Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

tien, comme tout le monde sait, n'existe que dans le catholicisme. Les protestants et les révolutionnaires ont été partout des Vandales, et l'hérésie n'a jamais laissé de son passage d'autres monuments que des ruines.

Pour travailler efficacement au salut de la société et hâter le bien que l'avenir nous prépare, il n'y a donc rien de plus urgent à faire que de rallier autour du centre de l'unité catholique toutes les lumières du monde et d'élever ces lumières réunies comme un phare dans la tempête. Il faut rassembler et rappeler dans l'arche sainte tous les éléments de la civilisation qui ne doit pas périr, et c'est la grande œuvre que M. l'abbé Migne a entreprise par la publication de sa colossale Encyclopédie théologique.

La littérature a deux faces dans le monde: une qui affirme et l'autre qui nie; l'une tournée du côté du ciel, l'autre du côté de l'enfer. Elle a deux voix : l'une qui prie et qui pleure, l'autre qui blasphème et qui rit; l'une qui bénit et invite les hommes à la charité, l'autre qui maudit et qui les pousse à la haine; et ces deux voix dans les inêmes âmes confondent quelquefois leurs échos. Le monde intellectuel est partagé par des opinions diverses comme le monde politique; et nous n'en sommes pas surpris, car l'idéal, soit divin, soit humain, soit qu'il se forme des convictions de la foi ou des obstinations de l'orgueil, l'idéal, disons-nous, enfante et régit les pensées; les pensées dominantes à une époque produisent la littérature et les mœurs, la littérature et les mœurs forment l'opinion, et l'opinion gouverne la politique. Dans le siècle donc où nous vivons, la littérature comme les mœurs, comme l'opinion et tout le reste, est retombée dans le chaos. L'affirmation et la négation se font également absurdes en se poussant dans les extrêmes les uns veulent la raison sans autorité, les autres veulent l'autorité sans raison, et peu de personnes pensent à la solution de ce différend, qui serait l'autorité raisonnable, rationabile obsequium, selon la parole si profonde et si juste du grand apôtre. L'Eglise catholique seule peut savoir comment finira cette guerre, et c'est pourquoi elle s'abstient d'y prendre part: elle reste étrangère à tout ce qui se dit et à tout ce qui se fait daus cette époque essentiellement transitoire, et dit comme un mystique célèbre Tout cela n'a pas le goût de l'éternité: Hoc æternitatem non sapit. Cependant ceux dont elle ne s'occupe pas s'occupent d'elle avec une activité et une inquiétude étonnantes les uns la blâment de ce qu'elle blâmerait elle-même, les autres la vantent comme elle ne veut pas être vantée; qu'importe tout cela à l'Eglise infaillible, indéfectible et surnaturellement certaine de son avenir? Elle porte encore dans ses bras ceux mêmes qui la déchirent; c'est elle qui a conservé au monde cette science qu'on a essayé vainement de diriger contre elle : tout ce qu'on fait pour elle ou contre elle tourne également à son triomphe et à sa

gloire en la persécutant on réveille sa force, en voulant la tuer on coopère à son immortalité; on lui reproche d'être immobile, et si elle faisait un pas elle bouleverserait le monde; on l'accuse d'être arriérée, et il n'y a pas de philosophie assez avancée pour être digne encore d'adorer ses dogmes et de se prosterner devant sa morale, et il n'y a pas de sciences dont les plus profonds théorèmes approchent de ses plus simples enseignements. Que lui importent donc l'opinion fluctueuse, la littérature malade et la politique corrompue d'un présent qui a horreur de lui-même et qui n'aspire qu'à se précipiter dans l'avenir ou dans le passé ? Pour l'Eglise, le passé c'est l'avenir, parce que l'éternité est toujours pour elle le présent. Elle ne reconnaît pas de progrès fatal; tout pour elle est providentiel de la part de Dieu et volontaire de la part des hommes; c'est pourquoi elle prie et elle prêche: on l'accuse de favoriser l'oppression parce qu'elle n'encourage jamais la révolte, et ceux qui l'accusent aujourd'hui d'être complice du meurtre des nations l'accusaient hier d'encourager le meurtre des rois. La vérité est que l'Eglise prêche également la justice aux rois et la soumission aux peuples, et qu'elle protége également les uns contre les mauvaises passions des autres. Seulement elle ne permet jamais aux enfants de juger leurs pères, parce qu'elle ne saurait vouloir la subversion du monde moral et qu'elle n'a pas institué en vain une magnifique hiérarchie. Elle sait que la justice descend et ne peut jamais remonter que sous la forme de l'obéissance. Se révolter, c'est perdre son droit, et c'est pour cela que l'Eglise, protectrice des droits de tous et gardienne de tous les devoirs, oppose toujours le devoir au droit, afin de les conserver l'un par l'autre. Toutes les luttes de l'époque actuelle, les efforts des sciences pour bâtir leur tour de Babel, les convulsions même de la littérature agonisante, tout cela tournera au profit de l'Eglise et agrandira le domaine de son autorité maternelle. Il faut laisser passer le chaos. Dieu a détourné son visage de l'homme qui voulait être sans Dieu, et la nature humaine tout entière est tombée en défaillance; privé de l'assistance divine, tout ce qui vient de la poussière retombe en poussière. Avertente autem te faciem deficient et in pulverem suum revertentur. Mais vous enverrez votre esprit, Seigneur, et il se fera comme une création nouvelle. Emittes spiritum tuum, et creabuntur, et renovabis faciem terræ.

