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Que I hostie à la fois multiplie en tout lieu.
Disons donc que du ciel l'immense Eucharistie
Voit dans chaque soleil sa rayonnante hostie.
Le Christ universel, domptant tous les enfers,
S'immole tous les jours dans tous les univers.
L'éternel sacrifice ainsi remplit le temple
Où dans son divin Fils le Père se contemple,
Et dans chaque soleil, miroir de sa clarté,
Il incarne un rayon de sa divinité.

Les soleils sont de Dieu les vivants tabernacles
Où le conseil des saints médite ses miracles,
Et pour les présider le grand Verbe de Dieu
Dans son âme et sa chair est présent en tout lieu.
Comme on sait parmi nous qu'aux paroles du prètre,
Sur mille autels divers tout entier Dieu peut naître,
Et vient au même instant de tant d'hommes divers
Régénérer les cœurs, ces autres univers.
Eglise des soleils, communion des mondes;
Dissipez de nos cœurs les ténèbres profondes;
Beaux astres présidés au service de Dieu
Par des évêques d'or, à la mître de feu,
Priez pour nous, priez pour la terre assoupie,
Qui se meurt dans la nuit d'une ignorance impie;
Priez, pour que le Verbe en lui rendant le jour,
Réchauffe tous nos cœurs par un souffle d'amour;
Pour que l'ardent soleil s'incline enfin vers elle,
Et rajeunisse encor cette épouse infidèle:
Qu'admise à partager le froment et le vin,
Elle reprenne encore place au banquet divin;
Qu'elle comprenne enfin les douceurs fraternelles
Et de l'attraction les lois universelles,
Pour ne plus attrister de murmures pervers
Le long recueillement de l'immense univers.

Cette fiction peut être appelée hardie, parce que rien n'autorise à admettre ce qu'elle suppose. Elle n'est cependant pas téméraire, parce qu'elle ne suppose rien de contraire ni au dogme, ni aux analogies de la foi, ni à la saine raison.

Nous ne citerons pas d'exemples de la fiction téméraire, il nous aura suffi de les indiquer comme nous l'avons fait plus haut.

La fiction, en poésie, revêt des formes aussi diverses que les nuances du talent et que les ressources de l'imagination; elle généralise, elle abstrait, elle personnifie, elle symbolise; les larmes et les sanglots du monde sont pour elle les échos de la voix qui pleure; les hymnes et les cris de joie des enfants de Dieu sont les accents de la voix qui chante. La fiction nous montre dans la mort un fantôme qui passe suivi de l'espérance et de la vie pour ceux qui croient et qui aiment; elle nous montre toutes les grandeurs de la terre se couchant tour à tour pour dormir leur sommeil, comme dit Bossuet, et au-dessus de tout ce qui tombe, audessus de tout ce qui passe, elle nous fait voir celui qui est toujours debout. La fiction ici n'est que l'ouvrière de la vérité chargée de lui préparer un vêtement; puis, sous la figure de l'étoile et de la comète, elle personnifie l'intelligence et le génie, ces deux sentinelles de Dieu chargées de fonctions différentes. Ces idées, que nous jetons ici sans les développer, parce que la place nous manque, les lecteurs les trouveront répétées dans quelques esquisses qui suivent cet article. Nous sommes obligé de resserrer ici en quelques pages ce qui demanderait des voJumes, et d'expliquer mieux par des essais rapides ce qui ne pourrait être exprimé en

préceptes, que par de longues et ennuyeuses dissertations.

Fiunt oratores, nascuntur poeta. Nous écrivons ici pour être compris, surtout de ceux auxquels la Providence a départi le don douloureux et dangereux de la poésie, et nous invitons les hommes graves, aux yeux de qui la poésie n'est qu'une maladie du cerveau, de passer ces pages et les suivantes. Du reste, les quelques esquisses poétiques ajoutées ici sont plutôt ce qu'on appelle dans les classes des matières de vers que des sujets traités même en prose. Ce sont des idées, et rien de plus.

1. La voix qui pleure.

La voix qui pleure est la prière de tous les êtres qui souffrent. Heureux ceux qui pleurent comme des enfants, car les larmes des hommes sont amères et terribles!

La voix qui pleure est déchirante surtout lorsqu'elle est sans larmes; elle est infernale lorsqu'elle rit.

