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An 255 de J.-C. - Porphyre, né l'an 223 de l'ère chrétienne, le disciple le plus enthousiaste de Photin, expliquant la doctrine des nouveaux platoniciens à sa manière, dit « Dieu est trop haut pour recevoir les sacrifices; tout ce qui est matériel est impie pour lui et ne peut lui être offert; la vie inême ne peut être employée à son service. Il faut l'adorer en silence et par de simples pensées tout autre culte est indigne de lui. Les sacrifices s'adressent dans les temples à des esprits trompeurs et malfaisants, il faut rejeter ce culte comme irréligieux (1).

Il avait un esprit actif et entreprenant par amour de la nouveauté. En lui on doit reconnaître l'auteur du langage mystérieux dont la secte ne cessa d'user depuis; on lui doit la théurgie et la magie auxquelles les platoniciens crurent alors et par lesquelles ils se distinguèrent. Ils crurent procurer aux hommes, par le moyen des génies, tout ce qui leur est utile et agréable. Heureux l'initié à la théurgie qui a mérité l'estime et la confiance des dieux intermédiaires (2).

Ce philosophe, maître de Jamblique, enseignait avant et pendant la plus terrible des persécutions, celle de Dioclétien, de 284 à 300 de l'ère vulgaire. Ainsi l'autorité, d'une part, et les faux raisonnements d'une philosophie impuissante contre là religion d'autre part, semblaient armés de tous leurs moyens de destruction; mais une force invisible était armée pour sa défense.

Jamblique ne craint pas d'interpréter à sa manière l'antiquité, et il ose dire que les Egyptiens n'adoraient qu'un Dieu sous diverses formes. Au contraire, Porphyre, dans sa lettre à Anebon, assurait que Chérébon et divers savants, en parlant de la cosmogonie des Egyptiens, ne faisaient mention que des êtres sensibles et des agents corporels, appliquant toutes les fables aux divers aspects des étoiles et des astres, à leurs levers, à leurs couchers, aux saisons et aux changements dans la température de l'air (3). Il entreprit aussi d'épurer la religion des Romains et des empereurs. Selon l'enseignement de Porphyre, il composa une théologie mystérieuse toute fondée sur les besoins qu'ont les hommes des génies et des intermédiaires. C'est pourquoi il fit une langue à part pour exprimer ses nouvelles idées (4). La théurgie et la magie de Jamblique ne consistaient que dans des mots dont la signification n'était pas connue, mais dont la puissance, selon lui, était admirable, parce que, s'ils n'ont aucun sens pour les hommes, ils signifient beaucoup pour les dieux (5).

An 360 de J-C.

- Julien avait pour Jam

(1) Porph., 11, de Abs ́inent. Bossuet, Discours sur l'Histoire universelle, 11o part., c. 26.

Des

(2) Théodor., Hist. ecclés., lib. nu et vit. landes, Histoire de la Philosophie, t. III, p. 138, 139. (3) Fréret, OEuvres, in-18, t. X, p. 26, 27, 28. (4) Deslandes et ibid., p. 140.

(5) Lévesque, Études de l'Histoire ancienne, t. V, p. 317, 518. Il s'appuie sur un texte traduit de JamLlique de Myster. Ægyptior.

blique une si grande vénération, qu'il le regardait comme un dieu tutélaire (1). L'empereur et le philosophe croyaient sans doute à la ruine prochaine du christianisme, battu par des instruments aussi faibles; mais la guerre des Perses mit fin à la vie de cet empereur. (An 363 de J.-C.)

On aura de la peine à se faire une idée de sa crédulité. Il était occupé à chercher dans les entrailles des victimes les augures et les présages, montrant un goût passionné pour l'astrologie, les sortiléges, les horoscopes, la divination, comme pour la magie et les évocations des âmes et des démons. D'un autre côté, il avait toute l'austérité d'un pythagoricien, habillé qu'il était de vêtements très-simples, n'ayant pour lit qu'un tapis et une peau de tigre, vivant dans la plus grande sobriété, ne mangeant que des fruits et des légumes, enfin se privant de tous les plaisirs des sens (2).

