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Toute l'ode est écrite de cette manière, et c'est incontestablement un des plus beaux monuments de la littérature française.

Nous ne prétendons pas cependant, tout en louant la sage parcimonie de mots, qui, jointe à l'abondance des pensées et des imas, contribue tant à la sévère beauté des nefs-d'œuvre classiques, nous ne prétendons pas proscrire ceite abondance d'expressions que met au service des bons écrivains une connaissance parfaite de la langue et de ses ressources. Il est des pensées qui, pour être exprimées dans toute leur délicatesse, ont besoin de redites et de synonymes: la Bible en fournit de fréquents exemples, et le parallélisme poétique des saints prophètes est une sorte de rime appliquée aux idées et qui exige chez eux la plus magnifique abondance d'expressions pour que le parallélisme soit toujours exact sans être une répétition.

Ne rien omettre des caractères et des ornements que comporte un sujet, mais aussi s'abstenir de toute divagation et de tout ornement déplacé ou superflu, voilà ce qui constitue la véritable abondance de style, en la distinguant des défauts qui lui sont analogues ou contraires. Il ne faut pas que, dans une période écrite par un bon écrivain, un homme de goût puisse retrancher ou ajouter un scul mot. Une belle page est comme une belle sculpture, à laquelle le ciseau même le plus habile n'oserait toucher. La propriété des termes, l'habile emploi des mots, la contexture des phrases, l'enchainement des périodes, la suite des idées, tout cela doit être inattaquable et en quelque sorte immuable comine le résultat d'une opération d'algèbre. A ce point de vue, l'art d'écrire doit avoir toute la précision des sciences exactes, et le beau en matière de style doit pouvoir se démontrer et se prouver, comme le vrai se prouve et se démontre en style de géométrie.

ACTE DRAMATIQUE. (Voy. DRAMATIQUE.)
ACTES DES APOTRES. (Voy. APÔTRES.)
ACTES DES MARTYRS. (Voy. LÉGENDES)
ACTION ÉPIQUE. (Voy. EPOPÉE.)

ACTION ORATOIRE. (Voy. ELOQUENCE.) ENEAS SYLVIUS. littérateur distingué du xv siècle, qui prit une part importante aux affaires ecclésiastiques de ce temps-là, en récompense de quoi il fut promu d'abord à l'épiscopat de Trieste, qu'il quittà pour celui de Sienne, puis au cardinalat, puis enfin à la papauté sous le nom de Pie II, en

1456.

C'est assez dire en faveur de ses talents littéraires, que la gloire et les peines du pontificat de Pie II n'ont pas fait oublier le nom d'Eneas Sylvius, et que la couronne de laurier dont l'empereur Frédéric avait décoré le poëte ne disparut point sous l'éclat de la tiare.

Il réussissait également bien dans la poésie latine et dans la poésie en langue toscane; il a composé des Dialogues, des Epitres, des Discours, une Histoire de Bohême, deux livres de Cosmographie, quatre cent

trente-deux Lettres, des traités de l'éducation des enfants, des Epigrammes ou poésies fugitives, et enfin un Poëme sur la passion de Notre-Seigneur. Enéas Sylvius était encore plus recommandable par ses vertus que par ses talents, et n'appartenait pas à cette espèce irascible de poëtes dont Horace s'est ingénieusement moqué. Les historiens disent de lui que généreusement et aisément il pardonnait, et que jamais il ne châtia personne pour avoir médit de lui. Eneas Sylvius fut donc quelque chose de mieux qu'un littérateur distingué, ce fut un véritable chrétien et un des grands papes de l'Eglise romainę.

AGGÉE. C'était une des traditions de la Grèce fabuleuse, qu'au son de la lyre d'Amphion s'étaient élevés en cadence les murs de Thèbes on pourrait dire de même, et avec plus de vérité, que le second temple s'éleva aux sons de la harpe du prophète Aggée. C'est lui qui fit rougir les Israélites de leur inertie, au retour de la captivité, et de leur peu de zèle pour la maison du Seigneur. Quoi! leur dit-il, vous habitez sous des lambris, et le temple n'est qu'un désert; vous rebâtissez vos demeures, et celle de votre Dieu est en ruines!