Nous avons dû, pour toutes les raisons que nous venons d'indiquer, maintenir nos études sur la littérature chrétienne entre un souvenir et une espérance, sans nous préoccuper des hommes et des choses du présent. Notre souvenir s'arrête au grand siècle de Louis XIV, notre espérance franchit l'ère sanglante des révolutions et aspire à l'aurore de la paix universelle. Nous nous abstenons d'écouter les voix qui crient, qui

menacent

nous nous retirons à l'écart et nous prions pour tous, afin que tous reviennent à la vérité, et qu'ils se convertissent et qu'ils vivent.

Dans le présent, la littérature chrétienne doit se borner à deux humbles fonctions, la prière et l'enseignement des simples. Il faut ramener doucement à Dieu ces populations qu'on égare, il faut leur faire aimer cette religion qu'on calomnie, il faut les reconduire à la divinité du Rédempteur par les inépuisables tendresses de son humanité, et pour cela il n'est pas besoin d'un grand génie ni d'un grand style; beaucoup de charité suffit. Des histoires touchantes, des allégories faciles à comprendre, des lectures pour la chaumière et l'atelier, des livres comme ceux de Silvio Pellico, de Charles Sainte-Foi et d'autres pieux moralistes, voilà ce qu'il faut faire et ce que les amis des bonnes lettres et des bonnes œuvres ne sauraient trop encourager. Mais dans l'avenir, dans un avenir déjà prochain, quelle magnifique carrière s'ouvre pour la littérature chrétienne! Elle doit reconquérir sa place à la tête du mouvement intellectuel, comme la colonne de lumière qui guidait les Israé lites pendant la nuit; elle doit régénérer et créer de nouveau tous les genres qui ont été perdus et rendus impossibles par la littérature profane. L'épopée, le drame, le roman même doivent lui demander une existence et des inspirations nouvelles. L'humanité n'est pas lasse de science, mais elle a besoin de foi. Désormais donc elle saura qu'il faut croire, et elle croira pour comprendre Credite, et intelligetis.

Un jour le siége de l'autorité suprême en matière de religion sera aussi le tribunal souverain de la littérature et des arts. Rome n'est-elle pas déjà pour les beaux-arts une cité-mère et une patrie universelle? Cela sera parce que cela doit être; puisque la beauté est la forme de la vérité, on ne doit reconnaître pour vraiment beau que ce qui est magnifiquement vrai. Le temple de SaintPierre de Rome est déjà la plus belle synthèse artistique du monde moderne, et l'emporte en magnificence et en grandeur sur toutes les merveilles de l'ancien monde; mais les épopées sculpturales ont précédé les épopées écrites, et la gloire du catholicisme n'a été dignement chantée encore que par des artistes dans des poëmes de pierre. il reste encore à faire un grand ouvrage : ce sera le résumé des inspirations, des élans, poétiques, des mouvements d'éloquence, des travaux historiques, des recherches scientifiques produits sous l'influence de la religion chrétienne et de l'unité catholique. Alors il se fera dans le monde un grand silence, et l'on écoutera Dieu parler car n'est-ce pas à Dieu même qu'il faut attribuer et rapporter tant de beautés et tant de grandeurs Alors il y aura une infaillibilité dans l'art, parce que l'autorité infaillible qui prononce sur la vérité des pensées doit exercer son action jusque sur les formes de ces pensées qu'elle juge. Ainsi l'on aura

universellement
universellement reconnu qu'une pensée
fausse n'est pas belle, et qu'une pensée ne
peut être que fausse quand l'autorité infail-
lible ne l'approuve pas.

