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fauts or, comme ils apprennent par leur propre expérience combien était faible l'appui sur lequel ils comptaient, il n'est point étonnant de les voir tomber dans la défiance et dans l'abattement. Par là le directeur saura comprendre combien de telles âmes, trompées par une fausse apparence d'humilité, sont éloignées du sentier droit de la vertu, et combien aussi elles ont besoin d'être entourées de vigilance et de soin. L'homme vraiment humble, quand il tombe dans le péché, ni ne s'en étonne, ni ne s'en trouble car comme il a une connaissance approfondie de sa faiblesse, il sait que la mauvaise terre de son cœur ne peut d'ellemême rien produire que de mauvais. Il s'en repent à la vérité, mais moins pour le mal qu'il s'est fait que pour le déplaisir qu'il a causé à Dieu; et en même temps il s'exerce à des actes d'humilité. Il ne donne point lieu à la défiance; mais, se jetant dans les bras de la miséricorde divine, il répète de temps en temps du fond du cœur : « J'espère fermement que votre grâce fera ce que ma faiblesse n'a pu faire. » Et, par ce moyen, il se sert même de ses chutes pour se ranimer à courir dans la carrière de la perfection. Le directeur apprendra donc par là à corriger les fausses affections d'humilité, qui viennent de l'orgueil ou du démon, et presque toujours de l'un et de l'autre en même temps.

11. Le sentiment de l'humilité véritable et surnaturelle, infuse par Dieu, consiste dans un certain mépris de soi-même, qui naît de la connaissance de son propre néant, de ses fautes et de ses misères, et qui rend l'homme soumis, en paix non-seulement avec Dieu, mais encore avec ses semblables. Voyons donc comment cette soumission peut être appliquée dans la pratique, et d'abord à l'égard de Dieu. Que l'âme, établie en la présence du Seigneur, fixe avec l'œil de la foi un profond regard sur la majesté infinie de ce grand Dieu, et qu'en même temps elle abaisse son regard sur sa propre bassesse. Qu'en comparant ses misères à la divine majesté, elle s'humilie devant Dieu, et s'abime dans son néant, autant qu'il sera possible avec le secours de la lumière que Dieu lui envoie. Saint Vincent Ferrier exige: 1° que nous nous regardions comine un cadavre en pourriture, au point que nous nous méprisions nous-mêmes du fond du cœur, et que nous soyons profondément étonnés que Dieu ait pu aimer une chose si détestable. 2° Que nous reconnaissions intimement en nous que tout ce dont nous jouissons n'est point notre bien, mais le bien de Dieu, à qui seul il faut en rendre gloire; tandis que nous ne devons nous attribuer que le néant et la pourriture de nos péchés, qui est pire que le néant même. 3° Que nous nous réjouissions de n'être rien, afin qu'il puisse être tout; de ne pouvoir rien, afin que seul il puisse tout; d'être privés de tout bien, afin que lui seul puisse être notre bien unique et souverain. 4° Que nous nous affligions du vol si odieux dont

nous nous sommes rendus coupables envers sa majesté, lorsque nous lui avons ravi un bien précieux, à savoir, sa gloire extérieure, en nous complaisant dans quelqu'une de nos qualités ou de nos prérogatives, et nous appropriant ainsi l'honneur qui lui est dû à lui seul; et qu'en même temps nous lui rendions cet honneur que nous lui avons ravi, en nous écriant de tout notre cœur: A vous seul gloire et honneur ! 5° que nous lui rendions aussi toute la gloire que les hommes vains et superbes lui ont enlevée jusqu'à ce jour; et que nous confessions que toute gloire appartient à lui seul non-seulement comme étant le premier principe et la source de tout bien, mais encore comme étant la dernière fin à qui, de droit suprême, toutes choses doivent être rapportées. 6° Que nous soyons dans un profond étonnement de voir que nous seuls avons osé nous enfler d'orgueil, tandis que les anges et les saints du ciel s'abîment dans leur néant et reconnaissent leur souveraine pauvreté. 7° Que nous craignions de nous voir dépouiller par Dieu des biens qu'il nous a accordés, ou de trouver notre perte dans l'abus que nous pouvons faire de ces biens. 8° Que nous prenions surtout la ferme et constante résolution, non-seulement de ne plus rechercher jamais notre propre gloire, notre propre honneur, notre propre réputation; mais encore, autant qu'il sera en nous, d'éviter de toutes nos forces ce qui peut nous procurer la gloire, comme les dignités, les charges, les emplois de distinction et les honneurs. Car, selon le langage de saint Bernard, il faut éviter et détester cette orgueilleuse présomption qui nous rend assez audacieux pour chercher notre gloire dans des biens qui ne nous appartiennent pas, et pour ravir l'honneur qui est dû à Dieu seul.