La prophétie d'Aggée, quoique restreinte à deux chapitres assez courts, n'est pas une des moins importantes de l'Ancien Testament. Il annonce clairement le Désiré des nations et la gloire du second temple, qui doit surpasser celle du premier; mais l'importance de cette révélation, et tout ce qu'elle renferme d'espérance, ne rentrent point dans l'objet de cet ouvrage et se rapportent à l'exégèse. Comme ouvrage de littérature, la prophétie d'Aggée n'a rien que nous puissions remarquer d'une manière spéciale: les deux chapitres d'Aggée sont tellement remplis d'une seule et grande promesse, que les figures de l'éloquence ou de la poésie deviennent inutiles. Que pouvait-il dire de plus propre à émouvoir et à entraîner tous les cœurs, que d'annoncer la venue de celui que tant de siècles appelaient avec tant de gémissements et de larmes?

AFFECTATION. (Voy. STYLE.)

AGRIPPA. Cornélius Agrippa, un des plus savants hommes du XVIe siècle, plus connu par sa réputation de magie que par ses écrits philosophiques et religieux, a composé un traité de l'excellence du sacrement de mariage, et un autre traité assez singulier sur la noblesse et la dignité du sexe féminin. Son livre de la vanité et de l'incertitude des sciences mériterait d'être rangé parmi les livres qui appartiennent à la littérature religieuse quand même il ne s'y trouverait rien de mieux que ce passage:

« Le vrai bonheur ne consiste pas dans la connaissance des biens, mais dans la bonne vie on ne le trouve pas dans l'acquisition de la science spéculative, mais dans la pratique des bonnes œuvres. Pour s'unir à Dieu, il ne suffit pas de bien comprendre, il faut bien vouloir. Quant à toutes ces études qui ornent lentement et péniblement notre cs

prit, à quoi sont-elles bonnes, si elles ne nous ouvrent pas les yeux sur les vices qui font notre malheur, et si elles ne nous apprennent point la route de la vraie félicité? Sans une bonne vie, sans une vie innocente et réglée qui nous établisse d'avance au but de toutes les recherches humaines, la science ne peut rien pour notre bonheur! »>

La contemplation de la Divinité, dit-il encore, est le but de notre vie intellectuelle. Est-ce avec des syllogismes qu'on y parvient? Faut-il pour cela des démonstrations étudiées, des recherches laborieuses? Non, rien de tout cela. Croyez et obéissez, voilà tout ce que vous avez besoin de savoir!

« Quelle est donc, ajoute-t-il, la félicité des sciences? Quelles sont la gloire et la béatitude de ces profonds philosophes dont la mémoire et les louanges remplissent encore le vide de nos écoles? Hélas! hélas! transportez-vous en esprit dans l'enfer, vous y trouverez les âmes de ces grands fantômes de célébrité livrées aux plus affreuses tortures. Chute affreuse et mille fois déplorable, qui a suivi leur passagère élévation! expiation cruelle d'un honneur usurpé! Saint Augustin avait vu intérieurement ce triste spectacle, lorsqu'il s'écria avec l'Apôtre des nations: Eh quoi voilà que les ignorants se lèvent et qu'ils nous ravissent le ciel, tandis qu'avec toute notre science nous perdons misérablement

notre ame! »

Ces paroles sont très-chrétiennes, et il est difficile de les attribuer à un homme qui eût été livré aux arts magiques et aux sciences superstitieuses. On peut donc croire que si Crnélius Agrippa s'était livré d'abord aux vaines recherches des sciences occultes, il en reconnut plus tard le danger et le mensonge, et que la page que nous venons do lire est l'expression de son repentir.

