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De là vient que les Pères opposaient sans cesse leurs vertus aux vertus simulées ou incomplètes des païens, et leurs pénitences aux pénitences hypocrites des hérétiques. En transportant la vie monastique dans l'Ocident, saint Benoit y ralluma la ferveur des premiers temps. Les grands hommes qui, dans la suite des siècles, reformèrent son ordre, ou en instituèrent de nouveaux, ouvrirent des asiles à la vertu. De nos jours, au milieu de l'incrédulité et du libertinage qui désolent la société, l'Eglise reçoit de douces consolations des ordres religieux. Voyez comme les Trappistes, les Chartreux, les Trappistines, les Carmélites, les Bénédic tines du Saint-Sacrement sont si fidèles à leurs règles, malgré leur rigueur. Par la pratique des conseils évangéliques ils s'élèvent à la plus haute perfection. Dans un siècle d'orgueil et de volupté, ils passent quarante ans, soixante ans ignorés des hommes, portant un joug austère, sans se lasser un instant de leur sacrifice. Dès les premiers moments de leur établissement, les corps religieux s'appliquèrent à l'étude des saintes Ecritures et des sciences ecclésiastiques. Saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Epiphane, saint Ephrem vécu rent longtemps parmi les moines orientaux. Saint Jérôme, saint Isidore de Peluze, saint Grégoire le Grand, et beaucoup d'autres Pères qui par leurs savants ouvrages ont fixé le véritable sens des Ecritures, refuté les hérésies et conservé le dépôt de la tradition, vécurent longtemps parmi les moines occidentaux. Pendant les conquêtes des peuples du nord, les monastères contribuèrent puissamment à la conservation de la religion. C'est dans leurs écoles et celles des églises cathédrales, presque toutes desser vies par des moines, que, sans exclure les sciences humaines, on expliquait et étudiait l'Ecriture sainte, la théologie, les ouvrages des Pères, le droit canon, l'histoire ecclé siastique. Ils composaient aussi de savants, de pieux ouvrages pour la défense de la foi, pour l'instruction des pasteurs et des fidè-. les. Saint Jean Damascène vengea le culte des images contre les iconoclastes, et exposa la foi orthodoxe d'après la tradition. Rotrou de Corbie établit contre les Grecs la procession du Saint-Esprit par l'autorité de saint Grégoire de Nazianze et des Pères latins. Loup de Ferrières défendit la doctrine de l'Eglise sur la prédestination et la grâce, par les écrits de saint Augustin. Qui ne connaît les immenses travaux des écoles monastiques de saint Victor et de Lérins? Plus tard Lanfranc fit connaître ce que pensaient sur l'Eucharistie les anciens Pères dont Bérenger altérait la doctrine. Hincmar, transféré du cloître sur le siége de Reims, Réginon, abbé de Prons, Abbon de Fleurs, Botlhir abbé de Lobes, ensuite évêque de Véronne, Bauchard, moine de Liége et évêque de Worms, Yves, abbé de Saint-Quentin, de Beauvais et évêque de Chartres, Hugues, abbé de Saint-Victor, ont laissé de nombreux travaux sur la discipline, l'his

toire et la législation ecclésiastiques. Saint Bernard, saint Thomas, et plusieurs autres moines leurs contemporains, ont éclairé leur siècle par de nombreux écrits. Depuis saint Thomas, les religieux de tous les or dres, les Bénédictins, les Augustins, les Dominicains, les Barnabites, les Jésuites. les Franciscains, les Génovéfains se sont livrés aux études les plus approfondies, aux investigations les plus minutieuses, les plus pénibles sur l'Ecriture, sur les Pères, sur la tradition, sur le droit canon, sur les histoires particulières de chaque Eglise, et sur l'histoire générale. Toutes les sources ont été découvertes et éclairées par le flambeau de la critique. Nous devons à ces religieux, aussi distingués par leur génie que par leur vaste érudition, des ouvrages qui n'hono rent pas moins l'esprit humain que l'Eglise. Les religieux ont aussi rendu d'importants services à l'Eglise par la publication des ouvrages ascétiques. Versés dans la connaissance du cœur humain, les Baudrand, les Crasset, les Croiset, les Berthier, les SaintJude, les Touron, les Avrillon, les Rodriguez, ont traité une multitude de sujets de piété et de morale, où les fidèles puisent de vives lumières pour leur conduite et pour arriver à la perfection.

