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Il faut un instrument, une bêche, une pioche,
Un outil qui de l'h à peu près se rapproche;
L'h est le seul moyen de sauver un thrésor.
Voilà ce qu'ils ont fait; ce n'est pas tout encor :
Le vénérable Y, troublé dans son empire,
A disparu du lis, des aïeux, de la lire;
Qui mieux que lui pourtant retraçait à nos yeux
Le tronc et les rameaux de l'arbre des aYeux?
La lYre, comme lui, née au sein de la Grèce,
De ses deux bras ouverts déployait la souplesse,
Tandis que, d'une tige et d'une fleur formé,
Le lys était pour nous un y embaumé.
J'ai parlé de la 1Yre; hélas! ainsi brisée,
La lire n'est pas seule un objet de risée;
Le poète lui-même a subi leur affront:

Au lieu de ces deux points qui brillaient sur son front,
De ce noble tréma qui, tel qu'une planète,
Couronna si longtemps sa radieuse tête,

Ils ont courbé ce front sous le poids d'un accent,
Virgule prosaique au biseau menaçant,
Qui, de sa destinée emblème dérisoire,
Semble etre un ennemi suspendu sur sa gloire.
J'ai fini : j'ai voulu raconter dans ces vers
Tout ce que le langage essuya de revers,
Dire par quels exces la réforme hérétique
Souilla la sainteté de l'écriture antique.
Vainement, pour venger l'orthographe aux abois,
Chaque jour je réclame en faveur de ses droits;
Vainement je m'obstine à tancer sur l'épreuve
Mon prote forcené pour la méthode neuve;
Mon exemple, ma voix, mes plaintes, mes regrets.
Rien ne peut du torrent arrêter les progrès;
Et l'erreur, poursuivant la détestable orgie,
Foule aux pieds la raison et l'etymologie.
Ah! si j'avais un jour, par la faveur du ciel,
Dans la littérature un titre officiel,

Si jamais, introduit sous la grande coupole,
La palme académique, éclatante auréole,
Dilatait ses rayons sur mon front réjoui,
Je t'en fais le serment, ô paternel Jouy!
Avocat du malheur, je prendrais la défense
Des caractères saints qu'honora mon enfance;
Aux rois de l'Alphabet en congrès réunis
Ma voix demanderait grâce pour les bannis;
Tu m'entendrais, du haut de ma chaise curule.
Sur les réformateurs secouer la férule,
Foudroyer leur système absurde, impie et sec,
Et rendre à leurs honneurs l'H, IX et rY.

L'AUTEUR DE Némésis.

AH! AH! AH! exclamation qui se trouve plusieurs fois dans les prophètes. C'est, selon Bossuet, le bégayement de l'âme qui veut parler à Dieu et ne trouve aucune parole articulée pour exprimer ses aspirations vers l'infini. Le Ah! ah! ah! des prophètes est une expression pleine de mystères et de désirs. C'est une triple interjection formée de la première lettre de l'alphabet répétée trois fois et d'une triple aspiration. Dieu dit souvent dans les saintes Ecritures: Je suis l'ALPHA et l'OMEGA, le premier et le dernier : la lettre A, qui semble exprimer le premier cri de la voix humaine, est aussi la voyelle qui exprime le mieux l'admiration et l'amour. Or, comme le premier cri de nos âmes doit s'élever vaguement peut-être, mais nécessairement vers la cause première de notre être, le cri d'admiration et de joie que pousse l'enfant à la vue de tous les spectacles de l'univers est une sorte de cantique DICTIONN. DE Littérature chrét.

