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a gloire de ce siècle. Le jeune, dit-il encore, remet l'âme dans le calme, en bannis sant de l'esprit toute inquiétude sur la nourriture du corps, source de mille soins et de mille pensées tumultueuses. Quelle tranquillité dans cette grande ville depuis que tous ses mouvements en sont bannis! Je compare le calme et le silence qui y règne à celui des tombeaux, et je la compare ellemême à une mère de famille chaste et sobre, qui voit tous ses enfants aussi chastes et aussi sobres qu'elle. Quand je considère, en jetant çà et là mes regards, combien tous aujourd'hui sont différents de ce qu'ils étaient hier, j'admire la force et la vertu surnaturelle du jeûne. Cette loi sainte, en se rendant maîtresse de nos âmes, a purifié les cœurs et transformé les esprits et les pensées des magistrats et des citoyens, du riche et du pauvre, du grec et du barbare. Il n'y a pas jusqu'à celui qui porte le diadème, qui ne baisse la tête comme tous les autres sous le joug de l'obéissance; et aujourd'hui, plus de différence entre la table du riche et celle du pauvre. C'est la plus grande frugalité dans les repas, et le luxe et le faste sont bannis de partout. On vient avec plus de plaisir s'asseoir à une table servie avec simplicité, qu'on ne faisait hier à une table garnie des mets les plus délicats et des vins les plus recherchés. »

Second degré de pénitence: L'examen et la réforme de son intérieur. Le second degré de l'esprit de pénitence, et la seconde condition qui doit sanctifier nos jeûnes, est l'étude et la considération de notre intérieur, qui comprend deux choses: la revue de notre conscience, la recherche de nos devoirs. La revue de notre conscience est un examen sérieux et approfondi, dans lequel nous nous rendons compte à nous-mêmes de toutes nos actions et de toutes nos inclinations déréglées, pour découvrir en nous jusqu'aux péchés les plus cachés. Jamais on ne doit le commencer sans avoir imploré les lumières de la grâce, et formé un désir ardent de découvrir, sans nous rien dissimuler à nous-mêmes, toutes les plaies que le péché nous a faites, afin que, par la sincérité de notre repentir, nous puissions trouver grâce auprès du Père des miséricordes. Nous devons examiner quelles ont été les occasions principales qui nous ont fait échouer, pour les éviter à l'avenir, remonter à la source de nos passions dominantes; car c'est à elles qu'il faut imputer tous nos désordres. Sans cette précaution, nous courons le plus grand risque de laisser nos cœurs esclaves de plusieurs vices cachés, et de n'avoir qu'un repentir fort équivoque de nos égarements. Nous ne saurions croire combien la plupart des hommes s'aveuglent à l'égard de leurs passions favorites, et jusqu'où ils se font illusion sur l'état de leur âme. Souvent l'amour propre les joue et les séduit jusqu'à dérober entièrement à leurs regards leurs ennemis les plus dangereux; de là, une indulgence mortelle où il faudrait user de la plus grande rigueur. Combien peu au moins DICTIONN. D'ASCÉTISME. I.

savent porter la sonde jusqu'au fona de leurs plaisirs! D'où il arrive qu'au lieu d'y apporter les vrais remèdes, ils se contentent de les couvrir d'un palliatif qui les tranquillise, et que ce sont toujours les mêmes inclinations, toujours les mêmes vices, même colère, même jalousie, même vanité, même orgueil, même facilité à médire, etc. Vices qui, loin de s'affaiblir, ne font que croître tous les jours, et qui ne meurent qu'avec celui qui les a contractés. Saint Bernard avait bien raison de faire cette plainte : « Sous les dehors de la pénitence, on est souvent esclave de l'amour-propre, et par l'empire qu'on laisse prendre dans son cœur au désir des biens ou des honneurs du monde, on devient idolâtre, soit de la cupidité, soit de l'ambition et de la vaine gloire. Voulonsnous échapper à un si grand danger, portons la cognée à la racine de l'arbre, et ne nous bornons pas à en couper les branches. >>