Son traité du sacrement de mariage contient de belles et bonnes choses aux points de vue philosophique et littéraire, avec quelques tendances hétérodoxes à condamner le célibat d'une manière trop absolue, sans égard pour l'esprit apostolique qui a toujours manifesté la plus haute estime pour l'état de virginité.

Son Eloge du sexe offre, sous une forme un peu paradoxale, des observations qui ne sont pas dépourvues de finesse, et l'on y rencontre des passages véritablement éloquents, dans le genre de celui-ci :

« Dieu, en la personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, a fait à la femme cet honneur insigne de lui demander un corps et de s'incarner dans son sein. Grand et inconcevable prodige, qui a fait l'étonnement des prophètes, que la fécondité se soit merveilleusement unie à une virginité sans tache, et qu'une jeune fille toujours pure ait entouré un homme en portant un Dieu dans son sein!

Quand le Sauveur victorieux eut brisé les portes de la mort, à qui voulut-il d'abord apparaitre? aux saintes femmes: elles furent les premières instruites de la grande et bonne nouvelle de son retour au monde. Mais aussi, c'est qu'à la mort de l'Homme

Dieu la foi des hommes avait défailli, et ils étaient tombés soit dans l'apostasie, soit au moins dans le doute. Los femmes seules furent inébranlables, et seules en ce moment elles réprésentaient l'Eglise naissante. Ce n'est pas aux femmes qu'on peut généralement reprocher d'avoir persécuté les orthodoxes, d'avoir inventé des bérésies, d'avoir violé la pureté de la foi ce sont là des erimes qui appartiennent aux hommes. Qui donc a livré le Sauveur du monde? qui l'a vendu? qui l'a acheté ? quels ont été ses juges, ses tourmenteurs, ses bourreaux même ? quels monstres ont osé dresser un gibet pour un Dieu? Les hommes! et toujours les hommes figurent soit comme auteurs, soit comme acteurs dans ce drame terrible. Pierre renio son bon maître et jure qu'il ne le connaît point; les autres disciples s'enfuient et l'abandonnent; les femmes, au contraire, avec un mâle et intrépide courage, suivent les pas sanglants du condamné, et accompagnent leur Sauveur jusqu'à la croix, jusqu'au sépulcre! L'épouse même de Pilate n'intervient dans la passion que pour défendre l'innocent, et fait plus pour lui sauver la vie, elle pauvre idolâtre, que tous les hommes qui avaient cru en lui. »

On ne nous saura pas mauvais gré d'avoir traduit et inséré ici le passage d'un écrivain qui n'est pas connu dans la littérature religieuse, et dont on ne lit plus guère les ouvrages. Son traité du mariage, joint au discours sur la dignité du sexe, et au traité de la vanité des sciences, a été traduit et publié en français par Gueudeville.

Ce qui donnerait à croire que Cornélius Agrippa s'éloigna, à la fin de sa vie, do la pratique des sciences occultes, c'est qu'il mourut dans la pauvreté et dans l'exil, par suite de la disgrâce qu'il encourut pour n'avoir pas voulu satisfaire la curiosité d'une reine en lui tirant son horoscope.

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ALBERT LE GRAND. Ce docteur cólèbre, qui fut le maître de saint Thomas d'Aquin, n'appartient à la littérature proprement dite que par le merveilleux dont les traditions populaires ont environné son nom, et par le côté poétique des légendes qui se rattachent à son histoire. On dit que les saisons ne changeaient pas pour lui, et que les arbres de son jardin, au milieu des plas grandes rigueurs de l'hiver, se couvraient de fleurs et de fruits. On dit aussi qu'après plus de trente ans d'un travail assidu, il parvint à terminer un androïde ou automate humain qui imitait tous les mouvements d'un homme et répondait à toutes les questions. Cet écolier-machine a peut-être été inventé par quelque génie satirique mal satisfait de fa méthode scolastique du moyen âge, et du mécanisme d'Aristote pour trouver réponse à toutes choses. Quoi qu'il en soit, et ce qui achève de nous persuader que cette fable a quelque chose d'allégorique, on ajoute que saint Thomas, fatigué des réponses de l'androïde, le brisa d'un coup de bâton. N'a-t-on pas voulu signifier par là le renouvellement de l'école par saint Thomas, et le coup mor