Oh! combien l'humanité devait souffrir lorsqu'elle exprima ses douleurs par les sarcasmes de Voltaire! combien elle était profondément désolée, lorsqu'elle souriait avec le Don Juan de Byron!

La poésie du doute est devenue la poésie des larmes. Les jeunes poëtes de nos jours ressemblent à des mendiants qui gémissent au bord du chemin en implorant un peu de pitié on se détourne pour ne pas les entendre, car chacun a bien assez de ses propres misères.

La voix qui pleure proteste pour le bien contre le inal: elle rend témoignage au progrès, elle prophétise l'avenir !

Jusqu'à ce jour le livre de Job a été l'interprète de l'humanité. Les sanglots du saint Arabe ont été répétés par les échos de tous les âges, et ses larmes ont été l'héritage de toutes les générations.

Aux plaintes de Job Dieu n'avait fait qu'une réponse: Ne désespère pas et ne m'accuse pas; puisque j'ai fait ce que tu ne pouvais pas faire, je puis savoir ce que tu ignores.

Job n'était pas le plus malheureux des hommes, puisqu'il croyait en Dieu et qu'il pouvait pleurer.

L'enfant qui pleure implore; et lorsqu'on implore on espère!

La douleur de celui qui ne croit plus en Dieu ne doit plus même avoir de voix pour se plaindre. A qui se plaindrait-il? Les hommes sont jaloux de ceux qui se plaignent; ils sont avares de leur pitié comme de leur argent, et il semble toujours qu'on veuille la leur dérober.

O Dieu! prends pitié de ceux qui se taisent et qui dévorent lentement leur cœur! abrége l'épreuve de ceux qui ont assez souffert pour ne plus espérer en toi! prends par la main les aveugles qui ne te voient plus; viens consoler ceux qui te maudissent, fais tomber sur eux une des larmes de ton Fils pour amollir la sécheresse de leur cœur!

Eclaire ceux qui blasphèment, dirige ceux qui doutent, relève ceux qui tombent.

La voix qui pleure a un écho dans le cœur de Marie, et c'est un doux symbole que ceJui de la divine Mère priant sans cesse pour nous avec des larmes ineffables et une bienheureuse tristesse.

Oh! c'est la femme qui comprend bien pourquoi l'on pleure; et elle seule aussi doit savoir consoler, parce qu'elle est mère.

O mon Dieu! viens consoler les femmes affligées, pour que les femmes nous consolent! Rends-nous meilleurs pour elles, fais que nous ne les trompions jamais, et qe nous ne les abandonnions plus. Fais-nous respecter en elles le caractère divin de la maternité qu'elles dirigent notre force au lieu d'en être les victimes! Qu'elles soient affranchies de toute contrainte, et qu'aucune violence ne soit jamais faite à leur pudeur; que l'intérêt sordide n'impose jamais silence à leur cœur, et qu'il leur soit permis de suivre la douce loi de la charité, puisque c'est la loi

de la vie!

II. La voix qui chante.

La prière de la foi persévérante est un hymne de sacrifice. Le soupir de la douleur qui espère est un chant de résignation et de désir; l'élan de la charité est un long cantique d'amour

Gloire à Dieu dans le ciel, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté!

La voix qui chante est la prière du monde; c'est l'hymne du matin qui annonce le réveil des siècles, comme la chanson des oiseaux accompagne le lever du jour!

Les martyrs chantaient au milieu des supplices; car la foi dans leur âme se sentait immortelle comme le phénix, et reprenait une jeunesse nouvelle au milieu de la flamme des bûchers.

La poésie de l'âme s'éveille harmonieuse dans les derniers soupirs du juste qui meurt, et chante, comme le cygne fabuleux, son passage à une existence nouvelle.

Tout ce qui rit dans la nature, tout ce qui rayonne dans les belles saisons, tout ce qui resplendit dans le ciel, parle et répond à la voix qui chante.

La beauté, toute revêtue de lumière et couronnée de fleurs, chante à Dieu les préludes du grand cantique de l'amour; la terre au printemps se pare comme une fiancée, et chante par la voix de ses forêts; la mer élève aussi vers Dieu le cantique sévère de ses grandes eaux; le soleil a vù tous les malheurs du monde, et son front est radieux encore; il semble écouter l'harmonie des sphères et lancer par tous ses rayons des jets d'harmonie et d'amour!

