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encore plus d'après sa propre expérience dans le ministère, combien peu de restitutions se font entièrement. Et encore arrive-t-il souvent que celles qui se font ne se font pas comme il convient, et ne réparent pas complétement le dommage causé. Ainsi, par exemple, on en voit qui, les mains pleines du bien d'autrui, pourraient restituer intégralement, ou du moins en partie, et qui cependant diffèrent cette restitution de jour en jour, sans un juste motif. Malgré cela, ils vivent tranquilles et en paix, parce que, nourrissant en eux la bonne volonté de restituer, ils pensent satisfaire suffisamment à la justice et à leur conscience; et ainsi ils passent leur vie en état de péché grave, puisqu'ils blessent continuellement la justice et le prochain. La raison en est que le précepte de la restitution, quoique affirmatif sous un rapport, en tant qu'il ordonne positivement de réparer le tort fait à autrui, est toutefois négatif sous un autre rapport, en tant qu'il défend de retenir injustement le bien d'autrui; et par conséquent l'homme injuste, qui diffère la restitution, viole constamment le précepte qui défend de retenir le bien d'autrui injustement, et pèche toujours, jusqu'à ce qu'il restitue, le pouvant, ce qu'il possède injustement. Le directeur en trouvera d'autres qui veulent réparer le tort fait au prochain, en faisant dire une messe, en donnant quelque modique aumône, bien que la personne lésée leur soit parfaitement connue; et ce qui est encore plus déplorable, il y a des confesseurs qui, non-seulement approuvent, mais.ordonnent même ces prétendues restitations que la saine raison réprouve si hautement. De telles restitutions peuvent bien suffire, quand les personnes lésées sont totalement inconnues, mais elles ne suffisent nullement, quand les personnes lésées dans leurs intérêts sont connues de celui qui doit restituer.

Enfin il en est quelques-uns qui voudraient bien, mais sans débourser un écu, réparer le tort qu'ils ont fait. Mon Père, disent-ils, j'assisterai à la messe pour l'âme de celui à qui je dois; je ferai une communion, je réciterai des prières pour lui. »> Que le directeur leur demande s'ils seraient eux-mêmes contents, si leurs débiteurs, au lieu de leur payer cent écus dont ils sont redevables, offraient pour le salut de leur âme des prières ou des communions. Ils répondront négativement sans aucun doute. Eh bien, leur répliquera-t-on, il en est ainsi de vos créan ciers qui réclament de vous, non des prières, mais leur bien. Et en effet, les œuvres saintes, comme étant d'un ordre tout diffé

KROUST (Jean-Marie) entra chez les Jésuites, fut professeur de théologie plusieurs années à Strasbourg, et travailla quelque

rent, ne peuvent réparer les dommages temporels faits au prochain.

V. Le directeur ne doit pas s'en rapporter trop facilement aux paroles de ceux qui promettent de restituer le bien d'autrui ou de réparer le tort qu'ils ont causé. Mais avant de les absoudre de leurs péchés, il faut exiger qu'ils remplissent ces obligations de justice; et cela particulièrement dans deux cas 1° s'ils ont déjà fait la même promesse à d'autres confesseurs, sans en venir à l'exécution; car leur manque de parole les rend suspects; 2° s'ils possèdent encore en nature la chose ou l'argent qu'ils ont volés; car lorsqu'ils ne les posséderont plus, la restitution en deviendra bientôt plus difficile.

JUSTIN (Saint), martyr, philosopne, et apologiste de la religion, naquit à Naplouse, autrefois Sichem, capitale de la Samarie. Il fut élevé dans les erreurs et les superstitions de l'idolâtrie; mais en même temps il eut soin de cultiver son esprit par l'étude des belles-lettres. Après avoir goûté de toutes les écoles de philosophie de l'antiquité auprès des professeurs les plus renommés, il comprit la vanité de leur enseignement et il sentit son âme de plus en plus vide de la vérité. Ses incertitudes sur les destinées de l'homme ne furent fixées que lorsqu'un certain jour il se promenait sur les bords de la mer: il vit près de lui un vieillard à la figure vénérable, que les uns disent avoir été un Chrétien et les autres un ange la conversation s'engagea sur l'excellence de la philosophie : le vieillard réfuta solidement les prétentions de Justin, qui soutenait encore que Platon et Pythagore conduisaient à la vérité; ensuite il lui montra par quelle voie on arrivait à la vérité évangélique ! qui seule rend compte de tout et renferme toute la sagesse.

L'étude des prophètes, dont cet entretien lui donna connaissance, commença à l'éclairer, et il finit par approfondir tous les motifs de crédibilité du christianisme. Après avoir rendu les plus grands services à l'Eglise par ses apologies, il eut la gloire du martyre sous Marc-Aurèle, l'an 167.

