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l'ambition, de la cruauté et de l'irréligion de leurs parents, les novices y ont consenti, qu'ils ont surpris la vigilance et l'attention scrupuleuse des évêques et de leurs préposés. Mais, il est inutile de répondre à ces objections.

Le P. Rodriguez, dans son admirable livre de la Perfection chrétienne, a parfaitement démontré l'importance du noviciat dans la vie religieuse. Deux raisons prouvent, ditil, cette importance, la première, c'est qu'à parler selon le cours ordinaire, tous les progrès d'un religieux à l'avenir dépendent de l'éducation qu'il a eue pendant son noviciat, et de la manière dont il s'y est comporté; la seconde est que c'est sur cela que toute l'espérance de la religion est fondée, et de là que dépend absolument tout son bonheur. Et en premier lieu il est certain que le profit ou le peu d'avancement d'un religieux dépend tellement de cette éducation et de la manière dont il aura vécu durant son novicial, que, moralement parlant, il est constant que, si alors il a de la néglirence et de la tiédeur pour les choses spirituelles, il en aura également toute sa vie. Car pourquoi s'imaginer qu'il deviendra ensuite plus soigneux et plus fervent, puisqu'il n'y a aucune apparence de croire ce changement, et qu'au contraire, il y a plusieurs raisons qui doivent nous persuader qu'il demeurera toujours dans le même état?

Pour faire voir encore plus clairement cette vérité, adressons la parole au novice en particulier, déduisons lui nos raisons, et convainquons le de cette manière. Maintenant que vous êtes dans votre noviciat, Vous avez beaucoup de temps pour vous appliqner à votre avancement spirituel, et beaucoup de moyens qui peuvent y contribuer, parce que vos supérieurs songent à cela uniquement, et en font leur fonction principale, Vous avez devant les yeux l'exemple de vos frères qui ne vaquent à rien autre chose, et l'exemple fait d'ordinaire tant d'impression sur nous, que quand on est continuellement parmi des gens qui ne s adonnent qu'a la vertu, et qui y font des progrès considérables, il est difficile que quelquo lâche, quelque pesant qu'on soit, on ne se sente excité à sortir de sa lâcheté. Vous avez de plus un cœur qui n'est plus embarrassé de rien, qui est dégagé de toutes les pensées du siècle, et qui paraît même porté à la vertu ; vous n'avez nulle occasion qui vous en détourne, et vous en avez mille qui vous y portent. Si maintenant que vous n'êtes ici que pour cela et que vous n'avez pas d'autre affaire, vous ne faites cependant aucun progrès, et n'amassez aucun fonds de vertu pour l'avenir, que sera-ce lorsque vous aurez le cœur rempli de miile choses qui vous le partageront? Si maintenant, avec tant de loisir, tant de commodités ei tant de secours, vous ne faites pas bien votre oraison, votre examen; si vous ne vous attachez pas à n'y manquer en rien, et à bien vous acquitter de

Vos autres exercices spirituels, que sera-ce quand le soin de vos études vous occupera l'esprit, que vous serez dans les charges et dans le ministère de la confession et de la prédication? Si avec tant de conférences, tant d'exhortations, tant d'exemples et tant de sollicitations, vous ne faites aucun profit, que sera-ce lorsqu'il vous surviendra des empêchements et des obstacles de toutes parts? Si dans le commencement de votre conversion, lorsque la nouveauté devrait vous donner plus de chaleur et de zèle, vous êtes néanmoins tiède et languissant, que sera-ce, lorsque vous aurez les oreilles accoutumées et le cœur endurci à tout ce qui ponvait vous toucher et vous servir? Enfin, si maintenant que les passions ne font que de naître en vous, et que les mauvaises inclinations sont encore tendres et faibles, vous n'avez pas le courage de vous y opposer, comment pourrez-vous y résister et les vaincre quand elles seront tellement fortifiées par l'usage et enracinées, que Vous ne pourrez les arracher sans vous faire une violence plus cruelle que la mort ?