Valens, qui lui succéda, regardait comme le signe d'une conspiration la curiosité de certains philosophes qui les portait à chercher dans les opérations magiques la destinée de l'empereur. Sur le bruit répandu qu'il finirait bientôt ses jours par un horrible genre de mort, Valens s'en prit aux philosophes; la plupart d'entre eux périrent par les plus affreux supplices (3).

An 480 de J.-C.-Proclus, qui se rattachait à Jamblique par Syriacus d'Alexandrie, trouvait des ennemis dans les rangs des chrétiens orthodoxes et dans ceux des chrétiens hétérodoxes; il fit, comme Julien, et admit plusieurs de leurs opinions dans l'espoir qu'il pourrait les entraîner sous ses drapeaux.

Suivant le système de Proclus, qui n'a rien de nouveau, si ce n'est ce qui lui est personnel, dans le monde tout est émané d'une monade primitive, tous les êtres y forment une chaîne unique. Dieu est cette monade, et lui, Proclus, est le dernier nombre de cette série d'émanations. C'est se placer bien haut. Enfin il se voua au célibat; voulant d'ailleurs vaincre les plaisirs des sens, son âme se recueillit de toutes parts; il s'imposait nombre de privations (4). Ce qui n'empêcha pas la chute de sa philosophie.

Les gnostiques, ou les sages. -1° Ecoles de Syrie et de Phénicie.-Saturnin et Bardesanes jouèrent ici le plus grand rôle. Leur exaltation n'était pas aussi grande que leurs prétentions philosophiques.

Saturnín est simplement un homme qui expose son opinion. Il part du principe qu'il y avait dans l'univers deux actions différentes l'une de l'autre et appartenant à deux empires différents, la lumière et les ténèbres. L'Etre-Suprême, selon lui, reste inconnu. Cependant il développe et manifeste ses perfections par les puissances qui émanent de lui de degré en degré.

(1) Deslandes et ibid., t. III, p. 142, 143.
(2) Ibid., p. 174, 175.

(3) Théodor., lib. 1.

Deslandes et ibi l., p. 95,

96. Matter, Hist. du Gnosticisme, ibid., p. 476, 477. (5) Ibid., p. 478.

Elles s'affaiblissent à mesure qu'elles s'éloignent de leur source. Sur le dernier degré du monde pur et au delà de la chaîne des émanations, il place sept anges qui sont ce qu'il y a de plus parfait dans les régions intellectuelles: ce sont les sept esprits sidéraux créateurs du monde (1).'

Ceux-ci créèrent le monde pour enlever à l'esprit des ténèbres un empire indépendant où ils pussent les combattre. Ils n'étaient cependant que de purs génies de la lumière. Se trouvant sur le dernier échelon du monde supérieur, il leur arriva de se séparer de Dieu, et ainsi de séparer de la source du bien toutes les créatures visibles, de sorte qu'il ne tombait plus sur eux qu'un faible reflet de lumière. Ce reflet leur inspira cependant l'idée de rentrer dans le domaine de la lumière, et ne pouvant y réussir impunément, ils firent un effort pour fixer ce reflet dans un ouvrage de leurs mains et dont ils fussent les maîtres; ils ne produisirent que l'homme faible qui ne pouvait s'élever jusqu'à Dieu. Mais la puissance supérieure Fanima et lui donna une âme (2).

Le Dieu suprême de Saturnin était Jéhovah, et ce Jéhovah n'était point celui des Juifs. Celui-ci, quoiqu'imparfait, tenait un rang assez haut, mais sans méchanceté; il était le principal adversaire de Satan (3).

Dans son système, Satan, à la fois esprit et matière, est le principe de tout ce qu'il y a de mal dans le monde spirituel et matériel, et il oppose à des hommes purs des méchants qui sont ses instruments et ses organes. Les destinées de la race sainte étant compromises, le père inconnu leur envoya sa puissance sans corps matériel, sans forme réelle, netant pas né d'une femme. Le Sauveur, le Christ, apparut sous l'aspect d'un homme, et portant aux bons plus de secours que les méchants n'en avaient reçu des démons. Ce fut le but du Christ pour détruire en même temps la puissance des méchants, des démons, du dieu des Juifs et l'influence morale des prophètes de ce dernier, inspirés quelquefois par Satan (4).