d'action de grâces un cri poussé vers Dieu, voilà aussi en quoi se résume toute la poésie primitive, et tel a dû être le premier cantique d'Adam. Le ah! ah! ah ! des prophètes s'échappe de leur âme lorsqu'elle est comme paralysée par l'extase, et que les pensées, trop grandes et trop pressées, no peuvent plus se faire jour que par cette exclamation, répétée depuis tant de siècles dans les soupirs de tous les saints. Le mystérieux Alleluia lui-même, ce mot qui remplit seul l'éternité d'une bénédiction et d'une allé gresse infinie, cet hymne résumé dans le Tangage des anges, l'Alleluia n'ajoute qu'un mot au Ah! ah! ah ! des prophètes, si bien senti par le sublime auteur des Elévations sur les mystères. Quelle est donc cette litté rature étrange où toute une ode, toute une prière, tout un dogme se fait entendre dans une interjection, dans une émission de la voix, dans une seule lettre de l'alphabet ! Nous disons tout un dogme, car cette même voix, trois fois répétée et toujours la même. ce triple et unique commencement de tout ce qui peut se dire par la parole, est une image mystérieuse du dogme de la Trinité pressenti par les prophètes qui en appelaient la manifestation de tous leurs vœux, de tous leurs soupirs et de toutes leurs larmes. Ainsi sur la terre les hommes de désir, les yeux baignés de larmes et les mains tendues vers le ciel, crient vers Dieu en bégayant le Ah! ah! ah!des prophè tes, et dans le ciel les chérubins qui se couvrent la face de leurs ailes devant le trône du ToutPuissant, répondent Saint, saint, saint, est le Seigneur, le Dieu des armées. Ainsi le Dieu trois fois saint est trois fois désiré et trois fois béni sur la terre, et la prière universelle est renfermée toute entière dans le nom unique et trois fois répété du trois fois saint, car il s'appelle Alpha et Oméga ; il s'appelle le Saint, et c'est seulement en criant vers Jui ou en chantant les louanges de ses perfections divines, que les êtres créés peuvent articuler son nom. Le nom dont il se nomme lui-même est incommunicable, et personne ni. dans le ciel, ni sur la terre ne peut le prononcer, ni le lire, ni l'écrire. Le nom de Jéhova lui-même est une sorte de Ah! ah! ah! un assemblage de syllabes qui ressemblent à des interjections, et qu'il est difficile de bien prononcer dans la langue originale. Le Ah! ah! ah! d'Ezéchiel a été travesti par Voltaire, dans une de ces déplorables bouffonneries qu'on ne doit pas lire maintenant même pour les réfuter, et dont rougissent les derniers partisans du calomniateur de la Bible.

Voltaire, comme tout le monde en con-vient maintenant, avait infiniment d'esprit, mais il avait peu de tact, parce qu'il manquait de cœur. (Voy. l'article POÉSIE.) Il semblait surtout entièrement dépourvu de ce sens intérieur qui adore et qui prie, et dans ces pages pleines de tristesse où Ezé.chiel, accablé des malheurs à venir de son peuple, et se faisant d'avance le représentant des misères d'Israël, crie vers Dieu avec des sanglots et des larmes pour obtenir un pain moins impur et des afflictions de la chair

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qui ne s'étendent pas jusqu'à la souillure de ame; Voltaire, peu versé dans le symbolisme, superficiel en tout et moqueur comme son siècle, n'a voulu voir là que des malpropretés ridicules. C'est à Voltaire lui-même et non au prophète qu'il faut adresser le Ah! ah! ah! tel qu'il était capable de le traduire. (Voy. les Lettres de quelques juifs, par l'abbé Guénée. Voy. aussi l'article EztCHIEL dans ce Dictionnaire.)

Nous laissons aux dictionABAILARD. naires historiques et biographiques tout ce qui concerne la vie des hommes célèbres de la littérature ecclésiastique, et nous ne les mentionnerons à leur rang alphabétique que pour apprécier leur influence sur leur siècle et caractériser leurs œuvres. Pierre Abailard

s'est acquis dans les lettres une double cé lébrité qui a été pour l'Eglise un double scandale. On peut le regarder comme le premier des révolutionnaires influents, et l'émotion qui se produisit autour de lui à son époque est assez motivée par l'audace de ce novateur. Il osa le premier subordonner en quelque sorte la foi à la raison, et donna ainsi le signal de cette analyse universelle qui plus tard est venue tout décomposer en s'efforçant de tout détruire dans le domaine des croyances les plus respectées et les plus saintes. On peut dire qu'il traita la doctrine qui lui était confiée comme la nièce de Fulbert, et que le châtiment de Dieu égala la vengeance des hommes. En effet, cette grande célébrité dont il s'était enivré pendant ses jeunes années ne tourna plas lard qu'à sa confusion et devint son supplice lorsque, foudroyé par l'Eglise et réfuté par saint Bernard, il chercha le repos dans Ja solitude sans parvenir à le trouver jamais. Les souvenirs d'une malheureuse passion le poursuivirent comme la douleur de ses défaites théologiques, et la littérature profane s'est emparée avec bonheur de cette existence coupable et tourmentée.

