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tements sacerdotaux, dans l'ornement de ses temples, dans son luminaire et dans ses chants, quelque chose qui rappelle encore les magnificences byzantines. Nous disons qui rappelle, car nous ne voyons déjà plus ees chandeliers d'or massif, ces lampes ornées de diamants, ces chapes ruisselantes de pierreries qui embellissaient les solennités du moyen âge et du Bas-Empire. Les hommes ont voulu s'enrichir en appauvrissant les autels, comme si la richesse des autels avait jamais appauvri les hommes ! Mais du moins nos cérémonies n'ont rien perdu de leur gravité et de leur haute signification religieuse, signification qu'il importe de bien comprendre, si l'on veut sentir toute la portée des poésies liturgiques, et si l'on veut entrer dans l'esprit de l'Eglise pour l'intelligence de la symbolique chrétienne.

Commençons par les vêtements des prêtres. Leur robe de dessous est en laine noire, et les canons ecclésiastiques défendent expressément l'usage de la soie. Vestes deferant talares laneas, dit saint Charles, in quibus non fastus nec mentis levitas. Ce vêtement long, qu'on appelle soutane, n'a pas toujours été rigoureusement noir, mais il a toujours été d'une couleur sombre, et a ressemblé longtemps, par sa forme, sa couleur et sa capuce, aux robes que portent encore les Franciscains. Sur la soutane ils portent la ceinture, également noire, symbole de force, d'activité et de continence. La couleur noire représente le deuil du vieil homme, et la mort de l'ecclésiastique aux choses vaines de ce monde. Le rabat n'a aucune significa tion symbolique, et ne représente ni la barbe, ni les deux tables de la loi, comme le disent quelquefois les personnes qui aiment à interpréter toutes sortes de choses à leur façon. Le rabat représente tout simplement le col de la chemise, que l'on rabattait autrefois sur le collet de la soutane par mesure de propreté et pour éviter que le bord du collet ne soit graissé par la sueur et par le contact de la peau. La calotte a été inventée pour protéger la tête du froid à la place de la tonsure. La tonsure ou couronne, est une marque de la royauté spirituelle du sacerdoce, regale sacerdotium. Le retranchement des cheveux a d'ailleurs été regardé de tout temps dans l'Eglise comme un signe exté rieur de renoncement au monde et d'austérité. Les ecclésiastiques d'une régularité sévère, à l'exemple des religieux et des moines, ont toujours porté les cheveux fort

courts.

Cet usage introduisit dans l'Eglise celui de l'amict, du camail et des autres voiles dont on se servait pour défendre la tête des impressions du froid pendant les offices de l'hiver et de la nuit.

Au commencement du v siècle, c'est-àdire en 428, le pape Célestin Ier écrivait aux évêques des Gaules: « Ce n'est pas par l'habit, mais par la doctrine et par les mœurs qu'il convient de nous distinguer du peuple. Nous ne devons point chercher à en in po

ser aux yeux des simples par un extérieur singulier. » Cette recommandation s'adressait aux fantaisistes qui eussent voulu innover dans le costume ecclésiastique, et montre que dès lors l'Eglise faisait de l'extérieur de ses clercs un objet tout particulier de sa sollicitude et de ses soins.

« La chasuble, dit l'abbé Fleury, était un habit vulgaire du temps de saint Augustin. La dalmatique était en usage dès le temps de l'empereur Valérien. L'étole était un manteau commun, même aux femmes; et nous l'avons confondu avec l'orarium, qui était une bande de linge dont se servaient les hommes propres, pour arrêter la sueur autour du cou et du visage. Enfin le manipule, en latin mappula, n'éiait qu'une serviette sur le bras, pour servir à la sainte table et s'essuyer au besoin. L'aube même, c'est-àdire la robe blanche de laine ou de lin, n'était pas dans l'origine un habit particulier aux clercs, puisque l'empereur Aurélien fit au peuple romain des largesses de ces sortes de tuniques, aussi bien que de ces grands linges de cou qu'on appelait oraria. »

N'en déplaise au savant abbé Fleury, nous croyons que la stola ou étole ne doit pas être confondue avec l'orarium, et n'a pu en prendre le nom que par la confusion des deux sens du mot orarium, qui signifie également linge destiné au visage et vêtement réservé pour la prière. Ce dernier usage paraît avoir été de tout temps celui de l'étole. Dans les peintures antiques des Catacombes, nous voyons toujours les images des prêtres ou les figures allégoriques de l'Eglise revêtues d'une robe très-ample, que distingue des autres vêtements une bande large de quelques doigts qui passe derrière le cou exactement comme notre étole moderne, et se prolonge jusqu'aux pieds sur le devant du vêtement. C'est cette bande seule qui a été conservée pour alléger le prêtre du poids d'un trop grand nombre de vêtements superposés, puisque la soutane, l'aube, l'étole et la chasuble étaient alors des vêtements complets.