Quant à la recherche et à la considération de nos devoirs respectifs, et de la manière qu'il nous les faut remplir, la meilleure méthode pour nous y appliquer plus facilement et avec plus de fruit, c'est de réduire tous nos devoirs à certains chefs, comme : 1° la prière publique et les saints offices de l'Eglise; 2° la prière particulière, soit de chaque semaine, soit de chaque jour, et à la manière dont on la fait; 3° la méditation ou lecture spirituelle, le sermon, le catéchisme, la sanctification des dimanches et fêtes; 4° l'examen du soir, général et particulier, le sacrement de pénitence et le jeûne; 5° la messe et la sainte communion; 6° l'esprit dans lequel nous faisons nos actions ordinaires, le lever, les repas, la conversation, les visites, la conduite dans les affaires que nous avons à traiter dans les maladies, dans le travail, etc.; 7° les devoirs propres de notre vocation et de notre état, surtout dans les principaux points qu'il faut examiner en détail et successivement; 8° les obligations à l'égard de notre famille, des père et mère, des enfants, de l'épouse, des domestiques et des maîtres, des compagnons, etc.; nos devoirs généraux de justice, de charité, de bienséance, de gratitude, d'assistance, soit corporelle, soit spirituelle ;¦à l'égard du prochain, les personnes que nous devons fréquenter ou éviter, le soin avec lequel nous devons cependant rendre à chacun le tribut d'honneur que nous impose la religion, enfin tout ce que nous avons à remplir, et comment nous devons le remplir. Voilà la matière de l'examen dont nous parlons; et le moyen d'en retirer du fruit, c'est de former de telles résolutions et de mettre dans le corps de nos actions un tel ordre, que toute notre vie soit l'Evangile en pratique et une image de la perfection chrétienne dont Jésus-Christ nous a laissé le modèle dans sa personne et dans sa doctrine. Cet ordre pris une fois et ces résolutions bien établies dans notre volonté, il faut terminer cet exercice par les recommander à Dieu, et lui demander humblement, mais avec confiance et persévérance,

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la grâce de les mettre fidèlement en prati que. Enfin, il manquerait quelque chose d'essentiel à cet exercice, si de temps en temps nous ne le renouvelions pour nous entretenir dans les dispositions où il nous a mis, examinant, par exemple, une fois par semaine, si notre conduite répond au plan que nous avons formé, ou si nous ne nous relâchons point de notre première ferveur. Troisième degré de pénitence: l'esprit de componction. — Une autre partie de la pénitence, ou plutôt l'âme de la vraie pénitence, c'est la componction du cœur, et la douleur d'avoir offensé Dieu, avec la ferme résolution de ne plus l'offenser à l'avenir. Sans cette disposition, toutes les œuvres que nous faisons sont un corps sans âme, une ombre, un fantôme, une pure illusion. Les Juifs et les païens ont toujours pratiqué le jeûne en signe de douleur et de tristesse, soit dans les calamités temporelles, soit dans les peines spirituelles, comme lorsque David s'affligea pour la maladie de son enfant. Il faut en dire autant des autres marques d'affliction qui étaient ordinaires parmi eux, comme déchirer ses vêtements, tomber en terre, se couvrir la tête de cendre. Les Grecs et les Romains témoignaient leur douleur de la même manière, soit lorsqu'ils avaient perdu un ami, par exemple; soit lorsqu'il leur était survenu quelque grand malheur; mais les Chrétiens, comme l'observe M. Fleury, n'usaient de ces signes que dans les choses spirituelles, comme pour manifester au dehors cette tristesse qui opère le salut, c'est-à-dire la douleur qu'ils ressentaient pour leurs péchés. Le jeûne, parmi les Juifs, était tellement le langage de la douleur et de l'affliction, que ces termes étaient comme synonymes, et s'employaient indifféremment pour faire entendre la même chose. De là le grand jeune de l'expiation est appelé dans l'Ecriture le jour où tous affligent leurs dmes. De là, dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, le jeûne est toujours accompagné des marques de la douleur, c'est-àdire de soupirs, de gémissements et de larmes. Le jeune, sans un cœur contrit et humilié, est donc une hypocrisie, et celui qui rappelle à sa mémoire les péchés qu'il a commis, sans être touché intérieurement de repentir et de regret, n'a ni le sentiment de ses plaies, ni aucune disposition réelle à la pénitence. Comme le péché est la plus grande des calamités auxquelles l'homme se trouve exposé sur la terre, celui qui s'en est rendu coupable doit en concevoir le regret le plus cuisant, et ne peut l'exprimer autrement que par les signes de douleur les plus sensibles. Une vile créature qui a bien osé se révolter contre Dieu, peut-elle lever les yeux vers lui sans les baigner de ses Jarmes? et peut-elle demeurer en sa présence, sans y prendre la posture la plus humble, sans reconnaître, la face couverte de confusion, qu'elle mérite d'être précipitée dans les abîmes éternels, où ce n'est que pleurs et grincements de dents? Voilà ce que Dieu lui-même demande, par la bouche du