Laissez pleurer les enfants de la terre, ils ne sentent que la douleur présente, et ne rêvent pas aux biens à venir; mais vous, enfants de Dieu, poetes de la charité, de l'espérance et de la foi, vous qui verriez le monde se briser sans cesser de bénir Dieu au milieu des ruines, prophètes consolateurs, chantez! chantez toujours!

La voix qui chante endort les petits enfants qui pleurent: chantez, poëtes, chantez pour les cœurs isolés que personne ne comprend et ne console.

La voix qui chante encourage le travailleur et l'aide à supporter le poids du jour : chantez, consolateurs du peuple, chantez pour ceux qui fatiguent leurs bras sans que rien sourie à leurs cœurs.

La voix qui chante perpétue le culte de Dieu. sur la terre; chantez, petits oiseaux, car vous avez des ailes; chantez, petits enfants, car vous avez une mère; chantez, pauvres captifs et pauvres orphelins, car vous avez un Dieu qui veille sur vous et qui compte vos larmes !

Vous qui êtes heureux, chantez pour bénir le Père suprême; vous qui souffrez, chantez pour vaincre la douleur, car elle ne saurait durer toujours!

Que les fausses religions se confondent et vieillissent, que la philosophie s'égare dans les ombres du doute, que l'égoïsme s'empare de la terre comme un froid mortel, que nous importe, si dans nos cœurs nous entendons la voix qui chante !

Aimons, et la vie de notre cœur sera un chant plein de mansuétude; car l'amour est toute harmonie; et si vous me demandez quelle est la voix qui chante, je vous répondrai C'est la voix de l'amour qui croit et qui espère !

III. La mort qui passe.

Connaissez-vous la vieille souveraine du monde, qui marche toujours et ne se fatigue jamais ?

Toutes les passions déréglées, toutes les voluptés égoïstes, toutes les forces effrénées de l'humanité et toutes ses faiblesses tyranniques précèdent la propriétaire avare de notre vallée de douleurs et, la faucille à la main, ces ouvrières infatigables font une éternelle moisson.

La reine est vieille comme le temps; mais elle cache son squelette sous les déb is de la beauté des femmes qu'elle enlève à leur jeunesse et à leurs amours.

Sa tête est garnie de cheveux froids qui ne sont pas à elle. Depuis la chevelure de Bérénice, toute brillante d'étoiles, jusqu'aux cheveux blanchis avant l'âge que le bourreau coupa sur la tête de Marie-Antoinette, la spoliatrice des fronts couronnés s'est parée de la dépouille des reines.

Son corps pâle et glacé est couvert de parures flétries et de suaires en lambeaux.

Ses mains osseuses et chargées de bagues tiennent des diadèmes et des fers, des sceptres et des ossements, des pierreries et de la cendre.

Quand elle passe, les portes s'ouvrent d'elles-mêmes; elle entre à travers les murailles, elle pénètre jusqu'à l'alcôve des rois, elle vient surprendre les spoliateurs du pauvre dans leurs plus secrètes orgies, s'assied à leur table et leur verse à boire, ricane à leurs chansons avec ses dents dégarnies de gencives, et prend la place de la courti

sane impure qui se cache sous leurs rideaux. Elle aime à roder autour des voluptueux qui s'endorment; elle cherche leurs caresses comme si elle espérait se réchauffer dans leurs étreintes; mais elle glace tous ceux qu'elle touche et ne se réchauffe jamais.

Parfois cependant on la dirait prise de vertige elle ne se promène plus lentement, elle court; et si ses pieds ne sont pas assez rapides, elle presse les flancs d'un cheval pâle et le lance tout essoufflé à travers les multitudes. Avec elle galope le meurtre sur un cheval roux; l'incendie, déployant sa chevelure de fumée, vole devant elle en balançant ses ailes rouges et noires, et la famine avec la peste la suivent pas à pas sur des chevaux malades et décharnés, glanant les rares épis qu'elle oublie pour lui compléter sa moisson.

Après ce cortége funèbre viennent deux petits enfants rayonnants de sourire et de vie, l'intelligence et l'amour du siècle à venir, le double génie de l'humanité qui va naître.

