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de tonnerre: In principio erat Verbum! Il est jeune d'une jeunesse symbolique et immortelle comme celle des anges, parce qu'il est l'apôtre de l'amour, qui seul survit à toutes les choses qui vieillissent et ne saurait jamais vieillir. Pierre vieillira, et alors il étendra les bras, un autre le ceindra et le conduira où il ne voulait pas aller. Mais si celui-ci doit rester jusqu'à ce que le Sauveur revienne, que nous importe? Pour nous, suivons Jésus crucifié. Le bruit se répand donc que saint Jean ne doit pas mourir; et en effet, le saint Jean mystique ne meurt point, car ce qui est exempt de la vieillesse est par là même exempt de la mort. La charité restera sur la terre jusqu'à la fin pour attendre la venue du Sauveur; et si la foi, en s'éteignant de toutes parts, la refroidit et la rend plus rare, elle veillera du moins dans la nuit comme ces lampes du sanctuaire qui conser vent le feu pour le sacrifice du matin. Saint Jean tient en main un calice qui contient un serpent. C'est le calice de la passion du Christ, rempli de la malice du démon, que le Christ a bue en douleurs et en angoisses pour la détruire ainsi à jamais. Saint Jean devait boire son calice et être baptisé de son baptême; aussi partage-t-il en quelque sorte avec son maître la gloire d'absorber la mort et de rester vivant, de boire le venin de Satan et d'en détruire le principe de mort par la force du principe de vie qui habite en lui par la charité. Son nom, en hébreu, signifie la grâce, la miséricorde et la piété. Sa robe est couleur d'émeraude, et son manteau de pourpre, c'est l'espérance de la chasteté comblée et satisfaite par la royauté du divin amour. A lui est révélé l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin au commencement était le Verbe; la fin de toutes choses, c'est la charité. Mes petits enfants, aimezvous les uns les autres, car c'est le précepte du Seigneur; et celui qui aime accomplit la loi, mais celui qui n'aime pas demeure dans

la mort.

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Voilà pourquoi tous les trésors de la vie présente et future ont été confiés à l'apôtre de la charité. On peut dire qu'il a été le premier dépositaire des secrets du cœur sacré de Jésus, inséparable du très-saint cœur de Marie; et son âme été tellement unie à ces cœurs glorieux, qu'il semble n'avoir été que leur organe, et que l'Evangile selon saint Jean pourrait être appelé avec raison et vérité l'évangile du Sacré-Cœur.

C'est dans le cœur de son divin maître, sur lequel il avait reposé durant la cène, que saint Jean puisa les révélations sublimes dont il fut l'oracle. C'est là que l'amour filial de Jésus pour sa mère passa et s'étendit, comme par sympathie, dans le disciple bienaimé qui, dans la personne de Marie, comprit l'emblème touchant et la figure vivante de l'Eglise future lorsque Jésus la lui donna pour mère du haut de la croix, puis s'écria que tout était consommé, et rendit le dernier soupir.

Aussi l'Apocalypse, cette dernière des grandes prophéties, qui ferme si magnifique

ment le cycle des livres inspirés, est dominée par deux grandes idées: la destruction du règne du mal, et le triomphe du bien; et par deux grandes images: la société antique et dépravée, sous la figure de la prostituée de Babylone; et la société nouvelle, sous la figure de cette femme en travail d'enfant, qui est couronnée de douze étoiles et qui a la lune sous ses pieds. Cette femme, c'est l'Eglise, tous les Pères l'ont reconnu ; mais tous les mystiques ont vu que l'Eglise est représentée ici sous la figure de Marie, parce que, sous le point de vue du symbolisme, tout ce qui peut être attribué à l'une convient également à l'autre. Développons rapidement cette pensée.

Le nom de Marie signifie mère par excellence, étoile des mers, amertume ou sel des eaux, et myrrhe pour embaumer. Or, la mère par excellence, c'est aussi l'Eglise. L'Eglise est le phare de tous ceux qui sont égarés sur l'océan du monde, plongés dans la nuit de l'erreur. L'Eglise, par l'amertume de ses lois disciplinaires et le sel de ses enseignements, préserve de la corruption la masse des eaux qui, dans l'Ecriture, représentent toujours les peuples ou les connaissances humaines; enfin l'Église, comme une myrrhe précieuse, embaume et conserve pour l'avenir toutes les traditions et toutes les reliques des saints. Voilà pour le nom de Marie.

