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chesses de l'ancien monde, et son chant sur la ruine de Tyr a été répété plusieurs siècles après comme par un écho prophétique, lorsque saint Jean, dans l'ile de Pathmos, pleurait la chute de la grande Babylone.

Dieu paye les exécuteurs de ses hautes œuvres : il donne l'Egypte à Nabuchodonosor pour prix de la ruine de Tyr; Pharaon et Assur sont comme deux cèdres superbes que l'ouragan des justices célestes va briser l'un contre l'autre; Assur renversera Pharaon, mais la scie et la hache sont déjà dans les racines d'Assur. A la chute de Pharaon, la terre tremble et tous les arbres ont tressailli, mais l'arbre gigantesque est tombé, son front traîne dans la poussière avec les dépouilles des morts, et une voix dit: Voilà ce Pharaon avec toute sa multitude! Ezechiel adresse ensuite à la monarchie égyptienne des adieux funèbres semblables à la complainte de Tyr.

« Tu as été le lion des nations et le grand dragon de la mer; Dieu t'a pris dans ses filets, et les nations t'ont traîné sur le sable; ton sang noircit de sa vapeur les étoiles du ciel, les astres sont en deuil de ta gloire, mais Dieu consolera l'ombre de Pharaon en lui envoyant bientôt ses vainqueurs pour lui tenir compagnie dans la tombe. »

Ezéchiel, après avoir prédit tant de désastres, justifie sa mission redoutable et se compare à la sentinelle dont le devoir est de jeter le cri d'alarme; puis il éclate en invectives contre les mauvais pasteurs qui oublient leur devoir sacré et n'avertissent pas leur troupeau des dangers qui le menacent.

Mes pasteurs, dit Dieu, ne s'occupaient pas de mon troupeau; ils se repaissaient eux-mêmes au lieu de paître mes brebis. C'est pourquoi, pasteurs, écoutez la parole du Seigneur : Je reprendrai moi-même mon troupeau des mains des pasteurs, afin qu'ils ne se repaissent plus de la chair de mes brebis et j'arracherai mes agneaux de leur bouche. Je sauverai mon troupeau, afin qu'il ne soit plus un objet de rapine, et je le réunirai tout entier sous la houlette d'un seul pasteur.

« Bonne espérance donc au troupeau! Montagnes de Seïr, plaines de l'Idumée, malheur à vous ! mais vous, montagnes d'lsraël, consolez-vous, car le salut doit vous visiter encore! Les cités désertes vont se repeupler, les troupeaux d'hommes se multiplieront, et ils sauront que je suis le Seigneur, dit le Dieu d'Israël. »

Après cette promesse vont venir les paroles d'espérance et de salut qui forment la seconde partie du livre d'Ezéchiel. Cette seconde partie a pour introduction la vision célèbre des ossements desséchés qui reviennent à la vie tableau plein d'une poésie qui fait frémir, et que la plupart de nos poëtes religieux se sont efforcés de traduire. Lamartine l'a imité en l'abrégeant:

L'Eternel emporta mon esprit au désert.
D'ossements desséchés le sol était couvert,

J'approche en frissonnant; mais Jéhova me crie:
Si je parle à ces os reprendront-ils la vie?
-Eternel, tu le sais.-Eh bien! dit le Seigneur,
Parle à ces ossements, prophétise, et dis-leur ·
Ossements desséchés, insensible poussière,
Levez-vous! revoyez la vie et la lumière!

Et ce champ de la mort tout entier se leva,
Redevint un grand peuple et connut Jéhova.