prophète Joël, des pécheurs qui veulent entrer en grâce avec lui. Convertissez-vous à moi de tout votre cœur, dans les jeûnes, dans les larmes et dans les gémissements. C'est le même langage dans la bouche de l'apôtre saint Jacques: Affligez-vous vous-mêmes par une véritable pénitence; soyez dans le deuil et dans les larmes; que vos ris se changent en pleurs, et votre joie en tristesse; humiliezvous en la présence du Seigneur, et il vous élèvera. Mais ce que Dieu regarde surtout dans le pécheur pénitent, c'est le changement du cœur et la sincérité de son repentir, bien plus que ses protestations et ses signes extérieurs, quoiqu'ils en soient une suite naturelle et qu'ils contribuent à perfectionner les dispositions du dedans. C'est pourquoi Dieu nous dit encore par Joël : Déchirez vos cœurs et non vos vêtements, et convertissez-vous au Seigneur votre Dieu. Et par Ezechiel : Faites-vous un cœur nouveau el un esprit nouveau. C'est à cette sincère conversion du cœur que Dieu invite les pécheurs en tout temps. L'Eglise, dans les gémissements qu'elle forme pour eux, leur adresse, tout à la fois, en son nom, ses tendres invitations, ses magnifiques promesses et ses menaces les plus terribles. Chaque jour elle élève la voix de plus en plus pour les réveiller de leur léthargie. Dans un même esprit et un même cœur, tous ces pieux enfants réunissent tous leurs jeûnes, toutes leurs bonnes œuvres, toutes leurs prières, toutes leurs larmes, les offrant à Dieu pour toucher les entrailles de sa miséricorde, et aux pécheurs mêmes pour émouvoir leurs cœurs endurcis, et les exciter à pleurer à prier, à jeûner eux-mêmes, de peur qu'ils ne forcent enfin le Père des miséricordes à leur fermer son sein. De toutes parts, le son de la trompette mystérieuse se fait entendre dans Sion, pour leur annoncer leur grâce et leur salut. Le tonnerre des vengeances divines gronde sur leurs têtes coupables, tout prêt, s'ils persistent dans leur rébellion contre Dieu, à éclater sur eux et à les réduire en cendres. Les voilà sur les bords de l'éternité, et la mort, avec toute la terreur des tourments de l'enfer, est à leur porte. C'est peut-être pour la dernière fois que Dieu leur parle. « Encore quarante jours, et Ni nive sera détruite. » Cette menace, sortie de la bouche d'un prophète, convertit tou à la fois une grande ville enflée de sa puis sance, de sa force et de ses richesses, se roulant dans la boue des plus sales voluptés et de la licence la plus effrénée. Nous nous flattons d'avoir fait pénitence; mais cette pénitence a-t-elle produit des fruits dignes d'être offerts à Dieu? Sont-ils de nature à nous faire espérer avec fondement qu'ils nous feront trouver grâce auprès du trône de sa miséricorde? S'il nous semble avoir rompu depuis longtemps les liens qui nous retenaient dans le péché, avons-nous été fidèles à remplir les conditions d'une vraie pénitence? Notre ferveur eût-elle égalé celle de David ou de Madeleine, et eussions-nous reçu les mêmes assurances de notre pardon,

