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couvert d'une robe de lin, ayant sur les reins une ceinture d'or très-fin; son corps était aussi brillant que la pierre chrysolithe, sa face éclatante comme un éclair ses yeux jetaient un feu comme une lampe enflammée, ses bras et tout le bas de son corps ressemblaient à l'airain fondu dans la fournaise, sa voix était bruyante comme celle d'une multitude de personnes.

Saint Jean dans l'Apocalypse (Apoc. IV, 7,8) vit autour du trône du Très-Haut quatre animaux, qui étaient sans doute quatre anges: ils étaient couverts de quantité d'yeux devant et derrière. Le premier ressemblait à un lion, le second à un bœuf, le troisième avait la forme comme d'un homme, et le quatrième ressemblait à un aigle ayant les ailes éployées : chacun d'eux avait six ailes, et ils ne cessaient de crier nuit et jour : Saint, saint, saint, le Seigneur Dieu toutpuissant, qui était, qui est, et qui doit venir. L'ange qui fut mis à l'entrée du paradis terrestre était armé d'une épée brillante (Gen. III, 24), de même que celui qui appa1, rut à Balaam (Num. xxii, 22, 23), et qui menaçait de le tuer lui et son ânesse; et apparemment celui qui se fit voir à Josué dans la plaine de Jéricho (1 Par. xx1, 16), et l'ange qui apparut à David disposé à frapper tout Israël. L'ange Raphaël conduisit le jeune Tobie à Ragès sous une forme humaine de voyageur (Tob. v, 9). L'ange qui se fit voir aux saintes femmes au sépulcré du Sauveur, qui renversa la grosse pierre qui fermait l'entrée du tombeau, et qui s'assit dessus, avait le visage éclatant comme un éclair, et les habits blancs comme la neige (Matth. XXVIII, 3).

Dans les Actes des apôtres (Act. v) l'ange qui les tira de prison et leur dit d'aller hardiment prêcher Jésus-Christ dans le temple, leur apparut de même sous la forme humaine. La manière dont il les tira du cachot est toute miraculeuse; car les princes des prêtres ayant envoyé pour les faire comparaître en leur présence, ceux qui furent envoyés trouvèrent les prisons bien fermées, les gardes bien éveillés; mais, ayant fait ouvrir les portes, ils trouvèrent la prison vide. Comment un ange a-t-il pu, sans ouverture ni sans fracture des portes, tirer ainsi des hommes de prison, sans que ni les gardes ni les geôliers s'en soient aperçus? La chose est au-dessus des forces connues de la nature, mais elle n'est pas plus impossible que de voir notre Sauveur après sa résurrection revêtu de chair et d'os, comme il le dit luiinême, sortir de son sépulcre sans l'ouvrir et sans en arracher les sceaux (Matth. xxvIII, 1,2), entrer dans une chambre où étaient ses apôtres sans en ouvrir les portes (Joan. XIX, 20), parler aux disciples allant à Emmaus sans se faire connaître à eux, disparaître et se rendre invisible (Luc. xxш, 15, 16, 17, seqq.). Pendant les quarante jours qu'il demeura sur la terre jusqu'à son ascension, il but et mangea avec eux, il leur parla, il leur apparut; il ne se fit voir qu'aux té

moins préordonnés du Père éternel pour rendre témoignage à sa résurrection

L'ange qui apparut au centenier Corneille, homme païen, mais craignant Dieu, lui parla, répondit à ses demandes, lui découvrit des choses inconnues, et qui furent suivies de l'exécution.

