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DES SAVANTS.

JANVIER 1880.

ÉCOLE FRANÇAISE D'ATHÈNES : Bulletin de correspondance hellé-
nique. Première, deuxième et troisième année, 1877, 1878 et
1879. Athènes, Pierre Perris, éditeur-imprimeur, place de
l'Université, -et Paris, Ernest Thorin, libraire-éditeur, 7, rue
de Médicis1.

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deuxième et DERNIER ARTICLE 1.

Les bas-reliefs que l'on retrouve en Grèce sont plus nombreux que
les statues en ronde-bosse et que les bustes. Qu'ils soient d'un art mé-
diocre ou d'un beau style, ils apportent presque tous à l'archéologie et à
l'histoire de la sculpture d'utiles renseignements. C'est donc à juste titre
qu'il en est fréquemment question dans le Bulletin; j'y ai lu un mémoire
de trente pages consacré par M. Paul Girard aux ex-voto à Esculape
qu'on a retirés du sol sur la pente méridionale de l'Acropole. Un an
auparavant, M. Paul Girard en avait inséré dans le même recueil le
catalogue descriptif. Ces bas-reliefs ou fragments, au nombre de quatre-
vingt-douze, sont, pour la plupart, très mutilés. Il en est deux à peine
qu'il serait possible de dater par approximation. Treize seulement
portent des inscriptions. Aussi a-t-on dû renoncer à en dresser une
classification chronologique. Mais, en les considérant successivement au
triple point de vue des représentations, des inscriptions et de la fabri-

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cation, on en a tiré des informations abondantes, parfois nouvelles, sur le culte d'Esculape. Pour ne parler ici que de la fabrication, voici quelques-unes des conclusions curieuses du travail de M. Paul Girard. Les personnages qui figurent sur ces plaques votives sont, en général, des types convenus. Parmi les suppliants, tous les hommes se ressemblent; il en est de même des femmes et des enfants. Ce sont des suppliants impersonnels. Peu importe le visage : une seule condition semble requise, c'est que le nombre des figures de l'ex-voto soit égal à celui des membres de la famille en hommes, en femmes et en enfants. Les divinités, Esculape, Hygie, Athéné, sont, elles aussi, sculptées d'après certains types constants, détail qui était plus connu que le précédent. Plusieurs de ces ex-voto portent encore des traces de couleur bleue. Cette couleur revêtait le fond des bas-reliefs: elle est assez semblable à celle qui a laissé çà et là des traces sur le larmier du Parthenon. Des vestiges de couleur rouge paraissent sur les cheveux des suppliants. Ges faits viennent grossir la liste des preuves déjà recueillies à l'appui des pratiques de la sculpture polychrôme. La dernière conclusion du mémoire, c'est que ces ex-voto ne sont pas des œuvres d'art, mais de simples offrandes qui visent à exprimer non point le beau, ni même la piété par le beau, mais simplement la dévotion naïve qui a imploré une grâce et qui en paye comme elle peut le prix. Alors, comme dans tous les temps, l'art était capable de fortifier le sentiment religieux, aliquid adjecisse religioni, et le sentiment religieux augmentait et élevait l'inspiration de l'artiste. Mais la foi vive s'exprimait le plus souvent par des œuvres sans beauté et inversement des génies sans foi, comme plus tard le Pérugin, ont pu produire d'admirables œuvres. Le sentiment religieux et le sens du beau ne sauraient être confondus : les ex-voto à Esculape le répètent à leur manière.

D'autres bas-reliefs athéniens sont religieux et néanmoins très supérieurs à ceux-là par la composition, par le style et par la tournure élégante des personnages. Tels sont deux marbres officiels, deux en-têtes de décrets, sur lesquels M. A. Dumont a appelé l'attention, et dont il a publié des copies par l'héliogravure. Le premier est de l'année 375 avant notre ère. Il représente Athènes faisant un traité d'alliance avec Corcyre. Un homme assis à gauche est le peuple d'Athènes, le Añμos, la femme qu'il regarde est l'île de Corcyre; Athéné, debout un peu plus loin, dans l'attitude de la méditation, est spectatrice de l'acte qu'accomplit le groupe principal. Elle est témoin des serments prêtés par les deux contractants. Dans un second bas-relief du même genre, et qui date de 362, deux femmes sont debout devant Zeus assis. Zeus a ici le

