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vaient aussi prendre forme et barbe d'homme quand ils voulaient. Le docteur Faust dit là-dessus : C'est assez, puisque les sept sont ici, et pria les autres de prendre leur congé, ce qui fut fait.

trois aunes de longueur démesurée, et avait au col trois serpents volants. Ainsi vinrent au docteur Faust les esprits l'un après l'autre dans son poêle; car ils n'y eussent pu être tous à la fois. Or Bélial les montra au docteur Faust l'un après l'autre comme ils Lors le docteur Faust leur demanda qu'ils étaient et comment ils s'appelaient. Ils vin- se fissent voir en essai pour voir ce qu'il en rent devant lui, les sept esprits principaux, arriverait, et alors ils se changèrent l'un à savoir le premier, Lucifer, le maître gou- après l'autre, comme ils avaient fait auparaverneur du docteur Faust, lequel se děc it vant, en toutes sortes de bêtes, aussi en ainsi c'était un grand homme, et était che- gros oiseaux, en serpents et en bêtes de ravelu et picoté, de la couleur comme des pine à quatre et à deux pieds. Cela plut bien glands de chênes rouges, qui avaient une au docteur Faust, et leur dit : Si lui aussi grande queue après eux. Après venait Bel- le pourrait davantage? Ils dirent oui, et lui zébub, qui avait les cheveux peints de cou- jetèrent un petit livre de sorcellerie, et qu'il leur, velu par tout le corps; il avait une tête fit aussi son essai, ce qu'il fit de fait. Toutede bœuf avec deux oreilles effroyables, aussi fois le docteur Faust ne put pas faire datout marqueté de hampes, et chevelu, avec vantage. Et devant qu'eux aussi voulussent deux gros floquets si rudes comme les cha- prendre congé, il leur demanda qui avait fait rains du foulon qui sont dans les champs, les insectes? Ils dirent: Après la faute des demi-vert et jaune, qui flottaient sur les flo- hommes ont été créés les insectes, afin que quets d'en bas, qui étaient comme d'un four ce fût pour la punition et honte des homtout de feu; il avait une queue de dragon. mes, et nous autres ne pouvons tant, que de Astaroth, celui-ci, vint en la forme d'un ser- faire venir force insectes, comme d'autres pent, et allait sur la queue tout droit; il n'a- bêtes; lors tout incontinent apparurent, au vait point de pieds; sa queue avait des cou- docteur Faust, dans son poêle ou étuve, leurs comme de briques changeantes; son toutes sortes de tels insectes, comme fourventre était fort gros; il avait deux petits mis, lézards, mouches bovines, grillons, saupieds fort courts, tout jaunes, et le ventre terelles et autres. Alors toute la maison se un peu blanc et jaunâtre, le cou tout de châtrouva pleine de cette vermine. Toutefois, il tain-roux, et une pointe en façon de piques était fort en colère contre tout cela, transet traits, comme le hérisson, qui avançaient porté et hors de son sens; car entre autres de la longueur des doigts. Après vint Satan, de tels reptiles et insectes, il y en avait qui tout blanc et gris, et marqueté; il avait la le piquaient comme fourmis le mordaient, tête d'un âne et avait la queue comme d'un les bergails le piquaient, les mouches lui chat, et les cornes des pieds longues d'une couraient sur le visage, les puces le moraune. Suivit aussi Annabry: il avait la tête daient, les taons ou bourdons lui volaient d'un chien noir et blanc, et des mouchetures autour. Tant qu'il en était tout étonné, les blanches sur le noir, et sur le blanc des noipoux le tourmentaient en la tête et au cou, res; seulement il avait les pieds et les oreilles araignées lui filaient de haut en bas, les les pendantes comme un chien, qui étaient chenilles le rongeaient, les guêpes l'attalongues de quatre aunes. quaient. Enfin il fut tout partout blessé de toute cette vermine, tellement qu'on pourrait bien dire qu'il n'était encore qu'un jeune diable, de ne se pouvoir pas défendre de ces bestions. Au reste, le docteur Faust ne pouvait pas demeurer dans lesdits étuves ou poêles; mais d'abord qu'il fut sorti du poêle, il n'eut plus aucune plaie, et n'y eut plus de tels fantômes autour de lui, et tous disparurent, s'étant dévorés l'un l'autre vivement, et avec promptitude.