Marie sort de la race juive, comme l'Eglise de la synagogue, emportant toute la noblesse divine de sa race sans en avoir contracté les souillures; c'était le péché, dit saint Paul, qui avait été la cause de la loi, et le péché vivait par elle; mais l'Eglise est née de la rémission même du péché; elle a eu pour origine l'accomplissement du mystère de la rédemption; elle est fille de David, mais non pas de David pécheur. JésusChrist est le David nouveau, dont l'autre n'était que la figure; et sur le Calvaire, sa montagne sainte, qui succède à la montagne de Sion, il transmet un sang pur à sa fille bien-aimée l'Eglise, comme Marie, a été conçue sans péché.

Les premières années de l'Eglise, comme celles de Marie, se passent à l'ombre de l'an cien temple; les premiers fidèles, disent les Actes, se réunissaient pour prier dans le portique de Salomon, et personne n'osait se joindre à eux, mais tous admiraient leur recueillement et leur ferveur.

La virginité de Marie est confiée à Joseph, qui sera en apparence son époux, et en réalité son gardien. Ainsi la pureté de l'Eglise est confiée, dès l'âge de son adolescence, aux soins vigilants de Pierre, qui lui représentera son céleste époux, et la protégera aux jours de son enfantement mysté rieux. Comme à Marie, l'avenir est annoncé à l'Eglise par les apôtres, qui remplissent l'office des anges; comme Marie, elle deviendra mère sans cesser d'être vierge, car le fruit qu'elle mettra au monde germera sous un souffle du Saint-Esprit, et plus elle sera mère, plus elle apparaîtra vierge et pure; l'esprit ascétique des Esséniens sem

ble être le précurseur de ses saintes austérités, et tressaillir dans les montagnes à l'approche de cette divine mère, qui porte l'avenir et le salut dans son sein. Enfin, c'est dans l'étable, c'est-à-dire aux derniers degrés de l'ordre social, parmi le pauvre peuple, parmi les pêcheurs et les pâtres, que l'Eglise enfante comme Marie le Verbe qui doit combler les vallées et abaisser les montagnes. C'est l'Eglise qui tient Jésus enfant sur ses genoux pour l'offrir aux adorations des rois et des sages de la terre. C'est elle qui le dérobe à la persécution des tyrans, en conservant, malgré tous les efforts de ses ennemis, l'intégrité de sa parole. Enfin le Verbe éternel lui obéit comme il obéissait à Marie; et lorsque Jésus vient régénérer l'humanité en consacrant sa nouvelle alliance, lorsqu'il vient changer les eaux froides du siècle en un vin pur, le vin de son calice, le vin de la charité, le vin de l'ivresse du ciel, c'est à l'Eglise, comme à Marie, qu'il appartient de dire aux hommes, en leur montrant le Rédempteur Faites tout ce qu'il vous dira!

Enfin, comme Marie au pied de la croix, l'Église est continuellement debout devant l'autel du sacrifice, offrant comme mère celui qui s'offre comme prêtre et comme victime, et participant à son martyre aussi bien qu'à son sacerdoce. C'est elle qui persévère toujours dans la foi au milieu des commotions et des épouvantes du monde, et qui, les yeux fixés sur la croix, laisse le soleil qui s'obscurcir, le voile du temple se déchirer et les tombes se fendre en laissant échapper leurs captifs. C'est elle qui ensevelit avec amour celui que l'enfer se flatte d'avoir vaincu, celui que les Pharisiens prétendent avoir tué, et qui dort doucement du sommeil précurseur de la résurrection; à l'Eglise appartiennent aussi le linceul, l'éponge rougie de sang et l'eau pure pour laver les plaies du Sauveur.

A l'Église, enfin, appartient la place de Marie au cénacle, et les langues de feu descendent d'abord sur elle pour se distribuer ensuite aux apôtres; à l'Église quelques jours encore d'épreuves, de travaux et de larmes, et à elle aussi bientôt une transfiguration glorieuse et une rayonnante assomption!

Je vous salue, Marie!

Église de mon Dieu, je vous salue ! Maintenant, le titre de Mère de Dieu appartient-il moins à l'Église qu'à Marie? Marie a enfanté une fois l'Homme-Dieu, l'Eglise l'enfante mille fois tous les jours par le Verbe et par le sacrement.