Les peintres se méprennent souvent et tombent dans des anachronismes plus ou moins grossiers, lorsqu'ils ont à représenter les costumes ecclésiastiques des différents siècles. Nous avons vu souvent saint Nicolas, évêque de Myre, vêtu d'une soutane violette, et des prêtres du moyen åge ayant des cols droits et des rabats. Le rabat tel qu'on le porte maintenant ne remonte guère plus haut que le règne de Louis XV. Sous Louis XIV, ils étaient tout blancs et beaucoup plus larges; sous Louis XIII, ils avaient aussi beaucoup d'ampleur, mais ne forme différente; avant, ils ne différaient eu rien d'un simple col de chemise rabattu, mais au moyen âge la chemise ne paraissait pas; les soutanes avaient ordinairement un capuchon en place de collet, et le cou des ecclésiastiques, comme celui des moines, était presque entièrement dégagé.

La robe des évêques, dans les remiers

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CEREMONIES

siècles de l'Eglise, était d'une couleur brune comme celle des simples prêtres, et lorsqu'ils commencèrent à se distinguerpar la couleur du vêtement, ils n'adoptèrent pas d'abord le violet, mais le vert, et il reste encore quelques traces de cette coutume dans les franges et les cordons verts et or dont se servent les évêques nommés avant leur consécration.

Les anachronismes qu'on peut reprocher aux peintres sont également à éviter en littérature, et ne seraient pas moins ridicules dans une description, dans un discours ou dans un poëme que dans un tableau. Nous ne pouvons toutefois ici indiquer que superficiellement quelques notions imparfaites. Ceux qui voudront étudier plus à fond ces matières, peuvent consulter les ouvrages spéciaux, et en particulier, celui de dom Claude de Vert, avec la réfutation qu'en a faite M. Languet, archevêque de Sens.

Les cérémonies peuvent être partagées en
deux classes: celles des offices et celles des
sacrements. Dans les cérémonies des offices,
on comprend les processions des Rogations
et de la Fête-Dieu, la consécration des égli-
ses et la bénédiction des cloches: les céré-
monies des sacrements sont publiques ou
particulières. Les cérémonies des offices
sont remarquables, surtout pendant la se-
maine sainte : nous n'avons jamais vu sans
un grand saisissement de cœur ces cierges
inégaux allumés dans le sanctuaire et qui
s'éteignent l'un après l'autre pendant l'office
des Ténèbres; il semble que les lumières
des siècles passés s'éclipsent encore une
fois; on voit mourir successivement toutes
les lumières du vieux monde, et cepen-
dant l'humanité prie, pleure et espère tou-
jours. On entend retentir seulement dans
cette nuit, qui devient de plus en plus som-
bre, les soupirs de David et les sanglots de
Jérémie. Enfin une seule lumière est restée,
et celle-là ne s'éteindra pas, mais voilà
qu'elle est enlevée de sa place et emportée
derrière l'autel, où des voix d'enfants chan-
tent le cantique de la naissance du Précur-
seur; puis un profond silence se fait et à un
signal du célébrant, que tout le clergé répète
en frappant sur les livres, l'assemblée se sé-
pare et les prières continuent dans le re-
cueillement et dans l'ombre.