Les œuvres purement littéraires d'Abailard ne sont pas venues jusqu'à nous, et ce qui nous reste de son style n'est pas de nature à nous les faire beaucoup regretter. Chez lui la pensée est souvent fausse, la phrase entortillée ou ampoulée, la diction barbare. Toutefois on ne saurait nier l'influence qu'il exerça par son audace, puisqu'à lui commence cette révolte de la raison qui devait, quelques siècles plus tard, amener la réforme et la renaissance. Done, pour les adversaires de l'autorité catholique et pour les admirateurs exclusifs de la littérature païenne, le nom d'Abailard est un grand nom. Les égarements de son esprit et de son cœur prirent leur source dans un extrême orgueil, et l'on se tromperait même si, sur la foi de ses trop romanesques aventures, on lui attribuait beaucoup de tendresse ou même de sensibilité. Ses lettres à Héloïse sont pleines de lieux communs théologiques et scolastiques, et il ne sait pas même lui parler avec onction le langage de la résignation et de la foi. Chez lui l'affection était peut-être du sensualisme, comme l'intelli

gence était de l'orgueil: aussi ses malheurs mêmes ne peuvent inspirer qu'une médiocre pitié. Ce caractère explique la sévérité de saint Bernard et la guerre implacable que l'abbé de Clairvaux fit à l'incorrigible novateur. Ces deux hommes représentaient à leur époque les deux principes éternellement ennemis d'un côté les passions, de l'autre la loi, et ce n'était certes pas la loi qui devait céder ou fléchir.

ABANDON. Il faut distinguer soigneusement dans le style l'abandon de la négligence. L'abandon est tout dans le sentiment, et ne doit pas rendre les expressions moins correctes; c'est une sorte d'oubli de soimême, une grâce naturelle qui exigerait beaucoup d'art si elle pouvait être factice. C'est moins l'expression étudiée d'un sentiment que le sentiment lui-même s'échappant, pour ainsi dire, et se laissant voir tout entier ; c'est une nuance de la tendresse. On en trouve beaucoup d'exemples dans les prophètes, et surtout dans Jérémie. (Voy. JÉRÉMIE.) Baruch, son disciple, non moins éloquent que son maître, nous représente Jérusalem dé- . solée et ne voulant pas recevoir les consolations de ses enfants: Je ne puis plus rien pour vous, dit- elle; que "celui qui vous a châtiés vous délivre. Passez, mes fils, passez ! Moi je suis abandonnée et solitaire.

On trouve aussi un abandon divin dans ces plaintes du Seigneur à son peuple, que l'Eglise répète dans sa liturgie de la semaine sainte: Popule meus, quid feci tibi ? En effet, il semble ici que le Tout-Puissant s'oublie lui-même, dans l'excès de son amour pour les hommes, jusqu'à les implorer à son tour, et ne puisse leur adresser, lorsqu'il est outragé par eux jusqu'à la mort, que les reproches les plus soumis et les plus tendres. Cet abandon surnaturel ne touche pas

seulement le cœur, il attendrit, il fait fre

ir. Et c'est à de semblables beautés que la littérature sacrée doit sa supériorité incontestable et sa souveraine puissance. Le même sentiment se retrouve presque à toutes les pages du saint Evangile, et surtout dans les discours de Notre-Seigneur avant et après la Cène; parmi les Pères, saint Augustin, et saint François de Sales parmi les hagiographes, ont conservé dans leurs effusions de tendre charité cet abandon divin des prophètes et de l'Evangile. C'est d'ailleurs une grâce exquise qui échappe aux règles littéraires et qu'il ne faut jamais re

chercher.