tel que porta la Somme, son chef-d'oeuvre, aux éléments barbares d'une science incomplète et routinière ? Ce qui est certain, c'est que saint Thomas, qui était l'homme le plus éclairé et le théologien le plus sage de son siècle, n'eût pas brutalement brisé un chefd'œuvre de mécanique, ouvrage et propriété Je quelqu'un. Quant à l'accusation de magie, justifiée seulement par quelques passages où Albert le Grand parle des sciences divinatoires en termes qui peuvent faire supposer qu'il y croit, elle se détruit d'ellemême en présence du décret de Grégoire XV, qui le déclara bienheureux en l'an 1612. Ses livres de physique, d'ailleurs, ne prouvent pas qu'il ait eu une connaissance bien profonde, nous ne disons pas des secrets, mais des lois même de la nature. Cette réputation fantastique prouve seulement que par son génie il était au-dessus de son siècle. Une place de Paris où la tradition rapporte qu'il donna des leçons publiques s'est appelée longtemps Place de Maître-Albert, nom qui avec le temps s'est contracté en celui de Maubert, que cette place porte encore aujourd'hui.

ALCUIN. Le nom d'Alcuin est un nom vénérable et dans la littérature et dans l'histoire. Il aida puissamment le génie de Charlemagne dans l'œuvre du rétablissement des sciences et des lettres en Europe. L'empereur lui-même se fit le disciple d'Alcuin qu'il avait fait venir d'Angleterre, et mit à sa disposition sa puissance et ses richesses pour la fondation et l'entretien des écoles de Tours et d'Aix-la-Chapelle. Alcuin y enseigha l'Ecriture sainte, l'astronomie et les autres sciences qui se divisaient de son temps en arts libéraux et sciences mathématiques. Les arts libéraux étaient au nombre de sept, y compris les mathématiques, qui se divisaient elles-mêmes en arithmétique, musique, géométrie et astronomie. C'était le chaos, mais de ce chaos, des hommes comme Charlemagne et comme Alcuin devaient faire jaillir la lumière. Sans doute les écrits de ce grand homme se ressentent de la barbarie de son époque, mais il ne faut pas ou blier qu'alors tout était à créer, et qu'Alcuin fut en quelque sorte pour son siècle un génje universel, I renouvela et régla la grammaire, soumit l'orthographe à des lois fixes, excita l'émulation pour les bonnes études, s'occupa du culte et de la liturgie, et trouva au milieu de tant d'occupations le temps d'écrire de longs ouvrages. La mémoire d'Alcuin doit être chère à tous ceux qui ont dans le cœur, l'amour des vertus patientes et des caractères organisateurs. Toutes les grandeurs et toutes les richesses intellectuelles de la France, et par conséquent de l'Europe moderne, ont eu pour commencement les nobles efforts et le dévouement d'Alcuin et de ses disciples. Il y a plus de gloire sans doute d'avoir conquis laborieusement à sa patrie et au monde la clef des sciences et des beauxarts que de s'être illustré soi-même dans une littérature toute faite et avec des ressources toutes créées aussi les amis des vraies lu

mières et des gloires utiles à l'humanité saJueront-ils toujours avec reconnaissance, à côté de la grande figure de Charlemagne, la grave et savante figure d'Alcuin, le sage conseiller du plus grand prince qu'ait eu la France, le noble maître du plus sage des empereurs.

ALEXANDRIE (ECOLE D'). Voy. SYNÉSIUS. ALEXANDRINS (VERS). Voy. Versifica

TION.