IV. L'humilité d'affection envers le prochain a trois degrés. Le premier est de se mépriser au point que l'on se soumet à tous ses semblables, même à ceux dont on reconnaît l'infériorité relative. Cette soumission exige, du côté de l'intelligence, que nous fassions plus de cas des opinions des autres que des nôtres, et que nous les préférions aux nôtres; que nous demandions toujours et suivions les avis des autres, les croyant plus sûrs que les nôtres. Du côté de la volonté, cette soumission consiste à soumettre notre volonté, non-seulement à la volonté de Dieu et des supérieurs, mais encore à celle des autres. Et, quant à ce qui concerne les œuvres extérieures, nous devons être contents de voir nos actions peu estimées, et celles des autres préférées aux nôtres. Le second degré de l'humilité d'affection envers le prochain consiste à se mépriser soi-même, au point de souffrir en paix que les autres nous méprisent. De là, si quelqu'un nous estime peu, nous devons nous dire au fond du cœur Il a raison, il me donne ce qui m'appartient; il me traite selon mes mérites; il porte de moi le même jugement que Dieu et que tous les bienheureux du para

croyons devoir ajouter quelques réflexions, pratiques aussi, contre la vaine gloire, à laquelle l'homme est naturellement si enclin. Toutefois, il y a moins de danger pour la vaine gloire dans les biens surnaturels et les dons qui se rapportent à l'ordre de la grâce, attendu qu'à l'égard de ces sortes de biens il est moins difficile de reconnaître la main bienfaitrice qui les donne; le danger est plus grand dans la possession des biens de l'ordre naturel, tels que les richesses, la naissance, les talents, la science, la prudence, l'élégance des manières, la beauté du corps, etc. Le directeur s'efforcera de dissiper ces fumées de vaine gloire qui naissent de l'éclat des choses temporelles, et il y opposera ces belles paroles que saint Basile adressait aux fidèles de son temps : « Vous vous complaisez, disait-il, dans la noblesse de vos aïeux? Vous tressaillez de joie en vous flattant de la célébrité de votre famille, de la beauté de votre corps, des honneurs dont chacun vous entoure ? Un peu de réflexion sur vousmême car vous êtes mortel... vous êtes poussière et vous retournerez en poussière... Où sont, dites-moi, ceux qui occupaient les premières magistratures des cités? où sont ces rois invincibles? où sont ces généraux? où sont ces potentats? Tout cela n'est-il pas une vaine poussière? tout cela n'est-il pas la proie du tombeau? A peine reste-t-il d'eux quelques ossements. Jetez les yeux un instant sur leurs tombeaux, espérez-vous pouvoir distinguer entre le maître et son serviteur, entre le riche et le pauvre, entre le roi triomphant et le roi qu'il avait traîné à son char de triomphe? » (Hom. 3, in verba Moysis: ATTENDE TIBI IPSI.) Et, en effet, pour dissiper la fumée des vanités dont s'enivrent les hommes du siècle, il n'y a pas de moyen plus efficace que de leur faire considérer souvent ce qu'ils seront bientôt, et ce que sont ceux qui, naguère, nageaient au sein des félicités mondaines. C'est pourquoi, si quelque personne de ce genre voulait s'appliquer à la piété, il faudrait lui ordonner de faire des lectures et des méditations sur ces sortes de vérités, et lui offrir quelque livre qui en traite spécialement. Car la véritable lumière ne luira point pour son esprit, si d'abord on n'en chasse cette vaine fumée.

