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moins de la piété et des recherches utiles dans le livre d'Amalarius; il est surtout précieux pour la démonstration de certains faits liturgiques d'une grande importance. On y voit que les prières de la messe et des heures étaient les mêmes, du temps d'Amalarius, que celles qui sont marquées dans le Sacramentaire et l'Antiphonier de saint Grégoire, les mêmes que nous disons encore. On y trouve surtout la preuve irrécusable de l'antiquité et de l'immuable majesté des cérémonies de l'Eglise romaine; il étudie et analyse en détail toutes les messes, en commençant à la Septuagésime; il en a même conservé et cité les Introit, les Epitres et les Evangiles, qui sont restés les mêmes depuis plus de onze cents ans; il note avec soin les particularités et les exceptions relatives à certains jours de l'année, et cite les époques auxquelles ces exceptions ont cominencé. De son temps on faisait encore un repas en commun dans les églises en mémoire de la dernière cène, coutume dont il est resté quelque chose dans la cérémonie du lavement des pieds, qui se pratique encore dans presque toutes les églises. Combien cette perpétuité du culte et cette unité de coutumes, dans la célébration de l'office divin, maintenues à travers les âges et malgré tous les changements des lois humaines, cette immutabilité de ce qui est divin au milieu du flux et du reflux des choses humaines, devraient donner à réfléchir à ceux qui pensent qu'on peut facilement supprimer et rétablir des religions comme on change les dynasties et comme on modifie la carte des empires! Quelle légèreté aussi et quelle témérité dans la critique de ces enfants élevés à l'école de Voltaire, et qui viennent hausser les épaules devant la sagesse des vieillards, en critiquant les grandes choses qu'ils ne se donnent pas la peine de comprendre! Tout cela est passé, disent-ils, et ils passent euxmêmes; et cette Eglise dont ils se riaient vient prier près de leur lit de mort, comme elle priait au Ix siècle, du temps d'Amalarius, comme elle priait du temps des apotres, comme elle priera encore après que plusieurs générations d'ignorants ou d'insensés auront passé sans se rapprocher d'elle; puis quand les peuples, fatigués du silence et du désespoir qui se sont emparés de leur berceau et de leur tombe, chercheront de nouveau un culte et des autels, ils creuseront bien longtemps avant de trouver où poser la première pierre de leur nouveau temple d'une manière durable et solide; le vent soufflera, l'inondation passera, et leurs misérables édifices d'un jour seront entraînés : ils reviendront alors s'abriter dans l'antique maison de leur mère, et la retrouveront toujours jeune, toujours sans taches et sans rides comme aux jours de son adolescence, toujours les bras ouverts pour pardonner, les mains étendues pour bénir. Alors la science s'étonnera des richesses qu'elle avait perdues, la philosophie admirerà la simplicité de ces dogmes qui attirent vers le ciel la vraie sagesse humaine, et la forcent à s'é

lever et à grandir sans jamais se laisser atteindre. Amalarius, Alcuin, hommes vénérables que le dernier siècle eût peut-être traités de barbares, vous qui apparaissez dans l'histoire des lettres comme les représentants du véritable progrès à côté du grand Charlemagne, ce fondateur guerrier du second empire chrétien, comme les représentants, disons-nous, du progrès véritable, parce que vous constatez que l'Eglise fait avancer les nations vers la lumière, mais qu'elle n'avance pas elle-même, parce qu'elle les attend toujours, nous vous saluons, vous qui avez cru, qui avez espéré et qui avez prié comme nous. Après les tempêtes de la réforme, après le vent aride du xvin' siècle, après le tremblement de terre des révolutions, l'arbre de vos croyances est toujours debout, et se couvre encore du même feuillage, et donne dans toutes les saisons de l'année les mêmes fruits après les mêmes fleurs; l'homme le plus puissant par le génie et par les armes qu'aient produit les temps modernes ne trouva rien de plus beau à faire, dans un monde avide de nouveautés et de merveilles, que de recueillir les reliques de Charlemagne, et d'essayer à ses propres mains son globe impérial et son épée, et ce qu'il regretta le plus peut-être, ce fut de ne point avoir à ses côtés des hommes comme vous, des croyants soumis et laborieux, de sages et prudents défenseurs de tout ce qui est immuable.