L'absoute du jeudi saint, les prières pour
le monde entier, même pour les infidèles,
même pour les juifs déicides, préparent di-
gnement l'esprit et le cœur à la commémo-
ration du grand mystère de l'amour et de la
paix universelle. Les cérémonies du lave-
ment des pieds et du lavement des autels,
rappellent et mettent sous les yeux du peu-
ple les touchants préparatifs de la dernière
cène du Sauveur; mais rien ne saisit plus
puissamment l'imagination des fidèles que
ce tombeau triste tout à la fois et glorieux,
préparé dans une crypte ou dans une cha-
pelle dont on intercepte le jour. Là, le silence
et le léger frémissement d'une multitude
prosternée qu'on voit à peine, la lueur pale
des cierges sur les tentures rouges et blan-
ches; l'odeur de l'encens et des feuillages

qui rappellent l'embaumement des morts,
la présence réelle dans ce tombeau du Dieu
caché sous les espèces eucharistiques, ces
souvenirs de sang et d'amour, cette eroix
couverte d'un linceul, tout contribue à bri-
ser le cœur et à faire monter aux yeux les
larmes les plus amères dans leur source et
les plus douces à répandre. Tous ceux qui
ont pleuré un objet tendrement chéri, trou→
vent au tombeau de Jésus-Christ un renou-
vellement de leur douleur, et des consola-
tions au fond de cette douleur même, telles
qu'ils n'en avaient jamais ressenti. Quelle
mère n'a pas compati aux angoisses inexpri-
mables de Marie, et n'a pas senti son cœur
se déchirer, et ses yeux se noyer de larmes,
lorsqu'elle a entendu chanter dans la crypte
de la sépulture les strophes du Stabat mater
dolorosa? Qui de nous n'a aimé et pleuré
Jésus comme on pleure un père, une mère,
un époux, un enfant uniquement aimé !

Otendre agneau de Bethlehem! vous, notre enfant, notre espoir et notre espérance à tous, que nous adorions avec tant de joie dans la crèche, et qui, en étendant vos petites mains vers nous, saviez déjà si doucement nous sourire, ô notre unique ami dans nos peines, consolateur des pauvres, unique bonté et suprême beauté du monde, vous nous êtes donc ravi! Vous êtes mort pour moi, et vos yeux si doux et si purs se sont éteints dans les larmes et dans le sang! Ils vous ont tué parce que je méritais la mort !..... Mais il faut renoncer à en écrire davantage, une demi-heure passée dans la chapelle du tombeau, le soir du jeudi saint, en dira mille fois plus que tous les efforts de notre pauvre éloquence. A quoi bon parler et écrire? il vaut mieux prier en silence et pleurer!

Le chant de fa Passion à la messe du vendredi saint, puis l'adoration de la croix ont quelque chose de si dramatique et de si pénétrant, que souvent nous nous sommes cru transporté au milieu de ces anges que les statuaires représentent en pleurs autour de la céleste mère pendant qu'elle accomplit les derniers devoirs de la píété envers son Fils. Ces lévites vêtus de blanc qui soutiennent la croix sur leurs bras entrelacés, ce chant de la passion qui ressemble à la mélopée des tragédies antiques, le prêtre à l'autel remplissant réellement et en vérité le personnage de Jésus-Christ, cette histoire à la fin de laquelle on se prosterne pour baigner de ses pleurs le pavé du temple, quels sujets d'émotion profonde pour un chrétien et pour un littérateur! quelles inimitables beautés ! Quel disciple de Voltaire pourra les comprendre une fois et ne pas tomber anéanti en se couvrant le visage de ses deux mains? Ils riaient; ils riaient ces hommes, s'écrie le P. Lacordaire, ils riaient du Christ ... O mon Dieul...

Pendant toute la journée du vendredi saint les cloches se taisent et l'on n'entend dans l'église que le bruit lugubre et discordant de la crécelle. Les autels sont dépouillés, les tabernacles sont vides; toutes les richesses de l'église sont à la chapelle du tombeau;

toute la chrétienté jeûne et s'afflige; un silence solennel règne dans les communautés; la chaire retentit des souffrances de l'Homme-Dieu, et nous avons vu souvent ces jours-là le soleil se voiler de nuages vers les trois heures et le ciel s'attrister comme le monde catholique. Quelque chose d'ineffable et d'infini pèse sur les âmes et les tourmente; on ressent quelque chose des bouleversements de la nature quand le Fils de Dieu expira; il semble que la terre tremble et se dérobe sous nos pieds; on ne pleure plus mais on frissonne: la mort d'un Dieu saisit et glace toutes les âmes, on se sent à peine le courage d'espérer encore et de prier.

