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Le discours qu'on lit dans les OEuvres de Fleury, mais qui est de l'un de ses continualeurs, traite assez rudement les mystiques, et ménage peu la théologie mystique ellemême. Nous allons citer ce passage avant d'en exprimer notre sentiment.

« La théologie mystique en général est une connaissance infuse de Dieu et des choses -divines, qui émeut l'âme d'une manière douce, dévote et affective, et l'unità Dieu intimement, éclairant son esprit et échauffant son cœur d'une manière tendre et extraordinaire. Nous n'avons garde de condamner cette théologie, enseignée par plusieurs saints, et approuvée par l'Eglise. Mais il est bon de remarquer que les anciens, dont les écrits brillent de tant de lumières, en ont peu fait sur cette matière, parce que, d'un côté, il est plus facile de sentir ces communications intimes de Dieu avec l'âme, que de les exprimer, quand on en est favorisé ; et que, de l'autre, il n'y a rien de plus sujet à l'illusion que ces voies extraordinaires où Dieu fait peut-être moins entrer d'âmes qu'on ne le pense. Les saintes Ecritures et les Pères de l'Eglise ont recommandé, comme autant de préceptes indispensables, d'aimer Dieu de tout son cœur, de ne vivre que pour lui, de lui rapporter toutes ses actions par amour, de s'acquitter exactement des devoirs de son état, chacun selon sa condition, dans le dessein de lui plaire, de le servir, et de parvenir à le posséder dans l'éternité; mais ils ont peu connu ces états habituels de visions, d'illuminations, d'illustrations intérieures, d'oraisons passives, etc., et ils en ont sûrement ignoré les termes: au moins, le plus grand nombre n'en a-t-il rien dit. Nous ne voyons pas non plus que, quelque éclairés qu'ils aient été sur les voies du salut, ils aient fait un art méthodique de l'oraison, ni qu'ils aient cru que les sentiments du cœur puissent être, pour ainsi dire, mesurés au compas, ni être produits que les uns après les autres, selon un ordre arbitraire, et en quelque sorte mécanique, qu'on leur aurai prescrit. Si la plupart de ces spéculations abstraites ne sont pas nées de l'oisiveté des cloîtres, je ne sais si l'on ne peut pas dire qu'au moins elles s'y sont nourries et fortifiées, et que c'est de là qu'elles se sont le plus répandues.

« Le célèbre Gerson, si sensé sur ces matières, était persuadé que Rusbrock s'était égaré dans ses visions, et que l'enthousiasme lui avait un peu échauffé l'imagination. Cependant il a eu des défenseurs éclairés. Jean Taulère, son ami, surnommé le Docteur illuminé, était beaucoup plus théologien ; et l'on s'en aperçoit dans ses traités spirituels où il est bien plus exact que Rusbrock. La religieuse Marie d'Agreda a eu ses partisans, et peut-être en a-t-elle encore, malgré le ridicule qui est répandu dans sa Cité mystique, où elle ne s'entendait peut-être pas elle-même. Ce qui me plaît dans sainte Thérèse, dont presque tous les ouvrages sont si mystiques qu'ils sont à la portée de peu de personnes, c'est qu'elle se défiait de ses propres lumières, qu'elle craignait toute illusion, que les états extraordinaires où elle tombait lui paraissaient ordinairement suspects, qu'elle les soumettait au jugement de supérieurs éclairés, et que ce qu'elle en a écrit, elle ne l'a fait que par obéissance, et en avertissant même de ne les lire qu'avec précaution. Les quiétistes de ces derniers temps n'ont eu ni cette humilité, ni cette soumission, ni cette défiance d'eux-mêmes ; et l'Eglise a condamné leur doctrine et leurs écrits, sans donner atteinte à la vraie spiritualité, comme sans prétendre nier qu'il y ait des âmes privilégiées à qui Dieu puisse accorder des grâces singulières et extraordinaires; de la vérité desquelles elle juge par l'uniformité de la conduite, l'humilité des sentiments, le règlement des passions, la pureté des mœurs, l'intégrité de la doctrine de celles qui eroient en être favorisées. Mais ce qui est extraordinaire ne peut servir de règle, et, par conséquent, la théologie mystique n'a jamais pu servir, ni pour la direction particulière des mœurs, ni pour la prédication, qui ne doit avoir que deux buts, persuader l'esprit en l'éclairant, toucher le cœur en l'échauffant. »

Ce jugement sévère a d'autant plus d'autorité qu'il est exprimé avec le ton de la modération et du bon sens.