dis, aux yeux desquels je ne suis qu'un vil néant et un objet détestable à cause de mes péchés. Dans ce degré, on sent l'amertume de ce mépris; cependant on en triomphe par un autre mépris, le mépris intérieur de soi-même; et, se tournant vers Dieu, on lui rend grâces de ce qu'il s'est trouvé un homme qui reconnaît notre indignité telle qu'elle est, et nous traite comme nous le méritons; en même temps, on se fait un devoir de prier pour son calomniateur. Nous devons faire tous nos efforts pour parvenir à ce degré car autrement, selon la pensée de saint Grégoire, ce mépris, que nous paraissions avoir pour nous-mêmes en nous reconnaissant et en nous avouant pour pécheurs, ne serait pas une humilité véritable, ni un vrai mépris. « Nous en connaissons beaucoup, dit ce saint docteur, qui, n'étant accusés par personne, confessent qu'ils sont pécheurs, et qui, si par hasard on leur reproche quelque faute, cherchent à se défendre, à s'excuser, à se justifier, pour ne pas paraître pécheurs. Or si, lorsqu'ils se disent eux-mêmes pécheurs, ils se reconnaissaient comme tels par une véritable humilité, ils ne nieraient point, quand les autres les accusent, ce qu'ils avaient même confessé. » (Moral., lib. xxII.) Mais si nous nous méprisons nous-mêmes au point de nous réjouir du mépris d'autrui, nous avons atteint le troisième degré de l'humilité d'affection degré sublime et difficile à obtenir ! Toutefois, nous pouvons y parvenir avec la grâce de Dieu, et nous somines tenus d'y aspirer. Saint Diodoyne distingue deux sortes d'humilité l'une des hommes de sainteté médiocre, l'autre des hommes parfaits: una mediocrium, altera perfectorum. (De perf. spir., c. 95.) Les médiocres, ou ceux qui sont en progrès, sentent, au milieu des opprobres, la tristesse et l'amertume, parce qu'ils n'ont pas encore vaincu les mauvaises inclinations de la nature; mais les parfaits sont remplis de joie, parce qu'ils ont remporté une telle victoire sur leurs pas sions, qu'elles n'osent plus lever la tête pour leur faire la guerre. Du reste, en quelque état que nous soyons, nous devons nous efforcer d'embrasser avec joie les mépris, les injures et les opprobres, au moins par la volonté, si nous ne le pouvons sans éprouver quelque sentiment de répugnance, disant intérieurement: O Jésus, qui avez été méprisé par amour pour moi, je veux être semblable à vous. Ces opprobres, ces persécutions, ces calomnies, quelque horreur qu'ils inspirent, sont le bonheur, la béatitude que vous avez promise à vos serviteurs. Bienheureux êtesvous lorsqu'on vous maudira, et qu'on vous persécutera, et qu'on dira faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi (Matth. v). Je dois donc me réjouir, me livrer à la joie. Voilà quelques manières pratiques d'exercer l'humilité, que le directeur doit suggérer peu à peu à ses pénitents, selon qu'il croira convenable à leurs dispositions et à leurs progrès plus ou moins grands dans les voies spirituelles.

V. A ces avis pratiques sur l'humilité nous

VI. La vanité des femmes consiste ordinairement à vouloir paraître en public éclatantes de beauté, ornées de pierres précieuses, environnées d'une grande pompe, enrichies de vêtements où brillent l'or et l'argent. La source de cette faiblesse est, d'un côté, la privation de tout exercice littéraire, de tout emploi, de toute profession libérale; et, d'un autre côté, la passion de la vaine gloire, qui n'est pas moins profondément enracinée dans leur coeur que dans l'esprit des hommes. De là, ne pouvant nourrir leur passion de choses plus importantes, elles la mettent tout entière en ces vains dehors d'une toilette splendide. Cependant, si elles veulent s'adonner à une véritable piété, il faut qu'elles mettent des bornes à cette superfluité d'ornements, puisque la vraie dé