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les lois de l'amour et de la reconnaissance que nous devons à Dieu, la nature même de la pénitence nous obligerait à ne jamais oublier que nous l'avons offensé, et à ne cesser jamais de pleurer nos crimes. D'ailleurs, nos infidélités journalières et les fautes qui nous arrivent sans cesse dans nos actions ordinaires (car, malgré toutes nos résolutions et tous nos efforts, elles sont encore pleines d'imperfections), se se représentent continuellement devant nous, et nous reprochent que nous ne sommes pas encore parfaitement convertis. Notre amour-propre, qui se mêle jusque dans nos exercices spirituels, car souvent c'est pour nous-mêmes que nous agissons, plutôt que pour Dieu; notre attache à mille objets sensibles qui nous environnent et auxquels nous nous laissons séduire; l'esprit du monde, qui se fait assez voir dans toutes nos inclinations et dans toutes nos œuvres, nous font bien connaître que nous n'avons pas encore mis assez sérieusement la main au grand ouvrage de notre conversion, et que nous sommes encore loin de ce sacrifice parfait et entier qui caractérise la vraie conversion du cœur, bien loin, par conséquent, de la réforme intérieure et extérieure qui en est le fruit.

JEUX. Voyez EUTRAPÉLIE.

JOLY (Claude), né à Bury, du diocèse de Verdun, d'abord curé de Saint-Nicolas-desChamps, à Paris, puis évêque d'Agen, mourut en 1678, âgé de soixante-huit ans, après avoir occupé avec distinction les principales chaires de la capitale et de la province. Outre ses Sermons, on a de lui les Devoirs du Chrétien, in-12, 1719.

JORDAN RÉMOND. Voy. IDIOT. JUGEMENT. Voy. FINS DERNIÈRES. JUSTICE (VERTU). La justice est une des vertus cardinales. Saint Thomas la définit « Une vertu morale, ou une habitude par laquelle on rend à chacun son droit avec une volonté perpétuelle et constante. » (2-2, q. 58, a. 1.)

La justice a une acception large et une acception restreinte. Dans la première acception, elle désigne tout acte de vertu accompli avec une rectitude parfaite à tous égards; dans la seconde, c'est une vertu spéciale, dont le caractère est exprimé par la définition que nous avons donnée. Ses parties subjectives ou espèces sont, selon saint Thomas (2-2, q. 61, a. 1.), la justice commutative, qui conserve entre les parties l'égalité de la chose à la chose, et la justice distributive, qui maintient l'égalité de proportion, de manière à donner à chacun selon ses mérites ou la nécessité.

Les parties potentielles de la justice sont, selon le même saint Thomas :

1. La religion, ou vertu qui rend à Dieu le culte qui lui est dû, comme au principe de toutes choses, par la dévotion, la prière, l'adoration, le sacrifice, le serment, le vou. 2° La piété, ou vertu par laquelle nous remplissons les devoirs d'affection et de charité auxquels nous sommes tenus envers

les personnes à qui nous sommes attachés par les liens du sang ou de la patrie.

3° L'observance, ou la vertu qui rend hommage aux supérieurs et aux autres personnages de distinction, qui gouvernent les hommes ou sont aptes à les gouverner.

4° L'obéissance, qui nous fait accomplir les œuvres prescrites par le supérieur, varce qu'il nous les a prescrites.

5° La gratitude, ou vertu par laquelle nous rendons grâces à nos bienfaiteurs.

6° La vendication (vindicatio), ou vertu par laquelle on punit les pécheurs, pour leur amélioration et pour le maintien de la justice.

7° La vérité ou vertu par laquelle on se montre, dans sa conduite et ses discours, tel que l'on est.

8° L'affabilité ou l'amitié, vertu qui nous fait observer avec les autres dans la vie sociale les convenances d'ordre ou de dignité.

9° La libéralité, ou vertu qui modère l'amour des richesses et rend l'homme prompt à les distribuer aux autres, selon les inspirations de la droite raison.

Tout homme qui veut s'avancer dans la perfection chrétienne doit s'exercer à la pratique de la justice.

1° Ainsi l'ordonne l'Écriture - Sainte : Rendez donc à chacun ce qui lui est dû : le tribut à qui vous devez le tribut, les impôts à qui vous devez les impôts, la crainte à qui vous devez la crainte, l'honneur à qui vous devez l'honneur. Ne demeurez redevables à personne (Rom. XIII, 7 et 8).