Après tous ceux-ci, venait Dythican, qui était d'une aune de long; mais il avait seulement le corps d'un oiseau, qui est la perdrix; il avait seulement tout le cou vert et moucheté ou ombragé.

Le dernier fut Drac, avec quatre pieds fort courts, jaune et vert, le corps par-dessus flambant brun, comme du feu bleu, et sa queue rougeâtre. Ces sept, avec Bélial, qui sont ses conseillers d'entretien, étaient ainsi habillés des couleurs et façons qui ont été récitées.

D'autres aussi lui apparurent, avec semblables figures, comme des bêtes inconnues, comme des pourceaux, daims, cerfs, ours, loups, singes, lièvres, buffles, chevaux, boucs, verrats, ânes et autres semblables. En telles couleurs et formes, ils se présentèrent à lui selon que chacun sortait dudit poêle, l'un après l'autre. Le docteur Faust s'étonna fort d'eux, et demanda aux sept qui s'étaient arrêtés, pourquoi ils étaient apparus en autres? Ils répondirent et dírent qu'autrement ils ne pourraient plus rentrer en enfer, et pourtant qu'ils étaient les bêtes et les serpents infernaux ; quoiqu'ils fussent fort effroyables et hideux, toutefois, ils pou

Moqueriesde Méphistophélès, et gémissements du docteur
Faust.

Comme le docteur Faust se tourmentait tellement qu'il ne pouvait plus parler, son esprit Méphistophéles vint à lui, et lui dit : D'autant que tu as su la sainte Ecriture, et qu'elle t'enseigne de n'aimer et adorer qu'un seul Dieu, le servir seul, et non pas un autre, ni à gauche, ni à droite, et que c'était ton devoir d'être soumis et obéissant à lui; mais comme vous n'avez pas fait cela, ainsi au contraire, vous l'avez abandonné, et renié, vous avez perdu sa grâce et miséricorde; et vous vous êtes ainsi abandonné en corps et en âme à la puissance du diable; c'est pourquoi il faut que vous accomplis

siez votre promesse; et entends bien mes
rhythmes:

As-tu eté, ainsi quoi?
Tout bien te sera sans émoi.

étaient terminés, quand en la dernière semaine l'Esprit lui apparut. Il le somma sur son écrit et promesse, qu'il lui mit devant les yeux, et lui dit que le diable, la seconde nuit d'après, lui emporterait sa personne, et qu'il en fût averti.