Une seule observation suffira pour ramener cette mercuriale à son vrai sens. Lorsque M. l'abbé Goujet écrivait ce discours, la France était encore sous l'impression des que

relles du quiétisme. Le mouvement de réaction de l'opinion publique contre Molinos et ses disciples n'était pas encore tout à fait apaisé. Le mysticismne vrai et louable parut un peu responsable des abus qu'on en fit. Mais qu'on remarque que l'auteur s'empresse de déclarer: Nous n'avons garde de condamner cette théologie enseignée par plusieurs saints et approuvée par l'Eglise. Lors qu'ensuite il termine par ces paroles: Ce qui est extraordinaire ne peut servir de règle, nous lui répondons qu'il n'y a point de règle pour les grâces particulières de Dieu. Si donc, c'est de cela que l'auteur veut parler, nous sommes de son avis. Mais s'il entend que la théologie mystique ne fournit pas des règles sûres, sages et prudentes pour conduire un grand nombre de personnes, particulièrement les religieux et les ecclésiastiques, dans les voies de la perfection évangélique, alors il se trompe. Car il est vrai que la théologie mystique fournit ces règles sûres et prudentes, non pour tous les Chrétiens sans distinction, mais pour tous ceux qui, touchés spécialement par la grâce, aspirent à une vie plus parfaite que le commun des fidèles.

Mais pour trancher ce genre de difficulté par la racine, remontons à la source même de toute la doctrine catholique et écoutons les enseignements de Jésus-Christ.

C'est dans le discours sur la montagne qu'il a réuni presque toute la substance de sa morale. Or, il est aisé de voir que, dans le plan de vie qu'il a tracé à tous les Chrétiens, il y a des choses qui sont de précepte et d'autres seulement de conseil. Cette distinction importante et fondamentale dans la doctrine de l'Eglise n'est point à l'arbitraire des interprètes; elle est fondée sur la tradition universelle, sur l'autorité des saints Pères, des conciles et de tous les docteurs.

Un pieux auteur a très-bien exposé cette distinction:

A la suite des lois, dit-il, le Sauveur passe aux conseils.

A prendre les choses en général, les conseils n'obligent point chacun des Chrétiens, mais il est essentiel qu'ils soient toujours observés par un nombre de fervents disciples, et que leur pratique persévère dans le corps de la société chrétienne. Ils ne sont pas le corps évangélique, mais ils contiennent l'esprit de l'Evangile. Ce n'est pour personne une obligation de les garder en tout temps et en tous lieux; mais se croire pour toujours dispensé de leur totalité, c'est s'exposer au péril prochain de s'affranchir du précepte. En un mot, dans une spéculation abstraite, aucun conseil ne fait loi, mais il arrive quelquefois dans la pratiquc, eu égard aux circonstances des lieux, des temps et des personnes, que le conseil oblige.

Voilà le fondement, la règle et la justification de la théologie mystique. On pourrait donc la définir : La science qui traite de la pratique des conseils évangéliques.

Elle repose sur les paroles et les discours de Jésus-Christ. Elle est une partie intégrante et substantielle du christianisme. Sans elle le christianisme est mutilé et privé de son plus bel ornement, de son lustre le plus éclatant.

Nous tomberions dans l'exagération si nous disions que l'accomplissement du précepte ne suffit pas. Ce serait une erreur pareille et tout aussi condamnable de dire que la pratique des conseils n'est pas plus parfaite et plus agréable à Dieu, ou qu'il ne faut pas exhorter les fidèles à suivre les conseils selon l'inspiration de la grâce. C'est un devoir pour les pasteurs d'en favoriser la pratique, d'en faire l'éloge, d'en avoir de l'estime et d'inspirer cette estime aux fidèles qui sont capables d'en être touchés. Et remarquez ici qu'il ne s'agit nullement de choses extraordinaires et plus ou moins surnaturelles qu'éprouvent certaines âmes privilégiées. Ces choses sont la récompense anticipée de la sainteté, mais ne sont pas la sainteté elle-même. La perfection dont s'occupe la théologie mystique embrasse tous les degrés, et même elle s'occupe essentiellement et avant tout des plus bas degrés, c'est-àdire de la complète et entière expiation des péchés, des moyens de les éviter, de la pratique parfaite des vertus communes à tous les Chrétiens, parce que c'est là la base de l'édifice, et que si celui-là manque, le reste ne peut se tenir debout.