O Rome fille immortelle des héros d'Homère, toi qui as recueilli l'héritage des civilisations antiques, et qui es devenue la reine du monde pour préparer un empire tout formé au christianisme naissant, et enrichir le berceau d'un pauvre artisan de toutes les dépouilles des rois; colosse soumis par un enfant, persécutrice vaincue par tes martyrs, mère convertie par les fils que tu repoussais de ton sein, cité toujours couronnée du laurier de Dante Alighieri enté sur celui de Virgile, salut à toi! Tu es et tu seras toujours la grande école des nations et le foyer de la lumière universelle. Depuis que Dieu et Charlemagne t'ont donné le monde pour empire, bien des erreurs, bien des calomnies, bien des mauvais jours ont passé, et tes innombrables combats n'ont pas épuisé ta force. Ton génie surtout rayonne encore tout entier sur les ténèbres de notre âge. Que sont auprès de toi les écoles d'Athènes et d'Alexandrie? Quel Panthéon fut jamais plus complet et plus splendide que le tien? Chaque rayon de gloire qui illumine le front d'un grand génie est détaché de ta couronne. C'était toi qui, par la main de tes pontifes, déposais la couronne sur les têtes refroidies de Raphaël et du Tasse, et l'immortalité même, dans les souvenirs de la terre, était dispensée par la main qui tient les clefs du ciel. Rome de Léon X et de Michel-Ange, Rome de Grégoire VII et d'Innocent III, cité royale et populaire, mère de l'obéissance et de la liberté, régulatrice des droits et des devoirs, quelle parole civilisatrice, conservatrice, régénératrice du monde peut se soustraire à ton autorité divine, à ton intarissable inspiration, à ta souveraine censure? Autrefois le Verbe éternel s'était résumé et comme abrégé dans le sein d'une vierge; Verbum abbreviatum : le même miracle s'est perpétué en toi, et de même que l'EnfantDieu, en grandissant, n'a pas cessé d'être lo divin fils de Marie, tous les progrès de la littérature et des arts ne sont que les développements d'un arbre dont la terre du tombeau des apôtres contient toujours et alimente les racines. Salut encore une fois, reine du véritable progrès, puisque tes décisions ont empêché tant de fois l'humanité de reculer! Cité théologienne, cité savante, cité poétique sur toutes les cités de l'ancien et du nouveau monde, nouvelle Jérusalem, cité de Dieu ! à toi mes veilles et mes efforts, toi que tes enfants les plus ingrats ont souvent aimée jusque dans leurs impatiences et dans leurs colères, toi qui relèves ceux qui tombent et qui ramènes ceux qui s'égarent, toi qui es patiente comme Dieu, parce que tu es éternelle comme lui; c'est par toi seule que l'humanité se rapprochera un jour de Dieu, c'est par toi seule que Dieu tendra la main pour pardonner à la raison hu maine et la relever de ses chutes, et alors le dernier de tes enfants te présentera cette

35

prière pour que tu la fasses agréer à ce Verbe qui est tout à la fois ton père, et ton époux, et ton enfant.

Vérité éternelle, soleil vivant qui fais fructifier si magnifiquement d'âge en âge l'arpre des croyances, des joies, des douleurs et des magnificences de la pensée, je ne suis qu'un insecte perdu dans tes rayons; ie ne sais pas si j'ai une robe obscure ou des ailes brillantes, une voix qui chante ou qui bourdonne; mais je sais que ta lumière est splendide et que ta chaleur est douce; sois bénie d'avoir bien voulu que je te rende témoignage; sois bénie du sort que tu m'as fait et de la tâche que tu m'as imposée, car tout ce que tu fais est bien. Qu'importe à ceux qui liront ce livre mon ignorance personnelle si je parle selon ta science, si je parle surtout au nom de tes docteurs, de tes saints, de tes sages et de tes prophètes; qu'on les lise et qu'on ne sache plus ce que j'en aurai dit; qu'on admire leur génie, qu'on s'instruise à leur école et qu'on oublie mes veilies je ne suis qu'un guide obscur dans la nécropole des monuments du passé, et je ne demande ni un souvenir ni un adieu au voyageur que j'aurai introduit dans ces catacombes des reliques artistiques et littéraires.