Saturnin, qui pensait que la religion chrétieone élève à de hautes destinées et que la religion juive attache à la terre, ne pouvait se résoudre à croire qu'elles s'appartinssent comme mère et fille, et les déclara ennemies (5).

En plaçant la religion chrétienne au-dessus de celle des Juifs, il lui reconnut une morale plus sublime, mais outra cette morale. Ainsi le mariage, institué par les anges et le Dieu des Juifs, était indigne de la haute perfection des sages. Cependant il n'était proscrit et défendu que pour les parfaits. L'usage du mariage, des nourritures animales et le contact de la terre, siége du mal, fut

Matter et ibid., p. 217, 218.
Ibid., p. 279, 280.

(3) Ibid., p. 283, 284.
(4) Lid., p. 287, 288.
(5) Ibid., 289.

permis à ceux qui ne prétendaient point s'élever au-dessus du commun des hommes, Mais les méchants étaient prédestinés à ne devenir jamais des enfants de lumière (1).

Les disciples de Saturnin, peu nombreux, ne se répandirent qu'en Syrie. Antioche était le séjour principal du maître. Son école perdit insensiblement du crédit qu'elle avait pris dans certains esprits, et il ne resta que le principe des abstinences immodérées que d'autres sectaires adoptèrent (2).

An 163 de J.-C.-Bardesanes, fondateur d'une autre école de gnostiques de la Syrie, est un des hommes les plus célèbres dans les fastes chrétiens du premier âge. Il s'arrêta au système de Saturnin après avoir abandonné la religion orthodoxe dans laquelle il avait été élevé à Edesse, après l'avoir défendue contre Marcion, système qu'il remplaça par un autre de sa création et qui donna lieu à un schisme parmi ces sectaires.

L'unique source à laquelle il croyait devoir puiser n'était pas le recueil des codes sacrés. Comme adversaire de Marcion, qui rejetait ces codes, il devait en défendre l'origine, et il admit, non-seulement l'authenticité de tous les écrits canoniques des Juifs et des Chrétiens, mais encore celle de plusieurs livres apocryphes (3).

A la tête de son système il plaça, avec une partie de l'Orient, deux principes intellectuels, l'un bon, l'autre mauvais. L'un, le père inconnu, dieu suprême et éternel, vivant dans le sein de la lumière, heureux de la plus parfaite pureté de son être; l'autre, la matière éternelle, masse inerte, informe et ténébreuse, source de tous les maux, mère et siége de Satan (4).

Ce qui distingue ce système de tous les autres, c'est qu'on n'y considère point Satan comme une incarnation de lumière dégradée par le fait de son orgueil et de sa chute. C'est le chef des esprits méchants et grossiers par suite de leur grossière enveToppe. Il se rattache à un principe différent de toute éternité (5).

Dieu, éternellement heureux de la plénitude de sa vie et de sa perfection, ayant résolu de répandre ce bonheur et cette vie hors de lui, se multiplia et se déploya en plusieurs êtres de sa nature, éons et émanations intelligentes. Le premier être que produisit le Père inconnu fut sa compagne, sa pensée, la mère du Fils du Dieu vivant, du Christ, image ou Fils de Dieu. Au Christ succéda sa sœur et son épouse, le Saint-Esprit (6). Les autres générations se firent par couple mâle et femelle.

Cette hardiesse innovatrice était contraire aux codes sacrés, où la génération unique attribuée à l'Etre suprême s'opéra à l'exclusion de toute idée de femme (7). Bardesanes

(1) Ibid., p. 290, 291. (2) Ibid., 292, 293. (3) Ibid., 303. (4) Ibid., 304, 305. (5) Ibid., p. 306. (6) Ibid., p. 307.

Ibid., p. 308, 309.

admet sept générations par couple; le nombre de sept formant le nombre sacré de toute antiquité.