L'Eglise n'est-elle pas, comme Marie, la reine des anges, des patriarches et des martyrs, les délices du ciel, la consolation du purgatoire, l'espérance de la terre? Oui, l'on peut dire que si le grand peuple de l'univers, lorsqu'il sera régénéré par la grâce, ne fera qu'un avec Jésus-Christ, la société nouvelle, l'Eglise, ne fait qu'un avec Marie et se personnifie en elle; car elle aussi est pleine de grâce. Ave, gratia plena.

L'on doit pressentir iei combien Marie est

essentiellement catholique. Retournons à saint Jean, le fils de Marie et le prophète de l'Eglise, et entrons avec lui autant que Dieu nous le donnera dans la révélation de l'avenir.

La première figure qui se présente au voyant de Pathmos dans son extase, c'est la personnification humaine de ce Verbe dont il avait raconté l'éternité dès le commencement, revêtu de lumière et de pureté, ceint de charité pure et foulant la terre sous ses pieds d'airain brûlant. Le Verbe lance des éclairs partout où il regarde, porte dans la main sept étoiles et marche au milieu de sept chandeliers d'or, triomphant par la vertu du glaive qui sort de sa bouche.

On sait ce que signifie le nombre sept, composé de trois, le nombre de Dieu, et de quatre, le nombre de la création, et la lumière des étoiles correspond à celle des chandeliers. L'Église est le reflet du ciel sur la terre : c'est une forme de l'unité divine, c'est comme une extension de la divinité communiquée aux hommes; c'est le temple de la Sagesse que la Sagesse a construit elle-même en taillant sept colonnes pour le soutenir : Sapientia ædificavit sibi domum, excidit columnas septem.

Par la puissance du Verbe, le prophète s'élève au ciel et voit le centre mystérieux de l'Etre, un trône au milieu du ciel, et sur qu'il ne définit pas, parce que la langue huce trône quelqu'un qu'il ne nomme pas, maine lui manque; il nous représente seulement cet inconnu divin, immobile comme la pierre et transparent comme le jaspe : un arc-en-ciel est sous ses pieds, un océan de cristal est autour de lui. C'est la création où il se mire et où nous pouvons entrevoir son image, et vingt-quatre vieillards sont autour de lui, les deux Testaments chacun avec leurs douze lumières, le temps de l'épreuve multiplié par la révélation de Dieu dans l'humanité, six par quatre les six jours de la création, par les quatre relations divines, par les quatre effusions créatrices, par les quatre fleuves du paradis, par les quatre animaux symboliques d'Ezéchiel, qui se retrouvent ici marquant encore les quatre points cardinaux du ciel mystique et figurant les quatre vertus cardinales. Ces figures étaient familières aux premiers chrétiens et ne peuvent étonner que ceux qui ont fait une étude peu approfondie de l'antiquité religieuse. Voilà la grande image du mystère de Dieu que nous a donnée saint Jean, mais ensuite sa révélation devient plus claire: il voit distinctement, sur les genoux de celui dont il ne pouvait regarder le visage, un livre, et ce livre est fermé de sept sceaux. Voilà le Verbe écrit qui doit servir de médiation entre Dieu et les hommes; mais ce livre est fermé pour eux, et une septuple ignorance les empêche de connaître les sept vérités qui n'en sont qu'une, Dieu en luimême et dans ses relations, son essence et ses œuvres, la trinité et l'univers, trois et quatre, comme nous l'avons indiqué.

Personne, ni dans le ciel ni sur la terre,

suffisamment pendant l'hiver, je fais des corbeilles et des nattes je travaille à me faire des habits; je prépare chaque jour moimême ma nourriture avec les provisions qu'on m'apporte de l'hôpital, et la prière remplit les heures que la travail me laisse. Entin l'année s'écoule, et lorsqu'elle est passée, elle me paraît encore avoir été bien

courte.

LE MILITAIRE.

Elle devrait vous paraître un siècle.
LE LÉPREUX.

