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PREMIÈRE CONFÉRENCE.

Où l'on montre la divinité de la Religion chrétienne, par la merveille de son établissement.

СЕ
Ce sont les Apôtres, mon cher Théotime,

c'est-à-dire, douze hommes obscurs et sans nom, que J. C. avait appelés, pour la plupart, des bords de la mer de Galilée, où ils exerçaient la vile profession de pêcheurs, pour en faire ses Disciples, et les associer à ses travaux, qui ont converti le monde, et l'ont rendu Chrétien, d'idolâtre qu'il était.

Cinquante jours après la mort de JesusChrist, ces hommes sortirent tout-à-coup de leur retraite, parurent tous ensemble au milieu de Jérusalem, et publièrent hautement que J. C. était ressuscité; que c'était lui qui était le Messie et le Sauveur que Dieu avait promis à son peuple, et qu'Israël ne devait pas en attendre un autre. De Jérusalem, ils se répandirent dans le reste de la Judée, et de-là dans tout l'univers, pour annoncer Jesus-Christ; ils persuadèrent d'abord une grande multitude de Juifs, et ensuite une infinité d'Idolâtres. Avant leur mort, le Christianisme formait déjà une société immense. Ceux que les Apôtres laissèrent

après eux, pour gouverner les Eglises qu'ils avaient fondées, et en établir d'autres, poussèrent avec tant de courage et de persévérance l'ouvrage que les Apôtres avaient commencé, qu'au bout de trois cents ans le monde fut rempli de Chrétiens, et que les Empereurs Romains embrassèrent eux-mêmes le Christianisme qu'ils avaient persécuté jusqu'alors. Ces faits sont connus de tout l'univers.

Cela étant, Théotime, pour juger si l'établissement de la Religion chrétienne est l'œuvre de Dieu seul, ou celle des hommes, nous devons nous transporter dans le temps des Apôtres, et considérer quel était alors l'état du monde ; quelles étaient chez tous les peuples les dispositions des esprits par rapport à cette Religion; si ces dispositions étaient favorables ou contraires; si les Apôtres étant sur-tout tels qu'ils étaient, avaient, selon les règles de la prudence humaine, quelque sujet d'espérer qu'ils réussiraient dans le dessein de faire recevoir cette Religion;" ou si, selon les règles de cette même prudence, ils n'en avaient aucun, et ne devaient s'attendre qu'à échouer de la manière la plus honteuse et la plus funeste pour eux. Car si, selon les règles de la prudence humaine, les Apôtres devaient réussir dans leur entreprise,des succès qu'ils ont eus n'ont rien que de naturel, l'éta

blissement de la Religion chrétienne dans le monde, est l'ouvrage des hommes ; c'est un de ces événemens qu'un habile politique eût pu.prévoir: et si, selon les règles de la prudence humaine, l'entreprise des Apôtres devait échouer, l'établissement de la Religion chrétienne dans le monde, est évidemment l'œuvre de la toute-puissance et de la sagesse de Dieu; c'est un événement que les plus profonds génies. n'eussent jamais pu imaginer; c'est la création d'un nouveau monde.

Or, si je me transporte dans le temps des Apôtres, je vois que dans ce temps-là tous les Peuples de la terre, à l'exception d'un seul qui était le plus petit et le plus méprisé de tous (le Peuple Juif), étaient idolâtres. Je dis tous les Peuples; les Peuples les plus sages et les plus polis, comme les Grecs, les Romains, les Egyptiens; les peuples les plus barbares et les plus sauvages, comme les Gaulois, les Germains, les habitans des Iles Britanniques. Je vois, en deuxième lieu, que chez chaque peuple l'idolâtrie était aussi ancienne que le peuple même ; on ne savait pas quand elle avait commencé, ou plutôt on croyait qu'elle n'avait point eu de commencement.. Je vois, en troisième lieu, que le culte que chaque peuple rendait à ses Dieux, était très-sincère : on était saisi d'un religieux respect en présence des Dieux; on avait

une haute idée de leur puissance et de leur majesté ; il n'était rien qu'on craignît tant que de les irriter, rien qu'on désirât si ardemment que de les avoir propices. On attribuait à leur protection toutes les prospérités de l'état et toutes celles des particuliers, et toutes les calamités à leur colère et à leur vengeance. La persuasion en ce genre était également profonde et universelle. Les plus grands Rois, les plus illustres Capitaines, les plus sages Politiques, les plus célèbres Philosophes adoraient les dieux de leur pays, avec la même bonne foi, si l'on peut ici employer ce mot, que le peuple le plus grossier et le plus stupide; ou plutôt tous les hommes étaient également stupides en ce point. Toute l'histoire rend témoignage de ce que je dis ici, et d'ailleurs la chose parle hautement d'ellemême. Il est absolument impossible qu'une nation entière adore extérieurement, sur-' tout pendant plusieurs siècles, des Dieux qu'elle méprise dans son cœur, et qu'elle se donne à elle-même le froid et insipide spectacle d'un culte religieux où elle ne voit rien de raisonnable et qui puisse l'intéresser.

Je conviendrai sans peine, si l'on veut, que parmi cette multitude infinie d'aveu-. gles, il était quelques hommes clairvoyans; qu'il restait encore dans le monde quelques hommes sages, à qui le délire

universel ne s'était pas communiqué, et qui reconnaissaient qu'il n'y avait qu'un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre; mais le nombre en était bien petit, et jamais aucun d'eux n'osa s'élever contre l'erreur publique ; jamais aucun d'eux n'eut le courage de réclamer les droits de l'Etre suprême, si indignement transférés aux créatures les plus viles. Socrate mourant recommanda à son épouse de sacrifier un coq à Esculape; et la dernière parole de cet homme, que le monde païen a regardé comme son oracle, fut une horrible trahison de la vérité.

Lisez les Oraisons de Cicéron contre Clodius, contre Verrès; avec quelle force, avec quelle véhémence, avec quel emportement de zèle (si l'on peut s'exprimer ainsi ce puissant orateur reproche-t-il à l'un la profanation des mystères des dieux, et à l'autre celle de leurs temples et de leurs simulacres! Jamais les Chrysostome, les Bossuet, les Bourdaloue ont-ils parlé contre les profanations du plus auguste de nos Sacremens, avec plus de chaleur et d'un ton plus vrai et plus persuasif, en un mot, d'une manière plus capable de produire dans les ames ces sentimens d'indignation et d'effroi, que la vue des plus grands crimes commis contre la suprême Majesté excite naturellement?

Vous concluez sans doute de-là, Théo

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