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Leur demeure était à la campagne, et sous des tentes, négligeant le séjour des villes et fuyant le commerce du monde; sans biens, sans terres, sans maisons, sans retraite fixe. On les regarde comme les imitateurs de la vie des prophètes, et les modèles que se sont proposés les esséniens et les thérapeutes parmi les Hébreux et les solitaires dans l'Eglise chrétienne.

L'observance des réchabites se soutint dans toute sa vigueur pendant plus de trois cents ans, jusqu'à la captivité de Babylone. Sous le règne de Joakim, Nabuchodonosor étant venu assiéger Jérusalem, les réchabites, ne pouvant plus en assurance demeurer à la campagne, se retirèrent dans la ville, sans toutefois quitter leur coutume de loger sous des tentes. Leur abstinence fut louée par le Seigneur dans la bouche de Jérémie.

Quelques-uns croient que les assidéens, dont il est parlé au temps des Machabées, étaient .es successeurs et les imitateurs des réchabites. Mais nous sommes persuadés que les assidéens étaient en bien plus grand nombre que les réchabites. Le nom d'assidéens se donnait à toutes les personnes qui faisaient une profession particulière de dévotion et de piété. C'est en ce sens qu'il se rencontre souvent dans le texte hébreu des Psaumes et des Paralipomènes. Et qui oserait soutenir que tous ceux qui consacraient leur vie aux exercices de la religion suivaient l'institut des réchabites? D'autres les confondent avec les esséniens, mais leurs genres de vie sont trop dissemblables. Les esséniens vivaient à la campagne, occupés à cultiver la terre; ils n'avaient point de biens propres et mettaient tout en commun; ils n'avaient ni femmes ni esclaves; ils faisaient leurs offrandes au temple, mais n'y sacrifiaient point, parce que leurs cérémonies étaient plus pures et plus saintes que celles du commun des Hébreux : ils faisaient eux-mêmes leurs sacrifices à part. Ils avaient des officiers qui prenaient soin de leurs revenus, et qui les leur distribuaient selon les besoins de chacun ils ne demeuraient pas tous dans une certaine ville, mais ils étaient dispersés dans plusieurs lieux, où ils recevaient leurs frères dans une parfaite union. Or tout cela est contraire à l'institut des réchabites qui, comme on l'a vu, avaient des femmes et des enfants, et observaient d'autres pratiques qui n'étaient pas communes avec les premiers. Ainsi ces diverses corporations avaient un fond commun d'observance, qui consistait à se vouer d'une manière particulière au service de Dieu et à la pratique de la vertu. Les premiers établis ont sans doute fait naître les autres, mais ils étaient séparés et de communauté et de genre de vie spécial. (Voy. le mot ASSIDÉENS.)

Nous ne parlons pas ici de la secte des pharisiens, ni de celle des sadducéens et des hérodiens.

Quoiqu'il y eût dans ces sectes un très-grand nombre de personnes recommandables par la régularité et l'austérité de leur vie, on doit les considérer comme hors de la voie droite et du chemin de la véritable vertu, même comme elle devait être entendue sous la loi de Moïse. Ces sectes blessaient le dogme jusqu'à nier les plus fondamentales vérités, comme l'immortalité de l'âme et les récompenses et les peines de l'autre vie; elles blessaient la morale jusqu'à éluder les soins que l'on doit aux parents devenus vieux, c'est-à-dire quand les obligations des enfants sont devenues plus rigoureuses. De " plus ils avaient fini par surcharger la Loi et par l'étouffer sous des pratiques superstitieuses et ridicules, quand elles n'étaient pas injustes et immorales. Même les esséniens n'étaient pas exempts de quelques graves reproches. Les réchabites soutiennent mieux la critique : leur vertu est mieux entendue. En résumé cependant, le plus parfait modèle de la vie contemplative se résume sous la Loi ancienne dans les premiers exemples que nous avons donnés en commençant par Moïse jusqu'aux prophètes et aux enfants des prophètes; voilà des exemples autorisés et respectables en tout point.

La série des hommes contemplatifs de l'Ancien Testament se clôt par un saint personnage qui mérite d'avoir ici une place à part; c'est saint Jean-Baptiste qui a reçu le plus bel éloge qui puisse être décerné ici-bas à une intelligence créée. A l'occasion des deux disciples que ce saint prophète envoyà de sa prison au Fls de Dieu pour savoir s'il était le Messie, Jésus-Christ répondit par ces paroles qui sont un témoignage si éclatant

de sa divine mission : Allez dire à Jean ce que vous avez entendu et ce que vous avez vu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, etc.