La liturgie a fixé aussi l'attention des religieux : Dom Martène a réuni dans un savant ouvrage sur cette matière les anciens rites, a exposé les cérémonies de l'Eglise dans l'administration des sacrements, dans les offices, dans les punitions canoniques; on y voit quel a été en tout et toujours l'esprit de l'Eglise. Par leur fidèle observation des cérémonies de l'Eglise, les religieux constataient l'état antique et universel de la croyance de l'Eglise. Ces cérémonies étaient un témoignage perpétuel de la foi; en les pratiquant, en les transmettant à leurs successeurs comme il les avaient reçues de leurs prédécesseurs, ils attestaient qu'ils croyaient ce que ceux-ci avaient cru, et léguaieut à ceux-là des preuves invincibles contre les novateurs. Lorsque la philosophie du dernier siècle attaqua le christianisme, les religieux ne reculèrent pas devant ces nouveaux adversaires. Ils prouvèrent, dans de savants ouvrages, que la raison est toujours d'accord avec la foi; ils exposèrent les titres primitifs de la révélation. Dom Lamy établit la vérité de la religion chrétienne, dom Toussaint la divinité de Jésus-Christ, le P. Hager la spiritualité, l'immortalité de l'âme; le P. Griffet démontra l'insuffisance de la religion naturelle. Parmi les religieux qui se firent remarquer par leur science et leur esprit, nommons encore le P. Barruel dans les Helviennes, Jean Mauduits, Oratorien, dans le Traité de la religion, et dom Jamin dans ses Pensées théologiques. Les religieux ont aussi rempli les diverses fonctions du ministère ecclésiastique. Saint Pacôme céda deux de ses religieux pour être évêques ; saint Athanase cite au moine Draconce l'exemple de sept religieux qui avaient été élevés à l'épiscopat. Pendant plusieurs siè

dant parmi ces derniers. Qui ne connaît les admirables travaux de saint François-Xavier et de ses collaborateurs? Qui n'admirerait les succès miraculeux des Jésuites dans le Paraguay? Ces religieux et les Duminicains ont arrosé de leur sang l'Empire céleste.

cles, on ne prenait guère les évêques dans les églises d'Orient et d'Occident, que parmi les religieux. Cet usage est devenu une loi de l'Eglise d'Orient, où l'on tire tous les évêques des couvents. Depuis le premier concile de Nicée jusqu'à celui de Trente, ces vénérables assemblées ont trouvé dans les moines de savants docteurs et des Peres zélés. Le siége de Rome a été souvent occupé par des religieux, et sans cesse ils se sont fait remarquer par leur science et la sainteté de leur vie. L'illustre Grégoire XVI était Camaldule. Avant la révolution, les Carmes et les Dominicains remplissaient les fonctions de curés dans les îles du Vent. Les chanoines réguliers de Saint-Norbert, de Sainte-Geneviève et de Saint-Victor ont toujours exercé les fonctions curiales. Les Prémontrés de l'étroite observance avaient près de cent cures dans la seule province de Normandie. Les Génovéfains en avaient près de neuf cents dans les diverses contrées de la France. On comptait aussi parmi les curés beaucoup de chanoines qui suivaient la règle de Saint-Augustin, et plusieurs religieux de l'ordre de Fontevrault et de la Rédemption des captifs. Dès les premiers temps de leur établissement, les religieux sortaient de leur désert pour rendre témoignage à la foi, pour la prêcher aux idolâtres; saint Antoine encouragea les martyrs pendant la persécution de Maximin, et confondit ensuite l'audace des ariens, qui osaient lui attribuer leurs erreurs. Les disciples de saint Basile se rendirent très-utiles à l'Eglise contre toutes les hérésies d'Eunomius et d'Appollinaire. Saint Pacôme, saint Benoît et leurs disciples s'appliquèrent à la conversion des peuples voisins de Tabennes et du mont Cassin. Saint Jérôme ne suspendait ses travaux scientifiques que pour préparer les catéchumènes au baptême. Saint Euthyme convertit un très-grand nombre de Sarrasins. Des moines choisis par saint Chrysostome rendirent la Phénicie chrétienne. L'Autriche dut sa conversion aux prédications de saint Séverin, l'Angleterre à celles de saint Augustin et de ses compagnons, la Frise à celles de saint Villebrod; l'Allemagne à celles de saint Boniface; la Suède, le Danemark, la Norvége, à celles de saint Auxiaire et de ses coopérateurs; la Livonie et la Sibérie, à celles des Dominicains et d'autres religieux de différents ordres. Les Frères prêcheurs pénétrèrent en Chine pour conserver la foi dans les nouvelles chrétientés, les religieux y fondaient des monastères où ils élevaient les enfants du pays, les instruisaient sur la religion, les formaient à la vertu, et les rendaient capables des fonctions ecclésiastiques. Aussi ces Eglises étaient en état, en peu de temps, de se soutenir elles-mêmes, sans avoir besoin de secours étranger. Du sein des monastères sont sortis les apôtres des deux Indes, et leurs succesceurs ont montré le même zèle pour la foi, soit en la conservant parmi les catholiques qui vivaient sous la domination des infidèles, des hérétiques et des païens, soit en l'éten