Cette campagne couverte d'ossements, c'est Israël pour qui toute espérance semble morte et que Dieu veut rendre à la vie. Puis viendront les derniers combats contre les armées de Gog et de Magog, les rois de l'hiver et de la nuit. Ces armées terribles, au sentiment de tous les commentateurs, représentent les derniers efforts que doit tenter la force brutale pour anéantir dans le monde le règne de l'intelligence et de l'amour. Ainsi, après la captivité, qui est l'image de la mort, une résurrection; après la résurrection, la grande et suprême bataille, tel est, selon Ezéchiel, le programme de la fin des temps. Gog et Magog sont vaincus et encombrent la terre de leurs morts; les enfants du peuple de Dieu sont occupés pendant sept mois à rechercher et à ensevelir les cadavres; puis on commence à rebâtir la cité sainte et l'on élève un nouveau temple plus magnifique que celui de Salomon. Les neuf derniers chapitres d'Ezéchiel sont consacrés à la description de ce temple, dont il indique minutieusement et longuement les proportions et les mesures, mesures et proportions qui ne peuvent se rapporter au second temple, et qui doivent s'appliquer à un troisième édifice plus vaste et plus splendide que les deux autres. C'est d'après cette prophétie que plusieurs commentateurs ont imaginé la réédification future du temple de Jérusalem à la fin des temps; mais, d'u'r autre côté, Jésus-Christ a prédit qu'on ne le rebâtirait jamais. Il faut donc que la prophétie d'Ezéchiel ait un ses allégorique et se rapporte à l'Eglise en ce cas, toutes les figures et tous les nombres auraient un sens mystérieux, qu'il faudrait chercher pour trouver dans cette partie de la prophétie d'Ezéchiel un plan complet de l'édifice divin qui est l'Eglise et la société universelle; mais cette explication n'appartient pas à notre sujet.

La prophétie d'Ezéchiel', dont Voltaire s'est amusé d'une manière si peu digne, est peut-être ce qu'il y a de plus fort et de plus énergique dans la poésie des livres saints. Lefranc de Pompignan en a traduit les principaux passages, et ces traductions, qui'laissent beaucoup à désirer, n'en sont pas moins les productions les plus vigoureuses de ce magistrat distingué. Nous ne les citerons pas, parce qu'on les trouve partout, mais nous placerons ici une étude inédite sur la vision des roues d'Ezéchiel, qui a été lue dans un de nos salons littéraires les mieux composés, et a obtenu l'assentiment des poëtes les plus distingués de notre littérature moderne.

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pensée; ce sont des crânes vides et desséchés! En vain le soleil de Dieu se lève sur eux; ils ne savent plus s'il y a un Dieu, parce qu'ils ne sentent plus la chaleur de son soleil. Les intérêts rivaux leur ont mangé le cœur, l'égoïsme a décharné leur poitrine, et leurs entrailles se sont corrompues, parce que les affections humaines ne les faisaient plus tressaillir. Ceux qu'ils avaient pris pour chefs les ont conduits dans le champ de la mort et chacun d'eux s'est empressé d'y choisir une place, parce qu'un lourd sommeil les courbait déjà vers la terre; et quand ils ont dormi du sommeil de la tombe, les pasteurs de ce troupeau de cadavres se sont applaudis en disant : Nous avons donné la paix au monde !

Viens maintenant, toi que l'esprit d'avenir tourmente; fais le tour de ce royaume de la mort, et vois si tous ces squelettes ne sont pas immobiles et froids! Chacun d'eux a creusé dans la poussière une petite fosse pour servir de lit à son crâne; et au fond de cette fosse il a enfoui quelques pièces d'or sur lesquelles rampent les vers qui le rongent. Soulève dans tes mains toutes ces têtes l'une après l'autre, et parle-leur d'avenir, de patrie, de gloire, de dévouement, de liberté, de Dieu!.. Puis abandonne-les à elles-mêmes; elles retomberont lourdes et froides sur leur chevet de corruption et de métal impur.

Que vas-tu faire dans l'exil de ta pensée et de ton cœur? N'es-tu pas effrayé du bruit de ta voix sans échos? Vas-tu t'asseoir, morne et découragé, au milieu de cette plaine de cendre, et laisseras-tu tomber ta tête sur tes mains et se figer les larmes de sang de tes yeux, comme celles des statues qui semblent pleurer sur les morts! Aspireras-tu, pour cesser de souffrir, à devenir froid comme les figures de marbre qui sont accroupies sur les tombeaux !