Mais à l'office du samedi saint, comme l'âme brisée se relève ! Quelle lumière brille tout à coup dans la nuit universelle ! le cierge pascal s'allume; on vient de bénir le feu nouveau, et les étoiles qui annoncent le jour de la résurrection apparaissent déjà dans le ciel l'hymne des anges, Gloria in excelsis Deo retentit sous les voûtes des temples et les fait tressaillir d'allégresse; toutes les voix éclatent, les cloches sounent: elles sont revenues de Rome, disent les nourrices aux petits enfants, où elles étaient allées chercher les bénédictions du saintpère et les étrennes de Pâques. Voici Pâques qui approche! Pâques, c'est bientôt, c'est demain on vient de chanter Alleluia ! à ce ce soir les premières vêpres! Les croix, les chandeliers, les tableaux, les statues sortent déjà du linceal; Jésus-Christ va ressusciter avec toute la pompe de ses fêtes les plus solennelles. O filii et filiæ! rex cœlestis, rex gloriæ, morte surrexit hodie. Alleluia !

Nous passons sous silence le, luminaire brillant de la Chandeleur, les palmes et les buis bénits du jour des Rameaux, les aubes éblouissantes de Pâques, les mystères de la nuit de Noël; mais ne sont-ce pas là des souvenirs qui vivent à jamais dans tous les cœurs chrétiens, des époques inhérentes à notre vie, des impressions qui ne s'effacent jamais! Suivons à travers les campagnes la procession des Rogations, écoutons ce chant des litanies qui s'étend sur les sillons comme un soupir de la terre qui crie vers Dieu pour être fécondée. La prière de l'Eglise appelle les morts au secours des vivants et invite les âmes glorieuses qui se reposent à seconder les efforts du pauvre laboureur qui travaille; la communion du ciel est invoquée pour le succès de ces fatigues qui feront produire aux sillons et aux coteaux le pain et le vin pour la communion de la terre.

Mais Dieu a écouté sès ministres, les beaux jours sont venus pleins de fécondité : le soleil mûrit les moissons et la terre est couverte de verdure et de fleurs.

Maintenant, que le temple de Dieu ouvre toutes ses portes! que la cité de Dieu orne ses maisons de tentures et de feuillages! que les ministres du roi de gloire se revêtent de leurs vêtements les plus solennels ! voici la grande fête de l'humanité tout entièra, l'anniversaire de la paix universelle, le triomphe de la charité, la fête de la communion,

la fête du divin amourt la grande fête de Dieu I Que les cloches jettent aux nuages du matin leurs volées joyeuses et triomphales! que les enfants en s'éveillant demandent la bénédiction de leur mère! que les rues se jonchent de fleurs, car le Dieu fait homme va passer.

Déjà toutes les familles chrétiennes ont entendu le signal de la prière, les mères achèvent de parer leurs enfants, les jeunes filles voilées et vêtues de blanc se réunissent autour du sanctuaire. La joie et la piété sont dans tous les regards; celui qui aimait les enfants va revenir au milieu d'eux et se promener dans les rues en les bénissant comme autrefois. Les roses effeuillées remplissent des corbeilles; les encensoirs fument et font monter jusqu'à la voûte les vapeurs odorantes de l'encens mêlé à la senteur des

roses.

Un prêtre vénérable vient d'achever le sacrifice pour les vivants et pour les moris; l'Eglise du ciel se réjouit et semble être descendue tout entière sur la terre pour escorter le roi des trois Eglises; la longue file des prêtres en chasubles et des clercs en chapes ou en dalmatiques, ressemble à cette cour splendide des élus que sut peindre si rayonnante et si belle fra Angelico de Fiesole.

L'Eglise souffrante interrompt sans doute ce jour-là ses larmes et ses gémissements, et le sang du divin calice, épanché sur les flammes du purgatoire comme une douce et fraîche rosée, en tempère la dévorante ardeur.

L'Eglise militante goûte d'avance les joies de la victoire et marche avec des chants de

triomphe sous les bannières du conquérant pacifique.

Les chants sacrés s'élèvent dans les rues, les bruits de la place publique ont cessé: on n'entend que les voix alternativement graves et mélodieuses des hommes, des femmes et des petits enfants qui disent les louanges de Dieu, puis le bruit cadencé des encensoirs, et par intervalles le roulement lointain des tambours.