On peut voir maintenant combien sont abusés ceux en qui la théologie mystique no

réveille que des idées d'une piété malentendue et sans règles. Ceux-là, bien loin de connaître la théologie mystique, n'entendent pas même la théologie commune, c'est-à-dire l'enseignement de l'Eglise et le sens des paroles de Jésus-Christ; ils n'entendent ni saint Paul, ni saint Bonaventure, ni sainte Thérèse.

ESQUISSE HISTORIQUE DU MYSTICISME

Avant de nous livrer à d'autres réflexions, et pour jeter sur notre sujet toutes les lumières qu'il peut comporter, nous allons suivre le mysticisme dans l'influence qu'il a exercée dans la suite de l'histoire du genre humain. S'il y a eu un mysticisme vrai et légitime dès l'origine du genre humain, bientôt aussi l'erreur apparut à côté de la vérité. Un mysticisme faux commença à tenir une grande place chez les Juifs et surtout dans l'Inde, et depuis, ce genre d'erreurs, mille fois transformé, s'est propagé jusqu'à nos jours.

Tous les Pères, dit Thomassin, ont remarqué que le premier commandement que Dieu fit à l'homme dans la première félicité du paradis terrestre fut le commandement sinon d'un jeûne, du moins d'une abstinence, et ce fut le violement d'une abstinence qui attira sur Adam et sur tout le genre humain ce déluge de crimes et de calamités que nous n'avons encore pu expier par tant de jeûnes et par tant d'abstinences.

C'est une chose bien digne de méditation que cette abstinence du fruit de l'arore de vie imposée à des hommes justes. Nous comprenons les abstinences comme peines expiatoires imposées aux délinquants; encore, quand je dis nous, je ne parle que des catholiques et des honnêtes païens; car messieurs les philosophes font profession de ne rien comprendre aux pénitences prescrites par la religion, quoiqu'ils comprennent assez bien celles imposées par les Codes de la société civile.

Nous comprenons, dis-je, les expiations du péché; mais avons-nous assez remarqué avec les saints Pères cette privation imposée à l'homme juste? Nous en devons conclure avec certitude qu'il y a dans la privation volontaire, un mode naturel et sans doute le plus efficace de, tous, de reconnaître la souveraineté infinie de Dieu. C'est le sentiment du profond respect de la créature qui se traduit en actes. L'homme, composé d'âme et de corps, a besoin, même dans l'état de justice, d'exprimer sa dépendance par la soumission affectueuse de son intelligence; il faut en même temps que le corps participe à sa manière à cette soumission, afin que tout l'homme rende hommage à son souverain.

Il paraît que c'est la condition naturelle de l'état d'épreuves des êtres raisonnables et créés.

Il est facile de comprendre que ces privations imposées aux sens ont dû devenir plus multipliées et plus rigoureuses dans l'état de l'homme déchu. Dieu s'est chargé lui-même d'imposer les pénitences que méritait le péché qui pèse sur la race tout entière du genre humain, et ces pénitences nous donnent dans leur rigueur et dans leur étendue, une haute idée du Dieu puissant et incompréhensible qui manifeste d'une manière si terrible son courroux. Sans parler des misères attachées à notre corps et des incommodités dont la nature, devenue ingrate, nous harcelle de toutes parts, pourrions-nous concevoir une peine comparable à la mort? pourrait-on porter un plus grand coup à cette portion matérielle de nous-mêmes et inspirer plus d'horreur à notre sensibilité? Eh bien, nos sens ont beau se bouleverser à cet aspect, l'arrêt est porté, et, avec la grâce de Jésus-Christ, notre réhabilitation est à ce prix, c'est-à-dire au prix des misères de cette vie et de la mort soufferts en expiation et avec patience.