ABDIAS DE Babylone. Les ouvrages apocryphes des temps apostoliques, justement rejetés du catalogue des livres saints, n'appartiennent plus à l'exégèse; mais ils sont encore du domaine de la poésie sacrée, et ne doivent pas être effacés du cycle merveilleux des légendaires. C'est donc simplement comme légende poétique et fabuleuse que nous acceptons ici l'histoire du combat apostolique attribué à un certain Abdias, évêque de Babylone, dont l'existence même a été contestée. Pendant les premiers temps

du christianisme, la fo: nouvelle, en agitant et en régénérant les multitudes illettrées, réveillait en elles l'amour du merveilleux. Les imaginations, excitées par le récit des vrais miracles, en supposaient facilement une multitude d'autres; chacun racontait ses rêves, et ces récits, toujours augmentés en passant de bouche en bouche, trouvaient enfin quelque pieux et crédule historien pour les écrire. Plusieurs de ces légendes sont des allégories et des paraboles empreintes de tout le mysticisme poétique de l'Orient, et où se trouvent parfois des calculs et des abstractions numérales empruntés aux souvenirs de l'école de Pythagore. Ces poésies anciennes ne sont donc pas indifférentes même pour les recherches de la science, et il appartenait à la grossière ignorance de l'école voltairienne de les tourner en dérision.

La légende du combat des apôtres est une composition d'une longue étendue: elle est divisée en dix livres, et a été publiée, comme nous l'avons dit, sous le nom d'Abdias, évêque soi-disant ordonné par saint Simon et saint Jude. Le tex'e original paraît être prdu, et la version latine qui nous en est parvenue porte le nom supposé ou inconnu de Jules l'Africain. Le traducteur prétend avoir travaillé d'après une version grecque de l'original hébreu, assertion dont il est permis de douter, si l'on s'en rapporte aux iréquents latinismes du style et à l'insertion entière et littérale d'un fragment de l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe, traduite par Rufin. L'histoire du combat apostolique a été publiée pour la première fois dans la collection de W. Lazius (Collectio_rar. monum., Basileæ, 1551, in-fol.; Paris, 1566, in-8°); elle se trouve aussi dans le second tome du Codex apocryphus de Fabricius.

ABDIAS le prophète. — La prophétie d'Abdias n'a qu'un chapitre de vingt et un versets c'est le plus petit des petits prophètes, puisqu'on les a appelés ainsi à cause de la brièveté et du petit nombre de leurs prophéties: celle d'Ablias est une espèce de chant national pour rauimer l'enthousiasme des Israélites opprimés par les Iduméens; c'est à la fois un cri de guerre et une menace d'extermination; le style en est véhément, rapide, énergique, mais simple en même temps, comme tout ce qui s'adresse aux multitudes. Le début éclate comme le bruit de la trompetic: Un ambassadeur de Dieu (c'est l'esprit prophétique d'Abdias luimême est envoyé aux nations : levez-vous, renez, coalisons-nous contre Edom! Je t'ai rendu le plus petit parmi les nations; tu es diyne de tous les mépris! L'orgueil de ton cœur l'a exalté; tu demeures dans les fentes de la -pierre, tu élèves ton trône sur la montagne, et tu dis: Qui m'arrachera d'ici pour me trainer jusqu'à terre? Eh bien! quand tu serais plus élevé que l'aigle, et quand tu aurais posẻ ton nid entre les étoiles, je l'en arracherai, dit le Seigneur!

Cette marche impétueuse du barde sacré laisse bien loin derrière elle toutes les colè1es de Tyrtég; on l'entend crier aux armes!

il soulève d'un mot les multitudes, on les voit qui se rassemblent et qui s'exhortent à combattre contre Edom: Consurgamus! Voici déjà les échelles qui se dressent et l'assaut qui commence! Mais déjà Abdias est sur la brèche et il insulte l'ennemi; comme son courage, inspiré de Dieu, dédaigne ces remparts de montagnes qui protégent les Idu méens! Quelle foi toute-puissante élève sa menace jusqu'au ciel même, que Dieu domine d'un regard! Quand tu aurais posé ton nid entre les astres, je t'en arracherai! Cette menace de la part d'un homme serait ridicule et mériterait simplement le nom de bravade, et l'on en trouve d'à peu près semblables dans la bouche des capitans-matamores do notre ancienne comédie. L'homme est toujours ridicule lorsqu'il ment pour se vanter; mais la confiance en Dieu ne peut jamais exagérer la toute-puissance dont elle dispose. On comprend maintenant pourquoi telle expression ou telle image, ridicule quand elle est fausse, devient sublime dès qu'elle est vraie.