Quelquefois les anges, sans prendre aucune figure sensible, donnent des preuves de leur présence par des voix intelligibles, par des ínspirations, par des effets sensibles, par des songes, par des révélations de choses inconnues, futures ou passées; quelquefois en frappant d'aveuglement, ou répandant un esprit de vertige et de stupidité dans l'esprit de ceux à qui Dieu veut faire sentir les effets de sa colère par exemple, il est dit dans l'Ecriture que les Israélites n'entendirent aucune parole distincte, et ne virent aucune figure à Horeb, lorsque Dieu parla à Moise, et lui donna sa loi : Non vidistis alibis Dominus in Horeb (Deut. IV, 15). L'ange quam similitudinem in die qua locutus est voqui voulut frapper de mort l'ânesse de Balaam ne fut pas d'abord aperçu par ce prophète (Num. XII, 22, 23). Daniel fut le seul qui vit l'ange Gabriel, qui lui révéla le myscéder les uns aux autres (Dan. x, 7, 8): tère des grands empires qui devaient se sucPorro viri qui mecum erant non viderunt, sed terror nimius irruit super eos.

Lorsque le Seigneur parla pour la première fois à Samuel, et lui prédit les maux dont il devait frapper la maison du grand prêtre Héli, ce jeune prophète ne vit auvoix, qu'il prit d'abord pour celle du grand cune figure sensible : il ouït seulement une prêtre Héli, n'ayant pas encore l'habitude de distinguer la voix de Dieu de celle d'un homme. Les anges qui tirèrent Lot et sa famille de Gomorrhe et de Sodome, furent d'abord aperçus sous une forme humaine par les citoyens de cette ville; mais ensuite les mêmes anges les frappèrent d'aveuglement, et les empêchèrent de trouver la porte de Lot, où ils voulaient entrer de force. Les anges n'apparaissent donc pas toujours sous une forme sensible, ni sous une figure uniforme; mais ils donnent des preuves de leur présence par une infinité de manières différentes, par des inspirations, des voix, des prodiges, des effets miraculeux, des prédictions du futur, et d'autres choses cachées et impénétrables à l'esprit humain.

Saint Cyprien raconte qu'un évêque africain, étant tombé malade pendant la persécution, demandait avec instance qu'on lui donnât le viatique en même temps il vit comme un jeune homme d'un air majestueux, et brillant d'un éclat si extraordinaire que les yeux des mortels ne l'auraient pu voir sans frayeur; toutefois il n'en fut point troublé. Cet ange lui dit, comme en colère et d'une voix menaçante: Vous craignez de souffrir, vous ne voulez pas sortir de ce monde ; que voulez-vous que je vous fasse? Co bon évêque comprit que ces paroles le regardaient de même que les autres chrétiens, qui craignaient la persécution et la

d'une nature entièrement dégagée de la matière.

mort. L'évêque leur parla, les encouragea, et les exhorta à s'armer de force contre les tourments dont ils étaient menacés: il reçut Je reconnais que dans leur système la la communion, et mourut en paix. On trou- matière des apparitions s'expliquerait plus vera dans les histoires une infinité d'autres commodément: il est plus aisé de concevoir apparitions d'anges sous une forme hu- qu'une substance corporelle apparaisse, et maine. ⚫ se rende sensible à nos yeux, que non pas une substance purement spirituelle; mais il n'est pas question ici de raisonner sur une question philosophique, sur laquelle il est libre de proposer différentes hypothèses, et de choisir celle qui expliquerait plus plausiblement les apparences, et qui répondrait d'une manière plus satisfaisante aux questions qu'on pourrait faire et aux objections qu'on pourrait former contre les faits et contre la manière proposée.

Après tout ce que nous venons de rapporter des livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, on ne peut disconvenir que le commun des Juifs, les apôtres, les chrétiens et leurs disciples n'aient cru communément les apparitions des bons anges. Les Sadducéens, qui niaient l'existence et les apparitions des anges, étaient considérés par le commun des Juifs comme des hérétiques, et comme soutenant une doctrine erronée. Jésus-Christ dans l'Evangile les a réfutés. Les juifs d'aujourd'hui croient à la lettre ce qui est raconté dans l'Ancien Testament des anges qui ont apparu à Abraham, à Lot, aux autres patriarches. C'était la créance des pharisiens et des apôtres du temps de notre Sauveur, comme on le voit par les écrits des apôtres, et par l'Evangile.