As-tu cela, tiens-le bien, Le malheur vient en un rien. Partant, tais-toi, souffre et accorde, Le docteur Faust, tout effrayé, se laNul ton malheur plaint ni recorde. menta et pleura toute la nuit. Mais son esC'est ta honte, et de Dieu l'offense. prit lui ayant apparu, lui dit: Mon ami, ne Ton mal court toujours sans dépense. sois point de si petit courage: si tu perds Partant, mon Faust, il n'est pas bon de ton corps, il n'y a pas loin d'ici jusqu'à ce manger avec de grands seigneurs et avec qu'on te fasse jugement. Néanmoins tu mourle diable, des cerises, car il vous en jette les ras à la fin, quand même tu vivrais cent ans: noyaux au visage, comme tu vois mainte- Les Turcs, les Juifs, et les empereurs qui ne nant; c'est pourquoi il te faut tenir loin de sont pas chrétiens, mourront aussi, et pourlà. Tu eusses été assez loin de lui, mais ta ront être en pareille damnation. Ne sais-tu superbe impétuosité l'a frappé ; tu as un art pas bien encore qu'il t'est ordonné? Sois de que ton Dieu t'a donné, tu l'as méprisé, et bon courage, ne t'afflige pas tant, si le diane l'as pas rendu utile; mais tu as appelé le ble t'a ainsi appelé, il te veut donner une diable au logis, et vous êtes convenu avec âme et un corps de substance spirituelle, et lui pour vingt-quatre ans, jusque aujourd'hui. tu n'endureras pas comme les damnés. Il Il t'a été tout d'or, ce que l'Esprit t'a dit : lui donna de semblables consolations, fausPartant, le diable t'a mis une sonnette au ses cependant et contraires à l'Ecriture col comme à un chat. Vois-tu ? tu as été une Sainte. Le docteur Faust, qui ne savait pas très-belle créature dès ta naissance; mais comment payer autrement sa promesse qu'atout ainsi qu'un homme porte une rose en vec sa peau, alla, le jour susdit que l'Esprit sa main, elle est passée et écoulée; il n'en lui avait prédit que le diable l'enlèverait, demeure rien; tu as mangé tout ton pain, tu trouver ses plus fidèles compagnons, maîpeux bien chanter la chansonnette; tu es tres bacheliers et autres étudiants, lesquels venu jusqu'au jour du carême-prenant, tu l'avaient souvent cherché; il les pria qu'ils seras bientôt à Pâques. Tout ce que tu aplique, situé à une demi-lieue de Wittenberg, voulussent venir avec lui au village de Rompelles à ton aide ne sera pas sans occasion; une saucisse ôtie a deux bouts. Du diable il ne peut rien venir de bon; tu as eu un mauvais métier et nature, pourtant la nature ne laisse jamais la nature; ainsi un chat ne laisse jamais la souris. L'aigre principalement fait l'amertume. Pendant que la cuiller est neuve, il en faut user à la cuisine; après quand elle est vieille, le cuisinier la jette, d'autant que ce n'est plus que fer. N'est-il pas ainsi de toi? N'es-tu pas un vrai pot neuf, et une cuiller neuve pour le diable? Maintenant il ne t'est point nécessaire que le marchand t'apprenne à vendre. En après, n'as-tu pas suffisamment fait entendre, par ta préface, que Dieu t'a abandonné? De plus, mon Faust, n'as-tu pas abusé par une témérité grande, qu'en toutes tes affaires et en ton département tu t'es appelé l'ami du diable? Tu as voulu être appelé le maître Jean en tous bourgs ou villages; ainsi pourrait être un homme fou, de vouloir jouer avec les pots au lait ; quiconque veut beaucoup avoir aura fort peu. Fais maintenant cette mienne doctrine entrer dedans ton cœur ; et mon enseignement, lequel tu as possible oublié, c'est que tu n'avais pas bien connu qui est le diable, d'autant qu'il est le singe de Dieu. Aussi est-il un menteur et meurtrier, et la moquerie apporte diffame. Oh ! si vous eussiez eu Dieu devant les yeux ! mais tu t'es laissé aller. Après donc que le diable eut assez chanté ces choses à Faust, il disparut incontinent, et rendit le docteur tout mélancolique et troublé.

La damnation.

Les vingt-quatre ans du docteur Faust

pour s'y aller promener, et puis après prendre un souper avec lui, ce qu'ils lui accordèrent. Ils allèrent là ensemble, et y prenaient un déjeuner assez ample, avec beaucoup de préparatifs somptueux et superflus, tant en viandes qu'en vin que l'hôte leur présenta; et le docteur Faust se tint avec eux fort plaisamment ; mais ce n'était pas de bon cœur. Il les pria encore derechef qu'ils voulussent avoir agréable d'être avec lui, et souper avec lui au soir, et qu'ils demeurassent avec lui toute la nuit, qu'il avait à leur dire chose d'importance; ils le lui prominent et prirent encore un souper. Comme donc le vin du souper fut servi, le docteur Faust contenta l'hôte, et pria les étudiants qu'ils voulussent aller avec lui, en un autre poêle, et qu'il avait là quelque chose à leur dire. Cela fut fait, et le docteur Faust parla à eux de la sorte.