Ces pensées nous sont suggérées par la lecture des livres d'Amalarius sur la liturgie, et nous ne pouvons nous empêcher d'admirer cette foi dont l'expression est peut-être peu attrayante relativement aux habitudes littéraires de nos jours, mais dont la base est la même que celle de toutes les grandeurs scientifiques et littéraires de l'Eglise.

Bossuet et Fénelon ont célébré les saints mystères que commente Amalarius, et avec la seule différence du génie personnel. Ils se sont unis, dans la méditation des mêmes symboles, au génie de ces âges écoulés, qui communiaient eux-mêmes avec le génie toujours vivant de la primitive Eglise : unité d'esprit, unité de signes, unité d'aspirations et de désirs, communion du passé avec l'avenir, qui se confondent en quelque sorte devant l'éternité. Voilà l'esprit de l'Eglise et le caractère indélébile de ses institutions et de son culte, et c'est ainsi qu'elle établit l'égal té entre les vertus de tous les temps et la fraternité entre les ages.

AMBROISE (saint), l'Athanase de l'Eglise latine, et le plus grand évêque du BasEmpire, peut être considéré comme le père de la littérature chrétienne en Occident. Pour le prouver, c'est assez de dire qu'il fut le maître et le père spirituel de saint Augustin. Jamais personne n'exprima mieux que le saint archevêque de Milan toute la vérité de ce précepte de saint Paul, que tout ce qui est vrai, que tout ce qui est bon, que tout ce qui est aimable, que tout ce

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qui est honorable soit le sujet de vos pensées.

Tout le monde connaît assez, pour que nous ne le rappelions pas ici, ce conflit de grandeur d'âme et d'héroïsme chrétien qui représentera éternellement au souvenir du monde saint Ambroise arrêtant à la porte de l'église Théodose souillé du meurtre des habitants de Thessalonique, et Théodose, empereur vraiment digne d'un tel évêque, effaçant son crime par la magnanimité de sa soumission et la majesté de son repentir: sujet dramatique qui eût effrayé l'âme et la verve de notre vieux Corneille. Comment en effet rendre une pareille scène en assez beaux vers? Comment faire bien comprendre aux hommes de notre temps cette toutepuissance morale de la vertu qui humilia Théodose aux pieds d'Ambroise, parce que Théodose se connaissait en grandes choses et ne voulut pas se laisser vaincre en générosité par un évêque? Il n'y a que de pareils hommes pour bien apprécier de pa

reils actes.

Rien n'égalait la douceur de l'éloquence de saint Ambroise lorsqu'il parlait, si ce n'est peut-être son énerg e lorsqu'il fallait agir: c'était en un mot le type du véritable évêque. Homme de parole et d'action, de propagande et de résistance, il ressemblait à ces architectes de l'Ecriture qui tenaient le compas d'une main et de l'autre l'épée pour bâtir à la fois et pour défendre le saint temple. Dieu avait mis en lui un attrait invincible et une énergie inexpugnable. Aucun de ceux qui aimaient le bien ne pouvait se défendre de l'aimer: ceux qui voulaient le mal tremblaient et se cachaient devant lui.

Nous aurons plus d'une fois occasion dans le cours de cet ouvrage de citer l'autorité de saint Ambroise. Ses jugements sur l'Ecriture sainte en général et sur les Psaumes en particulier sont de ces choses classiques en littérature sacrée qu'il faut absolument savoir par cœur. Il résuma et fit passer dans ses ouvrages tout ce que les Pères de l'Eglise grecque avaient écrit de plus éloquent et de plus fort, en sorte que l'étude des seuls écrits de ce saint docteur pourrait suppléer en quelque manière à un cours complet de patrologie.

Il expose de la manière la plus lumineuse en même temps et la plus solide le sens figuré de tous les mystères de l'Ancien Testament dans ses livres sur Caïn et Abel, sur Isaac, sur Jacob, sur Joseph, sur Job et David. Ses ouvrages sur la Virginité, sur les Sacrements et sur les Mystères, contiennent tout ce qu'on peut en penser de plus élevé, tout ce qu'on peut en dire de plus beau. Dans son livre des offices il pose les principes de la vraie philosophie chrétienne en des termes qui eussent étonné l'antiquité. Nous ne pouvons pas nous refuser au plaisir d'en traduire ici quelques chapitres, le titre seul du 12 chapitre du 1" livre nous révèle le saint archevêque tout entier :

« La force d'âme ne consiste pas seulement à vaincre, mais plus encore à souffrir.