votion et la piété solide ne peuvent s'allier à la vanité, ni habiter dans le même cœur. Que le directeur donc s'efforce de faire triompher de ces obstacles leurs pénitentes, surtout celles qui se livrent à la vie spirituelle et à l'exercice des vertus. S'il peut, sans danger et sans de graves inconvénients, les faire renoncer à toute cette pompe d'ornement, à tout ce vain faste d'habillement, qu'il le fasse sans hésiter : car, de cette manière, il tranchera la racine même du mal. Mais, si la prudence le lui défend, que du moins il ramène à une juste modération l'usage d'une telle pompe dans les vêtements. Qu'il exige d'elles un maintien plus humble, des habitudes plus modestes, autant que leur position le permet; et surtout, si elles se couvrent d'ornements, qu'elles ne le fassent point par un vain désir de paraître, car il n'y aurait pas alors moyen de les excuser de vanité et de péché; mais qu'en cela elles n'agissent que pour se conformer aux convenances de leur position, ou à d'autres motifs raisonnables, qui les obligent à une toilette enrichie d'ornements.

VII. Le directeur ne doit jamais permettre que, par crainte de vaine gloire, ses pénitents omettent jamais une bonne œuvre qui leur est convenable. Expliquons notre pensée. Il y a des hommes qui ne parlent point à leur directeur des inspirations et des faveurs qu'ils reçoivent de Dieu dans la prière, et qui ne lui font pas connaître les pénitences, les macérations et autres œuvres de piété auxquelles ils se livrent, et cela sous prétexte que, en faisant connaître de telles choses, ils éprouvent un sentiment de vanité, ou bien dans la crainte qu'ils n'excitent dans leur cœur un sentiment de cette nature. D'autres omettent la visite des églises, la fréquentation des sacrements, le service des malades dans les hôpitaux ou la pratique d'autres vertus, pour la raison que des pensées de vanité surgissent dans leur esprit au milieu de ces œuvres de piété. Il faut ordonner à ces personnes de n'omettre aucun bien, en vue d'éviter la vanité. Autrement, le démon, remarquant cette crainte, pourrait les éloigner de toute bonne œuvre, en leur suggérant des pensées de vanité, tantôt d'une façon, tantôt d'une autre. Que ces personnes dirigent leur intention vers Dieu, qu'elles protestent devant lui qu'elles agissent avec des fins droites, et

que, sans se mettre en peine des vaines pensées d'amour-propre qu'elles éprouvent, elles persévèrent constamment dans l'exercice des bonnes œuvres.

VIII. Le directeur, pour mettre ses pénitents à l'abri de toute vaine gloire, ne leur doit pas permettre de se conduire de manière à passer auprès des autres pour des insensés, pour des imprudents, ou pour des hommes de peu de jugement. Car Dieu veut que, dans notre conduite, nous marchions avec toute sagesse et en toute droiture; et il suffit pour nous de supporter avec paix et en toute humilité les blessures faites à notre réputation, lorsque les autres conçoivent de nous une opinion mauvaise, sans que nous leur en fournissions l'occasion. Nous savons bien que plusieurs saints ont quelquefois agi de manière à se faire passer pour des insensés; mais ils y furent portés par une inspiration particulière de l'Esprit-Saint, sans laquelle il faut s'abstenir de ces sortes de choses. Que le directeur se garde aussi d'approuver la coutume de ceux qui, pour éviter la vaine gloire, parlent mal d'eux-mêmes à tout propos, en se traitant de pécheurs, d'impariaits et de misérables. Premièrement, parce que sous cette affectation d'humilité se cache ordinairement quelque vanité secrète, sous l'influence de laquelle ces sortes de personnes cherchent à paraître modestes et humbles dans l'opinion qu'elles ont d'elles-mêmes, bien que, le plus souvent, la personne même ne le remarque pas. Secondement parce que de semblables accusations, quand même elles partiraient d'un cœur sincère, ne sont point ordinairement admises par celui qui les entend, mais sont plutôt accueillies par des flots de louanges; en sorte que l'on s'expose à la vaine gloire par les moyens mêmes qu'on emploie à l'éviter. C'est pourquoi il vaut bien mieux que l'homme porte dans son esprit et dans son cœur une connaissance profonde et véritable de luimême et de ses misères, en vertu de laquelle il se méprise au fond de son âme ; qu'il renvoie sincèrement à Dieu la gloire de tout ce qu'il y a de bien en lui, et qu'il soit toujours disposé à admettre de la bouche des autres le reproche de ses défauts et de ses imperfections. En un mot, que le directeur apprenne à ses pénitents à ne jamais parler d'eux-mêmes ni en bien ni en mal.