C'est avec le secours de quatre couples, types des quatre éléments produits par le fils et l'esprit, sa compagne, que ceux-ci ont fait le ciel et la terre, ainsi que l'homme et tout ce qui est visible. Les sept couples, avec le père inconnu et sa pensée, forment le pléroma de plusieurs autres systèmes. Celui-ci reconnaît encore d'autres puissances inférieures qui résidaient dans les sept planètes et dans les douze signes du zodiaque, dont elles portaient les noms. On voit que ce sont des esprits sidéraux (1).

Le soleil et la lune sont les premières des puissances sidérales par leur influence génératrice. Les autres ne manquent pas non plus de force dans l'ordre des choses physiques et morales. Le bonheur ou le malheur de la vie, l'abondance et la disette, en un mot,les destinées de l'homme dépendent de leurs volontés. Cependant Bardesanes défend le libre arbitre contre l'influence des astres. Tout se fait, disait-il, avec l'agrément de Dieu; rien de ce qu'il veut ne peut être évité, car personne ne peut résister à sa volonté. Ce qui paraît y résister se fait par sa bonté, qui accorde à chacun une nature propre et une volonté indépendante (2). »

L'homme est un membre distingué du monde des intelligences; son âme, née des éons, est par conséquent, en dernière analyse, une émanation de l'esprit suprême. Elle a transgressé la loi de cet être; elle a été déléguée pour l'expiation de ses fautes dans un corps emprunté au monde matériel, qui est la source du mal (3).

Quoique sortie du pléroma, l'âme humaine n'a aucune connaissance de sa nature céleste. Plusieurs éons vinrent au secours des hommes et leur apportèrent des lois. Enfin le Christ, Fils du Dieu vivant, vient luimême apprendre leur haute origine, leur ouvrir la perspective de leurs sublimes destinées et les dégager du fardeau qui pesait sur leur vie.

Né, comme homme, d'une vierge, il ne reçut d'elle rien de terrestre. Il était revêtu d'un corps céleste qui ne fit que traverser la naissance terrestre, apparut aux hommes comme il avait apparu aux patriarches, puis retourna dans le pléroma après avoir souffert une mort, mais une mort apparente (4). L'autre vie était regardée par Bardesanes comme une existence qui semblerait solennelle, parce qu'il n'en parlait et ne la représentait que comme pleine de jouissances semblables à celles qui font nos délices sur la terre. Ces banquets, ces unions conjugales, qui reviennent constamment sous sa plume, tiennent à des idées mystiques, d'usage en Orient. Mais les reproches que les orthodoxes lui font sont sans force, puisqu'il

(1) Ibid., p. 309, 310.

(2) Ibid., 313. (3) Ibid., p. 319, 320. (4) Ibid., p. 325, 326.

n'admettait pas la résurrection des corps. Les alliances des gnostiques dans l'éternité sont toutes spirituelles (1). Cette secte s'éteignit sans avoir eu une trop longue existence, et se fondit dans les rangs des orthodoxes.

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An 134 de J.-C. - 2° Ecoles de l'Asie et de l'Italie. L'école gnostique de l'Asie-Mineure place au premier rang des docteurs Marcion. Elevé par un hérétique, par Cerdon, originaire d'Asie, il propagea des doctrines que son maître n'enseignait qu'avec crainte et avec grande réserve.

Il pensait, comme son maître, que l'institution de la nouvelle religion ne se liait à aucune et qu'elle n'était pas préparée par une autre. La doctrine chrétienne lui semblait une antithèse formelle à celle du code judaïque, et il en vint à cette idée qu'il développa, que le Dieu du Nouveau Testament n'était pas celui de l'Ancien (2). En conséquence, if osa dire que les codes évangéliques étaient falsifiés (3).

Marcion professa hautement l'opinion qu'aucun autre système religieux ou philosophique n'approchait de celui des chrétiens, parce que le Dieu de bonté et de charité qu'a fait connaître le Sauveur s'est révélé par lui seul; il ne s'était jamais manifesté ni dans la nature, ni dans le judaïsme, ni dans le paganisme (4).