Les maux et les chagrins font paraître les heures longues; mais les années s'envolent toujours avec la même rapidité. Il est d'ailleurs encore au dernier terme de l'infortune, une jouissance que le commun des hommes ne peut connaître, et qui vous paraîtra bien singulière, c'est celle d'exister et de respirer. Je passe des journées entières de la belle saison, immobile sur ce rempart, à jouir de l'air et de la beauté de la nature: toutes mes idées alors sont vagues, indécises; la tristesse repose dans mon cœur sans l'accabler; mes regards errent sur cette campagne et sur les rochers qui nous environnent; ces différents aspects sont tellement empreints dans ma mémoire, qu'ils font, pour ainsi dire, partie de moi-même, et chaque site est un ami que je vois avec plaisir tous les jours.

LE MILITAIRE.

J'ai souvent éprouvé quelque chose de semblable. Lorsque le chagrin s'appesantit sur moi, et que je ne trouve pas dans le cœur des hommes ce que le mien désire, l'aspect de la nature et des choses inanimées me console; je m'affectionne aux rochers et aux arbres, et il me semble que tous les êtres de la création sont des amis que Dieu m'a donnés.

LE LÉPREUX.

Vous m'encouragez à vous exp..quer à mon tour ce qui se passe en moi. J'aime véritablement les objets qui sont, pour ainsi dire, mes compagnons de vie, et que je vois chaque jour: aussi, tous les soirs, avant de me retirer dans la tour, je viens saluer les glaciers de Ruitorts, les bois sombres du mont Saint-Bernard, et les pointes bizarres qui dominent la vallée de Rhème. Quoique la puissance de Dieu soit aussi visible dans la création d'une fourmi que dans celle de l'univers entier, le grand spectacle des montagnes en impose cependant davantage à mes sens je ne puis voir ces masses énormes recouvertes de glaces éternelles, sans éprouver un étonnement religieux; mais, dans ce vaste tableau qui m'entoure, j'ai des sites favoris et que j'aime de préférence; de ce nombre est l'ermitage que vous voyez là haut sur la sommité de la montagne de Charvensod. Isolé au milieu des bois, auprès d'un champ désert, il reçoit les derniers rayons du soleil couchant. Quoique je n'y aie jamais été, j'éprouve un plaisir singulier à le voir. Lorsque le jour tombe, assis dans

mon jardin, je fixe mes regards sur cet ermitage solitaire, et mon imagination s'y repose. Il est devenu pour moi une espèce de propriété ; il me semble qu'une réminiscence confuse m'apprend que j'ai vécu là jadis dans des temps plus heureux, et dont la mémoire s'est effacée en moi. J'aime surtout à contempler les montagnes éloignées qui se confondent avec le ciel dans l'horizon. Ainsi que l'avenir, l'éloignement fait naître en moi le sentiment de l'espérance, mon cœur opprimé croit qu'il existe peut-être une terre bien éloignée où, à une époque de l'avenir, jo pourrai goûter entin ce bonheur pour lequel ie soupire, et qu'un instinct secret me présente sans cesse comme possible.

LE MILITAIRE

Avec une âme ardente comme la vôtre, il vous a fallu sans doute bien des efforts pour vous résigner à votre destinée, et pour ne pas vous abandonner au désespoir,

LE LÉPREUX.

Je vous tromperais en vous laissant croire que je suis toujours résigné à mon sort; je n'ai point atteint cette abnégation de soimême où quelques anachorètes sont parvenus. Ce sacrifice complet de toutes les affections humaines n'est point encore accompli: ma vie se passe en combats continuels, et les secours puissants de la religion ellemême ne sont pas toujours capables de réprimer les élans de mon imagination. Elle m'entraîne souvent malgré moi dans un océan de désirs chimériques, qui tous me ramènent vers ce monde dont je n'ai aucune idée, et dont l'image fantastique est toujours présente pour me tourmenter.

LE MILITAIRE.

Si je pouvais vous faire lire dans mon âme, et vous donner du monde l'idée que j'en ai, tous vos désirs et vos regrets s'évanouiraient à l'instant.

LE LÉPREUX.