Mes amis fidèles et du tout aimés du Seigneur, la raison pourquoi je vous ai appelés est que je vous connais depuis longtemps et que vous m'avez vu traiter de beaucoup d'expériments et incantations, lesquels toutefois ne sont provenus d'ailleurs que du diable, à laquelle volupté diabolique rien ne m'a attiré que les mauvaises compagnies qui m'ont circonvenu, et tellement que je me suis obligé au diable; à savoir, au dedans de vingt-quatre ans, tant en corps qu'en ame. Maintenant ces vingt-quatre ans-là sont à leur fin jusqu'à cette nuit proprement, et voici à présent, l'heure m'est présentée devant les yeux, que je serai emporté : car le temps est achevé de sa course; et il me doit enlever cette nuit, d'autant que je lui ai

obligé mon corps et mon âme, si sûrement que c'est avec mon propre sang.

Finalement, et pour conclusion, la prière amiable que je vous fais est que vous vouliez vous mettre au lit et dormir en repos, et ne vous mettez pas en peine si vous entendez quelque bruit à la maison, ne vous levez point du lit, car il ne vous arrivera aucun mal; et je vous prie, quand vous aurez trouvé mon corps, que vous le fassiez mettre en terre ; car je meurs comme un bon chrétien, et comme un mauvais tout enseinble; comme un bon chrétien, d'autant que j'ai une vive repentance dans mon cœur, avec un grand regret et douleur ; je prie Dieu de me faire grâce, afin que mon âme puisse être délivrée. Je meurs aussi comme un mauvais chrétien, d'autant que je veux bien que le diable ait mon corps, que je lui laisse volontiers, et que seulement il me laisse avec mon âme en paix. Sur ceta, je vous prie que vous vouliez vous mettre au lit, et je vous désire et souhaite la bonne nuit; mais à moi, elle sera pénible, mauvaise et épouvantable.

Le docteur Faust fit cette déclaration avec une affection cordiale, avec laquelle il ne se montrait point autrement être affligé, ni étonné, ni abaissé de courage. Mais les étudiants étaient bien surpris de ce qu'il avait été si dévoyé, et que pour une science trompeuse, remplie d'impostures et d'illusions, il se fût ainsi mis en danger de s'être donné au diable en corps et en âme ; cela les affligeait beaucoup, car ils l'aimaient tendrement. Ils lui dirent: Ah! monsieur Faust, où vous êtes-vous réduit, que vous ayez si longtemps tenu cela en secret, sans en rien dire, et ne nous ayez point révélé plus tôt cette triste affaire? Nous vous eussions délivré de la tyrannie du diable par le moyen des bons théologiens. Mais maintenant c'est une diffamie et une chose honteuse à votre corps et à votre âme. Le docteur Faust leur répondit: Il ne m'a été nullement loisible de ce faire, quoique j'en aie eu souvent la volonté. Comme là-dessus un voisin m'avait averti, j'eusse suivi sa doctrine, pour me retirer de telles illusions et me convertir ; mais alors que j'avais fort bien la volonté de le faire, le diable vint qui me voulut en.ever, comme il fera cette nuit, et me dit qu'aussitôt que je voudrais entreprendre de ine convertir à Dieu, il m'emporterait avec soi dans l'abîme des enfers.