« Pour comprendre que la force se montre non-seulement dans le succès mais aussi dans l'adversité, regardons mourir Judas Machabée: ayant vaincu Nicanor, général de Démétrius, il osa avec neuf cents hommes de guerre attaquer vingt mille hommes de l'arinée du roi. Ses soldats, se voyant près d'être accablés par le nombre, voulaient làcher pied, mais lui, leur montrant la gloire dans la mort et la honte dans la fuite: ne laissons pas, leur dit-il, l'infamie à notre mémoire. On soutint donc la bataille depuis le premier lever du jour jusqu'au soir. Judas se portant sur l'aile droite des ennemis où il voyait combattre les soldats les plus braves la rompit du premier choc, mais en poursuivant les fuyards il se laissa frapper par derrière et trouva ainsi une mort plus glorieuse que ses triomphes.

« Que dirai-je encore de son frère Jonathas qui, avec une poignée de soldats combattant les armées royales, abandonné des siens et laissé seul avec deux hommes, rétablit le combat, arrête l'ennemi et rappelle ses déserteurs au partage de sa victoire? Telle est la vertu guerrière, qui n'est médiocre ni en honneur ni en beauté, puisqu'elle préfère la mort à la servitude et à la honte. Mais comment parlerai-je des souffrances des martyrs? el pour ne pas aller plus loin, les enfants mêmes des Machabées n'ont-ils pas triomphé d'Antiochus aussi noblement que leurs pères, eux sans armes, leurs pères armés! elle a résisté cette cohorte mvincible de sept enfants environnée de toutes les forces d'un royaume, les supplices ont manqué, les tourmenteurs se sont lassés, les martyrs n'ont pas faibli : l'un d'eux, la tête dépouillée, n'était plus reconnaissable qu'à sa vertu toujours grandissante; l'autre, à qui l'on demande så langue pour la couper, s'écrie: Les oppresseurs auront beau parler seuls: Dieu entendait le silence de Moïse, et son oreille est plus attentive aux secrètes pensées des siens qu'aux clameurs de la multitude! tu as peur de ma langue et tu n'as pas peur de mon sang : le sang a pourtant une voix qui crie comme a crié celui d'Abel ! Que dirai-je de cette mère qui, joyeuse, comptait les trophées de ses fils avec leurs supplices; tout entière aux cantiques de leurs voix expirantes, elle écoutait chanter cette poésie de ses entrailles dont la pieuse harmonie était plus douce à ses oreilles que celle de la lyre.... »

Des martyrs de la Bible, saint Ambroise passe aux martyrs du christianisme et après avoir parlé de sainte Agnès :

<< N'oublions pas, ajoute-t-il, de mentionner saint Laurent qui, voyant Sixte son évêque conduit au martyre, se prit à pleurer non de le voir mourir, mais de vivre encore. «Où allez-vous sans votre fils, mou père, s'écriait-il; saint prêtre, où allez-vous sans votre diacre? vous n'offriez jamais le sacrifice sans votre assistant: qu'ai-je en moi

qui vous ait déplu, ô père! m'avez-vous trouvé dégénéré? éprouvez donc si vous avez choisi un digne ministre. Celui à qui vous avez confié la consécration du sang du Sauveur, celui que vous avez associé à la consommation des sacrements, vous ne l'associeriez pas à l'effusion de votre sang? Accusera-t-on votre justice lorsqu'on vantera votre courage? L'humiliation du disciple fait tort à son maître; les grands hommes ne sont-ils pas fiers des triomphes de leurs élèves? Abraham a offert son fils en sacrifice, Pierre a envoyé avant lui Etienne au martyre, et vous aussi, mon père, montrez votre vertu dans votre fils, offrez à Dieu celui que vous avez instruit à le servir, afin que, noblement accompagné de votre ouvrage, vous soyez prêt tout entier pour la couronne. Alors Sixte : Ce n'est pas, ô mon fils, que je te laisse ni que je t'abandonne, mais de plus grands combats te sont réservés; pour nous, pauvres vieillards, il suffit d'un léger combat, toi, jeune homme, tu dois triompher du tyran avec plus d'éclat et de gloire. Tu viendras bientôt, cesse de pleurer tu me suivras dans trois jours. Cette courte distance est convenable entre le prêtre et le lévite. Tu ne dois pas vaincre sous les yeux d'un maître comme s'il te fallait un appui; pourquoi veux-tu une part dans mes douleurs ? je t'en laisse l'héritage tout entier. Qu'as-tu besoin de ma présence? Ce sont les faibles disciples qu'il faut faire marcher devant, les autres suivent leur maître et n'ont pas plus besoin de lui pour vaincre que pour apprendre ainsi Elie a laissé après lui Elisée; je te confie l'héritage de notre vertu. »>