rôle de témoin. Le décret constate une alliance entre les Athéniens, représentés par leur déesse, et quatre peuples : les Arcadiens, les Éléens, les Achéens et les Phliasiens, représentés par la seconde femme. Le pacte conclu dans les deux scènes est certainement religieux en même temps que politique, comme l'étaient tous les traités ce qui n'empêche pas que ces marbres n'aient une valeur esthétique infiniment plus grande que les ex-voto à Esculape. Il est vrai qu'entre Phidias et le temps des deux en-têtes sculptés, il ne s'est guère écoulé plus d'un demisiècle, et qu'à cette distance, les artistes qui les ont exécutés ont pu ressentir encore l'influence de la grande école. Des ex-voto à Esculape, faits à cette époque, offriraient-ils les mêmes qualités de style? On ne le saura que si l'on vient à retrouver des bas-reliefs analogues provenant avec certitude de la première moitié du Iv° siècle avant notre ère. Jusqu'à présent on n'en possède pas.

Parmi les restes de l'art antique, les petits monuments, tels que les statuettes, les figurines, les vases, les bijoux, les ustensiles même, ont une importance que n'ont pas méconnue les collaborateurs du Bulletin. La curiosité que ces objets ont toujours excitée s'est encore accrue par les découvertes faites dans ces dernières années en Grèce, dans les îles, en Asie Mineure, en Italie; et qui ont donné lieu à des rapprochements discrets et provisoires sans doute, mais préparant déjà de légitimes inductions. Ces inductions entrevues, une sage critique les ajourne. Trop d'éléments qu'il faudrait connaître sont encore ignorés. Par exemple, voici les antiquités chypriotes vers lesquelles se tourne la vive attention des archéologues. MM. de Vogüé, Colonna-Ceccaldi, Lang, de Cesnola, ont, par les résultats de leurs recherches, enrichi les musées d'une foule d'objets qui serviront plus tard à résoudre la question des rapports de l'art oriental avec l'art grec. Comment déterminer, dans ces monuments, la part d'influence des pays voisins et la distinguer de ce caractère propre qui permet de parler du style chypriote? Et ce style intermédiaire, on arrivera à le distinguer du style et du type grec proprement dit. Mais cette étude réclame les plus grandes précautions. Elle exige en effet une condition essentielle, c'est que l'on soit assuré de l'authenticité de la provenance, qui rend les différences sensibles au milieu des analogies. Or M. E. Pottier 2, dans sa notice sur quelques

1

Voir là-dessus l'ouvrage de M. É.

Egger: Etudes historiques sur les Traités publics chez les Grecs et chez les Romains. Nouvelle édition, Paris, 1866. Voir aussi Fustel de Coulanges, La cité an

tique, 5 édition, page 248. Paris, Hachette, 1874.

Membre de l'École française d'A

thènes.

monuments figurés de l'île de Chypre, dit, avec raison, que les objets ont souvent été transportés d'une côte à l'autre, ce qui est une cause d'erreur. M. Georges Perrot, dans un article de la Revue des DeuxMondes, a signalé les confusions fâcheuses produites inévitablement par l'exportation en masse des objets chypriotes sur la côte de Syrie, où les paysans grecs venaient en secret les vendre pour se soustraire à la surveillance des fonctionnaires turcs 2. Une terre cuite achetée à Saïda est-elle sortie du sol phénicien, ou bien vient-elle de Chypre? On ne le sait plus. La comparaison ne pourra s'exercer avec certitude sur un nombre suffisant de termes qu'après la publication de la collection chypriote de M. de Cesnola, acquise par le Musée métropolitain de New-York. Que faire en attendant? De bons catalogues descriptifs des objets dont la provenance est établie. Tel est celui qu'a dressé et publié M. E. Pottier. Ce n'est qu'une énumération, et cependant la lecture en est intéressante et instructive. J'en dirai autant du catalogue des figurines corinthiennes en terre cuite qu'a rédigé sur place M. J. Martha, d'après une collection particulière. Là aussi les causes d'erreur ne manquaient pas, quoique moins nombreuses. Mais il a été possible de noter certains caractères de l'art local. Ainsi les figurines de Corinthe étaient peintes comme celles d'Athènes et de Tanagre on y trouve du bleu sur les vêtements, du rouge brun sur les cheveux, du rose sur les chairs. Et, détail curieux, il semble que les ateliers de Corinthe n'aient pas dédaigné une des branches les plus infimes de l'art, très fructueuse aujourd'hui chez nous, la fabrication des poupées articulées.