2° Ainsi l'enseignent les saints Pères. « Aux yeux de Dieu, dit saint Pierre Chrysologue, la piété n'est rien sans la justice, ni la justice sans la piété; la bonté et l'équité, séparées l'une de l'autre, ne sont rien non plus les vertus se perdent, quand elles cessent d'être réunies. L'équité sans la bonté devient de la dureté, et la justice sans la piété est de la cruauté. Joseph a mérité d'être appelé juste parce qu'il était pieux, et d'être appelé pieux parce qu'il était juste. Enfin, quand la justice pense à la piété, elle évite la cruauté; en modérant la cause, elle assure le jugement; en différant la vengeance, elle préserve du crime; en refusant d'entendre l'accusateur, elle évite la sentence.» (Serm. 145.) « Il est une sorte de justice stricte et très-étroite, qui, aussitôt que vous avez tourné le pied, vous fait tomber dans la fosse du péché. Il n'est pas permis de se préférer à ses égaux, ni de s'égaler à ses supérieurs. La définition de la justice est de rendre à chacun ce qui lui appartient.» (Saint BERNARD, Serm. in Oct. Epiph.)

3° La raison en est que la justice rend à chacun ce qui lui est dû: à Dieu la religion, aux supérieurs l'obéissance, au prochain l'honneur, la réputation et les biens de la fortune; sans l'exacte observance de ces prescriptions, personne ne peut arriverà la perfection chrétienne.

Les actes de la vertu de justice sont : 1 Par la vertu de religion de rendre à

Dieu, comme au premier principe de toutes choses et à notre souverain Seigneur, le culte de latrie qui lui est dû, par le sacrifice de la messe, par la prière, l'adoration, les offrandes, les vœux et les serments; de croire et d'espérer en lui, de l'aimer et de le craindre, de respecter les églises et les lieux sacrés, etc.

2 De rendre aux esprits célestes, et surtout à la très-sainte Vierge Marie, par le culte d'hyperdulie, et aux autres saints par celui de dulie, les hommages qui leur sont dus, de vénérer leurs images et leurs reliques.

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3 Par la piété, de rendre à nos parents, l'amour, l'honneur et la respectueuse soumission auxquels nous sommes tenus à leur égard.

4° Par l'obéissance aux supérieurs, de leur témoigner le respect et la soumission que nous leur devons, même contre notre propre jugement et dans les circonstances les plus difficiles.

5o De conserver, par la justice distributive, la proportion entre le mérite et la récompense; par la justice vindicative, la proportion entre la faute et la punition, et de rendre, par la justice commutative, à chacun ce qui lui appartient, dans les biens de la fortune, de la réputation, de l'honneur, du corps et de l'âme.

6° De témoigner à nos bienfaiteurs a reconnaissance à laquelle nous sommes obligés.

7 D'exprimer la vérité de cœur et de bouche.

8° De se montrer libéral envers le prochain, selon les inspirations de la droite raison.

9. D'être affables dans la conversation envers tout le monde, d'une manière proportionnée à notre état et aux circonstances. Si tous ces actes se produisent au milieu des plus grandes difficultés, avec empressement, plaisir et facilité, ils deviennent des actes de justice héroïque.

Donnons donc à chacun ce qui lui appartient; adorons, louons, béníssons, glorifions le Seigneur notre Dieu, et rendons-lui grâces pour tous les bienfaits dont il nous a comblés; car il est notre roi, notre créateur, notre rédempteur, notre sanctificateur et notre bienfaiteur; il est infini dans ses perfections, dans sa majesté, sa sagesse, sa sainteté et sa puissance. Il remplit le ciel et la terre; sa grandeur n'a pas de limite. Eternel en durée, ineffable en paroles, incompréhensible en pensée, infiniment bon, il est notre unique espérance, notre amour, notre douceur, notre repos et notre joie, notre protecteur, notre défenseur et notre père. Après Dieu, vénérons aussi la bienheureuse Vierge Marie et les autres habitants de la cité céleste. Rendons à nos supérieurs l'obéissance, et que toute ame se soumette aux puissances supérieures; car il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et c'est lui qui a établi toutes celles qui existent. Celui donc qui résiste aux puis

sances résiste à l'ordre de Dieu, et ceux qui y résistent attirent une condamnation sur eux-mêmes. Il est donc nécessaire de vous y soumettre, non-seulement par la crainte du châtiment, mais aussi par la conscience. (Rom. xIII, 1, 2, 5.) Enfin, rendons au prochain ce que nous lui devons, fidèles à ce précepte de la nature : Faites à autrui ce que vous voudriez qu'on vous fit, et ne faites pas aux autres ce que vous ne voupas qu'on vous fit.