Non non! tu ne le dois pas; tu ne le peux pas! l'esprit de Dieu te le défend! Lève-toi et marche, car bientôt la terre va trembler! N'entends-tu pas fermenter quelque chose dans ses entrailles? Ne sens-tu pas, dans l'air lourd et chargé d'orages, je ne sais quoi se mouvoir et s'avancer? Parle toujours au nom de Dieu et de la justice! car si tu gardes le silence, le tonnerre parlera.

La terre est étouffée dans le suaire de cette société morte qui l'emprisonne; ses entrailles commencent à sentir les douleurs de l'enfantement, elle est en travail d'un nouveau monde! Sous les cendres glacées qui la couvrent, sous les ossements inertes de ceux qu'on appelle les vivants, s'agitent les cendres brûlantes encore de ceux qui sont morts pour revivre dans l'avenir !

Quoi! des pécheurs contents de leurs chaînes, dorment dans leur ivresse sur le tombeau des saints martyrs, et ils ne rêvent pas que le tombeau s'ouvre; et ils n'ont pas peur que la terre ne s'agite! Quoi! des impies, le front chargé de couronnes et les vêtements brodés d'or, sommeillent sur le

tombeau des hommes de Galilée, et ils ne sentent pas se soulever déjà, pour les repousser, les reliques encore vivantes des pauvres qui ont jugé le monde !

Ceux qui, semblables à la chenille, ont filé des tombeaux pour y faire languir l'Eglise en captivité, se tiennent pour assurés de leur captive, et ils dorment sur cette terre prophétique que travaille depuis près de deux mille ans le génie de saint Paul! Le peuple dort, fatigué de ses efforts inutiles pour s'affranchir; il dort, parce que la faim à affaibli son cerveau et appesanti sa tête. Les oppresseurs du peuple dorment aussi, parce qu'ils sont ivres de sang et de lar

mes..

Mais un spectre terrible soulève lentement la terre, et regarde si l'heure est venue. Ses bras décharnés sortent l'un après l'autre de sa tombe; d'une main il tient une torche fumante que son souffle s'apprête à rallumer, et de l'autre un marteau sanglant. Malheur ! malheur à ceux qui ne se sont pas levés à l'appel des anges de paix lorsqu'ils ont passé en chantant la fraternité et l'amour!

Prophète de l'Apocalypse, toi que Jésus avait nommé le fils du tonnerre, toi qui as tant pleuré le Dieu que tu as vu mourir; toi qui as pris les ailes d'un aigle pour aller le chercher au ciel, et la voix d'une trompette de guerre pour annoncer son second avénement au monde, n'as-tu pas vu le Crucifié sortir de son sépulcre et revenir vers nous? Etait-il encore doux comme une femme et soumis comme un enfant? Etait-ce toujours l'agneau paisible qui tend la gorge au couteau des sacrificateurs.- La première fois que le Christ est venu au monde, il est venu pour semer, répond le prophète : maintenant il va venir pour moissonner; et c'est pourquoi il viendra armé d'une faux! Sa parole est un glaive à deux tranchants qui sort de sa bouche, et qui va et vient parmi les institutions flétries du vieux monde, comme parmi des branches sèches et des épis morts. Il est monté sur un coursier terrible que rien n'arrête; il est vêtu d'une robe triomphale tachée du sang de ses ennemis; il est paré des diadèmes qu'il a repris aux rois : et l'exterminateur vole devant lui en invitant tous les vautours du ciel à un immense festin ! Il a jeté la faux dans la moisson, et les épis tombent il a envoyé la serpe dans la vendange, et le sang coule! Car Babylone doit disparaître pour faire place à la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel sur la terre, belle comme une fiancée qui vient au-devant de l'époux!

