Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

toy il faudra que i'endure beaucoup de maux et de fascherie? le ne te puis aucunement affliger car tu seras mon fils et celuy de Dieu, et pendant que par la grace de Dieu i'auray vne seule bouchee de pain, ie te la donneray à la loüange de Dieu, et endureray volontairement tout ce qui m'aduiendra de ceci. Quand ceste furieuse femme, qui auait deliberé de tuer l'enfant, entendit ces lamentables propos, elle en eut le cœur totalement attendri, et se print à pleurer et crier bien haut, en sorte qu'il la fallut faire taire, Suso craignant que la chose ne fust diuulguee. Apres qu'elle eut assez pleuré, il luy rendit le pet t enfant, et luy souhaitant bon heur, il dist: Dieu te benisse, et les saints anges d'iceluy te preservent de tout mal! et commanda qu'il fust bien nourri et traité à ses despens. Apres ceci la detestable mere de cest enfint continua tousiours de plus en plus à diffamer Suso en tous endroits, et principalement où cela luy pouuoit nuire, de sorte que plusieurs honnestes personnages auoient pitié de sa fortune, et souuent prioient Dieu le iuste iuge, qu'il enuoyast la mort à ceste femme. Quelquefois vn sien cousin le fut trouuer: et luy dist: Malheur à ceste sacrilege femme, qui vous a ioüé vn si meschant tour. Certainement ie vous vengeray d'elle. Ie me cacheray quelque part sur ce grand pont, et quant elle passera dessus, la ietteray dans la riuiere, afin que par ce moyen son execrable cruauté soit punie et vengee. Suso lui respondit, Ami ne faites pas cela. Ià n'aduienne que pour l'amour de moy aucun soit mis à mort. Dieu qui cognoist les secrets de tous, sçait bien qu'à tort et sans cause elle m'a accusé du fait de cest enfant. Ie recommande donc cest affaire ès mains d'iceluy, afin qu'il la face mourir, ou la laisse viure, s'il luy semble bon. Et quand ie ne tiendrois compte du danger que mon ame encourroit, si je pourchassois la mort de ceste femme, toutesfois encore voudroy-ie honorer en elle toutes les autres chastes et honnestes femmes, et la laisserois viure. L'autre tout courroucé respondit à cela Pour mon regard ie ne feroi aucune difficulté de tuer homme ou femme, s'il m'auoit fait vne telle iniure. Suso luy dist: Ne faites pas cela: car ce seroit vne extrême cruaute et barbare temerité. Cessez donc, et me permettez aduenir toutes les croix et afflictions que Dieu voudra que i'endure. Or ceste affliction croissant, vne fois vaincu d'infirmité d'esprit, se trouuant par trop chargé et greué, il vouloit prendre quelque recreation et allegement. Parquoy il s'en alla voir deux de ses amis, afin de receuoir quelque consolation d'eux : lesquels s'estoient monstrez familiers et fideles en son endroit, quand la fortune luy estoit riante. Mais Dieu permist en ce lieu, que de fait il experimentast en tous les deux, comme il n'y a rien de solide et d'entier ès créatures. Car il fut beaucoup plus griefuement affligé de ces deux et de leurs compagnons, que du peuple. L'vn de ces deux luy dist des paroles fort aspres et piquantes, et luy tourna