Saint Dorothee exp.ique très-bien celle vérité par un exemple qu'il rapporte d'un des Pères du désert, qui, étant un jour avec ses disciples dans un lieu plein de cyprès de toutes grandeurs, commanda à l'un d'eux d'en arracher un petit qu'il lui montra, et que le disciple arracha aussitôt sans peine. Il lui en montra ensuite un autre qui était un peu plus grand, et qu'il arracha pareillement, mais avec plus d'efforts et en y met tant les deux mains. Pour en déraciner un autre qui était plus fort, il eut besoin qu'un de ses compagnons lui aidât; et enfin tout ce qu'ils étaient de solitaires s'efforcèrent inutilement d'en arracher un autre qui était beaucoup plus gros que les premiers. Voilà, leur dit alors le vieillard, ce qu'il en est des passions. Au commencement, quand elles ne sont pas encore bien enracinées, il est facile de les arracher, pour peu qu'on veuille se donner de la peine; mais lorsque, par une longue habitude, elles ont jeté de profondes racines dans le cœur, il est très-difficile de les en tirer; il faut faire des efforts extraordinaires, et quelquefois même avec tout cela on ne peut en venir à bout.

On peut voir par là que c'est un trèsgrand abus et une tentation très-dangereuse de différer sa conversion de jour en jour, dans la pensée de pouvoir mieux se vaincre dans un autre temps, sur les choses où on n'a pas eu le courage de s'opposer à cause de la difficulté qu'on y trouve. Si vous n'osez entreprendre de surmonter cette difficulté quand elle est légère, comment le ferezVous quand elle sera plus grande? Si, à présent que votre passion n'est encore qu'un petit lionceau, vous n'avez pas la hardiesse de l'attaquer, comment le ferez-vous quand elle sera devenue une bête furieuse? Soyez donc persuadé que si maintenant vous êtes lâche et tiède, vous le serez dans la suite; si maintenant vous n'êtes pas bon novice,

vous ne serez pas dans la suite bon religieux. Si maintenant vous vous négligez dans les choses de l'obéissance et qui regardent l'observation des règles, vous le ferez bien plus dans la suite; si maintenant Vous êtes peu attentif à bien faire vos exercices spirituels, et vous ne les faites qu'à demi, vous les ferez de même pendant toute votre vie. Le tout est de bien commencer; et saint Bonaventure nous l'apprend quand il dit: On ne quitte guère les impressions qu'on a reçues la première fois, et celui qui, dans les commencements d'un nouveau genre de vie, méprise la discipline, s'y applique difficilement dans un autre temps: C'est un proverbe, dit Salomon, que celui qui a pris un chemin dans sa jeunesse, le suivra toujours sans le quitter, même dans sa vieillesse. (Prov. xxII.) C'est ce qui a fait dire à saint Jean Climaque que les commencements lâches et faibles sont très-dangereux, parce que c'est un signe manifeste d'une chute à venir. Il est donc très-important de s'accoutumer d'abord à la vertu et à bien faire ses exercices spirituels. Le SaintEsprit nous apprend qu'il est très-avantageux à l'homme de porter le joug dès sa jeunesse (Thren. III), parce que la pratique de la vertu lui sera aisée; mais s'il n'y a pas été formé de bonne heure, comment pourra-t-il trouver dans sa vieillesse ce que dans sa jeunesse il n'a pas eu le soin d'amasser. (Eccli. xxv.)

De cette première raison, on tire une induction nécessaire pour la seconde, puisque, si tout le profit d'un religieux pour l'avenir dépend de la première éducation qu'il reçoit, tout l'avancement de la religion en général en dépend par conséquent de la

même sorte. Car c'est l'assemblée des religieux et non les murailles des maisons et des églises qui font la religion; et ceux qui sont dans le noviciat sont ceux qui doivent composer tout le corps. C'est pour cela que par une salutaire institution, on a établi des maisons de probation, pour ne s'y appliquer qu'à l'abnégation de soi-même, à la mortification de ses sens et à la pratique de toutes les véritables vertus. Saint François de Borgia disait que ces maisons étaient pour ses novices une Bethleem, c'est-àdire une maison de pain, parce que c'est là où l'on fait des provisions pour cette navigation de long cours que l'on doit entreprendre au sortir de ces maisons. Le temps que vous y demeurez est le temps de la moisson, le temps de l'abondance et de la fertilité dans lequel vous devez, comme Joseph, vous munir contre les années de stérilité et de famine. Si les Egyptiens eussent bien compris ce qui devait arriver, et eussent eu de la prévoyance, ils ne se seraient pas tant pressés de se défaire de leurs blés, qu'ils amassaient avec tant de soin. Si vous pouviez concevoir de quelle importance il vous est de ne point sortir du noviciat sans avoir fait une bonne provision, vous ne souhaiteriez pas d'en être bientôt dehors, et vous n'en sortiriez au