En vain quelques livres m'ont instruit de la perversité des hommes et des malheurs inséparables de l'humanité, mon cœur se refuse à les croire. Je me représente toujours des sociétés d'amis sincères et vertueux; des époux assortis, que la santé, la jeunesse et la fortune réunies comblent de bonheur. Je crois les voir errants ensemble dans des bocages plus verts et plus frais que ceux qui me prêtent leur ombre, éclairés par un soleil plus brillant que celui qui m'éclaire, et leur sort me semble plus digne d'envie, à mesure que le mien est plus misérable. Au commencement du printemps, lorsque le vent du Piémont souffle dans notre vallée, je me sens pénétré par sa chaleur vivifiante, et je tressaille malgré moi. J'éprouve un désir inexplicable et le sentiment confus d'une félicité immense dont je pourrais jouir et qui m'est refusée. Alors je fuis de ma cellule, j'erre dans la campagne pour respirer plus librement. J'évite d'être vu par ces mêmes hommes que mon cœur brûle de

titué l'unité dans la soumission de la foi, l'esprit, qui lutte et qui nie en se repliant comme un serpent, chercha d'abord à tarir son autorité dans sa source, en niant la divinité du Saint-Esprit, et attaqua indirecte ment la maternité divine de Marie. L'Église prouva son autorité divine en l'exerçant une seconde fois, et Macédonius fut condamné au premier concile de Constantinople. Alors le génie murmurateur attaqua l'Église dans la personne même de Marie; et, en lui refusant le titre de Mère de Dieu, il le refusa en même temps à l'Église, qui n'eût plus sacrement sans réalité et sans force, et d'une autorité faillible. A cette grande attaque du démon contre le ciel, l'univers s'étonna et les peuples attendirent avec anxiété le résultat de la lutte.

Le succès de l'Église ne se fit pas attendre Marie fut proclamée à Éphèse Mère de Dieu, 00:05. Et l'instinct divin qui est dans le peuple lui fit comprendre que cet arrêt lui donnait, à lui aussi, une mère pour le guider et le sauver. Le triomphe de la Vierge fut pour les Éphésiens et pour le monde entier une fête populaire; car Dieu restait ainsi parmi les hommes réellement présent sur l'autel avec la chair du Sauveur, et l'Église aussi venait indirectement d'être proclamée mère de Dieu! L'hérésie n'avait pu séparer Marie de Dieu, elle tenta de la séparer des hommes en refusant au Christ une volonté humaine, et d'affaiblir encore ainsi l'autorité de l'Église en éloignant Dieu de la terre. Eutychès, auteur de cette nouvelle impiété, fut condamné à Chalcédoine, et ses sectateurs furent poursuivis dans plusieurs autres conciles.

Effrayé alors de cette grande image de la mère de Dieu, qui symbolisait d'une manière si admirable les caractères, les priviléges et les devoirs de la société nouvelle, l'orgueil humain essaya de briser la chaîne du symbolisme et d'empêcher le Verbe de parler aux yeux par des images, dans l'espérance qu'alors les masses échapperaient à son action, et que l'Église étendrait plus difficilement sa puissance maternelle lorsque l'enseignement de la plus grande partie des hommes lui serait devenu presque impossible. Des tyrans hypocrites, sous prétexte de zèle, proscrivirent le culte des images, comme si Dieu parlait aux hommes autrement que par des images et comme si tout l'univers n'était pas lui-même une grande image de Dieu. De la proscription des images à celle de toute la liturgie, et enfin des sacrements eux-mêmes, il n'y avait qu'un pas. On détruisait ainsi tout enseignement et tout lien social dans l'Église; l'Église n'était plus mère et n'avait plus le droit d'apprendre à lire à ses enfants. Le second concile de Nicée abattit ce nouvel effort de l'ancien serpent, ordonna d'honorer les images saintes et détermina en particulier quels hommages devaient être rendus à l'image de la mère de Dieu, honorée déjà dans l'Église d'un culte d'hyperdulie, continué depuis et

augmenté par les fidèles enfants catholiques de Marie, qui l'honorent en faisant mention d'elle avant tous les saints et immédiatement après Jésus-Christ, et en lui donnant le titre de très-sainte, qui l'élève au-dessus de tout ce qui n'est pas Dieu.