- Les mahométans croient, comme les juifs et comme les chrétiens, que les bons anges. apparaissent quelquefois aux hommes sous une forme humaine; qu'ils ont apparu à Abraham et à Lot; qu'ils ont puni les habitants de Sodome; que l'archange Gabriel a apparu à Mahomet (Coran, surat. 6, 53), et lui a révélé ce qu'il débite dans son Alcoran; que les génies sont d'une nature mitoyenne entre homme et l'ange (1); qu'ils boivent, qu'ils mangent, qu'ils engendrent, qu'ils meurent, qu'ils prévoient les choses futures. Par une suite de ce principe, ils croient qu'il y a des génies mâles et femelles; que les males, à qui les Perses donnent le nom de dives, sont mauvais, fort laids et malfaisants, faisant la guerre aux péris, qui sont les femelles. Les rabbins veulent que ces génies soient nés d'Adam seul, sans le concours de sa femme Eve, ni d'aucune autre femme, et qu'ils sont ce que nous appelons esprits follets..

L'antiquité de ces opinions touchant la corporéité des anges paraît dans plusieurs anciens, qui, trompés par l'autorité du livre apocryphe qui passait sous le nom d'Enoch, ont expliqué des anges ce qui est dit dans la Genèse (vi, 2) que les enfants de Dieu ayant ru les filles des hommes, furent épris de leur beauté, les épousèrent, et en engendrèrent les géants. Plusieurs des anciens Pères (2) ont embrassé ce sentiment, qui est. aujourd'hui abandonné de tout le monde, à l'exception de quelques modernes, qui ont voulu faire revivre l'opinion de la corporéité des anges, des démons et des âmes, sentiment qui est absolument incompatible avec celui de l'Eglise catholique, qui tient que les anges sont

(1) D'Herbelot; Bibl. Orient.; Perith., Dive. Idem, pág. 243 et 785.

(2) Joseph., Antiquit., lib. 1, c. 4; Philo, de Gigantib.; Justin., Apol.; Tertul., de Anima. Vide commentatores in Genes. iv.

La question est résolue, et la matière décidée. L'Eglise et les écoles catholiques tiennent que les anges, les démons et les âmes raisonnables sont dégagées de toute matière; la même Eglise et les mêmes écoles tiennent pour certain que les bons et les mauvais anges, et les âmes séparées du corps, apparaissent quelquefois par la volonté ou par la permission de Dieu; il faut s'en tenir là: quant à la manière d'expliquer ces apparitions, il faut, sans perdre de vue le principe certain de l'immatérialité de ces substances, les expliquer suivant l'analogie de la foi chrétienne et catholique, reconnaître de bonne foi qu'il y a dans cette matière des profondeurs que nous ne pouvons pas sonder, et captiver notre esprit et nos lumières sous l'obéissance que nous devons à l'autorité de l'Eglise, qui ne peut errer ni nous tromper.

Les apparitions des bons anges, des anges gardiens, sont fréquentes dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament. Lorsque l'apôtre saint Pierre fut sorti de prison par le ministère d'un ange, et qu'il vint frapper à la porte de la maison où étaient les frères, on crut que c'était son ange, et non pas lui qui frappait: Illi autem dicebant, angelus ejus est (Act. xi, 15); et lorsque Corneille le centenier priait Dieu dans sa maison, un ange (apparemment son bon ange) lui apparut, et lui dit d'envoyer quérir Pierre, qui était alors à Joppé (Act. x, 2, 3). Saint Paul veut que dans l'Eglise les femmes ne paraissent dans l'assemblée que le visage couvert d'un voile, à cause des anges, propter angelos (I Cor. xi, 10); sans doute par respect pour les bons anges, qui président à ces assemblées. Le même saint Paul rassureceux qui étaient comme lui en danger d'un naufrage presque certain, en leur disant que son ange lui a apparu. (Act. XXVII, 21, 22). et l'a assuré qu'ils arriveraient à bon port.