Il avait remarqué que saint Paul, dans son épître aux Galatès, s'était plaint de quelques faux prophètes qui altéraient la vérité de l'Evangile par des opinions judaïques; il supposa que l'apôtre des Gentils reprochait à ses collègues dans l'apostolat d'avoir ébranlé par des altérations historiques et dogmatiques l'authenticité des véritables évangiles (5). Il préféra l'évangile de saint Luc, ne pouvant, avec une exégèse défectueuse, les concilier tous (6). Exposons sa pensée.

Marcion admet trois principes: la matière, qui est éternelle et qui est le principe du mal; une intelligence d'une sagesse, d'une puissance et d'une bonté bornées, mais d'une justice rigoureuse; enfin, un Dieu parfait, l'Etre suprême, qui, par sa nature, ne peut avoir aucun rapport avec la matière (7).

Apelles, disciple de Marcion, expliqua la faiblesse apparente de l'intelligence ou du demiurge; il enseignait qu'elle était une puissance, un ange du Dieu parfait. Le demiurge est un développement des puissances de l'Etre suprême qui a formé le monde de la matière éternelle et mauvaise qu'il avait obtenue par convention du principe du mal, et qu'il retint malgré lui par la force. Ses intentions, en formant un monde, étaient bornées, mais elles étaient justes. Il fut in

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capable de les réaliser, sa faiblesse n'ayant pu maîtriser entièrement ni la matière ni les mauvais esprits (1).

La même impuissance se déclara dans la création et dans toutes les destinées de l'homme que forme le démiurge. L'homme est, à la vérité, son seul ouvrage, il est fait à l'image de son maître; mais il est impossible à son maître de lui communiquer assez de force pour résister à ce que la matière renferme de vicieux.

Les âmes des premiers hommes étaient de la plus pure essence du demiurge; mais le Créateur leur ayant donné un commandement trop sévère, et le génie du mal les ayant engagées, sous la forme du serpent, à manger de l'arbre du fruit défendu, leur nature primitive fut altérée, et la rigoureuse justice de leur maître fit passer sur elles des inaux physiques et moraux (2).

Les générations qui succédèrent aux premiers hommes, sujets à la puissance des démons et de la matière, ne valaient pas mieux que leurs pères. De là le déluge.

Quelques-uns restèrent fidèles à Dieu, tels que Noé et Abraham fuyant l'idolâtrie. Les Juifs, leurs descendants, tout malheureux qu'ils étaient, peuvent être regardés comme les heureux de la terre leur Dieu leur promit la domination sur tous les autres peuples; mais il ne parvint point à réaliser ce projet son fils, le Messie, devait leur apparaître revêtu d'une très-grande puissance; il devait réunir leurs tribus, juger les païens qui méprisaient son autorité, étendre sur la terre celle d'un dieu juste et conduire les siens au lieu de la félicité éternelle (3).

D'un autre côté, des calamités sans nombre pesaient sur la foule des nations (4). Par amour pour elles et par compassion pour le démiurge mécontent et affligé, l'Etre suprême résolut d'appeler le genre humain tout entier à de hautes destinées. N'étant pas connu des nations, il ne devait s'introduire parmi elles qu'en prenant le nom et le caractère du Sauveur promis aux Juifs (5). Il ne naquit pas d'une vierge, mais quitta les cieux supérieurs, traversa ceux du démiurge et se montra subitement dans la synagogue de Capharnaüm, la quinzième année de Tibère.

Il s'annonça comme le fils, l'envoyé ou le Christ d'un dieu bon et inconnu, et se légitima par des miracles, ne voulant pas en appeler aux prophètes inspirés du démiurge ou s'en rapporter au Christ de ce dernier, dont il venait de renverser la tyrannique do mination.

C'est pourquoi il annonça un autre dieu; il appela tous les peuples avec les Juifs à un

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bonheur non terrestre, mais éternel et céleste; il n'observa ni le sabbat ni les lois du judaïsme, et fonda une société morale différente de l'ancienne, choisissant des coopérateurs qui n'avaient joué aucun rôle dans les anciennes institutions (1).