Mais outre cette peine générale qui atteint la race tout entière, Dieu a voulu encore que chaque offense eût sa peine et son expiation particulière. Ce point qui paraît plus obscurément dans la loi ancienne est devenu très-clair dans la loi de grâce; et on peut dire qu'après le bonheur incomparable que nous avons eu d'avoir été rachetés par le Fils de Dieu, le plus grand bonheur qui vienne ensuite est que nous savons clairement comment nous devons nous y prendre pour expier nos péchés et profiter de la grâce de Jésus

Aussi le dogme de l'expiation, si révoltant pour la philosophie qui, de nos jours surtout, a la vue si courte ; le dogme de l'expiation, dis-je, fait le fond de toutes les religions, de tous les cultes. Non-seulement les jeunes et les abstinences se trouvent au berceau même des fausses religions et dans tous leurs rituels, mais aussi l'immolation des victimes, comme si le genre humain avait unanimement compris qu'il était insuffisant pour satisfaire par lui-même, et qu'il devait chercher de toutes parts une substitution. Voilà la vérité voilée. Un seul peuple parmi tous les autres a connu la vérité plus clairement : c'est le peuple hébreux; celui-là même qui devait donner le souverain Réconciliateur. Aussi est-ce là que nous trouverons les exemples de la vie contemplative et pénitente bien comprise.

Le jeûne de Moïse, pendant quarante jours et quarante nuits avant que de recevoir la Loi, fut une action si héroïque qu'on peut juger que ce n'était point son apprentissage et que ce n'était qu'après des jeunes fréquents et ordinaires, qu'il était monté à ce comble d'une parfaite abstinence.

Elie se signala par un jeûne de même nature, et l'Ecriture nous parlant si souvent des jeûnes de tant de justes avant lui, il ne faut pas douter qu'Elie ne fût aussi monté var degrés à ce haut point de perfection.

Tous ces jeunes étaient arbitraires et particuliers; l'Ecriture en fournit un grana nombre d'autres exemples. On ne peut taire celui de Judith, qui jeûnait tous les jours de l'année, excepté ceux qui passaient pour jours de fête chez les Juifs.

Mais on trouve également les jeûnes ordinaires publics et commandés. Le premier que Dieu ait ordonné est celui du dixième jour du septième mois, fête de l'expiation d' tabernacle. Vous affligerez vos ames, dit le Seigneur, vous vous purifierez par l'expiation." On comprend très-bien la relation qu'il y a entre les jeûnes, les abstinences et la vie contemplative.

Par le jeûne, l'esprit se dégage des sens et s'élève plus librement vers Dieu. Voilà co que tous les peuples ont compris et surtout ce que l'on a compris chez les Hébreux. On peut juger par l'exemple de Moïse combien le jeûne élève une âme jusqu'à la plus grande perfection, et la rend capable de la plus parfaite contemplation. Aussi ce grand homme eut-il la gloire la plus éclatante qui puisse environner un nom d'homme dans les annales du genre humain: la gloire d'être directement le médiateur entre la Divinité et tout son peuple; de leur porter de sa part une loi dictée par ce Dieu terrible, et cela dans les circonstances les plus faites pour frapper les imaginations et graver ce grand événement dans la mémoire des hommes. Si Moïse a été choisi pour ce noble et sublime ministère, il est évident que sa grande âme, dirigée par son amour pour le Dieu créateur du monde, avait monté tous les degrés de la contemplation pour s'unir de cœur à son Dieu et lui offrir habituellement le pur encens de ses profondes adorations.

Ce que nous disons de Moïse nous pouvons le dire de Melchisedech, de cet homme da de Dieu qui ne paraît si mystérieux, sans doute, que parce qu'il se renfermait plus soigneusement dans le silence de la contemplation.

Nous pouvons le dire de Job, de Samuel, de David et de tous es prophètes.

Nous avons parlé du jeûne d'Elie qui dura quarante jours; de celui de Daniel, qui dura trois semaines. On peut poser en règle générale que, partout où il y a jeûne volontaire offert à la Divinité, il y a purification de mœurs et élévation de l'âme vers les régions supérieures. Il suffit, pour en donner une preuve, de raconter simplement la vie des prophètes, telle que nous la donne l'abbé de Vence.

« Quoique l'autorité des prophètes fût grande dans Israël, et que le peuple et les princes pieux les écoutassent avec respect et ne fissent point d'entreprise importante sans leur avis, cependant leur vie était fort laborieuse, fort pauvre et fort exposée aux persécutions et aux mauvais traitements. Ils vivaient, pour l'ordinaire, séparés du peuple, dans la retraite, à la campagne et dans les communautés de leurs disciples, occupés au travail, à la prière, à l'instruction, à l'étude. Mais leurs travaux n'étaient point de ceux qui exigent une trop forte application et qui sont incompatibles avec la liberté d'esprit que demandait leur ministère.