le dos auec grande indignation, vsant mesmes d'iniures et reproches. Entre autres choses qu'il luy dist iniurieusement, il lui commanda de quitter son amitié et familiarité, d'autant qu'il auoit honte de hanter auec luy. Ces paroles luy touchoient au profond du cœur, et respondit d'vne voix triste et lamentable: O mon frère, si Dieu auoit permis que vous fussiez tombé dans ce profond bourbier, comme il a permis que ie sois tombé, ie me ietterois de bon cœur apres vous, et vous en retirerois benignement. Mais helas! ce ne vous est assez de me voir profondement plongé, ains encores Vous vous efforcez de me fouler a beaux pieds. Ie me plains de cela au cœur autresfois tant affligé du tres-pitoyable lesus: mais cestuy luy commanda de se taire, disant auec iniure: C'est fait de vous. Non seulement vos sermons, mais encores les liures qu'auez faits, seront reiettez. Et luy dressant les yeux au ciel, respond doucement : le me fie en Dieu tout puissant, que mes liures et mes esprits en temps oportun seront beaucoup plus agréables et chers, que iamais ils n'ont esté par ci deuant. Il reçeut ceste consolation vrayement lamentable de ses principaux compagnons et amis. En la mesme ville, iusques à ce temps les gens de bien l'auoient honnestement pourueu des choses necessaires : mais quand ils entendirent ces faux bruits, tous ceux qui les croyoient se tindrent de l'aimer et de le secourir, iusques à tant que, sçachans bien la verité de tout, ils retournerent encores vers luy. Vn iour il s'assit pour prendre quelque peu de repos. Or estant cependant retiré des sens, il luy sembla qu'il auoit esté mené en quelque region intelligible. Là quelqu'vn parloit fors au fons de l'ame diceluy en ceste maniere: Escoute, escoute vne parole de consolation que ie te liray maintenant. Il escoutoit attentiuement. Il luy leut donc en latin ces paroles d'Esaye: Tu ne seras plus appellee delaissee, et ta terre ne sera plus appellee desolee: mais tu seras appellee, ma volonte en icelle, et ta terre sera habitee, car le Seigneur s'est pleu en toy (Esa. LXII). Quant il eut leu cela il le repeta par trois ou quatre fois. De quoy Suso s'esmerueillant, il dist Que veut dire cela, que tant de fois vous me repetez ces choses? Afin, dit-il, qu'asseurant vostre esprit en Dieu, vous ayez bonne confiance en luy, puis que mesme il pouruoira des choses necessaires la terre de ses amis c'est à dire leurs corps mortels, et si quelque chose leur est ostee en vn endroit, il le leur rendra en lautre Dieu vous en fera de mesme par sa benignité. Tout cela aduint par apres, et si euidemment, que plusieurs en rioient de ioye, et louoient Dieu, les yeux desquels parauant auoient ietté des larmes de grande pitié et compassion. Alors cest homme affligé ressembloit à vne bestiole mangee et deschiree des loups, qui rend encore quelque odeur, dont les guespes et freslons arriuez, y viennent par bandes, et acheuent de manger ce qui reste, iusques aux os, voire tirans la moëlle l'em

:

[ocr errors][merged small]