Parmi ses œuvres ascétiques, on remarque sa lettre à Diognète et celle à Zénon, que nous recommandons à la méditation de ceux qui aspirent à la perfection. La première contient un admirable peintnre de la vie des premiers Chrétiens; et la seconde, des choses d'autant plus instructives sur la vie ascétique, qu'elles sont d'un auteur qui arrivait un peu plus de cent ans seulement après la mort de Notre-Seigneur. (Voy. le Catal., fin du t. II.)

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temps au Journal de Trévoux. On a de lui deux ouvrages de piété où on retrouve le langage onctueux de l'Ecriture sainte et des

Pères: 1o Institutio Clericorum, 4 vol. in-8°, Ausbourg, 1767. Ce livre très-estimé renferme des méditations pour tous les jours

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LACTANCE (Lucius Cælius Firmianus), orateur et défenseur célèbre de l'Eglise, dont on ne connaît ni le pays ni la famille, s'acquit une telle réputation par son éloquence, que Dioclétien le fit venir, vers 290, à Nicomédie, pour y enseigner la rhétorique latine. Plus tard, Constantin lui confia l'éducation de son fils Crispus, en 317. Lactance n'en fut que plus modeste; il vécut dans la pauvreté et dans la solitude, au milieu de l'abondance et du tumulte de la cour. Ce grand homme mourut en Chrétien fervent, vers l'an 328. Le style de Cicéron avait été le modèle du sien même pureté, même clarté, même noblesse, même éloquence. Aussi le surnomma-t-on le Cicéron chrétien. Ses plus célèbres ouvrages sont : 1o Les Institutions divines ; 2° Un traité De la mort des persécuteurs, 3° Un livre De l'Ouvrage de Dieu; 4° Un livre De la 4 Un livre De la colère de Dieu

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LAFITAU (Pierre-François), naquit à Bordeaux, en 1685, se fit Jésuite et se distingua par son talent pour la chaire. Envoyé à Rome pour les affaires de la bulle Unigenitus, il plut à Clément XI, et fut nommé à l'évêché de Sisteron, après avoir quitté son ordre. Après avoir édifié son clergé, et passé sa vie dans l'exercice des vertus épiscopales, il mourut au château de Lurs, en 1764, âgé de 79 ans. Ses ouvrages ascétiques sont: 1° Retraite de quelques jours, in-12; -2° Avis de direction, in-12; -3° Conferences pour les missions, in-12; ; 4° Lettres spirituelles, in-12; -5° La vie et les mystè res de la sainte Vierge, 2 vol. in-12, où l'auteur montre plus de piété que de critique. LAFONT (Pierre DE), né á Avignon, official de l'église d'Uzès, était un homme de Dieu, plein de zèle et de charité. Il fonda un séminaire dans la ville épiscopale, et en fut le premier supérieur. Il mourut vers 1710. On a de lui des Entretiens ecclésiastiques, 5 vol. in-12, et des Prônes, 4 vol. in-12. Toutes les preuves que fournissent l'Ecriture, les Pères, les conciles, sur les devoirs des ecclésiastiques et des autres fidèles, sont répandues dans ces deux ouvrages avec beaucoup d'intelligence.

LAIRVELS (Servais), né à Soignies, en Hainaut, l'an 1560, abbé de Sainte-Marieaux-Bois, et réformateur de l'ordre de Prémontré, fit approuver sa réforme par Louis XIII et par les Papes Paul V et Grégoire XV. Il eut la consolation de voir revivre en France, comme en Lorraine, l'esprit de pauvreté, de charité, d'humilité et de mortification, qui anima les premiers disciples de saint Norbert. Il mourut en 1631, après avoir publié quelques ouvrages

de l'année. -2° Retraite de huit jours, in-8°, Fribourg. 1765, à l'usage des ecclésiasti ques.

de piété, dont les principaux sont : 1° Statuts de la réforme de Prémontré ; -2° Catéchisme des Novices; 3° L'optique des Réguliers de l'ordre des Augustins.

LALLEMANT (Louis), Jésuite, né à Châlons-sur-Marne, mort recteur à Bourges en 1635, est auteur d'un Recueil des Maximes, qu'on trouve à la fin de sa Vie, publiée en 1694, in-12, par le P. Champion.

LALLEMANT (Pierre), chanoine régulier de Sainte-Geneviève, naquit à Reims et ne se fit religieux qu'à l'âge de trente-trois ans. La chaire, la direction et les œuvres de piété remplirent le cours de sa vie. Il la termina par une mort sainte, en 1673, âgé de cinquante et un ans, après avoir été chancelier de l'Université. Ses ouvrages ascétiques sont 1° Le Testament spirituel, in-12'; 2° Les saints désirs de la mort, in-12; 3° La mort des justes, in-12. Ces trois ouvrages ont été fort répandus et ont obtenu du succès.