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et, pendant sa convalescence, il eut occasion de lire une Vie des saints. Cette lecture le fit réfléchir, et lui inspira le généreux dessein de quitter le monde pour se consacrer à Dieu. Il se livra d'abord à toutes les rigueurs de la pénitence, dans une grotte solitaire où il s'était retiré, et partit ensuite pour la Terre-Sainte, où il arriva en 1523. De retour en Europe, il étudia, quoique âgé de trentetrois ans, dans les universités d'Espagne. Il passa à Paris en 1528, pour y recommencer ses humanités au collège de Montaigu. Ce fut dans cette ville qu'il s'associa quelques condisciples, et, entre autres, saint François Xavier (Voy. ce nom), pour l'établissement de l'ordre des Jésuites, en 1534. Le saint fondateur de cet ordre si distingué mourut le 31 juillet 1556, âgé de soixantecinq ans. Il a laissé : 1° Des Exercices spirituels, 1644, in-fol.; -2° Des Constitutions. Ces deux livres, destinés par l'auteur à ses disciples, sont également célèbres. Ils ont été traduits dans toutes les langues de l'Europe. La Vie de saint Ignace a été écrite par le P. Maffei et le P. Bouhours.

Ses Constitutions et ses Exercices spirituels. Nous ne pouvons mieux connaître l'esprit, le but et l'ensemble des Constitutions de saint Ignace, qu'en consultant la bulle de Paul III qui nous en donne le résumé fidèle, tracé par le saint fondateur lui

même :

« Quiconque voudra, sous l'étendard de de la croix, porter les armes pour Dieu, dit saint Ignace, et servir le seul Seigneur et le Pontife romain, son vicaire sur la terre, dans notre Société, que nous désirons être appelée la Compagnie de Jésus, après y avoir fait vou solennel de chasteté, doit se proposer de faire partie d'une Société principalement instituée pour travailler à l'avancement des âmes dans la vie et la doctrine chrétiennes, et à la propagation de la foi, par des prédications publiques, et le ministère de la parole de Dieu, par des exercices spirituels et des oeuvres de charité, notamment en faisant le cathéchisme aux enfants, et à ceux qui ne sont pas instruits du christianisme, et en entendant les confessions des fidèles pour leur consolation spirituelle. Il doit aussi faire en sorte d'avoir toujours devant les yeux premièrement Dieu, et ensuite la forme de cet institut qu'il a embrassé. C'est une voie qui mène à lui, et il doit employer tous ses efforts pour atteindre à ce but que Dieu même lui propose, selon toutefois la mesure de la grâce qu'il a reçue de l'Esprit Saint, et suivant le degré propre de sa vocation, de crainte que quelqu'un ne se laisse emporter à un zèle qui ne serait pas selon la science. C'est le général ou prélat que nous choisirons qui décidera de ce degré propre à chacun, ainsi que des emplois, lesquels seront tous dans sa main, afin que l'ordre convenable, si nécessaire dans toute communauté bien réglée, soit observé. Ce général aura l'autorité de faire des consti