Je dis introduit, car cet ouvrage, tout considérable qu'il est, n'est encore qu'une introduction à des travaux immenses qui se feront bientôt et qui sont déjà commencés. On exhumera les trésors inconnus de la littérature des siècles croyants, comme on a déterré de nos jours les trésors d'Herculanum et de Pompéi. Combien de richesses sont encore cachées ! Mais le même esprit de foi, d'espérance et de charité qui les a produites renouvellera toutes ces choses. Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, docebit vos omnem veritatem... et suggeret vobis omnia quæcunque dixero vobis.

On trouvera peut-être de la contradiction entre les jugements et les appréciations contenus dans cet ouvrage, et quelques passages des autres écrits du même auteur. Nous n'avous à répondre qu'une chose c'est que plus on écrit, plus on corrige, si l'on ne lient pas à rester toujours médiocre, absurde

:

ou mauvais; d'ailleurs, autres sont les rêves d'un poëte qui écrit par fantaisie des paradoxes ou des utopies, autres sont les convictions d'un écrivain sérieux et d'un littérateur chrétien. Ce qu'on ne sait pas, on ne peut l'affirmer qu'au hasard; ce qu'on sait, on doit le dire comme on le sait, mais ce la rédaction d'un livre comme celui-ci, qu'on doit croire est invariable. Ainsi, dans personnalité de l'auteur s'efface presque entièrement et ne se révèle que par ses fautes. Ce qu'il tient des croyances établies, il doit le rendre aux croyances établies; ce qu'il doit à l'étude, il doit le rendre à la science; que lui reste-t-il donc ? le souvenir des peines, du travail et les rigueurs de la critique.

la

Nous espérons toutefois qu'elle ne se montrera pas trop inexorable à ce livre sérieux, traité d'une manière sérieuse. Les fautes qui nous seraient signalées seront corrigées avec soin dans les éditions successives, et nous ne négligerons rien pour rendre notre œuvre moins indigne de l'attention et de l'estime de nos lecteurs.

On trouvera peut-être qu'aux endroits où nous avons traduit nous-même soit l'Ecriture sainte, soit les Pères, nous avons souvent paraphrasé plutôt que rendu littéralement notre texte; mais on ne doit pas oublier que ces traductions partielles se rattachent à des analyses littéraires; or, en littérature, paraphraser c'est souvent analyser. Une périphrase est quelquefois nécessaire pour bien faire sentir l'énergie d'un mot, et nous ne nous sommes jamais écarté de la lettre que pour nous rapprocher davantage de l'esprit.

Puisse ce travail être utile, puisse-t-il être favorablement accueilli par ceux à qui nous l'offrons! Nous le déposons d'abord aux pieds de l'épiscopat français, en demandant pour lui une bienveillante protection. Puissions-nous avoir témoigné notre reconnaissance à la sainte Eglise pour les soins qu'elle a pris de notre enfance, en lui consacrant les fruits d'un enseignement qu'elle nous a si généreusement prodigué. Instruit par elle, puissions-nous avoir été instruit pour elle et lui laisser au moins ce gage des regrets les plus sincères et d'une reconnaissance éternelle. A. CONSTANT.

DICTIONNAIRE

ᎠᎬ

LITTERATURE CHRETIENNE.

A, première lettre de l'alphabet dans les langues dérivées du latin, en grec Alpha et en hébreu Aleph. On sait que les docteurs hébreux versés dans la cabale assignent à chaque lettre un rang et une signification mystérieuse, et nous trouvons plusieurs fois dans les saintes Ecritures cette parole mise dans la bouche de Dieu même : Je suis l'Alpha et l'Oméga, le commencement et la fin.

:

Dans un des Evangiles apocryphes qui nous sont parvenus (l'Evangile de l'Enfance), on trouve une légende assez remarquable qui se rapporte à cette science cabalistique des caractères de l'alphabet. Lorsque le Seigneur Jésus, dit le légendaire, fut en âge d'aller à l'école, on l'envoya chez un maître pour y apprendre à lire. Ce maître lui montra et lui nomma d'abord la lettre Aleph, en lui enjoignant de répéter après lui le nom de cette lettre Jésus obéit, puis le maître lui montra et lui nomma la lettre Beth; mais Jésus lui dit Apprends-moi d'abord la valeur et la signification de la première lettre avant que nous passions à la seconde. Le maître resta interdit, et, confus qu'il était de manquer de science en présence d'un enfant, il manqua aussi de justice et de modération, car il renvoya avec colère le divin enfant à Marie et à Joseph en leur disant Renfermez cet enfant et ne le laissez jamais sortir; il donne déjà les preuves de la plus effrayante malice, et rien ne pourra vaincre sa méchanceté native et ses mauvais penchants.