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LAMBERT (Joseph), né à Paris en 1654, docteur de Sorbonne et prieur de Palaiseau, près de Paris, obtint beaucoup de succès dans la chaire. Sa charité pour les pauvres allait jusqu'à l'héroïsme. Il mourut, fort regretté, en 1722, âgé de soixante-huit ans. Outre plusieurs volumes de Sermons et d'Instructions, il a publié : 1o Discours sur la vie ecclésiastique; -2° Epitres et Evangiles de l'année avec des réflexions, 1713, in-12; 3° Les Ordinations des saints, in-12.

LAMI (Dom François), né à Montyreau, diocèse de Chartres, en 1636, porta d'abord les armes, et y renonça pour entrer dans la congrégation de Saint-Maur, en 1659. Il mourut à Saint-Denis, en 1711, universellement regretté, tant pour les lumières de son esprit que pour la bonté de son cœur, la candeur de son caractère et la pureté de ses mœurs. Les ouvrages dont il a enrichi le public portent l'empreinte de ces qualités précieuses. En fait de piété, il a laissé: 1° un traité fort estimé De la connaissance de soimême, 6 vol. in-12, même, 6 vol. in-12, 1700; -2° De la connaissance et de l'amour de Dieu, in-12; 3o Les gémissements de l'âme sous la tyrannie du corps, in-12.

LAMOTTE (Louis-François-Gabriel D'ORLÉANS DE), l'un des plus vertueux évêques du XVIII siècle, naquit à Carpentras, en 1683, d'une famille noble. Successivement chanoine théologal de cette ville, grand vicaire d'Arles, administrateur du diocèse de Senez, il fut nommé, en 1733, évêque d'Amiens. Ce prélat joignait à l'aménité dụ caractère la vivacité de l'esprit le plus aimable; il fut tout à la fois le modèle des évê

ques, l'exemple de son clergé, l'apôtre de son diocèse, et les délices des gens de bien. Il mourut, accablé sous le poids des années et des infirmités, à l'âge de 91 ans, le 10 juillet 1774. On a de lui des Lettres spirituelles, in-12,1771, Paris. Tout y respire la candeur, la droiture, le désir du bien et la plus noble simplicité.

LANFRANC, fils d'un conseiller du sénat de Pavie, passa en France, et se consacra à Dieu dans le monastère du Bec, en 1041. Il se fit une réputation européenne par son zèle à combattre les erreurs de Bérenger, au concile de Rome, en 1059, et dans plusieurs autres conciles. Il devintabbé de SaintEtienne de Caen, en 1063, et y ouvrit une école célèbre. Guillaume de Normandie, devenu roi d'Angleterre, lui donna l'archevêché de Cantorbéry en 1070. Il y mourut en 1089. Ses ouvrages ont été recueillis par D. Luc d'Achery, 1648, in-fol. On y trouve, entre autres choses, des sentences, où il est parlé en détail des exercices de la vie monastique; et des Lettres spirituelles.

LANGAGE DIVIN. Nous parlons ici du langage divin en tant qu'il est une parole vocaleque Dieu fait entendre à un Chrétien, parole reçue par le sens de l'audition.

Or Dieu peut, ou par sa puissance directe, ou par le ministère des anges, parler vocalement à certaines âmes. Si c'est par le ministère des anges, ceux-ci peuvent apparat tre sous figure humaine et parler à la façon humaine, et si c'est Dieu directement, il peut feindre une forme corporelle, ou seulement frapper l'air d'une certaine manière pour produire des sons articulés. On ne peut raisonnablement être arrêté par les difficultés physiques de ces opérations, puisque nous ne pouvons révoquer en doute que Dieu peut et a fait une infinité de choses plus difficiles.

Au surplus cette thèse se prouve par le fait. Dieu dans divers temps a daigné parler à diverses personnes, particulièrement aux personnes contemplatives. Ainsi, dans l'Ancien Testament, Dieu a plusieurs fois parlé aux patriarches et aux prophètes et à d'autres personnes, et on ne peut disconvenir que le sens naturel de l'Ecriture sainte dans ces passages fait comprendre une parole semblable à une parole ordinaire de l'homme: soit que Dieu ait parlé lui-même, soit qu'il ait envoyé ses anges, soit qu'il se soit caché dans une nuée, dans un buisson ardent, dans du feu, dans le propitiatoire, etc.