Comme donc ils entendirent cela du docteur Faust, ils lui dirent: Puisque maintenant il n'y a pas moyen de vous garantir, invoquez Dieu, et le priez que, pour l'amour de son cher fils Jésus-Christ, il vous pardonne, et dites: Ah! mon Dieu ! soyez miséricordieux à moi, pauvre pécheur, et ne venez point en jugement contre moi; car je ne puis pas subsister devant vous, et combien qu'il me faille laisser mon corps au diable, veuillez néanmoins garantir mon âme s'il plaît à Dieu, il vous garantira. Il leur dit qu'il voulait bien prier Dieu, et qu'il ne voulait pas se laisser aller comme Caïn,

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lequel dit que ses péchés étaient trop énormés pour en pouvoir obtenir pardon. Il leur récita aussi comme il avait fait ordonnance par écrit de sa fosse pour son enterrement. Ces étudiants et bons seigneurs donnèrent le signe de la croix sur Faust pour se départir, pleurèrent et s'en allèrent l'un après l'autre.

Mais le docteur Faust demeura au poêle, et comme les étudiants s'allaient mettre au lit, pas un ne put dormir; car ils voulaient entendre l'issue. Mais, entre douze et une heure de nuit, il vint dans la maison un grand vent tempétueux qui l'ébranla de tous côtés, comme s'il eût voulu la faire sauter en l'air, la renverser et la détruire entièrement c'est pourquoi les étudiants pensèrent être perdus, sautèrent hors de leurs lits, et se consolaient l'un l'autre, se disant qu'ils ne sortissent point de la chambre. L'hôte s'encourut avec tous ses domestiques en une autre maison. Les étudiants qui reposaient auprès du poêle, où était le docteur Faust, y entendirent des sifflements horribles et des hurlements épouvantables, comme si la maison eût été toute pleine de serpents, couleuvres, et autres bêtes vilaines et sales tout cela était entré par la porte du docteur Faust dans le poêle. Il se leva pour crier à l'aide et au meurtre, mais avec bien de la peine et à demi-voix; et un moment après on ne l'entendit plus. Comme donc il fut jour, et que les étudiants, qui n'avaient point dormi toute la nuit, furent entrés dans le poêle, où était le docteur Faust, ils ne le trouvèrent plus, et ne virent rien, sinon le poêle tout plein de sang répandu le cerveau s'était attaché aux murailles, d'autant que le diable l'avait jeté de l'un à l'autre. Il y avait là aussi ses yeux et quelques dents, ce qui était un spectacle abominable et effroyable. Lors les étudiants commencèrent à se lamenter et à pleurer, et le cherchèrent d'un côté et d'autre. A la fin ils trouvèrent son corps gisant hors du poêle, ce qui était triste à voir; car le diable lui avait écrasé la tête et cassé tous les os.

Les susdits maîtres et étudiants, après que Faust fut ainsi mort, demeurèrent auprès de lui jusqu'à ce qu'on l'eût enterré au même lieu; après, ils s'en retournèrent à Wittenberg, et allèrent en la maison du docteur Faust, où ils trouvèrent son serviteur Wagner, qui se trouvait fort mal, à cause de son maître. Ils trouvèrent aussi l'histoire de Faust toute dressée et décrite par lui-même, comme il a été récité ci-devant, mais sans la fin, laquelle a été ajoutée des maîtres et étudiants. Semblablement au mème jour, Hélène enchantée avec son fils d'enchantement ne furent plus trouvés depuis, mais s'évanouirent avec lui. Il y eut aussi, puis après dans sa maison, une telle inquiétude, que personne depuis n'y a pu habiter. Faust apparut à son serviteur Wagner, encore plein de vie, en la même nuit, et lui déclara beaucoup de choses secrètes. Et même on l'a vu encore depuis paraître à

la fenêtre, qui jouait avec quiconque y fût allé.