Avant la révolution, les religieux des différents ordres, et surtout les Bénédictins et les Capucins français, évangélisaient les îles britanniques, le Danemark, la Suède et la Russie. Il y avait des Capucins français en Hollande; ceux de la Basse-Allemagne faisaient des missions dans les cercles voisins'; ceux de l'Italie dans les différents cantons de la Suisse. La partie de la Hongrie soumise aux Turcs était confiée aux Pères de Saint-Paul ermite. La Valachie, la Moldavie étaient évangélisées par les Capucins, qui prenaient soin des catholiques de la Grèce avec les Conventuels de Corfou. Ces religieux avaient douze maisons dans les îles de l'Archipel, deux à Constantinople. Ils partageaient dans cette grande ville les fonctions du ministère avec les Dominicains et des frères mineurs Observantins. Ces derniers, avec les Capucins, dirigeaient les catholiques de l'ile de Chypre. Les Carmes avaient et ont conservé un couvent sur le mont Carmel. Pendant près de cinq siècles, les Récollets et les Franciscains entretinrent les lieux saints, y eurent vingt-quatre maison, et fournirent des curés et des missionnaires à beaucoup d'églises de ces contrées. Les Augustins évangélisaient la Perse; les Carmes et les Capucins français, la Syrie. Des Carmes et des Capucins prêchaient aussi dans la Georgie, l'Arménie et l'Arabie avec les Dominicains. La Mingrélie était desservie par les Théatins et les Capucins; ces derniers avaient aussi la direction du Mogol et du petit Tibet. Les Oratoriens de SaintPhilippe de Néri prêchaient dans l'Indoustan, les Carmes dans le Malabar, les Augustins dans le Bengale. Les Franciscains des diverses observances, les Augustins, les Pères de la Rédemption des captifs étaient chargés des missions de l'Afrique; il y avait des Capucins français au Caire, des Récollets à Alexandrie, des Observantins avec des Récollets et des Capucins en Egypte, à Fez, à Marse, où se trouvaient aussi les Pères de la Rédemption. Les Capucins évangé.isaient les royaumes d'Ovério, de Benin et la Guinée; ils avaient des maisons à Tunis, à Mélisle. Ils évangélisaient aussi, avec les Dominicains, Congo, Angola, et Monomotapa. Les Récollets étaient établis à Alger et dans toute la Barbarie, les Augustins dans l'île de Tabarca, et les Pères de la Rédemption à Trémisan. Les religieux furent les premiers apôtres de l'Amérique. Malgré les crimes de toutes sortes qu'y commirent les Espagnols, ils opérèrent une immense et salutaire révolution au Pérou, au Mexique, au Chili, aux Antilles, dans le nouveau royaume de Grenade, dont ils convertirent les indigènes à la foi. Quelque vif et profond que fût le ressentiment de ceux-ci contre les conquérants, ils donnèrent toute leur con

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D'ASCETISME.