Dormez votre sommeil, générations épuisées; dormez, immondices humaines, grap pes pressurées qui n'avez plus ni jus ni sève, épis arides qui brûlerez comme de la paille sèche quand le monde passera par le feu! Dormez, riches! bétail paresseux que sa graisse énerve; dormez, pauvres, dormez, brebis maigres et tondues jusqu'à la peau, qui n'avez plus la force de marcher ni de bêler!

Je vois au Nord Attila qui se lève, le fouct

à la main; je vois flamboyer les yeux rouges de ses chiens, et j'entends leurs aboiements; la grande chasse va recommencer, et les trompes infernales vont retentir bientôt du Nord au Midi.

Réveillez-vous! réveillez-vous, vous tous

FABLE, APOLOGUE. (Voy. PARABOLE.) FABLE POÉTIQUE ou FICTION. (Voy. FicTION.)

FAUST (JEAN). Comme inventeur de l'imprimerie et comme ayant publié et répandu en Europe les premières éditions de la Bible, Jean Faust mérite d'être mentionné dans le Dictionnnaire de littérature religieuse. Son nom appartient d'ailleurs à la poésie des légendaires, et a été popularisé par le drame allégorique de Goëthe.

A l'époque où nous vivons, il est permis encore de douter si l'invention de l'imprimerie fut pour l'humanité un bienfait ou un fléau toujours est-il que par le moyen de cet art, l'arbre de la science du bien et du mal secoua ses feuilles sur le monde, et a déjà fait goûter aux nations ses fruits les plus amers. C'est donc avec une grande raison que la tradition populaire des légendes, toujours si vraie dans ses symboles et si poétique dans ses allégories, a supposé qu'en la personne de Faust l'orgueil humain avait fait alliance avec l'esprit superbe qui nie Dieu.

Dans la légende de Faust écrite par Widmann, que nous donnerons à la suite de cet article, il n'est pas parlé de l'imprimerie, mais on en décrit les effets dans les conditions du pacte que fait Faust avec Méphistophélès: ainsi le démon s'engage à prendre toutes les formes et à obéir au docteur, même les formes du génie, même celles de la beauté; il s'engage à venir quand on l'appellera, à aller où on l'enverra; or n'est-ce pas tout ce que peut faire l'esprit du mal au inoyen de l'imprimerie? Au moyen de cette alliance, l'esprit de l'homme peut évoquer les morts de leur tombe, et vivre dans la société des anciens, comme nous voyons dans la légende que Faust évoqua le fantôme de la belle Hélène et vécut avec elle dans les liens d'un fantastique et criminel amour. Cette explication jette une lumière nouvelle sur la légende de Faust, qu'on ne relira pas ici sans intérêt, et qu'on peut regarder comme une des plus belles fictions du génie populaire qui préside aux allégories merveilleuses et aux fantastiques légendes.

Légende de Faust par Widmann, traduite en français, au XVI siècle, par Palma Cayet.

L'origine de Faust et ses études.

Le docteur Faust fut fils d'un paysan natif de Veinmar sur le Rhod, qui a eu une grande parenté à Wittenberg, comme il y a

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qui avez peur! ne vous endormez pas, vous qui broutez dans les parcs de la servitude! Hélas! vous avez cru que l'esclavage c'était le repos et que l'avilissement c'était la paix; mais il n'y a pas plus de repos pour les esclaves qu'il n'y a de paix pour les lâches!