Ainsi finit toute l'histoire de Faust, qui est pour instruire tout bon chrétien, principalement ceux qui sont d'une tête et d'un sens capricieux, superbe, fou et téméraire, à craindre Dieu et à fuir tous les enchantements et tous les charmes du diable, comme Dieu a commandé bien expressément, et non pas d'appeler le diable chez eux et lui donner consentement, comme Faust a fait; car ceci nous est un exemple effroyable. Et tachons continuellement d'avoir en horreur telles choses et d'aimer Dieu surtout; élevons nos yeux vers lui, adorons-le et chérissons-le de tout notre cœur, de toute notre âme et de toutes nos forces et à l'opposite, renonçons au diable et à tout ce qui en dépend; et qu'ainsi nous soyons finalement bienheureux avec Notre-Seigneur. Amen. Je souhaite cela à un chacun du profond de mon cœur. Ainsi soit-il.

Soyez vigilants, et prenez garde; car votre adversaire le diable va autour de vous, comme un lion bruyant, et cherche qui il dévorera auquel résistez, fermes en là foi.

Amen.

Cette légende, comme on le voit, n'offre aucune donnée qui se rattache à l'invention de l'imprimerie dont Faust partage l'honneur avec Guttemberg et Schoeffer : nous avons choisi la plus curieuse; mais un grand nombre d'autres constatent ce détail et supposent que Faust s'était donné au diable pour réparet sa fortune, perdue dans les essais de son invention. Le plus ancien auteur qui ait parlé de ces documents, Conrad Durieux, pense que ces légendes ont été fabriquées par des moines irrités de la découverte de Johann Fust ou Faust, qui leur enlevait les utiles fonctions de copistes de manuscrits. Klinger, l'auteur allemand du livre remarquable intitulé les Aventures de Faust, et sa descente aux enfers, a admis cette version.

Cependant à Leipsik, où l'on voit encore la cave de l'Auerbach, illustrée par le souvenir de Faust et de Méphistophélès (comme on le verra dans la pièce), les peintures anciennes conservées dans les arcs des voûtes et qui viennent d'être restaurées, portent la date de 1525, et l'invention de l'imprimerie date environ de 1440; il faudrait donc admettre, ou qu'il a existé deux Faust diffé rents, ou que Faust était très-vieux lorsqu'il fit un pacte avec le diable; ce qui rentrerait du reste, dans la supposition qu'a faite Goëthe, qu'il invoque le diable pour se rajeunir.

Suivant l'opinion la plus accréditée, Faust naquit à Mayence où il commença par être erfévre. Plusieurs villes, du reste, se disputent l'honneur de lui avoir donné naissance et conservent des objets que son souvenir rend précieux; Francfort, le premier livre qu'il a imprimé; Mayence, sa première presse. On montre aussi, à Wittemberg, deux maisons qui lui ont appartenu et qu'il légua à son disciple Wagner. L'histoire du vieux DICTIONN. DE LITTÉRATURE CHRÉT.

Paris conserve aussi des souvenirs de Faust, qui vint apporter à Louis XI un exemplaire de la première Bible, et qui, accusé de magie, à cause de son invention même, parvint à se soustraire au bûcher, ce que l'on attribua, comme toujours, à l'intervention du diable.

« L'histoire de Faust, populaire tant en Angleterre qu'en Allemagne, et connue même en France depuis longtemps, comme on peut le voir par la légende, a inspiré un grand nombre d'auteurs de différentes époques. L'oeuvre la plus remarquable qui ait paru sur ce sujet, avant celle de Goëthe, est un Faust du poëte anglais Marlowe, joué en 1589, et qui n'est dépourvu ni d'intérêt ni de valeur poétique. La lutte du bien et du mal dans une haute intelligence est une des grandes idées du xvr siècle, et aussi du nôtre; seulement la forme de l'œuvre et le sens du raisonnement diffèrent, comme on peut le croire, et les deux Faust de Marlowe et de Goëthe formeraient sous ce rapport un contraste intéressant à étudier. On sent dans l'un le mouvement des idées qui signalaient la naissance de la réforme; dans l'autre, la réaction religieuse et philosophique qui l'a suivie et laissée en arrière. Chez l'auteur anglais, l'idée n'est ni indépendante de la religion, ni indépendante des nouveaux principes qui l'attaquent; le poëte est à demi enveloppé encore dans les liens de l'orthodoxie chrétienne, à demi disposé à les rompre. Goethe, au contraire, n'a plus de préjugés à vaincre, ni de progrès philosophiques à prévoir. La religion a accompli son cercle, et l'a fermé; la philosophie a acccompli de même et fermé le sien. Le doute qui en résulte pour le penseur n'est plus une lutte à soutenir, mais un choix à faire; et si quelque sympathie le décide à la fin pour la religion, on peut dire que son choix à été libre et qu'il avait clairement apprécié les deux côtés de cette superbe question.