:

Quelle scène que celle-là, mais aussi quel écrivain! quelle intelligence des grandes choses! quelle parenté de belles âmes ! Pour citer toutes les choses admirables de saint Ambroise, il faudrait le transcrire tout entier; prenons toutefois encore un chapitre au hasard.

Du beau et de l'honnête (liv. 1, ch. 45.)

« Soyons fidèles au respect de nous-mêmes et à cette modestie qui ennoblit la beauté de toute la vie. Ce n'est pas une chose peu importante que de garder en toutes choses les formes convenables et de tout distribuer dans l'ordre. C'est en cela que se manifeste d'abord à l'esprit l'alliance du beau et de l'honnête; alliance si étroite, qu'on ne saurait les séparer, ce qui est convenable étant beau, et ce qui est beau étant convenable, au point que la distinction des deux idées est dans les mots plutôt que dans la réalité. On peut y comprendre une différence qu'on ne saurait expliquer, et s'il faut nous etforcer d'établir une distinction, l'honnêteté est comparable à la santé du corps, la beauté morale ressemble à l'éclat et à la grâce du visage, éclat qui semble plus beau que la santé et qui est celui de la santé même. Le beau n'est donc que l'apparence et comme la figure de l'honnête, et c'est de cette manière seulement qu'il peut en être distingué il a plus d'éclat, mais DICTIONN. DE LITTÉRATURE chrét.

c'est une fleur dont l'honnête est la racine; sans lui elle tombe, par lui elle fleurit. Qu'est-ce que l'honnêteté, sinon la crainte de la honte plus forte que celle de la mort ; et qu'est-ce que l'infamie, sinon le poison qui la dessèche et qui la tue? Tant que la tige de la vertu est verte, tant que sa racine est vivante, la beauté morale brille et s'épanouit comme une fleur; mais si la racine de nos désirs est viciée, rien ne germe plus sur sa tige. Ceci est marqué dans nos livres saints avec plus de force encore. David a dit : Le Seigneur règne, il s'est revêtu de beauté ; et l'Apôtre Marchez dans l'honnêteté comme dans la lumière du jour, en grec voxμós, c'est-à-dire en vêtements honorables, en bonne apparence.

« Quand Dieu créa le premier homme, il le doua de beauté et mit de l'harmonie dans l'arrangement de ses membres : cette beauté sans doute ne l'exempta point de la peine du péché; mais après l'avoir renouvelé en esprit et l'avoir rempli de sa grâce, celui qui avait pris la forme de l'esclave et qui quait venu sous l'exterieur de l'homme, qui a conquis la beauté nouvelle de la rédemption. Et c'est pourquoi dit le Prophète : Le Seigneur règne et il s'est revêtu de beauté. Ailleurs il dit: L'hymne vous convient en Sion, 6 mon Dieu, comme s'il disait, Il est couvenable, il est honnête de vous craindre, de vous aimer, de vous prier et de vous honorer. Aussi est-il écrit: Faites avec honnêteté tout ce que vous faites. Nous pouvons, il est vrai, craindre un homme, l'aimer, le prier, l'honorer; mais l'hymne ne se doit qu'à Dieu parce que la poésie est un sacrifice de beauté. C'est ainsi qu'il convient aux femmes de se parer pour la prière, mais leur parure doit

consister surtout dans leur voile et dans la chasteté de leurs vœux et dans l'intégrité de leur vie. >>

Que devient devant de semblables pages toute la sagesse de Socrate et cette merveilleuse éloquence qui avait mérité à Platon le titre de divin? Pourquoi fait-on encore des livres de philosophie et de morale? Est-ce que de pareils préceptes sont dépassés ? Estce que le monde a quelque chose de mieux à entendre qu'une pareille sagesse? On raconte que Diderot fut surpris un jour lisant saint Ambroise et fondant en larmes, et comme on le saluait du nom de philosophe : Philosophe! s'écria-t-il brusquement dans un accès d'enthousiasme et de franchise, philosophe!.. mais est-ce que toute la philosophie du monde n'est pas contenue dans ces livres-là: et il frappait de la main sur l'in-folio qu'il venait de refermer.