eu de ses ancêtres gens de bien et bons chrétiens; même son oncle qui demeura à Wittenberg et en fut bourgeois fort puissant en biens, qui éleva le docteur Faust, et le tint comme son fils; car, parce qu'il était sans héritiers, il prit ce Faust pour son fils et héritier, et le fit aller à l'école pour étud er en la théologie. Mais il fut débauché d'avec les gens de bien, et abusa de la parole de Dieu. Pourtant, nous avons vu telle parenté et alliance de fort gens de bien et opulents comme tels avoir été du tout estimés et qualifiés prud'hommes, s'être laissés sans mémoire et ne s'être fat mêler parmi les histoires, comme n'ayant vu ni vécu en leurs races de tels enfants impies d'abomination. Toutefois, il est certain que les parents du docteur Faust (comme il a été su d'un chacun à Wittenberg) se réjouirent de tout leur cœur de ce que leur oncle l'avait pris comme son fils, et comme de là en avant ils ressentirent en lui son esprit excellent et sa mémoire, il s'ensuivit sans doute que ses parents eurent un grand soin de lui, comme Job, au chap. 1, avait soin de ses enfants, à ce qu'ils ne fissent point d'offense contre Dieu. 1 advient aussi souvent que parents qui sont impies ont des enfants perdus et mal conseillés, comme il s'est vu de Cham, Gen. Iv; de Rub, Gen. XLIX; d'Absalon, II, Reg. xv, 18. Ce que je récite ici, d'autant que cela est notoire, quand les parents abandonnent leur devoir et sollicitude, par le moyen de quoi ils seraient excusables. Tels ne sont que des masques, tout ainsi que des flétrissures à leurs enfants; singulièrement comme il est advenu au docteur Faust d'avoir été mené par ses parents. Pour mettre ici chaque article, il est à savoir qu'ils l'ont laissé faire en sa jeunesse à sa fantaisie, et ne l'ont point tenu assidu à étudier, qui a été envers lui par sesdits parents encore plus petitement. Item, quand ses parents eurent vu sa maligne tête et inclination, et qu'il ne prenait pas plaisir à la théologie, et que de là il fut encore approuvé manifestement, même il y eut clameur et propos commun, qu'il allait après les enchantements, ils le devaient admonester à temps, et le tirer de là, comme ce n'était que songes et folies, et ne devaient pas amoindrir ces fautes-là, afin qu'il n'en demeurât coupable.

Mais venons au propos. Comme donc le docteur Faust eut parachevé tout le cours de ses études, en tous les chefs plus subtils de sciences, pour être qualifié et approuvé,

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il passa outre de là en avant, pour être examiné par les recteurs, afin qu'il fût examiné pour être maître, et autour de lui il y eut seize maîtres, par qui il fut ouï et enquis, et avec dextérité il emporta le prix de la dispute.

Et ainsi, pour ce qu'il fut trouvé avoir suffisamment, étudié sa partie, il fut fait docteur en théologie. Puis après, il eut encore en lui sa tête folle et orgueilleuse, comme on appelle des curieux spéculateurs, et s'abandonna aux mauvaises compagnies, mettant la Sainte-Ecriture sous le banc, et mena une vie d'homme débauché et impie, comme cette histoire donne suffisamment à entendre ci-après.

Or, c'est au dire commun et très-véritable Qui est au plaisir du diable, il ne le laisse reposer ni se défendre. Il entendit que dans Cracovie, au royaume de Pologne, il y avait eu ci-devant une grande école de magie, fort renommée, où se trouvaient telles gens qui s'amusaient aux paroles chaldéennes, persanes, arabiques et grecques, aux figures, caractères, conjurations et enchantements, et semblables termes, que l'on peut nommer d'exorcismes et sorcelleries, et les autres pièces ainsi dénommées par exprès les arts dardaniens, les nigromances, les charmes, les sorcelleries, la divination, l'incantation, et tels livres, paroles et termes que l'on pourrait dire. Cela fut très-agréable à Faust, et y spécula et étudia jour et nuit; en sorte qu'il ne voulut plus être appelé théologien. Ainsi fut homme mondain, et s'appela docteur de médecine, fut astrologue et mathématicien. Et en un instant il devint droguiste; il guérit premièrement plusieurs peuples avec des drogues, avec des herbes, des racines, des eaux, des potions, des receptes et des clystères. Et puis après, sans raison, il se mit à être beau diseur, comme étant bien versé dans l'Ecriture divine. Mais, comme dit bien la règle de notre Seigneur Jésus-Christ: Celui qui sait la volonté de son maître, et ne la fait pas; celui-là sera battu au double.