L'hostie pacifique apparaît dans son ostensoir d'or porté par un vénérable prêtre. La foule se presse en silence et s'incline; les mères s'empressent comme autrefois à l'approche du Sauveur, pour lui faire bénir leurs petits enfants. Oh! c'est lui! c'est lui toujours: on le reconnaît à la paisible sérénité de ses fêtes; on le reconnaît à la confiance des mères et des pauvres ; on le reconnaît aux larmes qui, à son approche, viennent mouiller les paupières de ceux qui ont un cœur! Voilà le bon pasteur qui vient visiter son troupeau, voilà le vainqueur pacifique qui pardonne à ses ennemis... Où sont-ils? Peutil avoir des ennemis encore, lui qui est toute indulgence et tout amour!

Les grands du monde, humbles et la tête découverte, marchent à sa suite, confondus avec la foule du peuple, et si les rois se rencontrent sur son passage, ils se prosternent et ils l'adorent. Oui, prosternez-vous devant

lo symbole vivant de l'union universelle, pasteurs des peuples dont les troupeaux,réu nis dans la même foi, dans la même espérance et le même amour, ne doivent plus former qu'un seul troupeau; c'est à lui que vous devez compte des brebis qu'il vous a confiées pasteurs des hommes adorez votre bon pasteur !

Que toutes les inimitiés cessent à l'approche de ce Dieu de paix ennemis, tendezvous la main; frères, pardonnez à vos frères; chrétiens qui avez le bonheur de croire, priez pour ceux qui sont faibles dans la foi; chrétiens séparés de l'unité, souvenez-vous des saints des premiers siècles et de leur foi ardente au doux sacrement de l'amour, et ne protestez plus contre l'immense et incompréhensible charité d'un Dieu!

Le jour de la Fête-Dieu doit être le jour de la réconciliation universelle, et la prière des cœurs unis par une sainte fraternité est le plus agréable encens qui puisse s'élever devant son autel,

A genoux donc, à genoux tous ensemble, car voilà le Sauveur qui vient à nous plein de mansuétude; un nuage de fleurs et d'encens le précède et l'annonce : c'est le roi de l'éternité qui vient nous visiter et nous consoler dans le temps; il a pour favoris des petits enfants et des pauvres, et ses ministres les plus chers sont d'humbles et paisibles vieillards.

Le jour de la Fète-Dieu les villes entières deviennent des temples, et l'idéal de la nouvelle Jérusalem dont parle saint Jean se trouve ainsi réalisé.

Les cérémonies des sacrements sont d'une beauté qui correspond parfaitement à celle des offices. Le baptême, qui est l'initiation à la vie spirituelle, est accompagné d'exorcismes et d'interrogatoires quí transportent les assistants dans le monde surnaturel, et leur font apprécier toutes les grandeurs de la dignité chrétienne. Satan, le prince du vieux monde, s'arrête à la porte de l'église, et l'enfant, qui était né sous son empire, lui échappe pour passer sous le joug aimable de l'Evangile. On consacre le nouveau chrétien aux vertus austères et à la douleur qui sauve les âmes, en lui déposant sur les lèvres le sel, einblème de la sagesse; puis son parrain prononce pour lui la profession de foi et les promesses, et le sacrement est enfin administré avec l'eau sainte, le signe de la croix et l'invocation des trois personnes divines. L'absoute du jeudi saint est le seul vestige qui nous reste des anciennes cérémonies de la pénitence publique et de la réconciliation solennelle des pécheurs. On sait que dans la primitive Eglise les expiations étaient longues et difficiles. Certains pécheurs n'étaient reçus à la communion qu'à la mort, d'autres devaient passer un grand nombre d'années parmi les consistants, les pleurants ou les prosternés. On sait que les empereurs mêmes ne pouvaient se soustraire alors à la juste sévérité de l'Eglise, et qu'on vit l'empereur Théodose, revêtu du cilice des pénitents, pleurer à la porte de l'église sous le pontificat de saint Ambroise.