Devant eux les ombres de la mort se replient, comme la nuit devant les étoiles de l'aurore; ils effleurent la terre d'un pied léger, et y sément à pleines mains l'espérance d'une autre année. Mais la mort ne viendra plus, impitoyable et terrible, faucher comme de l'herbe sèche les épis mûrs du siècle à venir; elle cédera sa place à l'ange du progrès, qui détachera doucement les âmes de leur chaîne mortelle pour les laisser monter vers Dieu.

Quand les hommes sauront vivre, ils ne mourront plus : ils se transformeront comme la chrysalide, qui devient un papillon brillant.

Les terreurs de la mort sont filles de notre ignorance, et la mort elle-même n'est si affreuse que par les débris dont elle se couvre et les couleurs horribles que lui prêtent nos vices et nos frayeurs.

L'homme passe par deux naissances successives; et quand la science harmonieuse l'aura initié aux secrets de l'immortalité, il ne croira plus à la mort.

Qu'elle achève donc son voyage, la vieille souveraine du monde, et qu'elle se hâte d'arriver au lieu de son repos : car Dieu a marqué l'heure de la fin de son règne, et bientôt elle se couchera sur un lit d'ossements et de cendres, inclinera sur sa poitrine sa tête appesantie, et ne la relèvera plus.

IV. Celui qui est debout.

Tous ses ennemis sont tombés; tous ceux qui le condamnaient sont morts; ceux qui le persécutaient sont couchés pour toujours, et lui il est toujours debout.

Les hommes d'envie se sont coalisés contre lui; ils se sont accordés sur un seul point les hommes de division se sont unis pour le détruire; ils se sont faits rois, et ils l'ont proscrit; ils se sont faits hypocrites, et ils l'ont accusé; ils se sont faits juges, et ils lui ont lu sa sentence de mort; ils se sont faits bourreaux, et ils l'ont exécuté. Ils lu

ont fait boire la ciguë, ils l'ont crucifié, ils l'ont lapidé, ils l'ont brûlé et ont jeté ses cendres au vent. Puis ils ont rugi d'épouvante... Il était debout devant eux, les accusant par ses blessures et les foudroyant par l'éclat de ses cicatrices.

On croit l'égorger au berceau à Bethleem: il est vivant en Egypte ! On le traîne sur la montagne pour le précipiter; la foule de ses assassins l'entoure et triomphe déjà de sa perte certaine... Un cri se fait entendre... N'est-ce pas lui qui vient de se briser sur les roches du précipice?... Ils pâlissent et ils se regardent... Mais lui, calme et souriant de pitié, il passe au milieu d'eux et s'en va.

Voici une autre montagne qu'ils viennent de teindre de son sang; voici une croix et un sépulcre;... des soldats gardent son tombeau... Insensés! le tombeau est vide! et celui qu'ils croyaient mort chemine paisiblement entre deux voyageurs sur la route

d'Emmaüs.

Où est-il? où va-t-il? Avertissez les maitres de la terre, dites aux Césars que leur puissance est menacée! Par qui? Par un pauvre qui n'a pas une pierre où reposer sa tête, par un homme du peuple condamné à la mort des esclaves. Quelle insulte ou quelle folie! N'importe, les Césars vont déployer toute leur puissance de sanglants édits proscrivent le fugitif; partout des échafauds s'élèvent; des cirques s'ouvrent tout garnis de lions et de gladiateurs; des bûchers s'al-. lument; des torrents de sang ont coulé, et les Césars, qui se croient victorieux, osent ajouter un nom à ceux dont ils rehaussent leurs trophées... Puis ils meurent, et leur apothéose déshonore les dieux qu'ils ont cru défendre. La haine du monde confond dans un même mépris Jupiter et Néron : les temples dont l'adulation a fait des tombeaux sont renversés sur des cendres proscrites, et sur les débris des idoles, sur les ruines de l'empire, Lui seul, celui que proscrivaient les Césars, celui que poursuivaient tant de satellites, celui que torturaient tant de bourreaux, Lui seul est debout; Lui seul règne; Lui seul triomphe!