:

Dans l'Ancien Testament nous voyons de même plusieurs apparitions d'anges, qu'on ne peut guère expliquer que des anges gardiens par exemple, celui qui apparut à Agar dans le désert, et lui ordonna de retourner dans la maison d'Abraham son maître, et de demeurer soumise à Sara sa maîtresse (Gen.. XVI, 7); et l'ange qui apparut à Abraham, comme il était prêt d'immioler Isaac son fils,.

et lui dit que Dieu était content de son obéissance (Gen. XVI, 7); et lorsque le même Abraham envoie son serviteur Eliézer en Mésopotamie, pour demander une femme à son fils Isaac, il lui dit que le Dieu du ciel, qui lui a promis de lui donner la terre de Chanaan, enverra son ange (Gen. XXIV, 7) pour disposer toutes choses selon ses désirs. On pourrait multiplier les exemples de pareilles apparitions des anges tutélaires tirées de l'Ancien Testament; mais la chose ne demande pas un plus grand nombre de preuves.

Dans la nouvelle alliance les apparitions des bons anges, des anges gardiens, ne sont pas moins fréquentes dans les histoires les plus authentiques; il y a peu de saints à qui Dieu n'ait accordé de pareilles grâces: on peut citer en particulier sainte Françoise, dame romaine du xvi siècle, qui voyait son ange gardien qui lui parlait, l'instruisait, la corrigeait.

Sentiments des Grecs et des Romains sur les

apparitions des bons génies.

Jamblique, disciple de Porphyre, est celui des auteurs de l'antiquité qui a traité le plus à fond la matière des génies et de leurs apparitions. Il semble, à l'entendre discourir (Lib. 11, c. 3 et 4), qu'il connaît et les génies et leurs qualités, et qu'il a avec eux un commerce intime et continuel. Il prétend que les yeux sont réjouis par les apparitions des dieux; que celles des archanges sont terribles, celles des anges plus douces. Mais lorsque les démons et les héros apparaissent, ils inspirent de. l'effroi; les archontes qui président à ce monde font une impression de douleur, et en même temps d'épouvante. L'apparition des âmes n'est pas tout à fait si désagréable que celle des héros; il y a de l'ordre et de la douceur dans Jes apparitions des dieux, du trouble et du désordre dans celles des démons, et du tumulte dans celles des archontes.

Lorsque les dieux se font voir, il semble que le ciel, le soleil et la lune aillent s'anéantir; on croirait que la terre ne peut résister à leur présence. A l'apparition d'un archange, il y a tremblement dans quelque partie du monde; elle est précédée d'une lumière plus grande que celle qui accompagne les apparitions des anges: elle est moinure à l'apparition d'un démon, elle diminue encore lorsque c'est un héros qui se fait voir.

Les apparitions des dieux sont très-lumineuses, celles des anges et des archanges le sent moins; celles des démons sont obscures, mais moins que celles des héros. Les archontes qui président à ce qu'il y a dans le monde de plus brillant, sont lumineux; mais ceux qui ne sont occupés que des choses matérielles sont obscurs. Lorsque les âmes apparaissent, elles ressemblent à une ombre, Il continue dans sa description de ces apparitions, et entre dans un détail ennuyeux sur tout cela on dirait, à l'entendre, qu'il y a entre lui, les dieux, les anges, les démons

et les âmes separées du corps, une liaison. intime et habituelle. Mais tout cela n'est que l'ouvrage de son imagination, il n'en savait pas plus qu'un autre sur une matière qui est au-dessus de la portée des hommes. Il n'avait jamais vu d'apparitions des dieux, ni des héros, ni des archontes; à moins qu'on ne dise que ce sont de véritables démons qui apparaissent quelquefois aux hommes. Mais d'en faire le discernement, comme le prétend faire Jamblique, c'est une pure illusion.