Mais celle de toutes nos cérémonies ecclé siastiques modernes qui est le plus profo: dément enracinée dans tous les cœurs, la plus populaire, la plus touchante des solennités, c'est sans contredit la première communion des enfants. L'Eglise a senti combien d'importance avait pour le reste de la vie cette première impression religieuse faite sur de jeunes âmes, et elle emploie tout ce qu'elle a d'énergie et de douceur, tout ce qu'elle a de magnificences modestes et de pieux entraînements pour rendre cette impression à jamais durable dans les cœurs. Avec quel soin maternel, en effet, n'instruitelle pas les enfants dans les catéchismes; combien de formes prend la doctrine céleste pour pénétrer dans ces intelligences inattentives: distinctions flatteuses, récompenses, encouragements, tout est mis en usage pour exciter l'émulation, fixer l'esprit et exercer la mémoire : puis il faut subir des examens, satisfaire à diverses épreuves, passer une retraite sévère, où les instructions les plus pathétiques, les exhortations les plus pressantes, les plus tendres sollicitations sont tour à tour mis en usage. Enfin le grand jour arrive, tous les cœurs palpitent, les enfants ont à peine dormi tant ils sont préoccupés de leur bonheur; on les revet de vêtements nouveaux, les jeunes files sont toutes blanches comme un troupeau de pures et candides brebis; les enfants sout rangés dans la nef et tiennent à la main des cierges allumés dont les feux scintillent audessus de leurs têtes comme des étoiles; les cœurs des parents sont émus et attentifs; les mères essuient leurs larmes; la messe commence; le chant des cantiques se fait entendre par intervalles; plus le moment approche, plus l'émotion redouble. Plusieurs enfants (et ce ne sont pas les âmes les moins pures) tremblent et croient ne pas être assez bien préparés, leurs directeurs spirituels les rassurent et les consolent; enfin la sainte table est prête; on amène sur deux rangs les jeunes communiants, profondément recueillis... Oh! malheur à qui n'a pas senti alors bien plus profondément et plus irrésistiblement que s'il la voyait, la présence réelle du Sauveur sous les espèces eucharistiques; appelons-en au cœur des pères et des mères; qui donc voudrait alors que son enfant n'eût pas la foi? et quel impie oserait donner un démenti à la foi si naïve et si pure de son enfant On rapporte qu'un jour quelqu'un vint en toute hâte prévenir le roi saint Louis qu'un miracle s'accomplissait dans sa chapelle, et que la forme visible de Notre-Seigneur Jésus-Christ était apparue sur une hostie. On invitait le saint roi à venir s'en assurer par ses propres yeux. « Pourquoi irais-je, dit-il, si je l'avais vu je ne le croirais plus. » C'est que saint Louis comprenait la foi, c'est que nos philosophes en disant qu'ils veulent voir pour croire, disent tout simplement une absurdité, puisque le bonheur de la foi est dans le sentiment de la confiance et de l'amour. Quand Dieu a parlé, il faut plaindre celui qui demande des preu

ves; comment peut-on hypothéquer sur des sens grossiers et périssables les dettes que l'éternité veut bien contracter envers nous?

Le soir de la première communion, on fait dans l'église le renouvellement des vœux du baptême et la consécration des enfants à la sainte Vierge: deux engagements sacrés pour l'avenir, deux promesses qui obligent l'existence entière à la fidélité et aux plus douces vertus. Qui de nous, en ce moment, n'aurait voulu mourir pour éviter d'offenser Dieu ? Dans quel autre moment de la vie a-t-on retrouvé un enthousiasme aussi pur, aussi paisible, aussi doux que celui-là? et quelle grandeur nouvelle le plus humble enfant ne sent-il pas se développer dans son âme? On parle d'institutions libérales, d'égalité et de fraternité, beaux mots dont on abuse pour déguiser les passions les plus égoïstes et les plus brutales; mais quel philanthrope eût imaginé cette égalité et cette fraternité des enfants à la table de Dieu ? La fille du riche communie auprès de la fille du pauvre, toutes deux sont simplement vêtues de blanc et voilées comme des sœurs d'une

même communauté; rien ne les distingue aux yeux des hommes, et Dieu qui juge les cœurs donne le premier rang à celle qui sait le mieux prier et qui veut aimer davantage : Quoniam dilexit multum.