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Pratiques. I. Votre pénitent aura la conscience large ou délicate. S'il a la conscience assez large pour commettre facilement même des péchés graves, il sera facile de découvrir souvent en lui des injustices manifestes. Dans ce cas, le directeur doit s'appliquer à le bien pénétrer de la gravité de ses fautes, et, dans ce but, il lui exposera la beauté, la sainteté, la noblesse qui embellissent la justice, et tout ce qu'il y a d'odieux, de vil et de méprisable, dans ses injustices. Il lui fera surtout méditer cette parole de l'Apôtre : « Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et dans le piége du démon » (I Tim. vi, 9), par laquelle l'Apôtre nous fait comprendre que les biens ravis à autrui sont comme des chaînes dont le démon se sert pour garrotter les âmes, les réduire en esclavage, et les entraîner enfin dans le noir précipice des enfers. Si les pénitents ont la conscience plus délicate, on trouvera quelquefois en eux des injustices réelles, quoique moins évidentes et voilées sous différents prétextes. On rencontrera des femmes pieuses qui ne payent pas suffisamment les personnes qu'elles ont à leur service, et ne leur accordent qu'un mince salaire, plus en rapport avec l'instinct de leur avarice qu'avec les lois de la justice et de l'équité. On trouvera des hommes spirituels qui ne se font point scrupule de différer le payement de leurs dettes, de faire des retenues sur les gages des ouvriers, de ne point les payer dans une équitable proportion avec la valeur du travail. Vous en verrez d'autres qui n'observent point les engagements qu'ils ont contractés avec des fermiers ou des domestiques, ou leur imposent de nouvelles charges, ou un surcroît de travaux auxquels ils ne sont pas obligés, et cela, sans augmenter convenablement leur salaire, comme s'il ne fallait pas avoir pour la sueur du pauvre les mêmes égards, la même justice que l'on aurait pour une marchandise ordinaire. Enfin, il n'est pas rare encore d'en trouver qui, dans les achats, les ventes et les autres contrats, ne cherchent uniquement que leur propre intérêt, sans aucun égard pour l'équité, comme si tout ce qui leur est avantageux devenait juste par là même. Or, en ces choses et en d'autres du même genre, leur conscience ne les tourmente aucunement, et les raisons que leur propre intérêt leur suggère, plutôt que la justice, étouffent en eux tout scrupule. Le directeur doit leur parler avec une sainte liberté, et, sans aucun égard humain, il doit découvrir ces injustices qui

se commettent d'ordinaire, pour les faire connaître aux coupables et y porter un remède salutaire. Il faut ouvrir les yeux à ces sortes d'aveugles, et leur faire voir clairement les injustices qu'ils (commettent à l'égard des mercenaires, des ouvriers, des artisans, des serviteurs, et des autres avec lesquels ils ont occasion d'entrer en affaires. Ledirecteur doit leur dire hardiment, comme saint Jean-Baptiste à Hérode : « Cela ne vous est point permis, puisque cela porte un injuste dommage à autrui; ceci ne vous est point permis, puisque ceci porte préjudice aux droits d'autrui, et viole les lois de l'équité. »>

II. La restitution n'est pas seulement un acte propre de justice qui ordonne une entière satisfaction pour les droits dont chacun jouit, à l'égard de ce qui lui appartient; mais la restitution est commandée par la vertu de justice avec une telle rigueur, qu'aucun prêtre ne peut, de sa propre autorité, dispenser de ses lois. Nous parlons ainsi, parce que le directeur rencontrera des personnes tellement ignorantes, qu'elles s'imaginent que la restitution est une sorte de pénitence, n'est qu'une obligation arbitraire, imposée d'ordinaire par les confesseurs, en punition d'un vol qu'on aurait commis, ou d'un tort que l'on aurait causé au prochain. De là vient que, quand on leur parle de l'obligation où ils sont de satisfaire : « Je vous en prie, mon père, répondent-elles, ne m'imposez pas une si grande pénitence; ordonnez-moi autre chose, je le ferai volontiers...>> Il faut leur faire remarquer, avec saint Thomas, que le confesseur est bien le représentant de Dieu et son fondé de pouvoir, mais non pas de la personne à qui le pénitent est tenu de restituer. « De là, ajoute le même docteur, si le pénitent s'est obligé, par un vou, de dépenser quelque somme d'argent pour le culte de Dieu, le confesseur, muni d'un pouvoir légitime, pourra, au nom de Dieu, dont il tient la place, le dispenser de ce vou, ou le commuer en quelque autre moins difficile. Mais s'il contracte l'obligation de restituer par une action injuste, aucun prêtre, de quelque autorité qu'il soit revêtu, ne peut le délier de cette obligation, par la raison que le confesseur, au saint tribunal, n'est pas le fondé de pouvoir et ne tient point la place de celui à qui la restitution doit se faire; car lui seul peut faire remise de ce qui lui est dû: par conséquent il faut se conformer aux lois rigoureuses de la justice, qui prescrivent une satisfaction entière; sinon, c'est se perdre pour l'éternité. Car, puisqu'il est de nécessité pour le salut de respecter inviolablement la justice, il est conséquemment aussi de nécessité pour le salut de restituer ce que l'on a pris injustement. » (2-2, q. 62, art. 2.)