AMOS. « Je ne suis ni prophète, ni fils de prophète, dit Amos à Amasias, je suis un gardeur de troupeaux et j'ébranche les sycomores. Et le Seigneur m'a pris comme je suivais mon troupeau, et le Seigneur m'a dit: Va, et prophétise à mon peuple d'Israël. <«< Et maintenant, ô roi! écoute la parole du Seigneur tu m'as dit: tu ne prophétiseras point sur Israël et tu ne feras point pleu4

voir tes malédictions sur la maison de l'idole !...

« C'est pourquoi voici ce que dit le Seigneur, ta femme forniquera dans la ville, tes filles et tes fils tomberont sous le glaive et ton sol sera mesuré au cordeau, et toi tu mourras sur une terre profanée, et Israël esclave s'exilera de sa patrie! »

A cette audace on reconnaît cet esprit de Dieu qui choisit les petits et les derniers du peuple pour les opposer aux grands et aux superbes. Amos n'est pas un écrivain, son langage est inculte comme ses habitudes, c'est un homme du peuple, c'est un berger, mais c'est aux bergers, que doit se révéler d'abord le Sauveur du peuple, et l'esprit prophétique s'est emparé d'Amos tellement à son insu qu'il déclare n'être ni prophète ni fils de prophète, comme s'il prenait l'inspiration divine pour un sujet d'héritage. C'est surtout contre les riches que le prophète Amos fait tonner ses menaces. Alors la puissance de l'inspiration élève son langage, et l'indignation lui donne une véritable éloquence il semble qu'on entend déjà l'apôtre saint Jacques commenter avec une hardiesse toute divine les malédictions du divin maître contre les heureux de la terre. Amos est le précurseur des apôtres, comme il semble être un des ancêtres des heureux bergers de Bethlébem.

Le chapitre sixième de la prophétie d'Amos est d'une grande beauté :

<< Malheur à vous qui êtes opulents dans Sion et qui vous confiez dans la montagne de Samarie, grands du royaume, têtes des multitudes, qui entrez pompeusement dans la maison d'Israël!

« Voyez si l'insolence des ennemis du Seigneur vit plus au large que la vôtre ! Vous êtes mis à part et réservés pour le mauvais jour, et vous vous approchez du trône de l'iniquité. Vous dormez sur des lits d'ivoire et les joies impures se glissent avec vous dans votre couche : vous mangez l'agneau choisi du troupeau et le veau le plus gras de tout le bétail. Vous chantez à la voix du psaltérion!... Comme David ne pensent-ils pas avoir les vases sacrés du cantique! Ils boivent le vin à pleines coupes, ils sont luisants des parfums les plus recherchés. Et ils ne participent en rien aux souffrances et au brisement de cœur de leur frère Joseph! >>

Quelle protestation du peuple souffrant et opprimé contre ces mangeurs qui s'enivrent de la misère de leurs frères et qui osent profaner la lyre, comme si la poésie n'était pas un des vases sacrés où doivent fumer des parfums sur l'autel de Dieu. L'expression dont se sert ici le prophète est des plus remarquables, surtout par rapport au sujet de cet ouvrage; c'est en effet un anathème jeté sur la poésie profane et une révélation des gloires et des austérités de la vraie poésie selon Dieu; il faut être saint comme David pour toucher dignement à ce que le prophète Amos appelle ici les vases du cantique, vasa cantici. Et de quel droit les pécheurs vou

draient-ils moduler des chants? La poésie, c'est l'harmonie, et leur vie n'est que désordre; l'harmonie, c'est l'amour pur, et leur élément favori c'est la concupiscence qui produit la haine! Silence donc à l'enfer qui veut parodier le ciel, silence aux chants désordonnés de l'orgie ! La poésie est sainte ou elle n'est pas, et les vases d'or du tabernacle de Dieu ne doivent point servir à désaltérer les passions animales des pécheurs !