portent en l'air auec eux car il fut en la humaine infirmité il sortit dehors auec des mesme sorte diuulgué et diffamé de tous gestes peu rassis, et composez, vaincu de la costez par quelques vns religieux d'appa- grande angoisse qui le tenoit : et pendant rence, et qui faisoient cela sous couleur et ceste lamentable contenance et composition quelques saintes ou deuotes complaintes et de son homme exterieur et interieur, il s'alla deuis, afin de se recreer les vns auec les mettre en vn lieu secret et separé de la comautres comme par amitié, combien qu'il n'y pagnie des hommes, où il ne pouuoit estre eust en eux aucune fidelité. A cause de cela, veu ni entendu de personne, et tantost it il se sentit par fois aiguillonné de quelques iettoit des hauts soupirs, tantost les larmes mauuaises pensees en ceste manière : Pi- lui venaient aux yeux, et puis apres elles toyable lesus, si quelqu'vn endure quelque lui couloient impetueusement par les iouës. tort des luifs, ou des Ethniques ou de ceux I auoit le cœur si pressé, qu'il ne pouuoit que chacun cognoist estre meschans, cela se arrester en place : maintenant il s'assistoit, peut aucunement supporter. Mais ceux-ci maintenant se leuant subit, il courroit çà et semblent vos amis, qui me tourmentent là par la chambre, comme s'il eust esté aux cruellement, à cause de quoy ceste croix est angoisses de la mort. Quelquesfois ces pad'autant plus intolerable. Au reste reuenant roles lui venoient et tomboient au plus proà soy, et considérant toutes choses par raison fond du cœur : Helas tres-doux Iesus, que et meur iugement, il ne leur en donna au- ferez-vous de moi? Comme donc il estoit cune faute, ains se persuada que Dieu auoit ainsi miserablement tourmenté, ce qui s'enfait cela par eux, et qu'il deuoit ainsi endu- suit lui fut diuinement inspiré Où est rer, et que Dieu par ses ennemis accomplit maintenant ta resignation? où est le demeuet parfait le salut eternel de ses amis, et rer d'vn mesme estat et disposition, tant en specialement lors qu'il estoit esmeu de ces aduersité qu'en prospérité ? Ce que toi-mesmes aiguillons d'impatience, il lui fut interieure- as bien souuent et ioyeusement conseillé aux ment ainsi respondu : Souuienne-toy, que autres, à sçauoir comme ils se deuoient sans Iesus Christ voulut auoir en sa compagnie, difficulté resigner à Dieu, et ne hesiter aunon seulement S. lean son tres-cher disciple, cunement. A quoi il respondit en pleurant : et S. Pierre à lui tres-fidèle, mais encore il Demandez-vous donc où est ma résignation? voulut endurer ce meschant Judas. Toi donc Mais moi ie vous demande, où est l'infinie qui veux ensuiure Iesus Christ, pourquoi misericorde de Dieu enuers ses amis. le n'atendures tu à regret ton Iudas? Tout soudain tends rien autre chose qu'vne extréme calavne pensee volante respondit ainsi à ces mité, et suis en moi mesme tout esperdu, choses: Helas mon Iesus, si vostre amy af- comme celui qui doit estre condamné à mort, fligé n'auoit qu'vn Iudas, cela seroit tolera- et a perdu ses biens et son honneur. le penble et facile à supporter: mais maintenant sois que Dieu fut benin, pitoyable, et fidèle il n'y a coin qui n'en soit rempli, de sorte à tous ceux qui s'oseroient mettre et resiqu'vn s'en allant, cinq autres se mettent en gner entre ses mains: mais il semble auoir place. Il lui fut interieurement respondu à defailli en moi. Helas ceste fontaine de ces choses: Celuy qui a l'esprit en bonne piété, qui n'a peu estre estoupee, se tient disposition, ne doit penser qu'aucun soit son decouler vers moi malheureux. Ah, ce tresIudas, mais plustost cooperateur de Dieu, pitoyab'e cœur, la benignité duquel est lespar lequel doit estre exercité pour son salut moignee de tout le monde, m'a totalement special. Veritablement quand Iudas trahit et abandonné en ma misère : il a destourné ses liura Iesus Christ par vñ baiser, Iesus Christ yeux de moy en son visage serain. O face l'appella son ami, disant : Ami, pourquoi estes de mon Dieu! O cœur tres-doux, ie n'eusse vous renu? (Matt. xxvI.) Apres que Suso iamais creu, ie n'eusse iamais esperé de plus qu'assez tourmenté de la façon, eut vous, que me deussiez reietter de la façon. long temps enduré calamité, il lui demeura O abysine infini, secourez ce misérable defi quelque petite consolation, qui lui faisoit a mort. Vous sçauez que toute mon espeencores prendre quelque peu de courage, rance et consolation est mise et colloquee d'autant que le bruit semé de lui, n'estoit en vous seul, et non en aucun autre qui soit encores paruenu aux principaux prelats de au monde. Vous tous qui estes affligez, esson ordre. Mais Dieu lui osta bien tost ceste coutez moy, ie vous prie auiourd'hui. Il n'y petite consolation: Car celui qui estoit per- a certes cause raisonnable, pour laquelle on fect ou general de tout l'ordre, et le prouin- se doiue scandeliser de ceste mienne lamencial de Germania vindrent I'vn auec l'autre table perturbation, et de mes gestes mal en la ville où ceste meschante femme auoit composez. Car pendant que i'auois la resifaussement accusé Suso. Ce que le pauure gnation en la bouche, ce m'estoit chose plaihomme qui demeuroit autre part entendant, sante d'en parler: mais ores i'ay le cœur il fut merueilleusement espolvanté, et pen- tout outré de douleur, et les sagettes du soit ainsi Peut estre que tes superieurs Seigneur m'ont transpercé toutes les vaines, croiront ceste malheureuse femme, que s'ils et ont espuisé mon cerueau, en sorte que ie le font, c'est fait de ta vie. Car ils t'enferme- n'ay membre en tout le corps, qui ne soit ront pour faire penitence; il te vaudroit totalement consommé de douleur et de tourmieux endurer la mort. Ceste crainte le tour-ment; et comment enfin pourrai-ie estre rcmenta douze iours continuels et autant de nuicts, en sorte qu'il attendoit tousiours qu'on le chastiast de la façon. Un iour par