Lorsqu'ils furent partis, Jésus s'adressant au peuple leur parla de cette manière : Qui étes-vous allés voir dans le désert, un roseau agité par le vent? Qui êtes-vous allés voir, un homme vêtu avec mollesse? Vous savez que ceux qui s'habillent de cette sorte sont dans les maisons des rois. Qui êtes-vous allés voir, un prophète? Oui, je vous en assure, et plus qu'un prophète; car c'est de lui qu'il a été écrit: Voilà que j'envoie mon ange devant vous, qui vous préparera la voie par où vous devez marcher.

Enfin Jésus-Christ termine par ces paroles: En vérité je vous le dis, parmi ceux qui sont nés des femmes, personne n'est plus grand que Jean-Baptiste. Voilà les honneurs extraordinaires rendus par le Sauveur à ce saint prophète. C'est comme un acte de canonisation décerné à ce saint homme de son vivant par l'auteur même et la règle de la sainteté.

JÉSUS-CHRIST MODÈLE DES CONTEMPLATIFS.

Nous devons maintenant nous arrêter pour contempler avec attention la vie de JésusChrist dans le rapport qu'elle nous présente avec la vie contemplative, ou, si vous voulez trancher le mot qui n'a plus pour nous maintenant qu'un sens très-juste et fort relevé, avec la vie mystique.

En effet, si la vie mystique est non-seulement un genre de vie bon en soi, mais très-distingué, nous devons en trouver le modèle en Jésus-Christ, qui renferme en lui-même tout ce qui est bon.

C'est une chose vraiment admirable que dans les trente-trois années de sa vie mortelle passées avec cette majestueuse simplicité que nous lui connaissons et qu'on ne saurait assez méditer, Jésus-Christ apparaisse comme le modèle naturel et très-parfait de tous les genres de vie très-divers que les hommes sont appelés à pratiquer sur la terre. Il est un modèle des supérieurs et des inférieurs, des riches et des pauvres, des savants et des ignorants, de ceux qui mènent une vie active dans les exercices du corps et de ceux qui mènent une vie où l'occupation de l'esprit fait les plus grands frais.

Cependant pour être vrai et rendre à Jésus-Christ, les honneurs qui lui sont dus, il faut reconnaître que sa vie tout entière a été avant tout une contemplation continuelle. N'étant sujet ni à l'ignorance, ni à la torpeur de l'esprit, ni aux attaches déréglées des créatures, sa sainte âme n'a pas cessé un seul instant d'être élevée au-dessus de ce monde,. de juger toutes les choses de ce monde dans les rapports qu'elles ont avec la gloire de son Père et avec la sanctification des âmes. Son humanité sainte, toujours unie au Verbe éternel, avait pour occupation principale, incessante même, d'offrir à Dieu son Père des adorations parfaites, des actions de grâces pour les bienfaits qu'il répand sur toute créature, des amendes honorables pour les outrages sans nombre dont les créatures se rendent coupables envers Dieu. On peut bien affirmer que les travaux de sa vie, soit les occupations manuelles de sa vie cachée, soit les travaux plus relevés de sa vie publique, étaient tous réglés très-exactement selon la volonté de son Père. En soi, ils n'avaient pour lui ni plaisir ni déplaisir. C'étaient des actions sanctifiées par l'intention de procurer la gloire de Dieu le Père. Il ne voyait ce qui se passait dans les sens, il n'intervenait dans cette région sensible de la matière, à laquelle il touchait par son corps, c'est-à-dire surtout par ses souffrances et ses privations, que pour spiritualiser tout par la considération du but où tendait tout son être, la rédemption du genre humain et la satisfaction due à la majesté lésée. Ainsi, il n'y pas une seule de ses occcupations, si vulgaire en apparence, qui n'acquière un mérite sans bornes par l'hommage très-parfait dont elle était l'expression devant son Père. Toutes les circonstances connues de sa vie nous indiquent clairement qu'il en était ainsi. Une seule fois, pendant sa vie cachée, il nous est permis de le suivre à Jérusalem; et nous le voyons occupé à montrer aux docteurs, étonnés d'une telle science dans un enfant de douze ans, le vrai sens des saintes Ecritures. Il les disposait à recevoir dans peu de temps le Messie qui était déjà sur l'horizon, quoiqu'on ne le vit pas encore. Nous n'avions pas besoin de cette preuve pour être convaincus

qu'au milieu de la vie active de l'artisan, il vivait continuellement de la vie de l'esprit, et que rien ne pouvait être un obstacle à tenir son intention unie à celle de son Père.