ORD fiance aux religieux, ils regardaient ces hommes apostoliques comme leurs pères et leurs amis. La reconnaissance a gravé dans les annales de l'Amérique les noms de Las Casas, de Julien Garcés, d'Antoine Valdiviesco, de Jean Ramirez, de François de Saint-Michel, d'Alphonse de la Cerda, et de beaucoup d'autres, qui protégèrent constamment les Indiens. Au Brésil, les Capucins et les religieux de Saint-Philippe de Néri soignaient d'une manière toute spéciale les malheureux esclaves nègres. Les Carmes, les Bénédictins, les religieux de Saint-François avaient des maisons à Saint-Sébastien, dans la capitale du Brésil. Les religieux de tous les ordres, et notamment les Frères prêcheurs, les Angustins, les Frères mineurs, les Pères de la Merci, les Observantins avaient des maisons dans les diverses parties de l'Amérique. Dans toute l'Europe catholique, les religieux étaient en général, chargés de prêcher les stations du carême et de l'Avent, et des missions dans les villes et les campagnes. On tirait aussi des cloîtres les aumôniers des régiments et ceux des vaisseaux. On ne sera donc plus surpris de la rage de nos révolutionnaires contre les ordres religieux. Ces ordres rendaient d'importants services à la religion; ils devaient donc tomber sous les coups des hommes qui voulaient détruire le christianisme. Les ordres religieux établis en France depuis la révolution marchent sur les traces de leurs devanciers; ils se montrent aussi pleins de zèle pour la propagation de la foi. Nos religieux actuels occupent les principales chaires de nos églises et de nos cathédrales. Les Pères de Ravignan, Jésuite, et Lacordaire, Dominicain, sont les deux plus grands orateurs de nos temps modernes. Dom Guéranger, Bénédictin, se fait remarquer par ses Vastes connaissances dans la liturgie et dans toutes les autres parties de l'histoire ecclésiastique. Le P. de Brayne, de la Trappe de Mortagne, a publié divers ouvrages sur la théologie, la morale et la médecine. Le P. Péquigni, de la même maison, est auteur d'un ouvrage très-intéressant, la Truppe mieux connue. Nous devons aussi au P. Géramb, Trappiste, d'utiles et pieux ouvrages. Les Jésuites publient aussi de nombreux écrits, tous propres à nourrir la piété des fidèles, et à leur donner une instruction solide.

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Mais les ordres religieux n'ont pas rendu de moins importants services à la société civile qu'à l'Eglise ils ont desséché les marais, défriché les forêts dont la majeure partie de l'Europe était couverte; ils ont transporté de la terre sur de nombreux rochers pour les fertiliser; ils ont fécondé par leus sueurs, par d'immenses travaux, des terres stériles; ils ont transformé en de riches et agréables campagnes des déserts arides, des lieux affreux. Par la douceur des coutumes qu'ils établissaient dans leurs domaines, par la tranquillité dont on jouissait sous leur protection, ils attiraient des populations nombreuses. Aux pauvres, ils distribuaient des terres pour les mettre en culture en leur

ORD 1266 fournissant de nombreuses avances; aux familles riches, ils garantissaient le repos et la sécurité qu'elles ne pouvaient trouver sur les terres des seigneurs livrées à toutes les brutalités de l'anarchie féodale. Les religieux étendaient aussi de toutes parts leurs secours sur les malheureux. D'après saint Augustin, les moines d'Egypte, vivant dans des solitudes affreuses, occupés à faire des corbeilles ou à d'autres travaux aussi simples, chargeaient néanmoins des vaisseaux de leurs aumônes. Les monastères de l'Occident versaient aussi d'abondantes aumônes dans le sein des pauvres. Il suffit de dire que Cluny a nourri parfois jusqu'à dix-sept mille pauvres par jour. Les ordres religieux existants de nos jours conservent le même esprit de charité; interrogez les habitants des lieux où nos couvents sont etablis, ils vous diront de quelles ressources ils sont pour les pauvres. Dans les villes, les congrégations religieuses de femmes sont les consolatrices de toutes les misères. Récemment le conseil municipal de Paris, le préfet de la Seine et le ministre de la justice ont rendu un témoignage bien solennel à la grande charité des dames Bénédictines du Saint-Sacrement, qui sont à Paris la providence des pauvres de leur quartier. Dès l'origine de la profession religieuse, les moines s'adonnèrent aux soins des malades et desservirent les hopitaux. Saint Basile fit construire pour les pauvres, à Césarée, un monastère et un vaste logement adossés l'un à l'autre, afin que le service fût plus facile. Le testament de Vaudemir, de 691, nous apprend que dès lors les malades, à l'HôtelDieu de Paris, étaient assistés par des religieuses.