Comme on doit s'y attendre, les inscriptions reproduites souvent en caractères épigraphiques, transcrites en caractères courants, traduites, complétées, discutées, rattachées à d'autres monuments, remplissent un grand nombre de pages dans le Bulletin, le plus grand nombre peutêtre. Les citer toutes serait transformer cet article en table de matières. J'en indiquerai quelques-unes qui m'ont frappé par un trait de nouveauté, ou captivé à l'égal d'une saisissante page d'histoire; et, en les citant, je répéterai des noms de savants que le lecteur a déjà rencontrés soit ici, soit ailleurs, dans les voies de l'érudition.

M. É. Egger a donné à l'École française d'Athènes une marque nouvelle de sa bienveillance active et depuis longtemps éprouvée, en prenant place parmi les collaborateurs du Bulletin. Deux notices, l'une sur

1 er

1" février 1879

2

Depuis que le gouvernement bri

tannique a occupé Chypre, il a prohibé l'exportation des antiquités.

l'inscription de la bataille de Leuctres, l'autre sur une inscription inédite de Dodone, sont des modèles. Qu'il nous permette de le remercier du soin qu'il a toujours de traduire les inscriptions en français, et même en excellents vers latins. C'est un service qu'il rend à tout le monde, mais surtout aux curieux peu familiarisés avec les difficultés du style épigraphique et qui ont besoin d'être instruits tout de suite. On ne voit pas pourquoi les érudits plus jeunes que lui se dispensent de ce travail à la fois facile et utile. A côté de M. É. Egger, au rang des maîtres, je rencontre M. P. Foucart. Depuis son premier ouvrage, Inscriptions recueillies à Delphes, publié en 1863, en collaboration avec M. Wescher, M. P. Foucart n'a pas cessé de recueillir, d'interpréter, de classer des monuments qui s'éclairent dès qu'il y touche. Aujourd'hui directeur de l'École française et digne continuateur de M. A. Dumont, il recommence sur place sa récolte dont il fera profiter plus tard le Collège de France. Mais, avant de repartir pour Athènes, il envoyait au Bulletin de fréquentes et amples contributions. Parmi celles qu'il a fournies depuis son retour en Grèce, nous avons lu avec un intérêt particulier l'inscription des cavaliers orchoméniens. Cette inscription prouve qu'Orchomène, relevée de ses ruines par Alexandre, avait témoigné sa reconnaissance au roi en lui envoyant un escadron de cavalerie, pour son expédition contre les Perses. Les survivants de la petite troupe, rentrés dans leur patrie vers la fin de 330, consacrèrent à Jupiter sauveur une offrande dont l'inscription contient la dédicace. La stèle ne porte que vingt-trois noms. Combien les cavaliers étaient-ils au départ? Rien ne le dit.

D'autres travaux de MM. É. Egger et P. Foucart, sans avoir été insérés dans notre recueil, s'y rattachent directement. C'est au Bulletin de correspondance hellénique que M. Constantin Carapanos, l'habile et heureux explorateur de la vallée de Tcharacovista, avait apporté la primeur de ses découvertes sur la ville et le temple de Dodone. Plus tard, lorqu'il a rédigé son ouvrage sur ce sujet, il a appelé à son aide, pour l'appréciation des objets d'art, MM. J. de Witte et Heuzey, et, pour la lecture et l'interprétation des inscriptions, MM. É. Egger et Foucart. M. É. Egger a commenté six importantes inscriptions sur plaques de bronze et de cuivre, d'où il a tiré des renseignements nouveaux relativement à la chronographie, au culte et à certaines formes dialectiques. Quant à M. P. Foucart, il a aidé M. C. Carapanos à déchiffrer les inscriptions sur plaques de plomb. Ce sont des monuments de grossière apparence, mais d'un prix inestimable. «Elles contiennent des demandes et des prières adressées par des peuples et des particuliers à

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