Nous devons remarquer avec soin que ces trente ans de la vie cachée de Jésus-Christ sur trente-trois, lorsque le Messie était appelé à fonder de si grandes choses; que ces trente ans de vie cachée et inconnue au monde sont un modèle accompli et de la vie solitaire des moines, et de la vie retirée des personnes qui dans ce monde, voulant arriver à une plus haute perfection, rompent avec le monde et ne conservent que les liens que la nature elle-même veut qu'on respecte. On a beau crier que la société s'arrêterait tout court si elle n'était peuplée que de personnes de ce caractère, qui estiment si peu le côté agréable et riant de la vie ainsi que les relations sociales qui ont de l'éclat et quelquefois de la grandeur. Il n'est pas à craindre que le grand nombre cesse d'aimer le luxe et l'éclat quand il est possible d'en faire parade et d'en jouir. Ce penchant est trop fort pour se perdre jamais ; il est même tellement excessif et déraisonnable qu'il ne faut pas craindre de lui donner de puissants contre-poids. Aussi voit-on que Jésus-Christ n'a fait aucun cas de ces petites considérations des philosophes politiques qui s'inquiètent des causes pouvant donner un aliment aux arts et à l'industrie, et qui tremblent de voir manquer cet appui nécessaire de la prospérité des nations. Esprits étroits qui se croient les plus profonds penseurs, ils ne comprennent guère combien il y a une philosophie plus haute dans ce simple mot de la Bible: Justitia elevat gentem, miseros autem facit populos peccatum. Qu'on nous permette un exemple qui ne s'écarte pas de notre sujet. Au point de vue de la politique mondaine, saint Louis n'aurait pas été très-adroit en s'astreignant trop minutieusement à une justice rigide; on traiterait aujourd'hui ses actes de scrupules mal entendus qui accusent un esprit faible. Mais qu'on juge de l'honneur que fait aujourd'hui à son règne cette équité sévère et cette simplicité de vie, toutes les fois qu'il croyait pouvoir mettre de côté les signes de la grandeur sans nuire à sa dignité. La noble simplicité qu'il a mise dans sa grandeur et la pratique si impartiale de justice envers ses voisins, font aujourd'hui plus d'honneur à la France, et lui sont moralement et même politiquement plus profitables que les victoires et les conquêtes de dix règnes.

Laissons donc les intérêts des arts, du luxe, du commerce, du brillant confortable de la société, que nous sommes loin d'excommunier; laissons-les seulement se défendre eux-mêmes, ils ont de puissants avocats dans le cœur des hommes. Ils ne cesseront d'avoir trop d'empire, de faire faire des bassesses, de grandes fautes et de grandes violences; acceptons ces choses conmme des maux nécessaires : ainsi pouvons-nous comprendre le sens profond des paroles de Jésus-Christ, lorsqu'il semble lancer des anathèmes contre les riches. Ce ne sont point les hommes riches qu'il hait, mais les richesses, instrument de leur perte; il a même indirectement approuvé le bon usage des richesses en s'asseyant à la table bien servie des riches. Il les voit, ces dangereuses richesses, comme un obstacle infranchissable que la passion leur met sur le chemin du ciel et qui les empêche d'arriver au royaume de son Père; les hommes riches, il les aime, il est mort pour eux.

Aussi les richesses, d'après la doctrine de Jésus-Christ, ne sont bonnes que lorsqu'elles sont arrivées dans une maison en compagnie de la justice, qu'on les répand en bienfaits et qu'on sait en tenir son cœur détaché et son esprit libre d'orgueil. Voilà le problème presque impossible à résoudre que Jésus-Christ, la souveraine sagesse, tranche d'une manière qui semble une folie pour le monde ; il le tranche par le mépris et par le renoncement. C'est comme s'il disait: Mes enfants, je supporte de vous voir riches quand cela vous arrivera naturellement et justement; mais vous courez si grand danger dans cette position, que votre salut y devient presque impossible; prenez donc, je vous y invite, le parti le plus sûr: détestez les richesses. Soyez riches malgré vous si vous n'êtes point libre d'être pauvre effectivement, et alors vous serez pourvus d'esprit, vous me ressemblerez par le cœur. Mais que ceux qui le peuvent, qui s'en sentent le courage, vendent tout et donnent le produit aux pauvres, et partagent ma pauvreté effective, qui est la plus grande de toutes les richesses.