Aussi, depuis cette époque, voyons-nous le culte de Marie s'étendre avec la puissance de l'Eglise et la piété des fidèles, multiplier ses images et ses temples. Voici le temps des légendes merveilleuses et des glorieux miracles. Marie se montre revêtue de toutepuissance pour le pardon; elle guérit tous les grâces les plus inespérées, touche les cœurs les plus endurcis et change les loups en agneaux. Elle semble avoir en main l'autorité divine pour l'exercer à son gré; elle touche, elle brise, elle sauve tout ce qui lui résiste elle voit tomber à ses pieds ses plus farouches ennemis. Elle poursuit Satan jusque dans son triste royaume et lui reprend les âmes jusque dans sa gueule béante. → Quelle douce et sublime philosophie religieuse dans toutes ces images populaires, si l'on songe que Marie représente aussi l'Eglise catholique, et que ses miracles sont les œuvres habituelles et comme familières de cette Eglise qui enfante Dieu tous les jours! Car il faut voir l'Eglise catholique dans la personne de Marie, et Marie dans le corps mystique de l'Eglise, non pas, et je ne le répète ici que pour les simples, non pas dans ce sens que Marie ne soit qu'un symbole et qu'une fiction, aucune personne bienveillante et sensée ne nous soupçonnera de ce blasphème; mais comme deux réalités dont l'une est la figure exacte de l'autre, et qui sont tellement inséparables qu'on ne peut les comprendre que l'une par l'autre, et que Marie, mère de Dieu, est aussi essentiellement catholique que l'Eglise catholique est dévouée sincèrement au culte de Marie. De là ces deux formules également catholiques: Hors de l'Eglise point de salut; et Un vrai serviteur de Marie ne périra jamais; et celle-ci encore: C'est par Ma→ rie que Dieu veut nous donner tout ce qu'il nous donne, ce qui équivaut à dire : Hors de la confiance filiale en Marie il n'y a point de salut.

Aussi voyez quelles prérogatives l'Eglise reconnaît à cette mère du Verbe dont elle sent bien que le culte est toute la force sociale. Aucun ministre de la parole n'annonce l'Evangile au peuple sans avoir d'abord salué Marie, et sans lui avoir, comme l'ange. demandé sa coopération de la part de Dieu pour montrer le Verbe à la terre; tout le peuple fidèle la salue trois fois le jour au son des cloches consacrées au souvenir de la prière; on lui consacre un jour de chaque semaine et le plus beau mois de chaque année. Tout est plein de son culte, tout est embaumé de son nom. Le catholicisme tout entier semble fleurir à l'ombre de son voile. Sa grâce ineffable retient encore dans nos temples les faibles cœurs dont la foi chancelle, y attire malgré eux les pécheurs et les

trouble souvent par son parfum de piété, d'innocence et de paix. Quel orgueil ne serait désarmé à la vue d'une mère si douce et si modeste, quel cœur sauvage ne se laisserait attendrir à son sourire de miséricorde et à ses chastes paupières qu'elle abaisse si miséricordieusement vers les pécheurs ! Qui n'envierait le calme de ce petit enfant qui dort si paisible entre des bras si purs et sur une poitrine si aimante, surtout lorsque la voix secrète de cette grâce qui veille toujours aux pieds des autels de Marie dit au cœur de l'enfant du monde : Voilà la paix dont jouissent les enfants soumis de l'Eglise; tu peux redevenir semblable à ce petit enfant et reposer auprès de lui sur le cœur de sa mère ! Sans doute plusieurs résistent à cet entraînement de la grâce, mais ils emportent dans leur âme une tristesse, un désir vague, peut-être une espérance; et Marie, qui les connaît déjà, attend avec mansuétude le moment de les reprendre et d'achever son œuvre de salut et de pardon.

Les prières solennelles que l'Eglise adresse à Marie sont merveilleuses de confiance et d'amour, et attribuent à cette reine du ciel une puissance sans borne et un empire sur le cœur de Dieu qui ne connaît pas de limites. Je vous salue, ô notre reine, ô mère de la miséricorde ! Je vous salue, à notre vie, notre bonheur et notre espérance! Nest-ce pas là de quoi scandaliser les raisonnements superbes et les cœurs sans amour qui sont jaloux du bonheur des simples et qui blasphèment ce qu'ils ignorent? Ne parlonsnous pas à Marie comme il convient de parler à Dieu seul? Mais l'Eglise, sans répondre à ces murmurateurs de mauvaise foi, continue et dit encore à Marie, dans une autre prière Brisez les liens des coupables, donnez la lumière aux aveugles! Donneznous une vie pure, rendez-nous doux et chastes comme vous ! L'Eglise sait bien à qui elle parle, et Marie comprend bien le langage de l'Eglise. Ce que l'Eglise demande. à Marie pour ses enfants, Marie le demande en même temps à l'esprit qui vit dans l'Eglise. Prosternées en quelque sorte l'une devant l'autre et n'adorant que Dieu, Marie et l'Eglise se donnent le saint baiser de la justice et de la paix, puisque, comme nous l'avons dit, il y a réciprocité, communion intime, correspondance parfaite entre l'Eglise et Marie, entre l'épouse de Jésus-Christ. et sa mère.