Cependant, du milieu même de ses disciples, la hideuse hérésie lève la tête: JésusChrist, dans son Église et déchiré par les faux frères, et le scnisme, semblable à un oiseau de proie, voudrait dévorer sa chair toujours renaissante. Au lieu de l'imiter dans son sacrifice et de donner leur sang pour leurs frères dans la foi, ils l'enchainent sur le Calvaire comme sur un nouveau Caucase, et se font les vautours de ce divin Prométhée. Mais que lui importe leur mauvais rêve? Ils n'ont enchaîné que son image; pour lui, il est toujours debout, et il marche d'exil en exil et de conquête en conquête.

C'est qu'on peut enchaîner un homme, mais on ne retient pas captif le Verbe de Dieu. La parole est libre, et rien ne peut la comprimer. Cette parole vivante est la condamnation des méchants, et c'est pourquoi ils voudraient la faire mourir. Mais ce sont

eux enfin qui meurent, et la parole de vérité reste pour juger leur mémoire !

Depuis Abel jusqu'à Zacharic, les justes ont souffert persécution pour la justice; le saint diacre Etienne a été lapidé, et en mourant que voyait-il ? Je vois le ciel ouvert, et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu! La rosée de son sang a fécondé la terre et l'a fait produire une moisson de chrétiens. La faux des persécuteurs s'est promenée dans la moisson, mais les dieux aveugles et sourds pour qui l'on moissonnait n'ont pas joui de leur récolte : ils sont tombés eux-mêmes avant la dernière gerbe de martyrs; ils sont tombés avec l'empire des Césars, mais l'esprit de Jésus et des martyrs restera toujours vivant au milieu des persécuteurs morts à leur tour: il reste debout au milieu des institutions qui tombent et des empires qui se renversent!

C'est cet esprit divin, l'esprit du Fils unique de Dieu, que saint Jean représente dans son Apocalypse, debout au milieu des chanson Apocalypse, debout au milieu des chandeliers d'or, parce qu'il est le centre de toutes les lumières; tenant sept étoiles dans sa main, comme la semence de tout un ciel nouveau, et faisant descendre sa parole sur la terre sous la figure d'une épée à deux tranchants. Quand les sages découragés s'endorment dans la nuit du doute, l'esprit du Christ est debout, et il veille.

Quand les peuples, las du travail qui délivre, se couchent sur leurs fers, l'esprit du Christ est debout, et il proteste.

Quand les sectateurs aveugles des cultes idolâtriques et stériles se prosternent dans la poussière des vieux temples, et rampent servilement dans une crainte superstitieuse, l'esprit du Christ reste debout, et il prie.

Quand les forts s'affaiblissent, quand les vertus se corrompent, quand tout se p'ie et s'amoindrit pour chercher une vile pâture, l'esprit du Christ reste debout en regardant le ciel, et il attend l'heure de son Père

V. La malédiction du glaive.

Une légende orientale attribuée à Mahomet dit qu'à la fin des siècles, lorsque Dieu sera las des crimes des hommes et de l'infidélité des anges, il appellera le génie exterminateur, et lui dira: Prends ton épée, et fais le tour du ciel, de la terre et des enfers, en tuant tout ce qui existe!

L'auge obéira, puis il reviendra devant Dieu; mais Dieu détournera sa face et dira: Puisque tu as exterminé toutes mes créatures, va-t'en et meurs!

Alors le génie consterné s'en ira aux limites de la lumière, entre la nuit du chaos et l'auréole de Dieu; et là il s'enveloppera dans ses fortes ailes et s'étouffera lui-même en poussant un sanglot formidable.

Cette allégorie est profonde et d'un génie vraiment chrétien. Dieu laisse ainsi la violence travailler au renouvellement du monde; mais il l'a condamnée au suicide, et il sait bien qu'elle se détruira d'elle-même.

Le Sauveur, qui a dit : J'apporte le glaive sur la terre, n'a-t-il pas maudit les œuvres

du glaive, lorsqu'il a dit: Celui qui frappe de l'épée périra par l'épée !

Le glaive qu'apportait le Christ était celui de la parole évangélique, et ses premiers apôtres ont bien compris ce mot dans un sens spirituel, puisque saint Jean représente le Verbe avec une épée qui lui sort de la bouche. Mais l'épée matérielle et brutale, Jésus l'a maudite: car il n'est pas venu prêcher la vengeance et le meurtre, mais la miséricorde et la paix.