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« Elisée quitte sa charrue dès qu'il est appelé à la fonction de prophète. Amos dit qu'il n'était pas prophète, mais pasteur, quand le Seigneur l'appela. Elie et Elisée bâtissaient euxmêmes leurs cellules. Elie était vêtu de peaux et portait un sac. La pauvreté des prophètes parait dans toute leur vie. On leur faisait des présents de pains, on leur donnait les prémices comme à des pauvres. La Sunamite ne met dans la chambre d'Elisée que des meubles simples et modestes. Le prophète refuse les riches présents de Naaman et donne sa malédiction à Giézi qui les avait acceptés. Leur éloignement des personnes du sexe paraît par la conduite du prophète envers son hôtesse: il ne lui parlait que par l'entremise de Giézi; elle n'ose entrer ni se présenter devant le prophète : Giézi l'empêche, lorsqu'elle veut em-. brasser les pieds du prophète.

« Quoique quelques prophètes fussent maries, il n'y avait point ae femmes dans leurs communautés. Leur frugalité éclate dans leur histoire. On sait ce qui est rapporté des coloquintes qu'un prophète fit cuire pour la réfection de ses frères. L'ange ne donne que du pain et de l'eau à Elie. Habacuc ne porte que de la bouillie à Daniel; Abdias ne sert que du pain et de l'eau aux prophètes qu'il nourrit dans les cavernes.

<< Souvent ils étaient exposés à la violence des princes dont ils reprenaient les impiétés; aux insultes et aux railleries des peuples dont ils condamnaient les déréglements. Plusieurs d'entre eux sont morts d'une mort violente : ils sont du nombre de ces hommes saints dont l'Apôtre relève les souffrances, lorsqu'il dit : « Les uns ont été frappés de bâtons, « les autres ont souffert les moqueries et les fouets, les chaînes et les prisons. Ils ont été « lapidés, sciés, éprouvés en toutes manières, morts par le tranchant de l'épée; vagabonds et couverts de peaux de brebis, étant abandonnés, affligés, persécutés, eux dont le « monde n'était pas digne. >>

<< Mais au milieu de ces persecutions et de ces opprobres, on les voit toujours dans une parfaite liberté, mépriser la mort, les dangers et les tourments, attaquer avec une intrépidité merveilleuse tout ce qui s'opposait à Dieu; mépriser les richesses, la faveur, les honneurs avec un désintéressement qui étonnait ceux qui cherchaient à ébranler leur constance.

<< Leurs maisons et leurs communautés étaient des asiles contre l'impiété. On y venait consulter le Seigneur, on s'y assemblait pour faire la lecture de la Loi: c'étaient des écoles de vertus et des abris de l'innocence. »

Changez les noms et mettez en place celui de cénobites, et vous aurez l'histoire des moines des premiers siècles de l'ère chrétienne. Voilà le même esprit de mortification des sens pour sa propre amélioration morale et le même esprit de dévoument pour sa religion et pour ses frères.

A cette époque l'idolatrie n'avait pas jeté chez tous les gentils des racines telles, que certains peuples ne fussent encore capables de retour au vrai Dieu, et ce retour se pratiquait par l'abstinence et le jeûne.

« Les Ninivites reviennent de leurs iniquités à la parole de Jonas, et leur pénitence est accompagnée des actions les plus contraires à l'inclination des hommes du siècle, accoutumés depuis longtemps à une vie molle et délicieuse. Ils étaient auparavant habillés superbement, et nous les voyons qui se revêtent d'un sac, et qui se couvrent de poudre et de cendre. Ils passaient leur vie dans les festins splendides; et ils embrassent tout d'un coup un jeûne si austère, qu'ils ordonnent aux hommes de ne rien manger et de s'abstenir même de boire de l'eau. C'est pourquoi ils méritèrent que Dieu dise d'eux que, voyant qu'ils s'étaient convertis en quittant leur mauvaise voie, il eut compassion d'eux, et ne leur envoya point les maux dont il les avait menacés. »>

Ce ne sont pas là les seuls exemples de vie spirituelle et purifiée avant Jesus-Christ. Il est vraisemblable que les réchabites remontent juqu'à Jethro, parent de Moïse, et on croit qu'ils eurent la même durée que le peuple de Dieu. C'est à eux probablement que se rattachent les nazaréens, du moins l'abstinence du vin leur était commune.

Ce que l'Ecriture sainte dit des réchabites nous en donne une haute idée. C'étaient des hommes d'une vie exemplaire, d'une abstinence rigoureuse, d'une grande retraite, et d'une désappropriation presque entière.

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