Après ce début, le prophète entre jusque dans les conseils des Iduméens, pour y apporter la confusion et l'épouvante : Vous êtes trahis, leur crie-t-il; les hommes de votre alliance se sont tous joués de vous; ceux qui mangent avec vous tendent des piéges sous vos pas! Non, il n'a plus ni conseil ni prudence, ce peuple insensé! Le Seigneur n'a-t-il pas dit: En ce jour-là je perdrai les sages de l'Idumée, et la prudence de la montagne d'Esai!

Ainsi, courage! guerriers d'Israël, semble dire le poëte guerrier; vous ne trouverez pas même de résistance, Dieu leur a envoyé le vertige, il veut les perdre; il va les livrer entre vos mains!

Viennent maintenant les reproches qui, en rappelant les crimes des Iduméens contre les Israélites, vont animer de plus en plus la colère et le courage du soldat: A cause des meurtres que tu as commis, à cause de ton injustice envers ton frère Jacob, tu périras pour jamais. Lorsque tu étais debout contre nous, l'étranger prenait notre armée captive; les barbares entraient par nos portes, ils jetaient Jérusalem au sort, et toi aussi tu étais comme l'un d'entre eux! Va! tu ne mépriseras pas plus longtemps l'exil de ton frère, tu ne jõuiras pas de notre perte, ton front ne s'enorqueillira pas de nos angoisses, en disant aux Iduméens qui ne sont plus Vous n'égorgerez plus vos frères: vous ne triompherez plus des infortunes d'Israël! Le jour du Seigneur est venu, l'heure des vengeances a sonné, Jacob sera le feu, Joseph sera la flamme, et Esau sera la paille....Esai ne sera plus : c'est le Seigneur qui a parlé.

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Ainsi, c'est un combat à mort, c'est une lutte sans merci, c'est une guerre d'extermination qui se prépare... Quelle force, quelle rapidité dans le style! quelle puissance dans la menace! Le Dieu d'Abdias est véritablement un Dieu qu'il faut craindre; mais si Abdias n'était pas un prophète, ce serait l'un des plus grands poëtes nationaux de l'antique Judéc.

L'arrêt d'Esau est prononcé, la place qu'il occupait sur la montagne est donnée à d'autres; les enfants d'Israël partagent d'avance les dépouilles de leurs ennemis, puis des sauveurs viendront sur la montagne de Sion juger la montagne d'Esaü, et le règne sera au Seigneur.

Ici Abdias s'unit, en terminant son chant guerrier, aux désirs de tous les prop':ètes : Tu n'entreras plus par la porte de mon peuple au jour de sa ruine; tu ne le mépriseras plus dans ses maux au jour de sa désolation; tu ne seras plus lancé contre son armée au jour de sa défaite! Tu ne te tiendras plus aux issues pour tuer ceux qui fuient, tu ne cerneras plus les restes de l'armée au jour de la tribulation!

Quelle énumération pleine d'amertume! Comme les souvenirs de vengeance sont présentés au cœur du peuple de manière à exciter sa colère! Les Iduméens étaient leurs frères, et les ont traités ainsi! Ah! cette pensée seule suffit pour qu'on doive les vainere. Avec quel acharnement ne va-t-on pas les combattre! On les regarde déjà comme vaincus! Pas de grâce pour eux : il semble que déjà le prophète se tient debout sur les ruines de leurs villes, et qu'il contemple leurs champs tout couverts de leurs cadavres; il branle la tête, dans la joie terrible du triomphe, et il semble qu'on le voit sourire; il appelle les sauveurs à venir, mais c'est au Seigneur seul que le règne doit appartenir. Ainsi ce n'est pas seulement pour la gloire d'une nation que le prophèto veut armer les fidèles, son enthousiasme ne se renferme pas dans l'égoïsme de la patrie, c'est pour Dieu qu'il veut la victoire : Abrégez les temps, abattez ceux qui retardent sa venue en opprimant et en corrompant son peuple. Guerre d la cité des méchants, pour que vienne la cité de Dieu! Malheur à Edom! périssent les enfants et les complices de Babylone; mais triomphe et paix éternelle à la montagne sainte, où doit se reposer la nouvelle Jérusalem! Voilà en quoi se résume tout l'esprit des prophètes, et tel est aussi le génie qui donne tant d'impétuosité et de puissance à la prophétie d'Abdias.