contraire qu'avec douleur quand vous vien driez à considérer que vous êtes peut-être fort mal pourvu de toutes les vertus nécessaires à un bon religieux. Ceux qui sont impatients d'être bientôt hors du noviciat, montrent bien, dit le même saint, qu'ils manquent de connaissance: puisqu'allant faire un voyage si long et si pénible, ils ne craignent pas de l'entreprendre sans avoir fait toutes les provisions dont ils ont besoin.

Saint Ignace s'est tellement persuadé que de vertus, que dans ses Constitutions il rependant le noviciat on ferait un grand anias garde cela comme une chose certaine. Il établit deux années de probation, afin que durant ce temps on ne songe qu'à son avancement spirituel, sans faire aucune autre étude que celle dont on peut tirer quelque profit pour parvenir à une plus grande abnégation de soi-même et à un plus haut degré de perfection. Ensuite, se persuadant qu'un religieux sort de là avec un tel esprit de ferveur, de mortification et de retraite, et avec tant d'ardeur pour l'oraison et les choses spirituelles, qu'il est nécessaire de après cela leurs études, de modérer alors le retenir, il avertit ceux qui continuent leur ferveur, de vaquer à l'oraison moins que de coutume, et de faire moins d'austérités qu'à l'ordinaire. Tâchez donc de sortir du noviciat tel que ce grand saint comptait que vous deviez en sortir; ménagez bien de votre vie vous n'en aurez point d'autre un temps si précieux; songez que peut-être qui soit si propre, pour travailler à votre avancement et pour amasser des trésors spirituels. Enfin, pour me servir des paroles de l'Ecriture: Ne souffrez pas qu'un si bon jour se passe sans que vous en profitiez, et tâchez de ne rien perdre d'un temps si ex

cellent.

Ceux que Dieu appelle à la religion dès leurs plus tendres années, ont un grand sujet de lui en rendre grâces, parcequ'alors il est très-facile de s'appliquer à la vertu el de se soumettre au joug de la discipline religieuse. Il est aisé dans les commencements de plier un jeune arbrisseau, et de le rendre droit; mais s'il est courbé et que vous le laissiez croître en cet état, il y demeurera toujours et vous le romprez plutôt que de le redresser. Il en est de même de l'homme dans un âge tendre; il est facile de lui faire prendre un bon pli et de le tourner au bien; de sorte qu'y étant ainsi accoutumé de bonne heure, il y trouve ensuite une très-grande facilité et y persévère toujours. Une étoffe teinte en laine ne perd jamais sa couleur, et qui pourra, dit saint Jérôme, rendre la première blancheur à la laine qui aura été teinte en écarlate? Un vase neuf retient longtemps l'odeur de la première liqueur qui y a élé versée. L'Ecriture loue Josias de s'être adonné, dès son bas âge, au service de Dieu. Lorsqu'il était encore enfant; il commença à chercher le Dieu de son père David. (11 Paral. XXXIV.)

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D'ASCETISME.

Humbert, personnage illustre, et général de l'ordre des Dominicains, rapporte qu'un religieux étant mort, apparut à un autre tout brillant de gloire, et que le tirant de sa cellule, il lui mon ra un grand nombre d'hommes vêtus de blanc et environnés de clarté, qui portant de très belles croix sur leurs épaules, s'en allaient en procession au ciel. Il lui en fit voir d'autres ensuite qui marchaient dans le même ordre, mais qui étaient beaucoup plus éclatants de lumière que les premiers, et tenaient chacun à la main une croix beaucoup plus belle et beaucoup plus riche. Après cela, il passa une troisième procession, mais incomparablement plus lumineuse et plus admirable que les deux autres; toutes les croix y étaient aussi d'une beauté bien surprenante, et au lieu que les hommes des deux autres troupes portaient chacun la