:

Cette histoire n'est peut-être qu'une amplification ou une version supposée de ce que rapportent les Evangiles authentiques de l'entretien qu'eut Jésus dans le temple avec les docteurs de la loi, les interrogeant et leur répondant jusqu'à les laisser émerveillés de sa sagesse. Quoi qu'il en soit, on peut considérer la lettre A comme la principale des voyelles, et, à ce titre, comme une représentation symbolique du Verbe de vé

A

rité et de la création du monde. A est aussi le premier son que sachent articuler les enfants, et la langue enfantine des nourrices termine aussi en A la plupart de ses mots accommodés au bégayement du premier âge. On peut remarquer aussi le retour fréquent de la consonnance en A dans les langues des peuples sauvages, et principalement dans leurs chansons : cette consonnance, en effet, est douce, et sa répétition a quelque chose de mélodieux.

La lettre A commence le nom d'Adonaï et termine le nom de Jéhova, les deux noms incommunicables qui expriment par des sons humains l'infinie majesté du Très-Haut. Il est à remarquer que le nom de Jéhova contient nos cinq voyelles avec trois aspirations, puisque le j et le v ne sont que l'i' et l'u aspirés; l'h ajoute aussi une aspiration à la lettre o. Les Chinois nomment le Créateur Jao, un seul mot en trois voix, comme Jéhova et comme Adonai, et dans l'Apocalypse, Dieu se nomme lui-même A6, pour signifier qu'il est le commencement et la fin de toute chose, et qu'en lui seul est renfermé le Verbe tout entier.

La figure de la lettre A semble exprimer les mystères contenus dans cette voyelle : c'est un triangle porté sur deux pieds; c'est un compas ouvert dont les deux branches sont unies et séparées en même temps par un trait; c'est le fronton d'un temple; c'est l'entrée de la tente des patriarches. On sait que la première écriture était toute hiéroglyphique, et l'on ne doit considérer les caractères qui nous restent que comme des hiéroglyphes abrégés.

Un poëte moderne, dont la facilité est prodigieuse pour traiter en vers les sujets les plus arides, s'est exercé moitié sérieusement, moitié plaisamment, sur cette origine et ce caractère distinctif des lettres : nos lecteurs ne nous sauront pas mauvais gré de citer ici ce morceau assez curieux :

Aussitôt qu'il eut vu la lumière,
L'homme voulut créer une langue première,
Et marquer par le son, par l'effet de la voix
Les objets qu'il voyait pour la première fois.
La nature elle-même, envers lui débonnaire,
Fournit les éléments de son dictionnaire,
Et l'homme intelligent, à son école instruit,
Pour nommer une chose en imita le bruit.
Il sut que l'Océan est bercé par la houle,
Que le cheval hennit, que le pigeon roucoule;
Il nomma bêlement la plainte du troupeau,
Entendit sous les joncs coasser le crapaud,
Fit à travers les bois siffler la froide brise,
Craquer avec fracas le chêne qui se brise;
Pour tous les animaux aux mugissements sourds,
Institua les noms de loup, de bœuf et d'ours,
Et son oreille enfin, de mille sons frappée,
Construisit tous les mots par onomatopée.
Mais c'était peu qu'aidé du secours de ses sens,
Il eût de la nature imité les accents;
Il voulut des objets copier la figure,
Et c'est par le dessin qu'il trouva l'écriture.
N'en doutons point: au temps de nos premiers: iux,
Les lettres n'étaient pas des traits capricieux,
Des lignes au hasard, des empreintes frivoles,
Mais des signes réels, des portraits, des symboles,
l'acier,
Qui, sur la pierre dure incrustés par
Rendaient de mille objets le type encor grossier.
Ce présent qu'envoya l'héritier des califes,
Ce vaste bloc chargé de noirs hiéroglyphes,
Tout peuplé d'anubis, de couleuvres, d'oiseaux,
Monolithe formé de cinq ou six morceaux,
L'obélisque thébain, sur sa quadruple face,
Porte un récit muet que le dessin retrace,
Un tableau de granit que l'art imitateur
Burina de portraits dans toute sa hauteur.
Et ne prétendons pas qu'aux jours du premier åge
L'éloquente écriture ait borné son usage;
Ces types descriptifs en Egypte imprimés,
Par d'inhabiles mains quelquefois déformés,
Mais conservant toujours, symbole alphabétique,
Un vestige apparent de leur figure antique,
OEuvres des Chaldéens, des Perses, des Indous,
Par la Grèce et par Rome ont passé jusqu'à nous :
Oui, chaque mot écrit, dans notre langue même
Porte un jalon parlant, un véridique emblème.
Ce signe capital, je ne puis le nier,
Tantot se montre en tête et tantôt le dernier;
Dans l'épaisseur du mot quelquefois il s'enfonce,
Mais un œil exercé le voit et le dénonce.
Ah! si je ne craignais d'ètre trop importun,
J'en citerais ici mille exemples pour un :
L'A, qui de l'Angle Aigu porte la ressemblance,
Ainsi qu'un chevalet sur ses pieds se balance.
Le B sort du Bissac. Avec un bon coup d'œil
On voit l'& qui se roule en forme d' cureuil.
L'f imite la fente et fuit par la fenêtre.
Dans les flancs de la gourde un g dut prendre l'être.
Convenez avec moi que rh correspond