C'est en ce sens qu'il faut interpréter ce qu'on serait tenté d'appeler les pieux excès des saints et les extravagances de leur amour pour Marie, car plusieurs l'out aimée jusqu'à la folie et sont redevenus, en quelque sorte, à la lettre de petits enfants pour lui bégayer le doux nom de mère. C'est ainsi qu'il faut comprendre les paroles des docteurs qui ont le plus aimé Marie, tels que saint Ephrem, saint Bernard, saint Anselme, saint Bonaventure et d'autres moins célèbres; ils n'ont pas séparé Marie de l'Eglise ni l'Eglise de Marie, et, dans la maternité de l'Eglise et de Marie, ils ont vu le propitia

toire de Dieu et le tabernacle où il demeure parmi les hommes ; ils ont vu Dieu même, enfin, et n'ont voulu voir que lui dans les merveilles de son amour. Faut-il donc s'étonner qu'ils adressent la parole au roi luimême en parlant à son interprète ?

Le temps et l'espace nous manqueraient si nous voulions rapporter au sujet de Marie toute la poésie des traditions populaires et toute la merveilleuse théologie poétique des légendes, il nous faudrait aller de SainteMarie-des-Neiges à Notre-Dame del Pilar, de Notre-Dame-des-Roses à Notre-Dame-des-Tempêtes pour retrouver toujours Marie guérissant toutes les douleurs, accourant à tous les dangers, veillant sur toutes les angoisses, adoucissant tous les hivers, sanctifiant toutes les saisons et bénissant tous les frimas comme toutes les fleurs.

Tout parle d'elle dans la religion catholique, tous les temples et toutes les chapelles sourient de sa douce peinture! les vitraux en étincellent et colorent le soleil de l'azur de son voile, elle a gravi les plus âpres rochers et tend la main aux voyageurs errants dans la montagne, son souvenir vit sur les lèvres de tous les enfants et dans le cœur de toutes les mères. Les affligés l'invoquent dans leurs peines, les malades l'appellent auprès de leur lit de douleur, les matelots battus de l'orage murmurent aux tempêtes le charme de son nom; la jeune fille cueille des fleurs pour elle, et lui offre son innocence, en même temps que le repentir ne craint pas de lui présenter ses larmes, lui qui ne trouve souvent un asile qu'au pied de son autel. Toujours occupée au bien des hommes, elle bénít, elle console, elle relève, elle instruit, elle guérit, elle fortifie: ses mains toujours ouvertes pour répandre des gràces ne s'épuisent jamais, et semblent deux miraculeuses fontaines de lumière, de grâce, de pardon et d'amour. Image si vraie et si ancienne dans sa nouveauté que depuis quelques années seulement qu'elle a été révélée à une pauvre âme obscure elle a déjà conquis le monde et qu'elle est devenue vraiment catholique comme la croyance en Marie.

C'est du reste une chose digne de toute l'attention du cœur de voir l'Eglise dans tous ses périls, opposer Marie à ses ennemis comme un bouclier qui la protége et qui les désarme. Une légende raconte que Chartres assiégée par les hérétiques dut son salut à une image de la sainte Vierge qui arrêtait et amoncelait dans son manteau tous les boulets qui étaient dirigés contre les difenseurs des murailles; c'est ici comme dans presque toutes les légendes, une touchante image de ce que fait Marie pour l'Eglise, qu'elle protége, et pour toute âme qui se confie en l'Eglise et en elle.

C'est Marie qui, lorsque les protestants déchaînèrent contre elle et contre l'unité catholique tous les orages ténébreux d'une raison révoltée, suscita dans l'Eglise cette puissante Société de Jésus qui conserva l'esprit d'obéissance et d'abnégation, pour l'opposer à toutes les tentatives de la chair re

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