Les Grecs et les Romains ont reconnu, comme les Hébreux et les chrétiens, deux sortes de génies, les uns bons et bienfaisants, les autres mauvais et portant au mal, Les anciens croyaient même que chacun de nous recevait des dieux en naissant un bon et un mauvais génie : le bon nous portait au bien, le mauvais au mal; le premier nous procurait du bonheur et des prospérités, et le second nous engageait dans de mauvaises rencontres, nous inspirait le déréglement, et nous jetait dans les derniers malheurs.

Ils assignaient des génies non-seulement à chaque personne, mais aussi à chaque maison, à chaque ville, à chaque province. Horace dit, lib. 1, epist. 7, v. 94 : Quod te per genium, dextramque deosque penates, Obsecro et obtestor.

Et Stace, lib. v, Syl. 1, v. 73:

Dum cunctis supplex advolveris aris, Et mitem genium domini præsentis adoras. Ces génies étaient censés de bons génies, des génies bénins (Antiquité expliquée, t. 1), et dignes du culte de ceux qui les invoquent. On les représentait quelquefois sous forme d'un enfant ou d'un jeune homme. la figure d'un serpent, quelquefois sous la

On leur offrait des fleurs, de l'encens, des gâteaux, du vin : Funde merum genio (Pers., sat. 11, v. 3). On jurait par le nom des génies Villicus jurat per genium meum so omnia fecisse (Senec., epist. 12). C'était un grand crime de se parjurer après avoir juré par le génie de l'empereur, dit Tertullien: Citius apud vos per omnes deos, quam per unicum genium Caesaris perjuratur (Apolog., dailles l'inscription: Genium populi Roc. 23). L'on voit assez souvent dans les mémani; et quand on abordait dans un pays, on ne manquait pas d'en saluer et d'en adorer le génie, et de lui offrir des sacrifices. Ils en usaient de même lorsqu'ils quittaient une province; ils en baisaient la terre avec respect,

Troja, vale, rapimur, clamant; dant oscula terræ

Troades.

(Ovid., Metam. lib. xu, v. 421.)

Enfin il n'y avait ni royaume, ni province, ni ville, ni maison, ni porte, ni édifices publics et particuliers, qui n'eussent leur génie. Quamquam cur genium Romæ mihi fingitis unum? Cum portis, domibus, thermis, stabulis soleatis Assignare suos genios?

(Prudent,, Contra Symmach.) Nous avons vu ci-dessus ce que Jamblique nous apprend des apparitions des dieux, des

[graphic]

(1) Virgil., Æneid. 1. IV, de Palinuro et Miseno. August., serm. 15 de SS., et quæst. 5 in Deut., I. v, e. 43. Vide Spemer. de Leg. Hebræor. ritual.

et idolâtre, comme à des divinités domes-
tiques; ils les invoquaient, leur offraient des
espèces de sacrifices et d'offrandes d'encens,
de gâteaux de miel, de vin, etc., mais non
des sacrifices sanglants. Forsitan quis quærat
quid causæ sit ut merum fundendum sit genio,
non hostiam faciendam putaverint..... Sci-
licet ut die natali munus annale genio solve-
rent, manum a cæde ac sanguine abstinerent
(Censorin., de Die natali, c. 2. Vide Taflin,
de Anno sæcul.).

Les platoniciens enseignaient que les hommes charnels et voluptueux ne pouvaient voir leurs génies, parce que leur esprit n'était pas assez épuré, ni assez dégagé des choses sensibles; mais les hommes sages, modérés, tempérants, qui s'appliquaient aux choses sérieuses et sublimes, les voyaient; comme Socrate, qui avait son génie familier qu'il consultait, qu'il écoutait, qu'il voyait au moins des yeux de l'esprit.

