les dégrés hiérarchiques de la science et de l'autorité.

Nous ne donnons d'ailleurs cette idée de classification que comme un exemple et comme un es ai, et nous ne prétendons en aucune manière avoir résolu là grande question non-seulement de la bibliographie, mais de la science encyclopédique et de l'enseigneinent universel."

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BIBLIQUE (STYLE). On appelle ordinairement style biblique non pas le style même de la Bible, mais une imitation, ou, comme on dit en peinture, un pastiche du style de la Bible. Cette imitation a presque toujours quelque chose de prétentieux et d'affecté. Ce n'est qu'en citant les paroles mêmes de la Bible que les anciens Pères en ont imité le style, et quant aux auteurs des temps apostoliques, ils ont une manière de s'exprimer et de couper leurs phrases qui ressemble à celle de l'Evangile, mais naturelle ment, et parce que étant pleins du même esprit que les apôtres, ils devaient s'exprimer de la même sorte. Les hérésiarques de tous les temps et les enthousiastes de toutes les sectes ont affecté au contraire de se servir du langage figuré des prophètes, et de parler la langue des écrivains inspirés pour cacher les mystères souvent honteux de leurs dogmes, et se donner de l'autorité en étonnant l'imagination du vulgaire. Les anabaptistes de Munster, les puritains d'Ecosse et d'Angleterre ne parlaient pas un autre langage, et Cromwell lui-même tombait en extase et prophétisait à sa manière, lorsqu'il fallait tromper les soldats ou le peuple, afin d'en obtenir quelque chose. On n'entendait jurer ces têtes rondes que par Gog et Magog, Béhémoth et Léviathan. Leurs ennemis étaient des Goliath, des Sennacherib, des Téglat-Phalasar. C'était les versets de leur Bible à la bouche qu'ils égorgeaient les catholiques, et le régicide fut accompli en Angleterre avec les circonstan

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ces aggravantes de l'hypocrisie et du sacrilége, Dieu voulant faire voir au monde que la foi pervertie et séparée du principe d'autorité aboutit aux mêmes résultats que l'incrédulité et l'athéisme: la révolte et le parricide national, qui s'en prend aux rois pour se venger de ne pouvoir atteindre à Dieu.

Un grand génie déchu a renouvelé de nos jours, dans un livre que Rome a condamné, les plus enthousiastes prédications de l'anabaptisme allemand et du radicalisme anglais. Le style biblique devint à la mode, et la librairie fut inondée d'élucubrations par versets, affectant une manière plus ou moins orientale, et affichant la prétention de réfuter les Paroles d'un Croyant. Cette manie donna naissance à un flux de mauvaises paroles, qui restèrent heureusement sans réponse et sans échos.

Nous avons dit en commençant que le style biblique est un pastiche; or, jamais le pastiche ne constitue un genre qui puisse être avoué par le bon goût et avoir un succès durable. Il faut laisser aux puritains de théâtre et aux illuminés de la rue Croix-desPetits-Champs l'abus qu'ils font des alinéa commençant par la conjonction et, les phrases obscures qu'ils surchargent de mots hébreux et leur lyrisme épileptique. Cette littérature est plutôt du ressort de la médecine que de la faculté des bonnes études, et demande une guérison mieux qu'elle ne provoque la critique.

BLOSIUS (LUDOVICUS). Louis de Blois, auteur d'une Théologie mystique et de plusieurs ouvrages de piété, remplis de grâce et d'onction, est un de ces auteurs qu'il faut étudier et méditer pour s'initier aux mystérieuses beautés que répand sur le style des écrivains catholiques adonnés à l'oraison la tendresse du divin amour. C'est toute une poésie intérieure et surnaturelle qui ne s'analyse pas, et qu'il faut sentir pour la comprendre. M. de Lamennais, que sa chute n'empêche pas d'être un des premiers écrivains de notre siècle, n'a pas dédaigné de prêter son beau style aux inspirations du pieux Louis de Blois, et a traduit un de ses opuscules. Il en est un plus gracieux encore dont nous ne connaissons pas de traduction française, et qui est intitulé: Le Bouquet des douces prières: Fasciculus mellifluarum precum. Nous y renvoyons nos lecteurs.