signé? Apres qu'il se fut ainsi miserablement comporté iusques à la moitié du iour, ayant le cerucau fort affoibli et débilité, en

fin il s'assit et demeura tranquille et coy, puis se destournant de soy, il se retourna vers Dieu, et se résignant à la volonté d'icelui, il dist Vostre volonté soit faite (Matth. xxvi). Estant ainsi assis, il vit deuant soy en extase vne saincte vierge, qui avoit esté sa fille spirituelle, laquelle estant encore en vie lui auoit pré it qu'il endureroit beaucoup d'aduersitez mais que Dieu le déliureroit de toutes. Il vit, di-ie, ceste vierge lui assister, et le consoler doucement. Mais il fut indigné de cela, et la reprint de menterie. Alors ceste vierge se sousriant s'approcha plus pres et lui baillant sa sainte main, elle dit: le vous promets et donne asseuranc és paroles et au nom de Dieu tout puissant, que iamais il ne vous laissera, ains que plutost par la bénignité et grace d'icelui, vous surmonterez ceste facherie, et toutes autres qui se pourront présenter. Suso respondit: Fille, la douleur et destresse que i'endure de present est si cruelle et terrible, que ie ne vous puis d'oresnauant plus adiouster foy, si ne me donnez un signe euident de cela. Elle dist: Dieu par soy-mesme vous excusera et purgera enuers tous les gens de bien et d'honneur: quand aux meschans, ils iugent toutes choses selon leur meschanceté: de quoi le sage et courageux ami de Dieu doit faire peu d'estime. Au reste, l'ordre de S. Dominique, lequel vous dites auoir reçeu deshonneur par cela, sera encore beaucoup plus agreable pour l'amour de vous à Dieu et à tous ceux qui vsent de raison. Et afin que vous cognoissiez que ie dis verite, sçachez que bientost Dieu vous vengera, espandant sa fureur sur ceste detestable femme, qui vous a causé ceste calamité, et la fera subitement mourir : et ceux pareillement qui lui ont aidé à semr de mauvais bruits de vous, perirons tous aussi de bref. Ces choses entenduës, Suso deuenu plus ioyeux pour sa déliurance, attendoit quelle fin Dieu mettoit à cette tragedie. Quelque peu de iours apres toutes ces choses veritablement aduindrent, car ceste sacrilege femme expira subitement, Dieu la punissant et plusieurs des autres qui l'auoient le plus griefuement persecuté, moururent aussi de mort subite, partie sans confession, et sans receuoir le sainct sacrement de l'autel. L'vn d'iceux estoit quelque Prelat, qui l'avoit cruellement affligé. Cestui-ci après sa mort apparut à Suso par vision, et luy dit que pour cela il avoit perdu la vie et la dignité, et qu'il lui faudroit endurer de grands tourments. Or quelques vns de ses amis, qui sçauoient comme le tout

estoit passé, voyans ceste inusitee vengeance, et la mort subite de ses ennemis, loüoient Dieu, disant: Veritablement Dieu aide à ce bon personnage, et voit-on clairement qu'on lui a fait tort: à cause de quoi nous et tous ceux qui ont du cœur, l'aurons en meilleure estime et en plus grande répulation de sainteté, que s'il n'auoit point enduré cela. Depuis cela toute ceste tempeste par la grace de Dieu fut assopie, comme la vierge l'auoit prédit en vision. Bien souuent après il disoit en soy-mesme: Seigneur, il est vrai ce qu'on dit communément. A qui Dieu veut aider, aucun ne lui peut nuire. Pareillement le compagnon d'icelui, qui ne s'estoit pas montré son ami en ceste cause, comme il est dit ci-dessus, et ne vescut gueres depuis, lui apparoissant après sa mort vestu d'vne belle et magnifique robe d'or, estant deliuré de tout cest empeschement, qui l'engardoit de voir la face de Dieu, amoureusement l'embrassa, et doucement appliqua et pressa le visage d'icelui contre ses ioues, lui priant qu'il lui pardonnast l'offense commise contre lui, et qu'il eust eternelle amitié entr'eux. Cela fut agreable à Suso, qui de son costé l'embrassa aussi fort amiablement, puis l'autre s'esuanoüit, et s'en alla au ciel. Et quand il s'embla temps à Dieu, Suso apres auoir bien enduré, fut diuinement déliuré de toute son afliction, et recreé d'vn interieure paix de cœur, d'vn tranquil repos et d'vne grace abondante. Il loüoit Dieu fort affectueusement et principalement pour ceste affliction passee, et disoit, qu'il n'eut voulu pour tout le monde n'auoir enduré tout cela. Facilement alors il cognoissoit par illumination diuine, qu'il auoit esté plus excellemment consolé, recreé, et pareillement esleué en Dieu, pour auoir esté ainsi humilié, que de toutes les autres afflictions que il auoit end iré depuis son enfance iusques à ce temps. »>