Suivant le concile d'Aix-la-Chapelle, il' devait y avoir dans chaque monastère des chanoines et des chanoinesses pour les pauvres malades valides et invalides. Vinrent ensuite les ordres hospitaliers. Comment louer, suivant leur mérite, les congrégations des deux sexes qui se dévouent de nos jours avec un zèle si admirable au soulagement des diverses maladies? Nos philanthropes ont reconnu leur impuissance; ils ont été obligés de rendre les services des hôpitaux aux hommes et aux femmes qui ne cherchent leurs inspirations que dans l'Eucharistie et la charité catholique. Pendant près de sept cents ans les Pères de la Rédemption des captifs et de Notre-Dame de la Merci ont employé leurs revenus et les aumônes qu'ils recueillaient à racheter les malheureux que les infidèles retenaient dans. les fers. Afin de prévenir ou d'arrêter les funestes effels de l'incontinence, des femmes remplies de piété et de charité se sont vouées à la pénible mission de ramener à la vertu des êtres que l'erreur et le vice font tomber dans une si profonde dégradation. De là nous sont venus les ordres de la Providence, de Sainte-Pélagie, du Refuge, du Bon Pasteur, et autres semblables, répandus dans toute la France et à l'étranger. Les prisonniers ont trouvé des ordres consacrés à leur

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ORD

DICTIONNAIRE procurer tous les soulagements spirituels et temporels. Les Récollets et les Capucins se vouaient surtout à leur instruction. Les sœurs de la Charité étaient chargées du soin de plusieurs prisons. Les filles de SaintVincent de Paul s'appliquaient en divers endroits au service des forçats, pour lesquels saint Vincent de Paul avait fait bâtir un hôpital à Marseille. A Paris, les docteurs de la maison de Sorbonne conduisaient au supplice les condamnés à mort. Les Capucins se rendirent très-souvent utiles dans les incendies; bien souvent ils furent victimes de leur zèle. Les ordres religieux des deux sexes ont pris aussi bien souvent sous leur protection les enfants trouvés et les orphelins, ainsi que les vieillards pauvres et infirmes. Les couvents servirent encore d'asile contre l'oppression et la tyrannie des grands; sous nos gouvernements réguliers, où la justice est rendue avec exactitude, on ne comprend pas les bienfaits du droit d'asile. Mais en remontant quelques siècles plus haut, à cette époque où le droit du plus fort était la loi régnante de la société, où le succès des combats et le résultat des luttes faisaient qu'un homme était coupable ou innocent; le.droit d'asile était très-précieux et vivement réclamé par la justice et l'humanité. Par suite de la considération que les religieux s'attirèrent par leurs vertus, ils devinrent les protecteurs du peuple, ils arrêtèrent les exactions et les vengeances des grands. Les religieux de nos jours ne se rendent pas moins utiles à l'humanité que ceux des siècles précédents; les frères de Saint-Joseph, ceux de Saint Jean de Dieu, les sœurs de divers ordres s'emploient avec zèle au service des hôpitaux. Les Frères de la doctrine chrétienne, ceux encore de Saint-Joseph, montrent un dévouement admirable dans le service d'un très-grand nombre de prisons.

Les religieux se dévouèrent avec un très grand zèle à l'éducation des enfants. Il y avait dans chaque monastère une école extérieure pour les séculiers, et une école intérieure pour les moines. On rapporte l'origine de cette double école à Pacôme, qui, outre les cathéçumènes, recevait des enfants. Au Mont-Cassin furent élevés par saint Benoît, saint Maur, saint Placide, les enfants des premières familles de Rome. Les religieux envoyés par saint Grégoire en Angleterre, y bâtirent des monastères qui furent des écoles célèbres de science et de vertu. Au siècle suivant, Malmesbury et Glattembury avaient une très-grande renommée; en même temps fleurissaient en Allemagne Fulde, Fritslas, Saint-Gall, Richenau, et Prous. Beaucoup d'abbayes avaient été ruinées par les Sarrasins sous les derniers règnes des Mérovingiens; les études languirent, mais elles se réveillèrent sous Charlemagne par les soins de ce prince, qui adressa une lettre à ce sujet aux évêques et aux abbés. Dès ce moment les études se renouvelèrent dans les écoles des monastères. Les plus célèbres en France étaient Fontenelle,