Mau it soit donc le glaive qui tue ceux que Jésus voulait sauver! Symbole et instrument de division, aiguillon de la mort, sois maudit au nom de l'unité universelle! sois maudit au nom de la paix ! sois maudit au

nom de l'amour! Sois maudit dans la main de l'homme violent qui croit être autorisé à se faire justice par le meurtre! Sois maudit dans la main des frères qui combattent les uns contre les autres pour les limites de la terre, qu'ils devraient cultiver ensemble ! Sois maudit dans la main de ceux qui se vengent de la société par l'assassinat, et qui rendent le mal pour le mal! Sois maudit par le preraient vivre, et par les gémissements des mier sourire des petits enfants qui espémères qui pleurent dans Rama et ne veulent pas être consolées! Sois maudit par le dernier soupir des vieillards qui n'ont plus de fils pour leur fermer les yeux! Sois maudit bientôt moissonner encore! par le monde entier, que tu vas peut-être

Oh! si des cris pouvaient t'arrêter! si des larmes pouvaient te dévorer de rouille! si des prières pouvaient émousser ta dent toujours sanglante et toujours alfamée!

Si les hommes comprenaient qu'ils sont frères, et que la détresse d'un seul est le malheur de tous; s'ils voulaient pratiquer ensemble la sainte charité évangélique et secourir les misères des pauvres avec une tendresse semblable à celle de l'Homme-Dieu; s'ils voulaient s'asseoir fraternellement ensemble autour de la table de Dieu; s'ils ne repoussaient pas toutes les idées chrétiennes avec le gron-dement inquiet de l'animal vorace qui craint, lorsqu'on lui parle, qu'on ne veuille lui ravir sa proie!... c'est alors que s'accomplirait cette parole du prophète : On forgera des coutres de charrues avec les épées et les lances, et l'on n'entendra plus dans le peuple la voix des clameurs ni la voix des larmes. Ceux qui batiront les maisons les habiteront, et ceux qui travailleront à la vigne mangeront de ses fruits. Ils ne travailleront plus en vain et ils ne trembleront plus en mettant des enfants au monde. Le loup et l'agneau iront ensemble au pâturage; le lion et le bœuf partageront la même nourriture, et il n'y aura plus.sur toute la terre du Seigneur aucun étre qui lue ou qui fasse du mal.

O juges de la terre, la société vous investit d'un pouvoir terrible: vous pouvez perdre ou sauver sur la terre, et vos arrêts sont exécutés. Mais vous qui donnez la mort, savez-vous ce que c'est que la vie? Et ne ressemblez-vous pas à ces morts dont parle

l'Evangile, et auxquels le Sauveur veut qu'on laisse le soin d'ensevelir les morts!

VI. La comète et l'étoile.

L'étoile fixe est belle, radieuse et calme; elle boit les célestes arômes et regarde ses sœurs avec amour. Revêtue de sa robe splendide, et le front paré de diamants, elle sourit en chantant son cantique du matin et du soir. Elle jouit d'un repos éternel que rien ne saurait troubler, et elle marche solennellement, qui

partager sur ma route aux jeunes mondes, qui n'ont pas encore assez de chaleur, et aux astres vieillissants, qui ont froid dans leur solitude. Si je me fatigue dans mes longs voyages, si je suis d'une beauté moins douce que la tienne, si ma parure est moins virginale, je n'en suis pas moins, comme toi, une noble fille du ciel. Laissez-moi le secret de ma destinée terrible, laissez-moi l'épouvante qui m'environne, maudissez-moi si vous ne pouvez me comprendre je n'en

gné, parmi les sentinelles de lui est assi- accomplirai pas moins l'œuvre qui m'est im

la lumière.

La comète errante, cependant, toute sanglante et tout échevelée, accourt des profondeurs du ciel; elle se précipite à travers les sphères paisibles, comme un char de guerre entre les rangs d'une procession de vestales; elle ose affronter le glaive brûlant des gardiens du soleil, et, comme une épouse éperdue qui cherche l'époux rêvé par ses nuits veuves, elle pénètre jusque dans le tabernacle du roi des jours, puis elle s'échappe exhalant les feux qui la dévorent et traînant après elle un long incendie. Les étoiles pâlissent à son approche; les troupeaux constellés, qui paissent des fleurs de lumière dans les vastes campagnes du ciel, semblent fuir son souffle terrible. Le grand conseil des astres est assemblé, et la consternation est universelle; la plus belle des étoiles fixes est chargée enfin de parler au nom de tout le ciel et de proposer la paix à la courrière vagaboude.