« La négation religieuse qui s'est formulée en dernier lieu chez nous par Voltaire, et chez les Anglais par Byron, a trouvé dans Goëthe un arbitre plutôt qu'un adversaire. Suivant dans ses ouvrages les progrès ou du moins la dernière transformation de la philosophie de son pays, ce poëte a donné à tous les principes en luite une solution complète, qu'on peut ne pas accepter, mais dont il est impossible de nier la logique savante et parfaite. Ce n'est ni de l'éclectisme ni de la fusion; l'antiquité et le moyen âge se donnent la main sans se confondre, la matière et l'esprit se réconcilient et s'admirent; ce qui est déchu se re'ève; ce qui est faussé se redresse: le mauvais principe lui-même se fond dans l'universel amour. C'est le panthéisme moderne: Dieu est dans tout. »

Cette appréciation du Faust de Goëthe est de M. Gérard de Nerval. Mais ici la voix populaire aura encore raison contre un homme de science et d'esprit. En pratique le panthéisme détruit Dieu, puisqu'il confond les notions du bien et du mal et anéantit la morale or, si les notions fondamentales de la

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morale reposent sur celle de Dieu, on peut lire aussi que réciproquement l'idée de Dieu est fondée sur les notions morales, dont elle est la règle et l'abstraction vivantes. Le panthéisme spéculatif est donc l'athéisme pratique, et l'athéisme pratique doit conduire bientôt à l'athéisme spéculatif. La voix publique a donc raison lorsqu'elle accuse Goëthe d'avoir été athée: car on nie tout aussi bien Dieu en voulant ajouter qu'en voulant retrancher quelque chose à son être; dire plus de l'infini, c'est nécessairement en dire moins, et ajouter seulement un au nombre universel, c'est retrancher tout. Voilà ce que fait le panthéisme.

Mais nous n'avons pas à donner ici des preuves de notre opinion sur Goëthe, dont le drame n'appartient à la littérature religieuse que par ses emprunts à la légende et par son magnifique début, que nous avons rapporté ailleurs, et qui est imité des plus belles pages du livre de Job.

FENELON.- Fénelon, qu'on pourrait appeler le Platon du christianisme, est célèbre, surtout en littérature, par son beau roman poé tique de Télémaque, si mal à propos ridiculisé de nos jours à cause même de son excessive popularité. Mais le Telémaque n'appartient pas à la littérature spéciale dont nous avons à nous occuper. Fénelon, comme écrivain, appartient à la philosophie beaucoup plus qu'à la religion. Son Traité de l'existence de Dieu, celui de l'Education des filles, son Histoire des philosophes, ses Contes et ses Fables sont des livres purement philosophiques et littéraires; mais on peut dire qu'ils contiennent la plus saine philosophie et les modèles littéraires les plus irréprochables qu'on puisse rechercher pour l'éducation de la Jeunesse.