Voilà le sentiment qui s'exprime plus énergiquement que nous ne le pouvons dire dans cette brusque interruption et dans cet a parte du prophète Amos qui s'écrie avec une ironie amère: Ils s'imaginent avoir comme David les vases du cantique! Et de quoi s'agit-il, cependant? Sont-ce des lévites indignes quí profanent les hymnes du Seigneur ? Non, ce sont des riches qui chantent en buvant et en se faisant accompagner sur le psaltérion comme les prophètes. Ici, l'esprit de Dieu lance une moquerie divine, et laisse tomber un dédain surnaturel sur ces profanateurs de la tyre, pour nous faire comprendre que les formes de la parole sont comme des vases qui contiennent le Verbe et que les vases les plus précieux, comme les formes les plus harmonieuses, doivent être consacrés au culte de la Divinité.

Après les reproches du prophète viennent les menaces, et dans ces menaces on trouve un tableau plein d'une morne épouvante et d'une horreur qui glace les os : on voit d'avance la ville dévastée s'effrayant de sa solitude; la mort viendra s'asseoir entre les rares habitants qui seront laissés dans les maisons désertes: celui qui tombera sera emporté et consumé sans bruit et sans pompe; on demandera à celui qui aura fait disparaître le cadavre : Est-il encore là, et il répondra: Tout est fini. - Silence! lui dira-t-on, n'éveille pas les souvenirs et ne prononce pas le nom du Seigneur !

Cet endroit d'Amos nous semble le plus beau de toute sa prophétie qui contient neuf chapitres et que nous n'essayerons pas d'analyser, parce que ce travail appartiendrait au dictionnaire d'Ecriture sainte.

Le chapitre neuvième contient des beautés de style que nous ferons remarquer avec d'autant plus de soin qu'Amos, comme nous l'avons dit, semble étranger à l'art de bien écrire; la vivacité du ton, la grandeur de l'expression ou de l'image, naissent naturellement sous sa plume comme les comparaisons rustiques dont son style abonde; c'est toujours l'homme de la campagne, mais quelquefois le prophète se lève et parle avec une majesté et une véhémence qui éton

nent.

« J'ai vu le Seigneur debout sur l'autel, et il a dit: Frappez les gonds et que les portes soient ébranlées ! l'avarice est à la tête de tous et je tuerai le dernier d'entre eux par le glaive; il n'y aura pas de fuite pour eux. Ils fuiront, mais celui qui fuira ne sera pas sauvé! S'ils descendent jusqu'au fond de l'enfer, ma main les en ramènera ; et s'ils montent jusqu'au ciel, je les en arracherai ! Et s'ils se cachent au sommet du Carmel,

J'en fouillerai les cavernes et je les enlèverai; et s'ils se dérobent à mes yeux dans les profondeurs de la mer, j'enverrai le serpent des abîmes et il me les rapportera dans sa gueule béante. »>

Nous sommes forcé de paraphraser un peu pour traduire les beautés du texte. Plus loin, dans le même chapitre, nous voyons le Seigneur qui touche la terre et la fait fondre sous ses doigts; les hommes se dessèchent et tout leur sang se change en larmes, et la création tout entière s'écoule devant Dieu en noyant toutes ses beautés, comme le fleuve de l'Egypte lorsqu'il ensevelit les campagnes. « Celui qui élève dans le ciel les degrés par où il monte sur son trône, celui qui appuie sur la terre le faisceau des colonnes du ciel, celui qui appelle les eaux de la mer et les épanche sur la face de la terre, le Seigneur est son nom!» Cette image de la toute puissance de Dieu ne le cède en rien aux peintures des plus grands maîtres de la poésie sacrée.