La mort du Sauveur n'avait qu'un avantage dans l'opinion de Marcion : elle ne devait produire que l'affranchissement de l'ancienne 101; les orthodoxes, au contraire, se croyaient et se croient réconciliés par elle avec le Créateur et ramenés à son amour. Cependant, par une contradiction propre au système, après sa mort, le Rédempteur, touché de compassion pour les anciennes générations, descendit aussitôt dans les régions inférieures où se trouvaient les âmes des morts; il leur prêcha le dieu inconnu; mais les bons et les heureux le rejetèrent. Les pervers, au contraire, saisirent un ordre de choses qui les délivrait de leurs souffrances, et s'élevèrent avec lui dans les domaines célestes (2).

L'Etre suprême n'a pas la toute-puissance dans ce système, car plusieurs renoncent, comme on le voit, à la grande rédemption, et attendent le Messie qu'ont prophétisé les organes du démiurge. D'ailleurs ce Messie régnera sur la terre, selon la permanente espérance des Juifs (3).

Les bienfaits de l'Etre suprême sont cependant d'un prix infini. Ceux qui les reçoivent librement sont adoptés par Dieu à titre d'enfants, avec l'assurance d'une vie divine et vivant dans la charité, la chasteté et la sainteté; leur âme se dégagera un jour de son enveloppe matérielle pour prendre part aux félicités d'un dieu bon, juste et parfait, revêtue d'un corps ou organe aérien semblable à celui des anges (4). Point de résurrection des corps.

C'est en peignant la condition inférieure de l'homme que Marcion s'élève au-dessus des âmes vulgaires, mais pour tomber dans un ascétisme qui n'est pas dans la nature. a Les actions du mariage entretenant des impressions sensuelles sont mauvaises. L'action conjugale est permise, mais dans cette union la continence est si bien un devoir, que ceux qui s'y refusent ne peuvent participer à l'eucharistie (5). »

Les marcionites ne se bornaient point à cette abstinence: ils évitaient de mang r la chair des animaux qui nourrit le corps, et se contentaient d'eau, de lait, de pain, d'huile et de poisson, en mémoire de la péche miraculeuse de Jésus-Christ, combattaient la chair par toutes sortes de privations, et s'interdisaient les spectacles avec les habillements somptueux (6).

Le parti des marcionistes grossit avec ra

(1) Tertul., Cont. Marc., ibid., lib. 1, c. 25; lib. m, c. 4; lib vn, c. 7,8.-Matter et ibid., p. 386, 387. (2) Tert., ibid., lib. m, c. 25; lib. iv, c. 24. Matter, ibid., p. 393, 394.

(3) Matter et ibid., p. 395, 394. (4) Ibid., p. 396, 397.

(5) Ibid., p. 398, 399.

(6) Ibid., p. 401, 402.

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Montez dans ma nacelle, et voguez avec moi.
Je suis l'ange gardien que le Ciel vous envoie,
Et vers les régions de l'éternelle joie

Je conduirai votre âme à travers les douleurs,
Malgré les flots amers de l'océan des pleurs.
Venez, il est un monde où l'on est libre encore,
Où le maître qu'on sert est le Dieu qu'on adore.
Celui qui fut mon père, hélas! et que j'aimais,
Par son orgueil impie a péri pour jamais.
Qu'il soit pour les tyrans un formidable exemple;
Dieu seul est éternel et la terre est son temple!
Il doit aux nations donner pour leur bonheur
Un roi nommé David, un roi selon son cœur,
Dont le Fils, couronné d'un sanglant diadême,
Régnera sur le monde au nom de Dieu lui-même.
Par lui des rois futurs la sainte autorité
Doit sur l'équité même asseoir la royauté,
Et par lui leur pouvoir divin dans sa naissance
Doit des peuples sans frein subjuguer la licence.
Rois, courbez votre front sur le seuil du saint lieu,
Peuples, obéissez au roi qui vient de Dieu!
(Ils montent dans la barque; tout le ciel s'illumine;
des nuages s'abaissent, et des anges leur jettent des
fleurs.)

FIN DU MYSTÈRE DE BABEL.