BOECE, une des plus grandes âmes dont s'honore la littérature chrétienne, fut un de ces vrais philosophes qui savent résister aux rigueurs comme aux faveurs de la fortune. Modeste dans la prospérité, il ne fut pas abattu par le malheur, et composa, au fond de la prison où l'avait jeté la calomnie, un livre de consolation, qu'il dédie aux grands malheurs et aux grands courages. Le livre de Boéce, intitulé: Des Consolations de la philosophie, prouve dans son auteur un caractère élevé, une force morale vraiment virile et une grande foi en la Providence. On est faché d'y trouver quelquefois des formes un peu trop classiques dans le sens des éco

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Le Dictionnaire de la Bible de dom Calmet est un ouvrage très-utile, et l'on peut encore profiter beaucoup dans l'étude de ses Commentaires sur l'Ecriture sainte. Il publia vers la fin de sa vie un Traité des apparitions empreint d'une excessive crédulité. On lui reproche aussi d'avoir trop négligé son style.

CAMPANELLA (THOMAS), religieux doreligieux dominicain, célèbre par son utopie communiste intitulée : La cité du soleil, dont M. Villegardelle et madame Louise Collet ont publié récemment deux traductions. C'était un esprit ardent, ami passionné de la vérité et de la justice, mais ayant trop peu le tact des convenances et ne sachant pas régler son zèle. Aussi se fit-il des ennemis implacables, et eut-il à souffrir pendant vingt-sept ans tout ce que la méchanceté des hommes peut inventer d'atrocités et de tortures. Le grand tort de Campanella était de rêver pour les hommes dégradés par le pé ché originel un ordre de choses qui leur serait applicable s'ils étaient parfaits, et c'est par là que pèchent et pécheront éternellement les utopies socialistes. On les réfutera toujours en leur disant : C'est trop beau ! Et en effet, on peut voir de notre temps que les plus enthousiastes prôneurs de la fraternité universelle ne peuvent s'accorder seulement deux ou trois ensemble. La religion seule peut apprendre à l'homme qu'il ne doit rien. s'approprier ici-bas, puisqu'il n'emporte rien avec lui dans la tombe, que la conscience de ses crimes ou de ses vertus. Seule elle peut fonder sur l'abnéation et le désintéresse

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d'un vieux courtisan au service, non pas de son ambition, car il n'en avait pas d'autre que d'accomplir son devoir, mais de sa charité et de tout le zèle d'un apôtre.

ment la communauté des enfants de Dieu, et c'est ce qu'elle a fait dans ses monastères. Un seul homme a compris le vrai socialisme catholique, et a pu réaliser dans le monde l'association spirituelle et temporelle des hommes dans une communauté d'études et d'efforts vers un but commun: cet homme se nommait Ignace de Loyola: nom qui fait encore frémir et trembler les ennemis de l'Eglise. La communauté entre les hommes a été, dès les premiers siècles et dès les premiers jours du christianisme, l'idéal de la perfection sociale; mais les hérétiques et les catholiques se sont séparés radicalement quant au principe de la réalisation de cet idéal. Les hérétiques voulaient la communauté des brutes, les catholiques aspiraient à la communauté des anges; les uns voulaient faire de la terre une mangeoire commune, les autres un oratoire et un couvent; les uns disaient, comme Rousseau: L'homme est bon naturellement, et c'est la civilisation qui le dégrade; les autres : L'homme est naturellement mauvais, par suite de la dé. chéance originelle, et la religion seule peut le rendre meilleur, en lui imposant l'abnégation et le sacrifice. La consécration du droit de propriété a été dès l'origine le seul moyen d'empêcher les hommes de s'entredéchirer comme des bêtes sauvages, en mettant des bornes à l'égoïsme de chacun, et si, maintenant plus que jamais, l'égoïsme se gonfle et bouillonne, ce n'est pas le moment de briser ou de lever les digues. Campanella, comme bien d'autres rêveurs, ne comprenait pas ces tristes vérités, et crut souffrir pour la justice pendant qu'il n'était que le martyr de son ignorance et de sa présomption. Rien cependant ne saurait justifier les auteurs des tourments qu'on lui fit souffrir, et on ne saurait les attribuer à l'inclémence de l'autorité ecclésiastique, puisqu'il dut sa délivrance au pape lui-même, et fut accueilli à Paris, où il se réfugia, par les bienfaits du cardinal de Richelieu. Il y mourut en 1639, âgé de soixante-onze ans. Il a laissé quelques opuscules sur les sciences et la poésie, et l'on peut résumer en ces mots tout ce qu'on pourrait dire sur lui: Ce fut un savant incomplet, un philosophe incompris et un poëte malheureux.

CAMUS (LE). Jean-Pierre LE CAMUS, évêque de Belley, ami de saint François de Sales, a essayé de conquérir pour la religion le domaine de la littérature profane. C'était un esprit loyal et hardi, qui ne croyait pas qu'on remédiat assez aux désordres en les dissimulant: il écrivit contre les abus de l'état monastique, et fut accusé, par ceux qui

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