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leur, ou à la main, ou sur leurs épaules, ceux-ci avaient chacun ange qui portait leur croix devant eux, afin qu'ils marchassent plus facilement et suivissent avec plus de joie. Le religieux étonné de cette vision, en demanda l'explication à celui qui la lui avait montrée; celui-ci lui répondit que les premiers qu'il avait vus porter leurs croix sur leurs épaules, étaient ceux qui étaient entrés en religion dans un âge avancé; que les seconds quila tenaient à la main, étaient ceux qui s'y étaient mis lorsqu'ils étaient encorejeunes: et que les derniers, qui marchaient si librement, étaient ceux qui, dès leur plus tendre jeunesse, avaient embrassé la vie religieuse et renoncé à toutes les vanités du monde. NUDITE CONTEMPLATIVE. (Voy. CoNTEMPLATION.)

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OBEISSANCE, SON EXCELLENCE, SES DE. GRÉS, etc. L'excellence de cette vertu, si in lispensable dans la vie ascétique, se fonde sur les divines Ecritures, sur l'autorité et l'exemple de tous les saints.

Est-ce que le Seigneur veut qu'on lu offre des holocaustes et des victimes, et non pas plutôt qu'on obéisse à sa voix ? L'obéissance vaut mieux que les victimes; et il vaut mieux faire ce que Dieu veut, que de lui offrir la graisse des béliers. Saint Augustin demande en plusieurs endroits, pourquoi Dieu défendit à l'homme de manger du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal; et une des raisons qu'il en donne, c'est que Dieu voulait montrer aux hommes que l'obéissance est d'elle-même un grand bien, et que la désobéissance est d'elle-même un grand mal. En effet, ce ne fut pas le fruit de l'arbre qui fut cause de tous les malheurs qui suivirent le péché d'Adam; car, outre que cet arbre n'avait rien en lui de mauvais, puisque Dieu lui-même reconnut que tout ce qu'il avait fait était excellent, il n'est pas à présumer que Dieu eût voulu mettre quelque chose de mauvais dans le jardin des délices, Ce fut donc la désobéissance seule et la transgression de la défense qui furent cause de tout le mal: c'est pourquoi saint Augustin dit que rien ne pouvait mieux faire voir combien la désobéissance est mauvaise d'elle-même, que la punition du premier homme, pour avoir contre la défense de Dieu, mangé du fruit qui n'avait rien de mauvais sans cette défense, et qui n'aurait pu faire aucun mal. Que ceux qui se dispensent d'obéir quand il s'agit de choses légères, apprennent de là à connaître quelle est leur erreur et leur faute : car ce n'est pas la nature de la chose qui fait le péché, c'est la désobéissance qui est toujours mauvaise d'elle-même, soit que les choses soient importantes, soit qu'elles ne le soient pas.

Une autre raison que saint Augustin donne de la défense que Dieu fit à l'homme, c'est que l'homme ayant été créé pour servir Dieu, il était à propos de lui défendre quelque chose pour lui faire connaître sa dépendance; que sans cela il n'aurait pas si bien reconnue; et Dieu voulut, dit ce Père, que l'obéissance qui était un acte par lequel l'homme reconnaissait celui qui l'avait créé, fût en même temps un moyen par lequel il pût mériter d'être uni quelque jour à lui. Il s'étend ensuite sur les louanges de cette vertu, et il ajoute qu'une des raisons pour lesquelles le Fils de Dieu se fit homme, fut pour nous apprendre l'obéissance par son propre exemple. L'homme, dit-il, avait été désobéissant jusqu'à la mort, c'est-à-dire jusqu'à mériter la mort en punition de sa désobéissance, et Jésus-Christ se fit homme pour être obéissant jusqu'a la mort. La porte du ciel nous avait été fermée par la désobéissance d'Adam; elle nous fut ouverte par l'obéissance de Jésus-Christ: car, comme par la désobéissance d'un seul homme, plusieurs hommes sont devenus pécheurs, même voulu, ainsi, par l'obéissance d'un seul, plusieurs sont devenus justes. Dieu

dit encore ce Père, nous faire voir le mérite et l'excellence de l'obéissance, dans la récompense et dans la gloire dont il a couronné l'humanité sacrée de Jésus-Christ, qui avait été obéissant jusqu'à la mort et même jusqu'à la mort de la croix. Car c'est pour cela, dit l'Apôtre, que Dieu l'a élevé, et lui a donné un nom au-dessus de tout autre nom, afin qu'au nom de Jésus tout ce qui est dans le ciel, sur la terre et dans les enfers, fléchisse les genoux. (Perfection Chrét., de RоDR.)