Voilà la théorie de la richesse et de la pauvreté d après l'Evangile; elle est un peu diffé

rente de celle de l'économiste du XIX siècle et de l'homme du monde, qui croit que sa grande fortune ajoute quelque chose à son mérite; elle est aussi très-différente de celle du prolétaire peu chrétien de nos jours, qui maudit son sort parce qu'il n'arrive pas assez vite à l'aisance. Mais c'est une doctrine chère aux amis de Jésus-Christ, qu'ils soient dans le cloître ou dans le monde, dans les salons d'or et de marbre ou sous le chaume. Où qu'ils se trouvent, ils ont du goût pour la croix de Jésus-Christ et pour sa sainte pauvreté, car leur cœur ne tient à rien de ce qui est de ce monde ; et on ne peut en douter ces futurs citoyens du ciel sont aussi les meilleurs, les plus utiles citoyens de la patrie terrestre ; ceux qui rendent plus facile la tâche des gouvernements, qui se contentent le plus aisément de peu quand il faut, qui murmurent le moins contre leurs supérieurs même injustes, qui nourrissent la paix, qui sont empressés à apaiser les dissensions et à prier pour tous, pour le bien général, quand ils ne peuvent concourir d'une autre manière au bien de leurs frères.

Mais revenons à la vie simple et sans apprêt de Jésus-Carıst, qui va droit à son but, sans toucher aux choses de ce monde, que pour la pure nécessité de l'accomplissement d'un devoir; et cela parce que son esprit parfaitement juste ne pouvait jamais se laisser séduire par le faux éclat des choses périssables qu'il estimait à leur juste valeur, c'est-àdire comme n'étant faites que pour les besoins nécessaires du corps et ne devant jamais donner occasion de mettre un seul nuage entre l'âme et Dieu. Or, ce que Jésus-Christ a toujours fait, nous devons y aspirer sans jamais y atteindre, allourdis que nous sommes par le péché originel.

Comparons spécialement la vie cénobitique avec cette sainte et consolante vie de JésusChrist.

Toute la vie cénobitique repose sur les trois vœux d'obéissance, de chasteté et de pauvreté.

Ces trois points bien observés et établis sur le terrain solide de 1ODservation des préceptes généraux qui obligent tous les Chrétiens, contiennent l'expression de la 'plus haute perfection à laquelle on puisse aspirer en ce monde, par cette raison, que ceux qui arrivent là sont totalement détachés de tout ici-bas pour être plus librement et plus intimement attachés à Dieu.

Eh bien! la chose n'est ainsi que, parce qu'en suivant cette voie, on est parfaitement sur la trace de Jésus-Christ; on le voit marcher devant, et on le suit de plus près que les autres Chrétiens, qui sont tenus sur la terre par des liens très-légitimes, sans doute, comme sont ceux du mariage, du gouvernement, de ses affaires pour le bien de ses enfants, du commandement sur ses inférieurs. Mais tous ces liens en vous impliquant dans les choses matérielles, remplissent l'âme en grande partie, l'étourdissent, et laissent beaucoup moins de place à Dieu; aussi personne ne peut savoir ce que Dieu a de complaisance, de prédilections et souvent de douceur pour ceux qui quittent tout pour lui. Je dis donc que ceux-ci suivent de plus près Jésus-Christ; ils sont plus courageux, plus rapides que les autres à s'élancer à la suite de Jésus-Christ, à s'élever en pensée vers le ciel.

Sans doute Jésus-Christ n'a pas fait les trois vœux dont nous parlons. C'est le propre de la faiblesse de s'engager ainsi par des serments; c'est un acte de défiance de soi-même, et la possibiTité et quelquefois la réalité de l'infraction prouve que cette défiance n'est pas déplacée. Il est certain qu'un serment solennel pique l'amour-propre et fait craindre la violation comme un déshonneur à ses propres yeux. L'homme misérable et blessé par le péché originel a besoin de ce ressort pour le soutenir. Mais toutes ces idées répugnent dans Jésus-Christ. Il sentait dans son propre fonds toute la force nécessaire pour pratiquer le bien dans la forme et dans la mesure la plus parfaite; ce bien il le concevait clairement, sa volonté l'y portait sans détours, à travers tous les obstacles les plus pénibles. Nous ne disons pas toutefois qu'il le faisait sans effroi pour les sens, on l'a vu au jardin des Oliviers; mais, du moins, sans faiblesse de courage ou d'intention; elle se maintenait toujours à la hauteur du but sublime qu'il poursuivait.