tutions conformes à la fin de l'Institut, du consentement de ceux qui lui seront associés, et dans un conseil où tout sera décidé à la pluralité des suffrages. Dans les choses importantes et qui devront subsister à l'avenir, ce conseil sera la majeure partie de la Société, que le général pourra rassembler commodément; et, pour les choses légères et momentanées, tous ceux qui se trouveront dans le lieu de la résidence du général. Quant au droit de commander, il appartiendra entièrement au général. Que tous les membres de la Compagnie sachent donc, et qu'ils se le rappellent, non-seulement dans les premiers temps de leur profession, mais tous les jours de leur vie, que toute cette Compagnie et tous ceux qui la composent combattent pour Dieu sous les ordres de notre très-saint seigneur le Pape et des autres Pontifes romains, ses successeurs. Et, quoique nous ayons appris de l'Evangile et de la foi orthodoxe, et que nous fassions profession de croire ferme ment que tous les fidèles de Jésus-Christ sont soumis au Pontife romain comme à leur chef et au vicaire de Jésus-Christ, cependant, afin que l'humilité de notre Société soit encore plus grande, et que le détachement de chacun de nous et l'obligation de nos volontés soient plus parfaits, nous avons cru qu'il serait fort utile, cutre ce lien commun à tous les fidèles, de nous engager encore par un vou particulier, en sorte que, quelque chose que le Pontife romain actuel et ses successeurs nous commandent, concernant le progrès des âmes et la propagation de la foi, nous soyons obligés de l'exécuter à l'instant sans tergiverser ni nous excuser, en quelque pays qu'ils puissent nous envoyer, soit chez les Turcs ou tous autres infidèles, même dans les Indes, soit vers les hérétiques et les schismatiques, ou vers les fidèles quelconques. « Ainsi donc, que ceux qui voudront se joindre à nous examinent bien, avant de se charger de ce fardeau, s'ils ont assez de fonds spirituel pour pouvoir, suivant le conseil du Seigneur, achever cette tour; c'est-à-dire si l'Esprit-Saint qui les pousse leur promet assez de grâces pour qu'ils puissent espérer de porter, avec son aide, le poids de cette vocation; et quand, par l'inspiration du Seigneur, ils se seront enrôlés dans cette milice de Jésus-Christ, il faut que, jour et nuit, les reins ceints, ils. soient toujours prêts à s'acquitter de cette dette immense. Mais, afin que nous ne puissions ni briguer ces missions dans les différents pays, ni les refuser, tous et chacun de nous s'obligeront de ne jamais faire à cet égard, ni directement, ní indirectement, aucune sollicitation auprès du Pape, mais de s'abandonner entièrement là-dessus à la volonté de Dieu, du Pape, comme son vicaire et son général. Le général promettra lui-même, comme les autres, de ne point solliciter le Pape pour la destination et mission de sa propre personne dans un endroit plutôt que dans un autre, à moins

que ce ne soit du consentement de la Société.

<< Tous feront vœu d'obéir au général en tout ce qui concerne l'observation de notre règle, et le général prescrira les choses qu'il saura convenir à la fin que Dieu et la Société ont eue en vue. Dans l'exercice de sa charge, qu'il se souvienne toujours de la bonté, de la douceur et de la charité de Jésus-Christ, ainsi que des paroles si humbles de saint Pierre et de saint Paul; et que lui et son conseil ne s'écartent jamais de cette règle. Sur toutes choses, qu'ils aient à cœur l'instruction des enfants et des ignorants dans la connaissance de la doctrine chrétienne, des dix commandements et autres semblables éléments, selon qu'il conviendra, eu égard aux circonstances des personnes, des lieux et des temps. Car il est très-nécessaire que le général et son conseil veillent sur cet article avec beaucoup d'attention, soit parce qu'il n'est pas possible d'élever sans fondements l'édifice de la foi chez le prochain autant qu'il est convenable, soit parce qu'il est à craindre qu'il n'arrive parmi nous que, à proportion que l'on sera plus savant, l'on ne se refuse à cette fonction comme étant moins belle et moins brillante, quoiqu'il n'y en ait pourtant point de plus utile, ni au prochain pour son édification, ni à nous-mêmes pour nous exercer à la charité et à l'humilité. A l'égard des inférieurs, tant à cause des grands avantages qui reviennent de l'ordre que pour la pratique assidue de l'humilité, qui est une vertu que l'on ne peut assez Jouer, ils seront tenus d'obéir toujours au général dans toutes les choses qui regardent l'institution, et dans sa personne ils croiront voir Jésus-Christ comme s'il était présent, et l'y révéreront autant qu'il est convenable.