Les saints relèvent le mérite de l'obéissance par une infinité d'autres louanges; mais il nous suffira maintenant de nous arrêter à un des avantages qu'ils lui altri

notre procnain; de nous appliquer à l'oraison et à la mortfication; de nous occuper à entendre les confessions et à prêcher la parole de Dieu, et de nous exercer à tous les autres ministères qui peuvent contribuer au secours et au servicedes âmes: de même, elle prescrit à tous les autres religieux ce qu'ils doivent faire pour parvenir à la fin particulière de leur institution, et, par conséquent, le vœu qu'on en fait est quelque chose de plus excellent et de plus parfait que les autres vœux.

Duent, et qui est que l'obéissance est une des principales vertus d'un religieux. Saint Thomas, qui prend ordinairement les choses dans toute la rigueur des principes de l'école, demande si le vœu de l'obéissance est le principal des vœux que font les religieux, et après avoir répondu par l'affirmative, il en rend trois raisons très-solides et trèsutiles. La première est que, par le vœu d'obéissance, on offre plus à Dieu que par tous les autres vœux; car, par le vœu de pauvreté, on ne lui offre que ses richesses, et par celui de chasteté, on ne lui offre que son corps; mais par celui d'obéissance, on Jui offre sa volonté et son jugement, et on se sacrifie enfin soi-même tout entier à Dieu, ce qui, sans doute, est bien au-dessus du sacrifice qu'on lui fait par les autres vœux. Saint Jérôme dit quelque chose de semblable, en parlant du sacrifice de soi-même et de celui des richesses. L'abandonnement

des richesses n'est pas, dit-il, une action qui suppose une vertu parfaite. Ceux qui ne font que commencer en sont capables. An1isthène et tant d'autres philosophes les ont lien abandonnées; mais s'offrir soi-même à Dieu, c'est le propre des Chrétiens et des apôtres. Aussi, le même saint Thomas remarque sur ce sujet que Jésus-Christ, parlant à ses apôtres de la récompense qui leur était préparée, ne leur dit pas vous qui avez, tout quitté, mais, vous qui m'avez suivi, parce qu'en effet, la perfection consiste à suivre Jésus-Christ. En vérité, je vous dis que vous qui m'avez suivi, vous serez assis sur douze trônes. Or, le conseil de l'obéissance, ajoute ce saint docteur, est renfermé dans ces paroles; car obéir n'est autre chose que suivre les sentiments et la volonté d'autrui.

La seconde raison pour laquelle le vœu d'obéissance est le principal de tous, c'est qu'il comprend tous les autres, et qu'il n'est compris dans aucun autre; car, quoiqu'un religieux s'oblige, par des vœux particuliers, à garder la pauvreté et la chasteté, ces deux obligations cependant ne laissent pas d'être comprises sous le vœu d'obéissance, par lequel il s'oblige généralement à observer tout ce qu lui sera commandé; et cela est si vrai, que même dans quelques ordres, comme dans celui de Saint-Benoît et dans celui des Chartreux, on ne fait point d'autre vœu que celui d'obéissance je promets l'obéissance selon la règle, dit le religieux qui fait profession; et sous ces paroles, les voeux de chasteté et de pauvreté sont compris, suivant les règles et la pratique de l'Ordre.