III. 'Le directeur se gardera de prêter trop facilement l'oreille et d'ajouter foi aux excuses, aux prétextes, que l'on allègue souvent pour se soustraire aux obligations rigoureuses de la justice, et particulièrement

au prétexte d'une prétendue impossibilité de restituer. Car ces prétextes ont souvent leur source, moins dans un motif raisonnable que dans un sentiment vil d'intérêt et d'avarice; et souvent le directeur, après avoir, comme il le doit, pesé ces motifs dans la balance du sanctuaire, reconnaîtra que l'on n'y a recours que dans la crainte de se dessaisir d'un bien que l'on possède, et dont la restitution aurait pour résultat une diminution dans la fortune, et quelquefois un état de gêne. Or il n'y a point là une impossibilité réelle, ni une raison suffisante pour se soustraire à l'obligation de restituer; car autrement, personne n'y serait tenu, puisqu'il n'est pas possible de faire une restitution sans quelque incommodité ni sans difficulté; et du reste, s'il y a grave incommodité pour celui qui est tenu à restitution, il y a également grave incommodité pour celui à qui la restitution doit se faire, d'être privé de ce qui lui appartient. Or il est de toute évidence que le coupable, qui a fait tort, doit plutôt souffrir cette incommodité, que l'innocent qui a éprouvé un dommage considérable. Il y en a qui disent que la restitution leur est impossible, parce qu'ils n'ont pas pour cela une suffisante somme d'argent. Or le directeur remarquera que ces sortes de personnes ne manquent pas d'argent pour se procurer des choses inutiles et variées, pour satisfaire leur luxe de table, leur amour effréné du jeu, et même leur vie de libertinage. Il faudra donc s'at tacher à leur faire comprendre qu'ils doivent non-seulement retrancher les dépenses superflues, mais encore se tenir dans les strictes limites du nécessaire et d'une sage économie. De cette manière, ils seront bien tôt en état de restituer tout le bien mal acquis. Du reste, que le confesseur leur répète que, s'ils peuvent le tromper par leurs vains prétextes, ils ne parviendront point à tromper les yeux de Dieu, qui voit tout. Si le pénitent était de ces personnes qui, quoique se bornant au strict nécessaire dans leurs dépenses, ne possèdent qu'une fortune fort modique, il faudrait lui imposer l'obligation de restituer petit à petit, et à rendre par fractions ce qu'il ne peut rendre en une seule fois. Par là il satisfera à la justice, déchargera sa conscience et mettra en sûreté le salut de son âme. En un mot, le directeur imprimera profondément dans le cœur de ces sortes de pénitents cette maxime antique de l'école: Non remittitur peccatum nisi`restituatur ablatum; le péché n'est pas remis, si l'on ne restitue ce que l'on a dérobé. Car on aurait beau faire pénitence, détester et pleurer amèrement ses injustices, ces larmes, ces pénitences, seraient inutiles, si l'on ne réparait les torts que l'on a commis, selon cette parole de saint Augustin: « Si l'on ne restitue, quand on le peut, la chose qu'on a prise injustement à autrui, on ne fait pas pénitence, on n'a qu'une pénitence fictive. » (Epist. 54 ad Maced.).

IV. Le directeur comprendra facilement, d'après ce que nous venons d'exposer, et

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