Si les oracles de la Grèce et des autres pays sont mis au nombre des apparitions du mauvais esprit, l'on peut aussi y rappeler les bons esprits qui ont annoncé les choses futures, et ont assisté les prophètes et les hommes inspirés tant de l'Ancien que du Nouveau Testament. L'ange Gabriel fut envoyé à Daniel pour l'instruire sur la vision des quatre grandes monarchies, et sur l'accomplissement des septante semaines qui devaient mettre fin à la captivité (Dan., vin, 16; 1x, 21). Le prophète Zacharie dit expres sément que l'ange qui paraît en lui, lui révéla ce qu'il avait à dire; et il le répète en cinq ou six endroits (Zach. 1, 10, 13, 14. 19: 1, 3, 4; IV, 1, 4, 5; v, 5, 10). Saint Jean, dans l'Apocalypse, dit de même que Dieu Jui envoya son ange pour lui inspirer ce qu'il avait à dire aux Eglises (Apoc. 1, 1). Ailleurs il fait encore mention de l'ange qui lui parlait, et qui prit en sa présence les dimensions de la Jérusalem celeste (Apoc. x, 8. 9, et x1, 1, 2, 3, etc.). Et saint Paul aux Hébreux: Si ce qui a été prédit par les anges doit passer pour certain: Si enim qui per angelos dictus est sermo, factus est firmus, etc. (Hebr. 1, 2).

De tout ce que nous venons de dire it résulte que les apparitions des bons anges sont non-seulement possibles, mais aussi très-réelles; qu'ils ont souvent apparu, et sous diverses formes; que les Hébreux, les chrétiens, les mahométans, les Grecs, les Romains les ont crues; que lorsqu'ils n'ont pas apparu sensiblement, ils ont donné des preuves de leur présence en plusieurs manières différentes. Nous examinerons ailleurs de quelle façon on peut expliquer la manière des apparitions, tant des bons que des mauvais anges, et des âmes séparées du corps.

Des apparitions des mauvais anges prouvées par Ecriture; sous quelle forine ont-ils apparu?

Les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament et les histoires sacrées et profanes sont remplis d'apparitions des nauvais es-

prits. La première, la plus fameuse et la plus fatale apparition de Satan, est celle de ce mauvais esprit à Eve, la première femme, sous la figure du serpent, qui servit d'organe à cet esprit séducteur pour la tromper Depuis ce temps-là il a toujours affecté de paraître sous cette forme plutôt que sous une autre aussi, dans l'Ecriture, il est assez souvent nommé l'ancien serpent (Apoc. xi, 9); et il est dit que le dragon infernal combattit contre la femme, qui figurait l'Eglise; que l'archange saint Michel le vainquit et le précipita du haut du ciel (Apoc. xx, 2). Il a Souvent apparu aux serviteurs de Dieu sous la figure d'un dragon, et il s'est fait adorer par les infidèles sous cette forme en un grand nombre d'endroits à Babylone, par exemple, on adorait un dragon vivant, à qin Daniel donna la mort en lui faisant avaler une boule composée d'ingrédients mortels (Dan. XIV, 25, 26). Le serpent était consacré à Apollon, dieu de la médecine et des oracles. Les païens avaient une sorte de divination par le moyen des serpents, qu'ils nommaient ophiomanteia.

Les Egyptiens, les Grecs et les Romains adoraient les serpents, et les regardaient comme quelque chose de divin (Sap. xII, 16). On fit venir à Rome le serpent d'Epidaure, à qui l'on rendit des honneurs divins. Les Egyptiens tenaient les vipères pour des divinités (OElian., Hist. animal.). Les Israélites adorèrent le serpent d'airain que Moïse avait élevé dans le désert (Num. XXI), et qui fut dans la suite mis en pièces par le saint roi Ezéchias (IV Reg. xvi, 4). Saint Augustin assure que les manichéens tenaient le serpent pour le Christ, et disaient que cet animal avait ouvert les yeux à Adam et à Eve par le mauvais conseil qu'il leur donna. On voit presque toujours la figure du serpent dans les figures magiques d'Abraxas et d'Abrachadabra (1), qui étaient en vénération parmi les anciens hérétiques basilidiens, qui, de même que les manichéens reconnaissaient deux principes de toutes choses, l'un bon, l'autre mauvais. Abraxa en hébreu signifie ce mauvais principe, ou le père du mal, ab-ra-achad-ab-ra, le père du mal, le seul père du mal, ou le seul mauvais principe.