La troisième raison est que plus une chose nous approche de la fin pour laquelle elle a été instituée, et plus elle nous unit à cette fin, plus aussi elle est parfaite. Or, J'obéissance est ce qui unit davantage les religieux avec la fin de leur institution. Car, de même que pour nous faire parvenir, nous autres, à la fin pour laquelle nous avons été institués, elle nous prescrit de travailler à notre avancement spirituel et à celui de

Saint Thomas tire encore de là une conclusion très-importante; c'est que le vœu d'obéissance est le plus essentiel de tous à la religion, et celui proprement qui constitue un religieux dans l'état de la vie religieuse; car, quand on vivrait dans la pauvreté et dans la chasteté volontaires, ou quand même on aurait fait vou de pauvreté et de chasteté, on ne serait pas pour cela religieux, ni dans l'état parfait de la vie religieuse, si on n'avait fait vœu d'obéissance. Il faut avoir fait vou d'obéissance pour être véritablement religieux, et c'est principalement l'obéissance qui fait les religieux et qui les constitue dans l'état où ils sont. Saint Bonaventure est du même sentiment, et dit que toute la perfection d'un religieux consiste à renoncer entièrement à les voeux de pauvreté et de chasteté, par sa volonté, pour suivre celle d'autrui, et que lesquels nous renonçons aux richesses et aux voluptés, sont proprement des moyens qu'on a établis, pour faire qu'étant dégagés

des soins de la vie et des attachements de la chair, nous fussions plus en état de satisfaire à notre principale obligation, qui est celle de l'obéissance. C'est pourqnoi il ne vous servira de rien, ajoute-t-il, d'avoir renoncé à toutes les choses de la terre, si vous ne renoncez à votre volonté propre, pour vous soumettre entièrement à ce que l'obéissance demande de vous.

Entre plusieurs paroles remarquables que Surius rapporte de saint Fulgence, qui avait été abbé et qui fut ensuite évêque, il dit que ce saint avait coutume de dire, au sujet de l'obéissance, que ceux-là étaient de véritables religieux, qui, mortifiant leur,volonté, étaient toujours en état de n'en avoir aucune sur rien, et de s'attacher uniquement à suivre les conseils et les commandements de leur supérieurs. Remarquez qu'il ne fait pas consister la perfection de la vie religieuse à affliger son corps par toutes sortes d'austérités, à travailler sans relâche et à exceller dans les sciences et dans la prédication; mais seulement à être soumis à la volonté de son supérieur, et à n'en avoir aucune de soimême.

L'obéissance donc, suivant ce que nous venons de dire, est la vertu la plus essentielle de la religion, et celle qui fait proprement qu'on est religieux, Elle plaît plus à Dieu que tous les sacrifices qu'on peut lui faire, et elle renferme en elle la chasteté, la pauvreté et toutes les autres vertus ensem

ble. Car, pourvu que vous soyez obéissant, Vous serez pauvre, vous serez chaste, vous serez humble; vous aurez l'esprit de modestie, de patience et de mortification; en un mot, vous acquerrez toutes les vertus. Ceci n'est point, au reste, une exagération, c'est une vérité très-constante. Les vertus s'acquièrent par l'exercice de leurs actes, et ce n'est que de cette sorte que Dieu veut nous les donner; or, l'obéissance nous met dans cet exercice et tout ce que nos règles nous prescrivent, tout ce que nos supérieurs nous commandent, est un exercice de quelque vertu. Laissez-vous seulement conduire par l'obéissance et embrassez de tout votre cœur toutes les occasions qu'elle vous donnera, et cela suffit. Car on ne manquera pas de vous exercer, tantôt sur la patience, tantôt sur l'humilité, tantôt sur la pauvreté, tantôt sur la mortification, tantôt sur la tempérance, tantôt sur la charité; et, de cette sorte, à mesure que vous augmenterez en obéissance, vous augmenterez aussi en toutes les autres vertus. C'est le sentiment de saint Ignace : Tant que l'obéissance, dit-il, fleurira parini vous, toutes les autres vertus y fleuriront aussi, et produiront dans les âmes tout le fruit que je souhaite. Tous les saints en général sont de ce même sentiment, et c'est pour cette raison qu'ils appellent l'obéissance la mère et la source des vertus. L'obéissance, dit saint Augustin, est une des plus grandes vertus; et elle est, pour ainsi dire, la source et la mère des vertus. C'est la seule vertu, dit saint Grégoire, qui imprime toutes les autres vertus dans l'esprit, et qui les y conserve, quand elles y sont une fois bien imprimées. Et le même saint Grégoire et saint Bernard, expliquant ee passage des proverbes: L'homme obéissant ne parlera que de victoire, disent, que l'homme obéissant n'obtiendra pas une victoire seulement; mais qu'il en obtiendra plusieurs, et qu'il acquerra toutes les vertus.