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Fleury, Cluny. Le moindre des jeunes gens
était élevé dans ces écoles avec le même
soin que les fils des rois dans leurs palais.
Un grand nombre de princes furent aussi
élevés dans les cloîtres. Lothaire fut confié
dès son enfance à saint Germain d'Auxerre,
Robert II et Louis le Gros furent élevés à
Saint-Denis. Lorsque le flambeau des lettres
s'éteignait dans une maison, il se rallumait
dans une autre. Comme on reprochait aux
moines de Cluny de s'adonner aux lettres
profanes, ils s'en justifièrent par l'exemple
des plus célèbres monastères. Pendant plu-
sieurs siècles les religieux enseignèrent la
grammaire, la rhétorique, la dialectique,
la musique, l'astronomie, la médecine, et
même le droit. C'est à un religieux que
l'Angleterre doit la connaissance du droit
romain. Thibaud, abbé du Bec, archevêque
de Cantorbéry, en 1138, y porta le code
Justinien, découvert depuis peu en Italie.
Jusqu'au moment de la révolution, les or-
dres religieux n'ont pas cessé de montrer le
même zèle pour l'éducation. Les Bénédictins
de la congrégation de Saint-Maur dirigeaient
presque toutes les écoles militaires. Ceux
de Cluny et de Saint-Maur avaient différen-
tes maisons d'éducation, ainsi que les Bar-
nabites et les Oratoriens. Dans la seule
province de Toulouse, les Dominicains
avaient trente-deux chaires. Avant leur des-
truction, les Jésuites avaient des colléges
très-florissants. Dans celui de Toulouse, ils
avaient eu jusqu'à 1,700 élèves. Presque tous
les monastères de femmes étaient consacrés
à l'éducation. Depuis la révolution, beau-
coup de congrégations de femmes, ancien-
nes ou nouvelles, sont vouées à l'éducation.
Nous citerons les Ursulines, les Visitandines,
les Dames du Sacré-Cœur, les sœurs de
Nevers, de la Sagesse, de la Providence, etc.
Les Frères des écoles chrétienne diri-
gent dans la plupart des villes l'éducation
des enfants du peuple, et impriment dans
leur cœur des sentiments chrétiens que les
passions peuvent affaiblir mais non détruire.
Les enfants des classes riches, moins favori-
sés que ceux du peuple, sont obligés de
subir l'éducation des maîtres de l'Univer-
sité. Cependant, la religion étant le fon-
dement de toute bonne éducation, et les
connaissances que l'on doit donner anx
enfants devant s'harmoniser avec elle, il
n'est pas douteux que les meilleurs profes
seurs sont ceux qui, sous l'empire d'une
vocation céleste, se sont voués à la vertu
et à l'étude. Sans les moines nous n'aurions
pas les ouvrages de l'antiquité chrétienne et
païenne: les bibliothèques avaient été dé-
truites lors de l'invasion des barbares. Les
moines s'occupèrent de recueillir et de
copier les livres qui avaient échappé à la
destruction. Ceux du monastère de Tours
préféraient cette occupation à toute autre;
ceux d'Italie y consacraient leurs loisirs.
« J'avoue, écrivait Cassiodore aux religieux
de Viviers, que de tous les travaux du corps
celui de copier les livres est le plus de mon
goût. Par cet exercice, l'esprit s'instruit, et

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c'est une sorte de prédication pour ceux à qui ces livres se communiquent. » Pierre Te Vénérable, et Guignes, général des Chartreux, s'expriment dans le même sens. La réforme de Citeaux rétablit le travail, Nicolas, secrétaire de saint Bernard, appelait sa cellule scriptoriolum.