Saint Augustin (De Gen. ad litt. 1. u, c. 18) remarque que nul animal n'a été plus sujet à éprouver les effets des enchantements et de la magie, que le serpent, comme pour le punir d'avoir séduit la première femme par son imposture,

Pour l'ordinaire, toutefois, le démon a pris la forme humaine pour tenter les hommes: c'est ainsi qu'il apparut à Jésus-Christ dans le désert, qu'il le tenta et lui dit de changer les pierres en pain pour se rassasier; qu'il le transporta au haut du temple, et lui fit voir tous les royaumes du monde, dont il lui promit la jouissance (Matth. iv, 5, 11). L'ange qui lutta contre Jacob à Ma

(1) Ab-raca, pater mali, ou pater malus.

nanaïm au retour de son voyage de Mésopotamie (Gen. xxxш, 24, 25), était un mauvais ange, selon quelques anciens d'autres, comme Sévère Sulpice (Hist. sac.) et quelques rabbins, ont cru que c'était l'ange d'Esau qui était venu pour combattre Jacob; mais la plupart croient que c'était un bon ange et comment Jacob aurait-il voulu lui demander sa bénédiction, s'il l'eût cru mauvais ange? Mais de quelque manière qu'on le prenne, il n'est pas douteux que le démon n'ait apparu sous la forme humaine.

On raconte plusieurs histoires anciennes et modernes, qui nous apprennent que le démon a apparu à ceux qu'il a voulu séduire, ou qui ont été assez malheureux pour l'invoquer et pour faire pacte avec lui, sous la figure d'un homme d'une taille au-dessus de l'ordinaire, vêtu de noir, d'un abord disgracieux, faisant mille belles promesses à ceux à qui il se manifestait, mais promesses toujours trompeuses, et jamais suivies d'un effet réel je veux même croire qu'ils voyaient ce qui ne subsistait que dans leur idée troublée et dérangée.

On voit à Molsheim (1), dans la chapelle de Saint-Ignace en l'église des Pères Jésuites, une inscription célèbre, qui contient l'histoire d'un jeune gentilhomme allemand nommé Michel Louis, de la famille de Boubenhoren, qui, ayant été envoyé assez jeune par ses parents à la cour du duc de Lorraine pour apprendre la langue française, perdit au jeu de cartes tout son argent. Réduit au désespoir, il résolut de se livrer au démon, si ce mauvais esprit voulait ou pouvait lui donner de bon argent : car il se doutait qu'il ne lui en fournirait que de faux et de mauvais. Comme il était occupé de cette pensée, tout d'un coup il vit paraître devant lui comme un jeune homme de son âge, bien fait, bien couvert, qui, lui ayant demandé le sujet de son inquiétude, lui présenta sa main pleine d'argent, et lui dit d'éprouver s'il était bon. Il lui dit de le venir retrouver le lendemain.

Michel retourne trouver ses compagnons qui jouaient encore, regagne tout l'argent qu'il avait perdu, et gagne tout celui de ses compagnons. Puis il revient trouver son démon, qui lui demanda pour récompense trois gouttes de son sang qu'il reçut dans une coquille de gland; puis, offrant une plume à Michel, il lui dit d'écrire ce qu'il lui dicterait. Il lui dicta quelques termes inconnus qu'il fit écrire sur deux billets différents (2), dont l'un demeura au pouvoir du démon, et l'autre fut mis dans le bras de Michel, au même endroit d'où le démon avait tiré du sang. Et le démon lui dit : Je m'engage de vous servir pendant sept ans, après lesquels vous m'appartiendrez sans réserve.

1) Petite ville de l'électorat de Cologne, sur une rivière de même nom.

(2) Il y avait en tout dix lettres, la plupart grecques, mais qui ne formaient aucun sens. On les voyait à Molsheim dans le tableau qui représente ce miracle.

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