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Religion chrétienne un caractère de Divinité qu'elle n'aurait pas sans cela. Ceci a l'air d'un paradoxe: mais suspendez votre jugement; vous verrez bientôt que ce n'en est pas un.

5.° Que ces Mystères étant le fondement d'une Religion si grande, si sainte, si auguste, qu'il est évident que Dieu seul pouvait en concevoir le plan, il s'ensuit clairement de-là que ces Mystères euxmêmes viennent de Dieu.

Vous voyez, Théotime, combien ce sujet est grand: il ne m'est pas permis d'espérer que je le traiterai selon toute sa grandeur; mais j'espère qu'avec la grace de Dieu, ce que j'en dirai répandra de nouvelles lumières dans votre esprit, donnera un nouveau degré de vivacité à votre foi, et vous inspirera un juste mépris pour ces hommes qui ne combattent la Religion chrétienne que parce qu'elle humilie l'orgueil de leur esprit, et condamne la corruption de leur cœur.

Dans cette Conférence, je prendrai une méthode toute différente de celle que j'ai suivie jusqu'ici. J'introduirai un Chrétien et un des nouveaux Philosophes disputans ensemble touchant les Mystères de la Religion chrétienne. Vous, Théotime, vous serez le juge de cette dispute; vous apprécierez les raisons qui seront dites de part et d'autre, et vous prononcerez ensuite

sans

sans partialité. J'ai cru que cette nouvelle manière de traiter les points importans dont il s'agit ici, pourrait vous récréer agréablement, en vous instruisant solidement, et que vous en retireriez encore l'avantage d'apprendre de quelle manière vous devez défendre votre sainte Religion, si jamais quelqu'un de ces prétendus Philosophes ose l'attaquer en votre présence. La dispute va s'ouvrir sur-lechamp; souvenez-vous, Théotime, que vous êtes juge, et donnez-y toute votre attention.

Le Philosophe. J'en conviens; la Religion chrétienne a sur toutes les autres Religions, du moins à certains égards, des avantages qu'on ne peut lui contester. Quel homme que l'auteur de cette Religion! quelle sagesse, quelle sainteté ont éclaté en lui! Il n'eut certainement jamais son pareil: je me sens pénétré pour lui de la plus profonde vénération. Peu s'en faut que je ne l'adore. Rien n'est si sublime que la morale de cette Religion; rien n'est si pur, rien n'est si conforme au bon sens et à la droite raison. Si tous les Chrétiens en faisaient la règle de leur conduite, ils seraient des hommes parfaits et la gloire de l'humanité. Mais enfin cette Religion aussi a son endroit faible.

Le Chrétien. Eh! quel est donc, Monsieur, l'endroit faible de la Religion chrétienne?

Le Philosophe. Ce sont les Mystères que cette Religion oblige de croire ; car ces mystères choquent la raison, et sont évidemment absurdes. Prenons pour exemple le Mystère de la Trinité. Combien y a-t-il de Dieux ? Il n'y en a qu'un. Combien y a-t-il de Personnes en Dieu ? Il y en a trois; le Père, le Fils, et le SaintEsprit. Le Père est-il Dieu ? Oui. Le Fils est-il Dieu? Oui. Le Saint-Esprit est-il Dieu ? Oui. Il y a done trois Dieux? Non, mais ces trois Fersonnes ne font qu'un seul Dieu. Vous voyez que je n'ai pas oublié mon Catéchisme. Voilà donc, Monsieur, le Mystère de la Trinité et là-dessus je vous demande, d'une part, si l'on peut dire plus nettement que trois ne font qu'un, qu'on le dit dans l'exposition du Mystère de la Trinité; et d'autre part, s'il y a au monde rien de plus absurde que de diré que trois ne font qu'un. Or Il est évident que je ne dois pas croire ce qui est absurde, et contredit ouvertement la raison; je ne dois donc pas croire le Mystère de la Trinité.

Le Chrétien. J'avoue, Monsieur, que cette objection a quelque chose d'éblouissant cela ne doit surprendre personne. Vous avez beaucoup d'esprit, et la matière est propre à le mettre en jeu. J'espère cependant que je vous répondrai d'une manière capable de contenter tout homine

qui cherche la vérité de bonne foi. Je vous prie seulement de ne pas m'interrompre, sur-tout par des questions étrangères à la matière que nous discutons.

Commençons par distinguer trois sortes de propositions; des propositions évidentes, des propositions absurdes ou contradictoires, des propositions incompréhensibles. Je m'en tiens ici à cette division des propositions, parce qu'elle suffit à notre sujet.

Une proposition est évidente, lorsque notre esprit voit clairement que les deux idées dont elle est composée, s'accordent ensemble et s'identifient, pour me servir des termes de l'école. Ainsi ces propositions: Dieu est bon, Dieu est juste, le tout est plus grand que la partie, sont des propositions évidentes.

Une proposition est absurde et contradictoire, lorsque notre esprit voit clairement que les deux idées dont elle est composée, se combattent et s'excluent mutuellement. Ainsi ces propositions: Dieu est cruel, Dieu est injuste, la partie est égale à son tout, sout des propositions absurdes.

Une proposition est incompréhensible lorsqu'il est impossible à notre esprit de voir la convenance ou l'identité des deux idées qui la composent. Telles sont cellesei: Un être qui n'a jamais existé, peut re

cevoir l'existence. Un être qui existe, peut tomber dans le néant. Telle serait certainement encore celle-ci pour vous et pour moi, si nous avions toujours été hors de ce monde et hors de nos corps: Un être composé d'esprit et de matière est possible.

Nous ne sommes les maîtres ni de donner notre assentiment à une proposition absurde et contradictoire, ni de le refuser à une proposition évidente. Tout le monde en tombe d'accord. Quant aux propositions qui sont simplement incompréhensibles, deux choses sont certaines. La première, c'est que nous ne sommes pas obligés de recevoir comme vraies les propositions de ce troisième genre, à moins que nous n'ayons d'ailleurs des preuves de leur vérité, équivalentes aux preuves idéales qui nous manquent. La seconde, c'est que nous ne sommes jamais en droit de nier absolument les propositions du même genre, à moins que, au défaut des preuves idéales, nous n'ayons d'ailleurs des preuves certaines de leur fausseté. Car enfin, de ce que nous ne voyons pas que deux idées s'accordent et s'identifient, il ne s'ensuit pas qu'elles se combattent et s'excluent l'une l'autre ; et de ce que nous ne voyons pas que deux idées se combattent et s'excluent l'une l'autre il n'en résulte point qu'elles se concilient et s'identifient ensemble. Tout cela, si je

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