Fénelon avait autant d'esprit et de talent qu'il est possible d'en concevoir, et il réumissait la piété d'un ange à toutes les vertus d'un sage et à toutes les élégances d'un écrivain digne des plus beaux siècles; mais il était loin de pouvoir opposer au génie de Bossuet un génie aussi éminemment ecclésiastique et aussi vigoureusement créateur dans l'ordre des beautés qui appartiennent exclusivement à la littérature chrétienne. On trouve entre ses œuvres spirituelles et celles du grand évêque de Meaux la même différence qu'on peut remarquer entre Apollonius, par exemple, l'auteur du correct et élégant poëme des Argonautes, et le vieil Homère, qui sommeille quelquefois, mais dont le réveil est toujours si lumineux et si magnifique. Fénelon sera toujours cher aux femmes spirituelles; Bossuet est le docteur des hommes de génie; l'un est d'une inaltérable douceur et d'une grâce peut-être un peu monotone, l'autre est plus inégal, parce qu'il s'élève souvent plus haut. On reprocherait presque à Fénelon d'avoir un peu la coquetterie du talent, et à Bossuet de mal dissimuler la rudesse du génie. C'est dans leur controverse surtout que ces deux illustres rivaux se montrent dans toute la diversité de leur caractère. Fénelon a plus de patience, Bossuet

plus d'impétuosité, et les violences mêmes de ce dernier ont une apparence de franchise qui échappe peut-être à notre appréciation dans la défense toujours mesurée et toujours prudente de son rival. Fénelon est l'Athénien de la controverse, Bossuet a des brusqueries de Spartiate, et semble être dans son tort, parce qu'il sait moins se contenir. En lisant Fénelon, il est impossible de ne pas aimer l'auteur de ces pages si douces et si sages; en méditant Bossuet, on est transporté de l'enthousiasme de la vérité, et l'on aime la religion qui peut inspirer d'aussi admirables choses. Aussi Fénelon est-il également vanté par les ennemis de la religion et par ses amis, tandis que la réputation de Bossuet est plus franche et plus exclusive. Enfin, l'un semble avoir été catholique par philosophie, tandis que l'autre n'était tout ce qu'il était, et philosophe comme autre chose, que par principe de catholicisme et sous la garantie de la foi. Nous exprimons d'ailleurs ici notre sentiment sans juger entre ces deux gloires de l'Eglise, et nous ne prétendons préférer à l'autre aucun de ces deux prélats également illustres, l'un par sa soumission, l'autre par son zèle à défendre la vérité. Bossuet et Fénelon honorent également le siècle de Louis XIV, et si nous croyons devoir donner ici un avantage à Bossuet, c'est uniquement au point de vue du sujet de notre Dictionnaire, et par rapport à la différente influence de ces deux écrivains sur la littérature chrétienne.

FICTION. - Fiction, en littérature et surtout en poésie, n'est pas le synonyme de mensonge. Fiction veut dire création, du verbe latin fingere, faire. Les beaux-arts ne subsistent que par la fiction. Tous les tableaux historiques sont des fictions quant à la mise en scène du fait représenté et quant à la disposition des personnages, laissée au libre arbitre du peintre. Il en est de même bien souvent des récits de l'histoire : on sait le mot de Vertot: Mon siége est fait. L'art de la fiction consiste à donner aux choses vraies leurs apparences probables. La fiction est recommandée même par les maîtres de la vie spirituelle, qui, dans leurs méthodes d'oraison, conseillent de faire mentalement la construction du lieu et de se représenter le plus vivement possible, soit la crèche, soit le Calvaire, soit tout autre lieu sanctifié par l'accomplissement des mystères, et de se représenter la scène comme si elle se passait sous nos yeux. On comprend que, dans une représentation pareille, les accessoires ne peuvent être que des fictions plus ou moins imaginaires. Cette puissance créatrice, qui permet à l'imagination de suppléer aux formes que l'intelligence ignore, est de l'essence de la poésie, et c'est pourquoi la poćsie, qui est une sorte de divination, était regardée par les anciens comme ayant quelque chose de divin. (Voy. POÉSIE.)

Dans la poésie religieuse, l'immobilité de la foi doit toujours servir de règle à la fiction et la contenir dans de justes bornes.

On peut distinguer trois sortes de fictions:

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