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Le docteur Faust avait un jeune serviteur qu'il avait élevé quand il étudiait à Wittenberg, qui vit toutes les illusions de son maitre Faust, toutes ses magies et son art diabolique. Il était un mauvais garçon, coureur et débauché, du commencement qu'il vint demeurer à Wittenberg: il mendiait, et personne ne voulait le prendre à cause de sa mauvaise nature. Ce garçon se nommait Christofle Wagner, et fut dès lors serviteur du docteur Faust: il se tint très-bien avec lui, en sorte que le docteur Faust F'appelait son fils. I allait où il voulait, quoiqu'il allat boitant et de travers.

Le docteur Faust conjure le diable pour la première fois.

Faust vint en une forêt épaisse et obscure, comme on se peut figurer, qui est située près de Wittenberg, et s'appelle la forêt de Mangealle, qui était autrefois très-bien connue de lui-même. En cette forêt, vers le soir, en une croisée de quatre chemins, il fit avec un bâton un cercle rond, et deux autres qui entraient dedans le grand cercle. I conjura ainsi le diable en la nuit, entre neuf et dix heures; et lors manifestement le diable se relâcha sur le point, et se fit voir au docteur Faust en arrière, et lui proposa: Or sus, je veux sonder ton cœur et ta pensée, que tu me l'exposes comme un singe attaché à son billot, et que non-seulement ton corps soit à moi, mais aussi ton âme, et tu me seras obéissant, et je t'envoierai où je voudrai pour faire mon message; et ainsi le diable amiella étrangement Faust,

et l'attira à son abusion.

Lors le docteur Faust conjura le diable, à quoi il s'efforça tellement, qu'il fit un tumulte qui était comme s'il eût voulu renverser tout de fond en comble; car il faisait plier les arbres jusques en terre; et puis le diable faisait comme si toute la forêt eût été remplie de diables, qui apparaissaient au milieu et autour du cercle à l'environ comme un grand charriage menant bruit, qui allaient et venaient çà et là, tout au travers par les quatre coins, redonnant dans le cercle comme des élans et foudres, comme des coups de gros canon, dont il semblait que l'enfer fût entr'ouvert, et encore y avait-il toutes sortes d'instruments de musique amiables, qui s'entendaient chanter fort doucement, et encore quelques danses; et y parurent aussi des tournois avec lances et épées, tellement que le temps durait fort long à Faust, et il pensa de s'enfuir hors du cercle. Il prit enfin une résolution unique et abandonnée, et y demeura, et se tint ferme à sa première condition (Dieu permettant ainsi, à ce qu'il pût poursuivre), et se mit comme auparavant à conjurer le diable de nouveau, afin qu'il se fit voir à lui devant ses yeux, de la façon qui s'ensuit. Il s'apparut à lui, à l'entour du cercle, un griffon, et puis un dragon puant le soufre et soufflant, en sorte que, quand Faust faisait les incantations, cette bête grinçait étrangement les dents, et tomba soudain de la longueur de trois ou quatre aunes, qui se mit comme un peloton de feu, tellement que le docteur Faust eut une horrible frayeur. Nonobstant il embrassa sa résolution, et pensa encore plus hautement de faire que le diable lui fût assujéti. Comme quand Faust se vantait, en compagnie un jour, que la plus haute tête qui fût sur la terre lui serait assujétie et obéissante, et ses compagnons étudiants lui répondaient qu'ils ne savaient point de plus haute tête que le pape, ou l'empereur, ou le roi. Lors répondait Faust: La tête qui m'est assujétie est encore plus haute, comme elle est écrite en l'Epitre de saint Paul aux Ephésiens: « C'est le prince de ce monde sur la terre et dessous

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