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ALLEGORIE. L'allégorie est une figure essentiellement poétique, puisque c'est la vérité exprimée par des images. L'allégorie n'est en quelque sorte qu'une métaphore plus prolongée, et proposée comme une sorte d'énigme à l'intelligence des lecteurs. Tous les anciens cultes étrangers à la révélation, et qu'on pourrait diviser en cultes philosophiques et poétiques, avaient l'allégorie pour base de leur symbolisme. Les prophètes du vrai Dieu ont fait aussi de l'allégorie un usage fréquent, et c'est à cette figure qu'il faut recourir pour trouver la clef des passages les plus obscurs de Daniel, d'Ezéchiel et de saint Jean dans son admirable Apocalypse; les Evangiles apocryphes sont pour la plupart des tissus d'allégories plus ou moins ingénieuses, et l'on retrouve encore dans les vieux légendaires cette forme merveilleuse employée pour donner de l'attrait aux grandes vérités de la doctrine chrétienne.

Le Sauveur du monde n'avait pas dédaigné de cacher aux superbes, et de rendre plus accessibles aux petits et aux humbles les dogmes de sa révélation sous les voiles allégoriques des paraboles. L'allégorie, dans la littérature religieuse, touche donc de près au symbolisme, avec lequel, toutefois, elle ne doit jamais se confondre. L'allégorie peut servir quelquefois à l'explication du dogme, qui reste invariable et sacré, sans qu'il soit permis à l'imagination des poëtes de confondre nos divins mystères avec les mythes et les fables des religions profanes. Nous devons donc, pour bien savoir nous servir de l'allégorie, étudier avec soin son origine, et connaître jusqu'où peut s'étendre son emploi. Cette étude jettera un grand jour sur toute la partie littéraire de l'Ecriture sainte, et nous montrera des profondeurs philosophiques et religieuses où nous ne pouvions apercevoir, au premier abord, que des figures étranges et des récits bizarres. L'Apocalypse prise à la lettre serait l'écueil de la foi la plus soumise et le supplice de la raison: il faut donc, aux endroits mystérieux de l'Ecriture que la raison ne peut aborder, essayer à la porte close la clef poétique de l'allégorie partout où l'imposante sévérité du dogme ne nous ordonne pas de nous incliner et de croire sans examen.

Pour arriver à posséder parfaitement la science de l'allégorie, il faut en savoir d'abord la raison d'être, puis en étudier lès règles en les comparant avec les exemples. Pour mieux préciser les règles par la classification des exemples, il faut suivre l'histoire de l'allégorie chez tous les peuples qui

ont laissé des monuments littéraires, et voir comment le génie des différents peuples et des civilisations successives ont modifié leur symbolisme religieux et poétique en changeant leurs allégories, et il y aurait sur ce sujet de gros livres à faire; nous nous bornerons à indiquer rapidement et sommairement les choses qu'il faudrait développer longuement et appuyer d'innombrables autorités pour compléter l'étude de ce sujet si important. Les limites imposées à ce Dictionnaire nous contraignent de nous borner à une simple indication pour diriger les recherches des hommes d'étude.

Pour plus d'ordre et de clarté, nous diviserons cet article en plusieurs paragraphes. § 1". De l'allégorie considérée en elle-même. Sa raison d'étre.

L'allégorie, ainsi que la comparaison et la métaphore, a sa raison d'être dans le sentiment des harmonies de la nature.

Nous entendons par harmonies de la nature l'accord des similitudes et la gradation des dissemblances dans la distribution du mouvement, de la vie et de la beauté à tous les êtres.

Nous disons le sentiment de ces harmonies, et nous dirions presque le pressentiment, en appliquant ce mot aux hommes qui luttent encore contre les ténèbres de la vie mortelle. L'expression de ces harmonies, venant de l'esprit de Dieu, est une révélation, parce qu'elle procède d'une science certaine, et c'est en cela que la prophétie diffère de la simple poésie, en sorte que si l'on veut encore confondre les mots tout en distinguant les idées, il faudra dire que les prophètes sont des poëtes infaillibles, parce qu'ils sont divins, tandis que les poëtes sont des espèces de prophètes purement humains, et par conséquent faillibles.