ABEL.-'La mort d'Abel, poëme de Gessner. (Voy. GESSNER.)

ABGAR, roi d'Edesse, appartient à la littérature religieuse, comme personnage d'une très-ancienne légende affirmée histoire authentique par Eusèbe de Césarée. Suivant cette légende, Abgar ou Abagare, roi des Arabes et souverain de la petite ville d'Edesse, ayant entendu raconter les miracles du Sauveur, dont il était le contemporain, erut en lui sans l'avoir vu et lui écrivit pour sui demander sa propre guérison et lui offrir un asile à Edesse, que le roi voulait céder en toute souveraineté au rédempteur du monde. Notre-Seigneur aurait, toujours suivant la légende, répondu de sa propre main à ce pieux monarque, et lui aurait même envoyé son portrait peint par lui-même.

La lettre de Notre-Seigneur Jésus-Christ, conservée encore parmi les écrits apocryphes

du Nouveau Testament, est ainsi conçue:

« Tu es heureux, Abgar, de croire en moi sans m'avoir vu; car je suis celui dont il a été dit: Ceux qui me verront ne croiront pas en moi, afin que ceux qui ne m'auront pas vu croient en moi et reçoivent la vie.

« Tu me pries de venir à toi, mais il est nécessaire que j'accomplisse ici toutes les choses pour lesquelles je suis envoyé; puis je retourne à celui qui m'envoie. Et quand je serai retourné vers celui qui m'envoie, je t'enverrai un de mes disciples pour qu'il te guérisse de ton infirmité et qu'il donne la vie à toi et à ceux qui sont avec toi. »>

On ne saurait nier que le style de cette lettre se rapporte parfaitement au langage du Sauveur dans les saints Evangiles, et sous ce rapport c'est un monument curieux de la littérature des premiers siècles. C'est d'ailleurs une supposition touchante que celle d'un roi qui dépose sa couronne aux pieds du divin proscrit, et l'on est attendri de voir le Sauveur refuser l'asile que lui offre la foi de ce bon prince, après avoir foulé aux pieds avec tant de dédain toutes les couronnes de la terre qui lui étaient offertes par l'esprit du mal. Proposito sibi gaudio, sustinuit crucem.

La légende ajoute qu'après la mort et la résurrection du Seigneur, saint Thomas envoya à Edesse le disciple Thadée, l'un des soixante-douze, qui guérit le roi Abgar en lui imposant les mains, et le convertit, ainsi que tout son peuple, aux pratiques de la foi chrétienne.

ABONDANCE.-L'abondance, en littérature, est une qualité également opposée à la sécheresse et à la diffusion. Trop dire marque autant de pauvreté dans l'esprit que de ne pas dire assez; l'écrivain riche d'inspiration et de pensées les revêt sans efforts d'une forme que la souplesse et la docilité du langage rendent facilement brillante et magnifique. La vraie abondance diffère si essentiellement de la prolixité et de l'enflure, que tous les ornements qu'elle donne au langage prennent naturellement leur place, et que l'art se cache sous un certain luxe de simplicité qui constitue le grandiose et le sublime du beau style.

Ce genre de beauté se retrouve partout dans les livres saints, que les rhéteurs de la décadence trouvaient si grossièrement écrits, parce qu'ils n'y trouvaient ni antithèses puériles, ni jeux de mots, ni sophismes, ni boursouflures. Combien sont magnifiques ces répétitions de mots dans le premier chapitre de la Genèse! Par exemple: Dieu dit : Que LA LUMIÈRE Soil, et LA LUMIÈRE fut! et Dieu vit que cela était bien (etc.); dans le Peniateuque, l'abondance se fait remarquer surtout par la grande simplicité des formes et la majesté des images. Il semble que l'homme cr.igne de déguiser Dieu en prêtant à sa parole des ornements inutiles. Moïse historien a toute la gravité d'un prêtre qui accomplit les saints mystères, et l'enseignement public est pour lui un vrai sacerdoce. Mais lorsqu'il se livre à l'enthou

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