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D'après la règle de Ramote et de saint Benoit, chaque couvent devait avoir une bibliothèque. On en confiait la garde à un religieux élevé dans la maison. C'est ainsi que se conservaient de riches et précieuses collections de livres dans les monastères. On renouvelait avec soin les exemplaires de chaque ouvrage en les copiant de nouveau. C'est de ces bibliothèques que sont sortis tous les excellents ouvrages de l'antiquité, donnés au public depuis l'invention de l'imprimerie. Les religieux ont aussi bien mérité de l'antiquité en recueillant soigneusement tous les événements contemporains. Il était d'usage de choisir dans chaque maison un religieux exact et habile qui rassemblait toutes les actions du souverain et les événements les plus marquants de son règne. A sa mort, on rapportait dans le chapitre général ce qu'il avait marqué. Après un mûr examen, on le rédigeait en forme de chronique. Sans ce travail immense des moines, l'histoire de l'Eglise et celle des nations modernes nous seraient inconnues; sans les chroniques des moines une foule dhommes éminents par leurs vertus et par l'éclat de leurs actions seraient morts dans l'obscurité. C'est aux moines que les royaumes chrétiens et les familles qui s'y sont distinguées doivent leur illustration. En parlaut des religieux comme historiens, nous ne pouvons nous dispenser de dire un mot des grands travaux historiques des Bénédictins; ils nous ont laissé des recherches de la plus haute importance sur l'origine des Gaulois, sur leurs conquêtes jusqu'à la formation de la monarchie française, sur l'établissement des Francs dans les Gaules. Nous leur devons l'Histoire tittéraire de la France, celle de diverses provinces de la France, de la Bretagne, de la Bourgogne, de la Champagne, de la Normandie, de la Franche-Comté, du duché de Luxembourg et de la Touraine; celle enfin du Languedoc, si heureusement revue par le savant M. Dumège. Nous leur devons encore le trésor généalogique de nombreux nobiliaires, l'Histoire de la ville de Paris, des ouvrages très-appréciées sur les monuments de notre droit public, la Diplomatique de dom Mabillon, augmentée par dom Ruinart, est une œuvre de génie. Dom Tassin a aussi publié sur cette matière, un ouvrage très-apprécié. Nous devons au P. Borre l'Histoire des lois et des tribunaux T'Histoire d'Allemagne, si étroitement liée à la nôtre; aux Pères Anselme et Coquet, Augustins, l'Histoire généalogique et chronologique de la maison de France, une Dissertation remarquable sur les anciennes villes des Séquanais; au P. Joly, Capucin, des travaux considérables sur l'établissement des Francs dans les Gaules; au P. Biet,

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une Histoire de France très-remarquable et la meilleure que nous eussions avant celle de M. Laurentie ou P. Daniel. Indépendamment des religieux qui se sont consacrés à l'étude des sciences modernes, beaucoup se sont occupés de l'antiquité. Dans ce nombre, on remarque surtout Montfaucon, l'un des hommes les plus érudits qui aient jamais existé et dont les écrits prouvent qu'il cultivait avec une égale ardeur la philosophie, l'histoire sacrée et profane, la littérature ancienne et moderne ainsi que les langues vivantes et mortes. Les religieux de tous les ordres ont cultivé aussi avec soin la littérature. Les Pères Jouvency, Porée, Rapin, Vanière, Ducerceaux, Lejay, Jésuites, et beaucoup d'autres, se sont distingués par leurs talents dans l'éloquence et la poésie. Les religieux ont montré aussi de vastes connaissances en bibliographie, ils ont beaucoup écrit sur les belles-lettres et les beaux-arts; ils ont composé un grand nombre d'ouvrages sur la peinture, la sculpture et la gravure. Nous leur devons une foule de livres classiques et sur l'éducation, ainsi que de fidèles traductions des meilleurs ouvrages latins et italiens. Les corps religieux ont aussi produit des hommes habiles dans les sciences exactes, dans les mathématiques, la physique; ils ont publié de nombreux ouvrages sur la statique, l'hydraulique, l'acoustique, sur la manière de propager les sons et la voix à une grande distance, la gnomonique; ils ont aussi beaucoup écrit sur l'agriculture, la botanique, le jardinage, la médecine, la chirurgie et la pharmacie. Gerbert, moine. d'Aurillac, introduisit le premier les chiffres arabes ou indiens et la première horloge à balancier. Albert Legrand, Dominicain, est l'auteur de plusieurs inventions ingénieuses; Roger Bacon, Cordelier, entrevit presque toutes les découvertes des siècles postérieurs; il trouva les miroirs ardents et toutes les lunettes propres à grossir et à diminuer les objets. Alexandre Spina, Dominicain, faisant une heureuse application de la propriété des verres convexes, inventa les lunettes appelées bésicles. Avant la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, un religieux dominicain qui avait passé la ligne adressa ses découvertes à Philippe de Valois; il dit dans son ouvrage, De mirabilibus mundi, que l'existence des antipodes n'est pas une fable. On a de dom Gauthier, Bernardin, un ouvrage précieux, intitulé: Expérience sur la propagation du son et de la voix dans des tuyaux prolongés à une grande distance. Dom Bédos a publié le Facteur d'orgues et l'Art de faire des cadrans solaires avec la plus grande précision. Le P. Chrysologue, Capucin, est auteur de planisphères, grands et petits, et d'une mappemonde sur le plan de l'horizon de Paris. On doit au P. Feuillée, Minime, un Journal d'observations scientifiques sur les côtes de l'Amérique méridionale et la Nouvelle-Espagne, et d'autres ouvrages très-importants. Les moines

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