Le poëte humain est faillible surtout parce que les choses qu'il ne saurait connaître, il les invente. Le prophète les voit dans son extase, il les voit exprimées par les figures que le Verbe de Dieu lui-même leur assigne. Si cette distinction est exacte, et nous la soumettons aux maîtres de la science, il s'ensuivrait que la poésie ne devrait pas chercher ailleurs que dans l'inspiration des prophètes son criterium de vérité, ou, en d'autres termes, que les prophètes seuls seraient pour les poëtes chrétieris les modèles infaillibles de la grande et vraie poésie.

Ce principe établi, et nous ne croyons guère qu'il puisse être contesté, nous avons à chercher quelles sont les sources de l'inspiration des prophètes, non quant à la révélation qui vient de Dieu, et dont l'appréciation rentre dans le domaine exclusif de la théologie, mais quant aux formes poétiques du langage; et comme cette forme poétique consiste principalement dans leurs comparaisons, leurs métaphores et leurs allégories, comme nous n'admettons pas qu'ils soient les inventeurs de cette formie (opinion soutenue d'ailleurs par de bons théologiens et d'habiles maitres en exégèse, et qui semble

plus pieuse et plus catholique que l'opinion contraire), nous devons recourir au Verbe de Dieu lui-même pour trouver la raison d'être des allégories, des métaphores et des comparaisons des prophètes, et nous avons à nous demander, 1° si le Verbe de Dieu peut supposer des relations qui n'existent pas, et exprimer des rapports de fantaisie; 2o si l'esprit de Dieu peut se conformer en quelque sorte à l'ignorance des hommes, et mettre son langage à leur portée, en frappant leur imagination par un langage poétique conforme à celui qu'ils concevraient eux-mêmes par les simples lumières de leur droite raison.

La réponse à ces deux questions n'est déjà plus de notre ressort, et appartient également à la théologie dogmatique et à la plus haute exégèse. Nous ne pouvons donc exprimer ici qu'un sentiment tout personnel, et par conséquent entièrement soumis à l'autorité supérieure ; mais il nous semble que l'esprit de vérité ne peut rien supposer, puisqu'il sait tout, et que, pouvant tout sur l'intelligence et le cœur des hommes, il n'a jamais besoin de feindre.

Les relations de similitude et de dissemblance, d'éloignement et de rapport, exprimées par les écrivains inspirés, auraient donc leur raison d'être dans le Verbe de Dieu lui-même, et seraient une révélation partielle du secret de la création.

Le dessein de Dieu dans la création de toutes choses ayant été de manifester ses attributs et ses perfections, et l'univers visible n'étant qu'une série de caractères glorieux qui expriment la pensée divine, aucune forme d'ailleurs ne pouvant être attribuée soit au caprice, soit au hasard dans. l'œuvre de la souveraine sagesse unie à la toute-puissance, il s'ensuit que toute forme créée exprime une pensée divine, et que les pensées de Dieu étant unies en une seule pensée, l'unité doit être la loi de toutes les. formes, et une harmonie universelle doit les unir toutes, comme les couleurs diverses sont unies dans un tableau, comme toutes les lettres, toutes les lignes et toutes les pages se rapportent l'une à l'autre et s'unissent dans un beau livre.

Or, ce que Dieu a le plus clairement ma nifesté dans la création des formes visibles,, c'est la pensée de hiérarchie. La chaîne des êtres s'agrandit et se perfectionne toujours. en montant; des transitions sont admirablement ménagées entre l'ombre et la lumière; la création à ses ébauches comme elle a ses; chefs-d'œuvre, comme si Dieu voulait nous. inviter à monter à lui en nous attirant toujours de plus en plus par l'harmonie et la beauté.

Ce que Dieu a fait dans le monde, il le. fait aussi dans les âmes, et les pensées del'homme peuvent être comparées aux autres. ouvrages de Dieu : elles se meuvent suivant une loi de hiérarchie progressive, et sont attirées sympathiquement à ce qui est bien par le spectacle de ce qui est beau, comme elles sont détournées du mal par la répul

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