Le sacrement de l'ordre est celui de tous dont les cérémonies sont le plus compliquées, le plus savantes et le plus prolongées. Il est bon qu'un littérateur religieux en étudie l'esprit et la forme, s'il ne veut pas s'exposer à des péripéties dramatiques aussi fausses que celles du Jocelyn de M. de Lamartine, qui reçoit malgré lui, dans un moment de trouble, les sept ordres, ou du moins les trois ordres sacrés, sans avoir eu le temps de se reconnaître. Il est tombé à genoux atterré par les menaces d'un évêque dont nous n'avons pas ici à examiner le rôle, et Voici en quels termes il raconte sa triple ordination:

Un changement soudain se fit dans tout mon être :
Quand je me relevai de terre, j'étais prêtre.

Cette ordination forcée, faite par un évêque qui veut se confesser avant d'aller au martyre, et qui commet pour cela le plus grand peut-être de tous les péchés, cette ordination faite dans un instant et sans que l'ordinand ait eu le temps de se reconnaître, tout cela est absurde en théorie comme en pratique, et accuse chez l'illustre poëte l'ignorance la plus affectée ou l'oubli le plus complet des doctrines et des pratiques de I'Eglise; et ce n'est pas le seul passage de ce roman en vers qui pèche contre le bon sens et contre l'orthodoxie. (Voy. LAMARTINE.)

La consécration, ou, comme on dit vulgairement, le baptême des cloches, est une ues cérémonies les plus poétiques du culte. Il semble que la bénédiction de l'église donne une âme à cet airain qui est la voix du temple. Et qui n'a senti mille fois en effet que les cloches ont comme de l'âme dans DICTIONN. DE LITTÉRATURE CHRÉT.

leurs réjouissances ou dans leurs plaintes? Comme elles pleurent tristement sur les morts dont elles sonnent le glas funèbre ! comme elles annonce..t joyeusement l'entrée des vivants dans l'Eglise universelle! comme elles savent distinguer, par leur double ou triple carillon, les différentes solennités des fêtes! Ce sont véritablement des voix humaines qui parlent à l'âme. Dans quelle douce mélancolie vous plonge le tintement de l'Angelus, entendu au loin dans la campagne! Que de souvenirs touchants rappelle au chrétien le son des cloches: promesses du baptême, solennités de l'enfance, joies ineffables de la première communion, regrets de ceux que nous avons aimés; le son des cloches est comme un

écho de la vie tout entière; c'est comme une promesse persévérante d'une vie moins agitée et plus heureuse, c'est la voix de Dieu même qui rappelle ses enfants à lui. Le son des cloches a toujours exercé un merveilleux empire sur les imaginations poétiques et sur les cœurs tendres, et il a suffi quelquefois pour les détourner du cripoëte de l'Allemagne, Goethe, qu'on ne me ou les préserver du désespoir. Un grand soupçonnera pas de dévotion ou de partialité en faveur du catholicisme, a fait du son des cloches le moyen dramatique de la plus belle scène de son drame de Faust, et Lamartine, dans son poëme de Jocelyn, a imité le principal passage de cette scène.

Faust est seul dans son laboratoire. Il rève à tout ce qu'il a voulu apprendre, à tout ce qu'il sait, à tout ce qu'il ignore, et il est profondément triste nulle part il n'a trouvé dans la science l'explication du grand mystère de la vie, le pourquoi suprême auquel seul le catéchisme peut répondre; mais le malheur de Faust est d'être savant et de ne plus savoir écouter les réponses du catéchisme; aussi combien ses plaintes sont

amères.

Trouverai-je jamais ici de quoi combler le vide de mon esprit et de mon cœur? dit-il en gémissant. Faudra-t-il recommencer encore la lecture de ces milliers de volumes pour y trouver toujours la même chose et savoir que la multitude des hommes s'est tourmentée inutilement, et que çà et là un heureux s'est rencontré, par hasard, sur la

terre?

Il regarde une tête de mort et la prend dans sa main.

Pauvre crâne vide, pourquoi ris-tu de tes dents noires et déchaussées ? Est-ce pour me dire que tu as pensé comme moi, que tu ás cherché comme moi, que tu as souffert comme moi ?...

Il le laisse retomber sur la table et regarde autour de lui.

Tous ces instruments de la science ou plutôt de l'ignorance semblent me narguer avec leurs roues, leurs dents, leurs anses et leurs cylindres clefs menteuses qui m'avez laissé à la porte! erreurs, fatigues, déceptions et rien rien pour arrêter mes regards... rien que ce flacon pour me pro

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