« Mais comme l'expérience nous a appris que la vie la plus pure, la plus agréable et la plus édifiante pour le prochain, est celle qui est la plus éloignée de la contagion de l'avarice et la plus conforme à la pauvreté évangélique, et sachant aussi que NotreSeigneur Jésus-Christ fournira ce qui est nécessaire pour la vie et le vêtement à ses serviteurs qui ne chercheront que le royaume de Dieu, nous voulons que tous les nôtres et chacun d'eux fassent vœu de pauvreté perpétuelle, leur déclarant qu'ils ne peuvent acquérir ni en particulier, ni même en commun pour l'entretien ou usage de la société, aucun droit civil à des biens immeubles ou à des rentes et revenus quelconques; mais qu'ils doivent se contenter de l'usage de ce qu'on leur donnera pour se procurer le nécessaire. Néanmoins ils pour ront avoir, dans les universités des colléges possédant des revenus, cens et fonds applicables à l'usage et au.besoin des étudiants, le général et la société conservant toute administration et surintendance sur lesdits biens et sur lesdits étudiants, à l'égard des

(174) Traduction de Crétineau Joly, t. 1o, p. 46.

choix, refus, réception et exclusion des supérieurs et des étudiants, et pour les règlements touchant l'instruction, l'édification et la correction desdits étudiants, la manière de les nourrir et de les vêtir, et tout autre objet d'administration et de régime, de manière pourtant que ni les étudiants ne puissent abuser desdits biens, ni la Société elle-même les convertir à son usage, mais seulement les faire subvenir aux besoins des étudiants. Et lesdits étudiants, lorsqu'on se sera assuré de leurs progrès dans la piété et dans la science, et après une épreuve suffisante, pourront être admis dans notre Compagnie, dont tous les membres qui seront dans tous les ordres sacrés, bien qu'ils n'aient ni bénéfices, ni revenus ecclésiastiques, seront tenus de dire l'office divin selon le rite de l'Eglise, en particulier cependant, et non point en commun.

«Telle est l'image que nous avons pu tracer de notre profession sous le bon plaisir de notre seigneur Paul et du siége apostolique. Ce que nous avons fait dans la vue d'instruire par cet écrit sommaire et ceux qui s'informent à présent de notre institut, et ceux qui nous succéderont à l'avenir, s'il arrive que, par la volonté de Dieu, nous ayons jamais des imitateurs dans ce genre de vie, lequel ayant de grandes et nombreuses difficultés, ainsi que nous le savons par notre propre expérience, nous avons jugé à propos d'ordonner que personne ne sera admis dans cette Compagnie qu'après avoir été longtemps éprouvé avec beaucoup de soin, et que ce n'est que lorsqu'on se sera distingué dans la doctrine ou la pureté de la vie chrétienne que l'on pourra être reçu dans la milice de JésusChrist, à qui il plaira de favoriser nos petites entreprises pour la gloire de Dieu le Père, auquel seul soient gloire et honneur dans les siècles! Ainsi soit-il (174). »

Tel est le plan de sa Compagnie que saint Ignace présenta au Pape Paul III, qui déclare n'y avoir rien trouvé que de pieux et de saint.

Ramener à Dieu tout l'homme et tous les hommes par l'unité de la foi, de l'espérance et la charité, sans distinction de gree ni de barbare, tel est le but de l'Eglise catholique, tel est le but de la Compagnie de Jésus, tel est le vœu de tout Chrétien fidèle. C'est vers ce but que tendent toutes les constitutions de saint Ignace pour sa Compagnie. Comme l'Eglise même, il embrasse et la vie contemplative et la vie active, toutes les sciences et toutes les bonnes

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