Que pourrons-nous dire à ceux qui ne trouveront aucun charme dans de pareils récits, et qui n'admireront pas même au point de vue littéraire ces contrastes de grâce et de barbarie, d'austérité et de douceur, ces larm s plus que maternelles de la chasteté qui sympathise avec l'innocence? Nous leur citerons seulement ce passag de l'Ecriture: « Vos pensées ne sont pas mes pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit le Seigneur. Cogitationes vestræ non sunt cogitationes meæ, neque viæ vestræ viæ meæ, dicit Dominus. »

N

NAHUM. Le prophète Nahum a chanté la ruine de Ninive dans un dithyrambe sublime. L'enthousiasme lyrique est porté à son comble dans cette prophétie pleine d'épouvante. Le début en est magnifique, et offre les plus belles oppositions.

« Le Seigneur est un Dieu jaloux qui se venge, mais il possède sa fureur. Il se venge de ceux qui lui font la guerre, il s'irrite contre ses ennemis. Mais le Seigneur est grand et patient dans sa force, et ne frappe pas J'innocent. Il passe dans la tempête, et les

nuages sont la poussière de ses pieds. I gronde la mer et elle se dessèche... Sa colère déborde comme une lave et les rochers se fendent... Le Seigneur est bon, il donne la force aux siens pendant les jours de la tribulation, et il connaît ceux qui espèrent en lui. »>

Cette opposition de la bonté et de la puissance des vengeances et de l'amour d'un Dieu sont de la plus haute poésie. Les expressions du prophète sont d'une hardiesse qui étonne.

aucune cour du monde la voix de tes embassadeurs!

« Malheur à la cité sanguinaire, à la file du brigandage! Tu t'es agrandie par le vol, et c'est le vol qui t'anéantira. Entendez-vous claquer les fouets des guides, et le tonnerre de la roue qui gronde? Ecoutez ! c'est le hennissement des chevaux qui piétinent, le tourbillon des chars qui mugissent, les cris des cavaliers qui s'excitent!... Regardez! regardez ! ce sont les éclairs du glaive, les étincelles de la lance... Voici le råle de « Le déluge passe et dévore la terre; les la multitude qui meurt, le fracas des ruines ténèbres poursuivent les ennemis du Sei- qui tombent; le champ des cadavres n'a plus de bornes, et les vivants trébuchent en se heurgneur. Voyez ces gens qui s'enivrent entant contre les morts, Misérable Ninive! toi semble, et qui s'embrassent comme se torqui étais belle et qui vendais tes sourires aux dent les branches d'un buisson aride 1... Ecoutez le feu qui pétille!... Demain le vieux nations, te voilà hideuse et nue. Tous ceux Ecoutez le feu qui pétille!... Demain le vieux qui te verront reculeront d'horreur et de monde aura passé comme la cendre qui vole, dégoût, et l'on dira: Quoi! cette Ninive est et voici venir sur les montagnes les pieds dévastée ! Mais qui te plaindra et daignera de ceux qui évangélisent la paix ! Israël, rehocher la tête à cause de tes malheurs ? où lève-toi, et reviens, célèbre tes fêtes! Le chercherai-je celui qui pourra ou qui voumal n'existe plus dans le monde, et Baal est mort tout entier. »>

Tel est le début et la première partie de l'ode, partie dogmatique où Dieu, ses ennemis, ses amis, le présent et l'avenir sont mis en présence; et pourquoi ? Pour menacer Ninive.