Au chenet de cuisine, au crochet, au harpon.
L'i chargé de son point est un modeste signe;
C'est un nain résigné qui marche dans sa ligne.
Le P comme un Piton se Plante dans un mur.
Sur la lettre qui suit jetons un voile obscur.

Le K que l'Orient mit dans notre écriture,
De l'esclave d'un Khan garde l'humble posture.
Le d, que par oubli je laissais en chemin,
Le d marque le doigt, I'm et l'n la main.
L'O paraît de rigueur dans toute chose rOade;

Une pomme, une Orange, une boule, le monde,
Un Obus, un canOn, une tOurte, un grelt.

L'l brille à la lance, au pal, au javelot.
Est-il une copie, un portrait plus sévère
Que le V, qui désigne et le Vase et le Verre?
Dans croissant et dans sabre on trouve en commençant
L'S qui fait le Sabre, et le C le Croissant.
L'R est majestueuse; on croit voir une Reine
Serrant par la ceinture une robe qui traîne.
L'U dans un objet creux a trouvé son patron,
Il se plaît dans le troU, la cUve et le cha Udron.
Sans le T, glorieux de sa haute importance,
Il n'est pas de ràTeau, de marTeau, de poTence;
Et le Z bizarre, au corps ratatiné,

Deux fois dans le ZigZag se montre dessiné.
Chaque lettre, en un mot, porte en elle un indice,
Un but qu'elle ne peut perdre sans préjudice;
Et, puisque le bon sens des hommes d'autrefois
Voulut pour l'orthographe instituer des lois,
Que leur postérité les suive et les respecte.
Comment se peut-il donc qu'une moderne secte
Ose bouleverser ces emblèmes parlants,
Symboles glorieux respectés six mille ans?
Novateurs, protégés même à l'Académie,
Ils ont changé des mots la physionomie;
Ils ont destitué des caractères saints
De la création véridiques dessins.
Dirai-je les excès de leur fureur vandale?
Ils ont privé la clef de sa lettre finale;
De l'f dont la forme étant placée au bout
Se révélait aux yeux comme un passe-partout.
S'il exista jamais une image fidèle
D'une faux à faucher, cette image est une
Et depuis que cette L est ravie à la faux,

L

Le mot ainsi tronqué n'offre plus qu'un sens faux.
Le bled, que par un d terminaient nos ancêtres,
La méthode du jour l'a réduit à trois lettres,
Sans songer que ce d qu'on prive de ses droits
Représentait l'épi qui penche sous son poids.
Nulle lettre n'échappe à leur brutale rixe :
Jadis au pluriel les loiX prenaient une X;
Désormais à sa place une S se fait voir,
Et ces lois sur le peuple ont perdu tout pouvoir;
Car I'X d'autrefois, expressive peinture,
Montrait le chevalet, instrument de torture,
Et rappelait sans cesse au coupable attentif
La croiX de Saint-André pour le rouer tout vif.
Ah! pour leur rage aveugle il n'est plus de limite;
Ils ont arraché l'h au respectable hermite;
Barbares! voulez-vous qu'il se mette en chemin
Quand il ne trouve plus un bâton pour sa main?
L'h autrefois montrant sa forme principale,
Du sépulchre sortait comme un phantôme pâle;
L'h seule marquait le dessin bien précis,
Le throne véritable où les rois sont assis.
Mais trésor, direz-vous, pourquoi comme un panache
La tête de ce mot s'ornait-elle d'une h?

[blocks in formation]
[ocr errors]
« ZurückWeiter »