Si vous voulez donc un moyen court et facile pour faire de grands progrès en peu de temps, et pour acquérir la perfection, soyez extrêmement obéissant: c'est là lé chemin; vous n'avez qu'à le suivre sans vous détourner à droite ní à gauche, et vous arriverez bientôt où vous souhaitez d'aller. Que c'est une grâce heureuse et abondante, dit saint Jérôme, que celle de l'obéissance! toutes les vertus y sont comprises en abrégé, et elle conduit droit à Jésus-Christ; il n'y a qu'à marcher par la route qu'elle vous montre, et en peu de temps on se trouvera parfait.

Saint Jean Climaque dit, qu'arrivant un jour dans un monastère il y vit des religieux tout blancs de vieillesse et d'un aspect vénérable, toujours prêts à faire les moindres choses qu'on pouvait leur commander; et il y en avait quelques uns d'entr'eux, dit-il, qui s'étaient enrôlés sous l'étendard de l'obéissance, il y avait déjà plus de cinquante ans. Il leur demanda quel fruit et quel avantage ils avaient retirés d'une si grande soumission:

et les uns lui répondirent que par ce moyen ils avaient acquis une profonde humilité, qui les avait mis à couvert des plus dange reuses attaques du démon; les autres, qu'ils étaient parvenus à n'avoir aucun sentiment des injures ou des mépris. Ainsi nous voyons que l'obéissance est un moyen pour acquérir toutes sortes de vertus; et c'est ce qui faisait que les anciens Pères du désert tenaient que l'obéissance et la soumission d'un solitaire à la volonté de son Père spirituel, était comme un gage assuré du progrès qu'il ferait un jour dans la perfection.

Saint Dorothée, rapporte que son disciple Dosithée, qui était un jeune homme de bonne maison et d'une constitution fort délicate, lorsqu'il était encore dans le siècle, fut touché d'une vive appréhension du jugement et du compte qu'il aurait un jour à rendre; Dieu accomplissant en lui cette demande du Prophète royal: Seigneur pénétrez ma chair de votre crainte, car j'appréhende vos jugements. Pour se mettre done en état compte, il se fit religieux; et voyant que la de pouvoir rendre quelque jour un bon délicatesse de sa complexion ne lui permettait pas d'aller la nuit à matines, de manger des mêmes viandes que les autres, ni de suivre l'usage ordinaire de la communauté, il résolut de se dévouer entièrement à l'obéissance, en s'exerçant continuellement dans l'infirmerie du monastère aux services les plus vils, et à tout ce qu'on pourrait lui commander de plus humiliant. Au bout de cinq ans il mourut pulmonique, et Dieu révéla à l'abbé du monastère, qu'il avait obtenu la récompense de Paul et d'Antoine; ce que les autres religieux ayant entendu, ils commencèrent à murmnrer entr'eux et à s'en plaindre: « Eh quoi ! disaient-ils, où est la justice de Dieu? Un homme qui n'a jamais jeûné et qui a toujours été nourri délicatement, est égal à nous autres qui portons toute la charge de la vigilia, et tout le poids du jour et de la chaleur; que gagnons-nous donc par les austérités et par les travaux auxquels nous nous exerçons sans cesse? » Comme ils faisaient ces plaintes, Dieu leur fit entendre qu'ils ne connaissaient pas le prix et l'excellence de l'obéissance, et qu'elle était d'un si grand mérite devant lui que Dosithée avait plus mérité par là en peu de temps, que beaucoup d'autres par de longues et rigoureuses austérités.

Saint Ignace, parlant de l'obéissance, dit, dans la troisième partie des Constitutions, qu'il est très à propos et très-nécessaire pour notre avancement spirituel que nous nous proposions tous d'avoir une obéissance enlière. Venant ensuite à expliquer ce que c'est que cette sorte d'obéissance, il dit que non seulement il faut obéir extérieurement, en exécutant ce qu'on nous commande, ce qui est le premier degré de l'obéissance: mais qu'il faut aussi obéir intérieurement. en conformant notre volonté à celle de notre supérieur, et en réglant la nôtre sur la sienne, ce qui est le second degré. Mais ce

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