Les menaces du prophète Amos finissent, comme toutes les prophéties, par des consolations et des promesses; un avenir heureux se dévoile à ses regards, il voit la terre consolée et les campagnes rendues fertiles par le règne de la justice; le moissonneur et le laboureur se donnent la main, et celui qui laboure et qui sème se rencontre avec le vendangeur; les moissons succèdent aux moissons et les fleurs remplacent les grappes sur la vigne; les montagnes distilleront la douceur et la paix, et la culture envahira tous les déserts et toutes les collines; le peuple reviendra de sa captivité; les villes désertes seront rebâties et se rempliront d'habitants; les vignes qu'ils replanteront ne tromperont plus leur espérance; ils boiront le vin de leurs pressoirs et mangeront les fruits de leurs jardins. La terre ainsi se transfigure aux yeux d'Amos en un paradis de délices; la fraternité, la paix, le travail paisible et fructueux, y ont établi leur demeure Les exilés seront replantés sur la terre natale et je ne les en arracherai plus, dit le Seigneur. C'est ainsi que la parole sainte tempère ses amertumes par des promesses consolantes sur lesquelles nous n'avons pas à nous arrêter ici. Remarquons seulement qu'au seul point de vue littéraire ces peintures douces et ces images pleines de sérénité reposent l'esprit et détendent l'imagination attristée par des tableaux d'extermination et de deuil. Il y aurait beaucoup d'art dans rette manière de finir, si elle était étudiée, puisque l'art n'est autre chose que l'étude de la vérité qu'on veut reproduire; mais le Dieu des prophètes en est le grand maître, et quand c'est lui qui parle, la bouche la moins éloquente, si elle lui sert d'organe, peut donner des leçons aux parleurs les plus habiles; nous en trouvons la preuve dans les belles inspirations du gardeur de troupeau qui ose résister aux rois et qui leur parle avec toute-puissance, comme un ambassadeur de Dieu.

AMPLEUR DE STYLE. (Voy. STYLE.) AMPLIFICATION. (Voy. STYLE.) ANALYSE. (Voy. STYLE, PHILOSOPHIE.) ANECDOTES. (Voy. LÉGENDES.)

APOCALYPSE. De grands et savants écrivains se sont occupés de l'Apocalypse, considérée comme livre prophétique et divin. Il nous reste ici à l'étudier comme poëme oriental et monument littéraire des premiers âges de l'Eglise.

L'Apocalypse résume évidemment toutes les grandes prophéties de la Bible et leur donne un magnifique complément : c'est, si l'on peut s'exprimer ainsi, le plus magnifique et le dernier chant de la divine épopée des prophètes.

L'œuvre des prophètes, résumé et en quelque sorte synthétisé dans l'Apocalypse, est en effet la plus gigantesque et la plus glorieuse épopée que jamais l'esprit humain ait osé concevoir. Dieu lui-même en est le héros; le but de l'action, c'est la gloire éternelle de celui qui est; le moyen, c'est le salut de l'homme; les obstacles, c'est la liberté humaine séduite par l'enfer, ce sont les puissances du monde unies aux puissances des ténèbres; le drame, c'est la mort du Fils de Dieu; la péripétie, c'est la résurrection glorieuse de celui que les prêtres de Jérusalem avaient condamné à mourir du supplice des esclaves. Ici le merveilleux est de l'essence même du sujet, et toute fiction devient impossible, car elle pâlirait devant la réalité infinie, et pensez que cette poésie, d'autant plus sublime qu'elle est toute vraie, nous donne la raison de tout le mouvement des nations et explique d'une façon lumineuse les grandes énigmes de l'histoire. Donnez à saint Jean Bossuet pour commentateur, et ajoutez le Discours sur l'histoire universelle pour corollaire aux prophéties; voyez les rois aller et venir comme des comparses sur la scène du monde où Dieu leur fait représenter son œuvre, et le bruit d'une société qui s'écroule, et le råle d'un empire à l'agonie faisant silence pour nous laisser écouter le cri victorieux de la victime du Golgotha ; puis la mort enfantant la vie, le sang faisant germer la paix, les bourreaux détrônés par le pardon des martyrs, et les Césars découronnés par la gloire des pauvres que la résignation exalte: tout cela, considéré seulement au point de vue littéraire, donne l'ensemble le plus grandiose, le plus complet qu'on puisse imaginer, avec les détails les plus riches, les oppositions les plus saisissantes; il y a là de quoi subjuguer tous les esprits; ceux mêmes qui craignent le plus de se laisser convaincre ne peuvent s'empêcher d'être étonnés et d'admirer, s'ils ont le goût des grandes choses. Qu'il nous soit donc permis d'étudier ici plutôt en artiste qu'en chrétien cette admirable poésie dont le Saint-Esprit est l'auteur, et qui se résume tout entière dans le livre de saint Jean. Nous n'avons pas à nous occuper ici des mystères de la prophétie, mais seulement des beautés du poëme; nous laissons à d'autres les clefs du

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