Ainsi s'il n'a pas fait les vœux, il les a mis admirablement en pratique. Il a pratiqué l'obéissance d'abord dans l'intérieur de la sainte famille. L'Ecriture nous le dit: Il leur

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était soumis erat subditus illis. On peut se rappeler dans combien de circonstances il alléguait la volonté de son Père, non-seulement en parlant à ses apôtres, mais encore à sa sainte mère; pour les convaincre que ce qu'ils demandaient de lui, il ne devait pas le leur octroyer, il invoquait la volonté de son Père, à laquelle il devait perpétuellement se conformer. Peut-on trouver un plus beau modèle de la vertu d'obéissance; de cette renonciation, de cet abandon de la faculté de notre âme, qui, étant une des plus malades dans l'homme pécheur, a le plus besoin d'être contenue, humiliée et unie à Dieu, pour se guérir et se purifier? Quant à la chasteté, nous nous dispensons d'exposer les raisons qui devaient lui faire choisir l'état de virginité parfaite. Le caractère de son auguste personne commandait cet état de vie au point, qu'il a dû même s'étendre autour de lui; de plus il a voulu naître d'une mère vierge, et l'homme du monde qu'il aimait le plus après sa sainte mère, et qui fut son remplaçant auprès d'elle au pied de la croix, fut un homme vierge : c'est sans doute la raison pour laquelle saint Jean a mérité non-seulement de reposer sur le cœur de Jésus pendant la cène, mais aussi d'avoir une plus profonde communication des secrets de Dieu. Ceci est manifeste, d'abord, par son Evangile, qui expose un ordre d'idées plus élevées que les autres Evangiles, quoiqu'ils soient tous admirables; ensuite dans l'Apocalypse, où, à travers les images gigantesques, on entrevoit des beautés ravissantes dont nulle poésie humaine, nulle littérature nationale n'a jamais donné d'exemple. C'est de cette époque seulement que la virginité commence à être connue comme une vertu qui a des priviléges. Mais il fallait la plénitude de grâces de la Loi nouvelle et l'exemple du Fils de Dieu incarné pour triompher à ce point du plus emporté des penchants du cœur, et soumettre à cette noble et pure vertu des légions d'êtres humains, qui, en renonçant à être les membres d'une famille particulière deviennent éminemment et exclusivement les membres de la famille sociale.

Enfin, Jésus-Christ a pratiqué la pauvreté, et déjà nous avons vu ce qu'il pensait des riches et des richesses; il plaignait ceux-là et anathématisait celles-ci. Sur ce point je cède volontiers la parole à Fleury qui, dans la Vie de Jésus-Christ, a si bien comparé les traits de l'Evangile. « Dans sa vie publique, sa vie était plus pénible, dit Fleury, que quand il travaillait de ses mains, car il n'en avait plus le loisir, puisqu'il souffrait que des femmes le suivissent pour le servir de leurs mains, et qu'il gardait quelque argent dont Judas était le dépositaire, tant il estimait peu l'argent. Du peu qu'il avait, il donnait l'aumône, mais it en manquait lorsqu'il fut obligé de faire trouver à saint Pierre, par miracle, de quoi payer le tribut des premiers-nés, qui n'était qu'un demi-sicle, environ 16 sous de notre monnaie.

«En effet, il vécut toujours dans une grande pauvreté; il dit lui-même qu'il n'avait pas où reposer sa tête, c'est-à-dire qu'il ne logeait que par emprunt chez ceux qui voulaient bien le retirer. A sa mort, on ne voit pas qu'il eût d'autre bien que ses habits. Il dit qu'il n'est pas venu pour être servi, mais pour servir. Il voyageait à pied, et quand il monta sur un âne, pour entrer à Jérusalem, on voit bien que ce fût une action extraordinaire. » Il faisait imiter sa pauvreté à ses disciples, les envoyant sans argent et sans aucune provision; même lorsqu'ils étaient avec lui, la faim les réduisait quelquefois à prendre ce qu'ils trouvaient dans la campagne, comme les épis qu'ils arrachèrent le jour du sabbat Assurément, voilà bien la pauvreté et le mépris des biens pratiqués dans toute sa sévérité. Aucun monastère n'a donné exemple d'un abandon plus absolu entre les mains de la Providence.

Un autre caractère de la vie ascétique est ae pratiquer la mortification et de se livrer à l'oraison. Ici encore tout se trouve dans le divin modèle.

C'est par des œuvres de pénitence qu'il inaugure sa vie publique; il s'y prépare par le baptême, la prière et le jeûne; il n'avait pas besoin de ces précautions, c'était, comme il le dit lui-même, pour accomplir toute justice et pour nous donner l'exemple. Quel jeûne que le sien encore ! Il reste quarante jours et quarante nuits sans manger. Ce peut être un miracle cependant il faut se garder de l'affirmer, puisque les anciens nous parlent d'autres exemples de pareils jeûnes. Du moins est-il certain que cette mortification indiquo dans Notre-Seigneur combien grande était à ses yeux la puissance de la mortification et le

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