« Malheur à Ninive! Voici ton vainqueur, voici ton destructeur, ville impie! Regarde sur les chemins, i's viennent! ils viennent! Prenez vos boucliers !... Mais déjà vos boucliers brûlent,... le feu a dévoré les courroies de vos chars,... vos conducteurs sont ivres, les quadriges s'entre-choquent sur vos places et courent en traînant des flammes comme des comètes échevelées... Où sont les guerriers, où sont les braves? Un ennemi inconnu monte le long des murs, la nuit le couvre comme un voile, et personne pour défendre la ville... Malheur!... malheur ! Les portes des fleuves sont ouvertes et le temple est tombé sous le choc des eaux. L'inondation réfléchit les flammes, et le pavé de Ninive a disparu sous des vagues de feu liquide... Tous les combattants sont en fuite... Arrêtez ! arrêtez !... Personne n'entend! personne ne revient au combat. Des troupeaux de captives se pressent comme des colombes effrayées, et gémissent comme des tourterelles. A vous tout l'argent! à vous les monceaux d'or!... Les richesses sont intarissables, les vases précieux sont jetés à qui veut les prendre. Elle n'est plus! elle est ruinée. Sa pourpre est déchirée, son cœur a défailli, ses genoux ont fléchi... O reine! ô Ninive! la fumée a noirci ton visage... Où est maintenant l'antre des lions? Les lions se promenaient sur tes places, et personne ne se présentait pour les chasser; ils venaient tranquillement chercher leur proie, et la pâture de leurs lionceaux, et ils choisissaient, et ils déchiraient, et ils remplissaient leurs tannières de débris ensanglantés mais le Seigneur a dit: Le glaive dévorera les lions, les chariots s'évanouiront en fumée, et l'on n'entendra plus dans

dra te consoler? »

On n'analyse pas une poésie pareille; on la lit, et on frisonne.

« Ó roi d'Assur, » dit le prophète en finissant, « tes pasteurs d'hommes se sont endormis, tes princes sont dans le cercueil, ton peuple a fui dans les montagnes, et personne ne rassemblera le troupeau dispersé. La calamité qui t'écrase ne t'a pas frappé dans l'ombre, l'horreur de tes plaies est étalée à tous les yeux. Tous ceux qui ont appris 'ta chute ont frappé des mains et ont applaudi à ta perte. Sur quelle tête en effet n'avait pas marché ton orgueil? »

Ainsi se termine la prophétie de Nahum, qui a inspiré à John Martyn un de ses tableaux les plus sombres et les plus terribles. Qu'est-ce auprès de cela que tous les chefsd'œuvre de l'art profane ? Ecoutez donc les tambourins et les trompettes, quand un pareil tonnerre vient de gronder !

NARRATION.-Nous n'avons pas à parler ici de la narration en général. Quant à la narration qui appartient à la littérature chrétienne, les modèles en sont dans la Bible et dans l'Evangile. C'est là, en effet, que nos légendaires les plus poétiques se sont inspirés. On ne saurait trop imiter cette simplicité de formes, cette bonne foi si auguste, cette concision souvent si sublime. Jésus revint avec ses parents à Nazareth, et il leur était soumis.-Les Galiléens menèrent Jésus sur une montagne pour le précipiter, mais lui, passant au milieu d'eux, s'en alla.—Inclinant la tête, il expira. Comparez cette simplicité si émouvante à toutes les phrases de nos romanciers, et dites où vous trouverez le plus de force et de couleur.

Pour bien raconter, il faut savoir se mettre à la place de ceux qui écoutent ou qui lisent, supprimer par conséquent tous les détails qui font languir l'intérêt, s'étendre au contraire sur toutes les circonstances qui peignent et qui font mieux saisir les choses vraiment intéressantes, ne pas trop viser à la surprise, et varier avec soin ses couleurs,

[ocr errors][merged small]
[blocks in formation]

car une narration est un tableau parlant. (Voy. BIBLE, EVANGILE, LÉGENDES, etc.)