Ma sœur, lui dit-elle, pourquoi troubles-tu l'harmonie de nos sphères? Quel mal t'avons nous fait? Et pourquoi, au lieu d'errer au hasard, ne te fixes-tu pas comme nous à ton rang dans la cour du soleil ? Pourquoi ne viens-tu pas chanter avec nous l'hymne du soir, parée comme nous d'une robe blanche qui se rattache sur la poitrine par une agrafe de diamant? Pourquoi laisses-tu flotter à travers les vapeurs de la nuit ta chevelure qui ruisselle d'une sueur de feu? Oh! si tu prenais une place parmi les filles du ciel, combien tu paraîtrais plus belle! Ton visage ne serait plus enflammé par la fatigue de tes courses inouïes; tes yeux seraient purs, et ton visage souriant serait blanc et vermeil comme celui de tes heureuses sœurs. Tous les astres te connaîtraient, et, loin de craindre ton passage, ils se réjouiraient à ton approche; car tu serais unie à nous par les liens indestructibles de l'harmonie universelle, et ton existence paisible ne serait qu'une voix de plus dans le cantique de l'amour infini.

Et la comète répond à l'étoile fixe :

Ne crois pas, o ma sœur! que je puisse errer à l'aventure et troubler l'harmonie des sphères: Dieu m'a tracé mon chemin comme à toi; et si ma course te paraît incertaine et vagabonde, c'est que tes rayons ne sauraient s'étendre assez loin pour embrasser le contour de l'ellipse qui m'a été donnée pour carrière. Ma chevelure enflammée est le fanal de Dieu; je suis la messagère des soleils, et je me retrempe dans leurs feux pour les

posée, et je continuerai ma course sous l'impulsion du souffle de Dieu! Heureuses les étoiles qui se reposent et qui brillent comme de jeunes reines dans la société paisible des univers! Moi, je suis la proscrite qui voyage toujours et qui a l'infini pour patrie. On m'accuse d'incendier les planètes que je réchauffe, et d'effrayer les astres que j'éclaire, on me reproche de troubler l'harmonie des univers, parce que je ne tourne pas autour de leurs centres particuliers, et que je les rattache les uns aux autres en fixant mes regards vers le centre unique de tous les soleils. Sois donc rassurée, belle étoile fixe, je ne veux pas t'appauvrir de ta lumière paisible je m'épuiserai, au contraire, pour toi de ma vie et de ma chaleur. Je puis disparaître du ciel quand je me serai consumée mon sort aura été assez beau! Sachez que dans le temple de Dieu brûlent des feux différents, qui tous lui rendent gloire. Vous êtes la lumière des chandeliers d'or, et moi la flamme du sacrifice accomplissons nos destinées.

En achevant ces paroles, la comète secoue sa chevelure, se couvre de son bouclier ardent et se plonge dans les espaces intinis, où elle semble disparaître pour toujours.

Outre les fictions hardies et téméraires, on peut signaler aussi les fictions singulières, bizarres, extravagantes et monstrueuses: on en trouve de ces derniers genres dans les poëmes sur l'enfer, comme ceux de Milton et de Dante, et elles se rachètent chez ces grands hommes par de véritables beautés. Mais il serait dangereux de les imiter dans leurs. écarts. Ce qu'il y a d'admirable dans Milton, ce n'est pas l'horrible accouplement du Péché avec la Mort, et toute la génération incestueuse qui s'ensuit, ni ce bizarre pandémonium où les démons vont siéger sous des proportions lilliputiennes. Ce qu'il faut remarquer dans la belle épopée du Dante, ce ne sont pas les combats de Graffiacane et de Farfarello, ni l'étrange trompette dont sonnent les démons lorsqu'ils se rangent en bataille, de même qu'en admirant les belles proportions d'une cathédrale du moyen âge il ne faut pas s'arrêter aux quelques figures hybrides qui tirent la langue ou font des contorsions grotesques, autour des clefs de voûte ou sous les arceaux du portail.

FIGURES. On appelle figures certains modes d'expression quí, sans altérer le se s propre des mots, donnent au discours plus de grâce, de variété, de force ou d'éclat.

Ainsi, dans les figures, les termes conser

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