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Nous avons choisi le sujet de notre essai parmi les personnages primitifs et les événements les plus anciens de la Bible, dans la crainte d'aborder nos mystères les plus redoutables, et de paraître trop peu respectueux par excès de zèle. Nous ne croyons pas que le personnage de Notre-Seigneur, par exemple, puisse reparaître sur le théâtre, tant que l'auditoire ne sera pas composé de vrais chrétiens, et que le rôle ne sera pas rempli par un prêtre. Aussi maintenant estce uniquement dans l'église, le dimanche des Rameaux ou le jour du vendredi saint, que le drame de la Passion se chante à trois personnages, le prêtre à l'autel, le diacre et le chantre, l'un au jubé, l'autre au lutrin; et ce chant dialogué produit encore un effet des plus saisissants et des plus capables d'exciter les larmes. (Voy. TRAGÉDIE.)

MYSTIQUES. Le mysticisme est à la piété ce que la poésie est à la littérature. De même qu'il existe une bonne et une mauvaise poésie, il faut reconnaître deux mysticismes le vrai et le faux. La bonne poésie et le mysticisme catholique ont pour sanction l'autorité, et pour garantie la sou

Dictionn. de LITTÉRATURE CHRÉT,

mission aux règles et aux lois; le faux mysticisme est enfant de Bélial, comme la mauvaise poésie est fille de l'ignorance, de l'inattention et d'un goût dépravé qui ne reconnaît pas de maîtres.

Le mysticisme insoumis est la doctrine de toutes les sociétés secrètes qui se sont succédé depuis le commencement du monde. C'est l'ésotérisme de la loi naturelle interprétée par la philosophie humaine.

Le mysticisme catholique a pour base le dogme du péché originel, dont les conséquences nécessaires sont la loi d'expiation et la doctrine d'obéissance.

Le mysticisme insoumis est ce que l'Apôtre appelle la profondeur de Satan; le mysticisme catholique est la véritable piété, que les adversaires de l'autorité religieuse proscrivent et poursuivent encore avec acharnement sous le nom de jésuitisme.

Ces deux mysticismes, opposés dans leurs principes, puisque l'un adore la nature comme divine, tandis que l'autre la combat comme dégradée, sont les deux philosophies opposées l'une à l'autre, qui produisent encore maintenant, par leur lutte, tout l'antagonisme du monde moral.

Le mysticisme philosophique n'est pas nouveau dans le monde : il résume les cultes anciens de l'Egypte, de l'Inde et de la Grèce, les opinions de tous les dissidents des premiers siècles du christianisme, les sophismes séduisants de l'école d'Alexandrie, et vient enfin aboutir de nos jours à un panthéisme que ses sectateurs osent appeler catholique, parce qu'ils le croient universel. Et c'est ainsi qu'une fausse religiosité s'insinue ou tente de s'insinuer dans la véritable Eglise pour en usurper le nom et en énerver les dogmes.

Le vrai mysticisme résiste et résistera toujours à ces tendances, qui n'ont d'autre but que de renverser la croix et d'anéantir la hiérarchie en détruisant l'obéis

sance.

La poésie religieuse, étant l'expression la plus naturelle du mysticisme, doit en exprimer le caractère. Nos poëtes modernes sont presque tous mystiques, mais malheureusement leurs tendances panthéistiques et passionnées les rattachent presque tous au mysticisme philosophique ou rationnel.

Ce mysticisme de la raison humaine n'a donné jusqu'à présent que deux solutions au dogme religieux qu'il interprète : le panthéisme, qui absorbe Dieu dans l'homme ou l'homme en Dieu, et le dualisme, qui n'est qu'un panthéisme en partie double; mais dans l'un ou dans l'autre de ces systèmes, son résultat pratique est toujours la négation de la liberté humaine et l'anéantissement de toute morale. Aussi cette doctrine a-t-elle toujours été tenue secrète jusqu'à l'époque où un homme est venu réhabiliter toutes les passions au nom de la légitimité des attraits, et prononcer hautement que les attractions sont proportionnelles aux destinées.

Cette justification de la nature a toujours

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