NATALIBUS (PIERRE DE).- Un des aude). teurs de la Légende dorée. (Voy. LÉGENDES.) NOELS. Les Noëls sont des cantiques naïfs et populaires destinés à charmer la longue veillée de la nuit de Noël en attendant la messe de minuit lorsque la grosse bûche flambe dans la cheminée, et qu'on n'interrompt les chants joyeux que pour raconter d'étonnantes et de miraculeuses histoires. L'origine des Noëls remonte sans doute aux premiers siècles du christianisme, et l'usage s'en est perpétué dans nos campagnes. Le recueil des vieux Noëls s'appelle la grande Bible des Noëls, mot qui est évidemment employé pour livre, et qui donne à ce recueil traditionnel une origine grecque. La littérature des Noëls est une branche encore trop peu cultivée de la poésie chrétienne; il faudrait étudier avec soin toutes les vieilles chansons, en conserver la naïveté et la grâce, mais en retrancher les choses grotesques ou grossières. Saint François de Sales, dans ses lettres spirituelles, a sur le mystère de la Nativité des inspirations charmantes, qui pourraient fournir des motifs aux Noëls les plus gracieux. Les anciens recueils en contiennent quelques-uns qui peuvent être conservés presque dans leur entier, celui par exemple où les bergers s'entretiennent des merveilles de l'étable. L'un d'eux dit qu'après avoir adoré l'Enfant Dieu, il faudra se retirer.

Nous lui donnerons le bonsoir,
En lui faisant le révérence.

Adieu, poupon,
Adieu, poupon, jusqu'au revoir.

Ce à quoi un autre berger répond :

Comment! Guillot, que dis-tu Jà?
Il ne faut pas faire cela
J'aimerais mieux perdre la vie :
Restons plutôt dans ce saint lieu,
Tenons-lui toujours compagnie
Et ne disons,

Et ne disons jamais adieu.

Un troisième reprend alors:

Moi, je serais plutôt d'avis
De transporter ce petit fils
De l'étable à ma maisonnette,
Où j'ai préparé sur deux bancs
Un lit en forme de couchette

Avec des draps,

Avec des draps, qui sont tout blancs. Voilà de la naïveté qui n'a rien de trivial et qui n'est pas sans grâce dans sa bonhomie.

D'autres Noëls sur le même air ont quelques couplets fort jolis :

ORAISON

Abreuvé de lait et de miel,
Bercé par la reine du ciel,

Je vois dormir l'Agneau sans tache
Sous son voile et près de son cœur ;
En fermant les yeux il se cache
Comme un bouton,

Comme un bouton, sous une fleur.

Les soupirs qu'il fait en dormant
Vont et viennent si doucement
Autour de ses lèvres vermeilles,
Que les anges pour l'embrasser
Voltigent comme des abeilles,

Mais n'osent pas,

Mais n'osent pas, le caresser.

Croisant ses deux petites mains,
Il rêve au salut des humains,
Et son sommeil a tant de charine,
Qu'attentive à le surveiller,
La Vierge retient une larme,
Tant elle a peur,

Tant elle a peur, de l'éveiller.

Ces trois couplets forme: t un véritable petit tableau et expriment des choses qu'i! serait difficile de bien rendre par la peinture.

Quelques Noëls sont distribués par personnages et peuvent être joués comune des mystères. Tel est celui où l'on voit Joseph et Marie cherchant un asile dans Bethléem, et ne trouvant partout que des refus; un hôtelier leur répond:

Pour des gens de mérite
J'ai des appartements ;
Point de chambre petite

Pour vous, mes bonnes gens.

Une femme s'amuse un instart à la porte de chez elle à plaindre la sainte Vierge avec une compassion toute banale, mais le mari de cette femme lui crie du fond de son lit:

Viendras-tu, babillarde?
As-tu fini ton bruit?
Faut-il te mettre en garde
A la porte à minuit!

LA FEMME.

C'est mon mari qui crie, Il faut nous séparer : Adieu, j'en suis marrie, Je ne puis vous loger.

Nous avons des Noëls dans toutes les langues et dans tous les patois. Les Noëls bourguignons de Lamonnoye (gui Barozaï) ont acquis une assez grande célébrité pour tier les aient publiés dans leur collection. que les éditeurs de la bibliothèque CharpenNous n'en citerons rien parce que les poésies patoises perdent toujours toute leur grâce à la traduction.(Voy. CANtiques.)

ODE. (Voy. POÉSIE LYRIQUE.)

OFFICES. (Pour les offices en général, Voy. CÉRÉMONIES, MESSE, HYMNES, PROSES,

PSAUMES. Pour les offices particuliers, Voy.
PROPRE DU TEMPS.)

ORAISON. (Voy. MYSTIQUES.)

« ZurückWeiter »