Ainsi il est dit d'Adam après son péché: Lorsqu'ils eurent entendu lavoix de Dieu, etc. et Adam dit aussi: J'ai entendu ta voix.... Lorsqu'un ange vint suspendre le sacrifice d'Isaac, il est dit de lui: Voilà que l'ange du Seigneur s'écria du ciel.. Samuel entendit trois fois la voix du Seigneur, quoiqu'il ne le vit point. Dans le Nouveau Testament nous trouvons des événements semblables. Au baptême de N. S., une voix se fit entendre du ciel qui dit: Voilà mon fils bien-aimé, Le jour de l'annonciation de Marie un ange se présenta et il lui parla. A la naissance de

Jésus-Christ, ses anges chantèrent le Gloriain excelsis. Saint Paul, au moment de sa conversion, entendit ces paroles: Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? Au surplus, toutes les paroles queJésus-Christ a proférées pendant sa vie mortelle sont autant de paroles que Dieu a adressées aux hommes. On serait donc téméraire de vouloir révoquer en doute les paroles que Dieu a adressées à ses saints. depuis, lorsque ces communications divines sont appuyées sur des actes authentiques et sur des actes de canonisation.

Les saints Pères nous autorisent à cette croyance. saint Denis enseigne que Dieu se sert de ses anges pour illuminer les âmes par des apparitions sensibles. saint Cyprien nous apprend que les esprits angéliques qui sont autour de Dieu, quoique d'une nature invisible, se rendent sensibles à l'ouïe et à la vue. Saint Grégoire, saint Thomas, saint Bonaventure, St.-Bernard, Louis de Blois, enseignent la même doctrine.

La raison nous fait comprendre aussi que cette doctrine est fondée sur la très-bénigne volonté de Dieu, sur son parfait amour de ses créatures. Mais la raison conçoit en même temps que toute parole qui ne serait pas digne de la grandeur et de la bonté de Dieu ne peut venir de Jui. Aussi dans les exemples autorisés tout est digne de la haute majesté de Dieu. Dans les longues conférences auxquelles Dieu s'est prêté avec sainte Thérèse, toutes les paroles de la Divinité sont pleines de simplicité, mais en même temps de majesté et de grandeur.

Quoique les paroles divines soient comparables aux paroles des autres hommes, quoique ce ne soient point des imaginations et qu'elles affectent des circonstances de temps, de lieu, de son, etc., cependant elles admettent matériellement des différences. Elles ont des propriétés qui tiennent à leur origine. En soi, philosophiquement parlant, ce ne sont ni des paroles divines, car Dieu ne parle pas matériellement, excepté en ce qui concerne Jésus-Christ; ni des paroles angéliques pour la même raison, ni des paroles humaines, car ce n'est point l'homme qui parle. Toutefois nous appelons ces communications des paroles divines ou le langage divin, parce que c'est Dieu qui produit le son de ces paroles avec l'intention de porter telle pensée et tel sentiment dans l'âme du fidèle.

Comment peut-on connaître qu'un ange parle au nom de Dieu?

Il faut pour cela faire attention à certaines circonstances; ainsi s'il dit : Voici ce que dit le Seigneur, ou d'autres paroles semblables, c'est un signe que c'est un ange qui parle comme messager. Si au contraire, il dit: Je suis le Seigneur, ou quelque chose de pareil qui ne convienne qu'à Dieu seul, ne doutez pas que ce ne soit Dieu lui-même qui parle.

Si, au contraire, il n'y a aucun signe certain qui désigne que c'est Dieu qui parle, ou la Très-sainte Vierge, ou un ange, ou un saint en personne, alors il ne faut pas s'en inquiéter. Seulement il faut faire attention si les

choses qui sont annoncées sont dignes de Dieu, si c'est une doctrine conforme la doctrine de l'Eglise ou du moins qui ne la contredit pas, et alors peu importe que ce soit Dieu ou un ange ou un saint qui se fasse entendre; on reçoit les paroles avec respect, quand d'ailleurs les signes surnaturels sont bien constatés.

Nous disons pourvu que les signes surnaturels soient bien constatés, car nous avons déjà vu, à l'article EXTASE, que le démon peut faire, comme autrefois du temps de Moïse, des choses qui ont l'apparence de celles que Dieu fait. Et Dieu le permet dans certaines circonstances pour de justes raisons, que nous comprenons quelquefois et que d'autres fois nous ne comprenons pas du tout. Des mystiques sérieux admettent donc que quelquefois Dieu permet que les démons profèrent des paroles articulées dans un but de séduire on pour endurcir des pécheurs qui méritent ce châtiment, ou pour ensuite faire ressortir sa gloire par un prodige plus grand qu'il fait éclater.

Il y a en outre un autre langage divin que nous appellerons mental (imaginaria), parce qu'il n'existe que dans l'imagination de celui que Dieu veut instruire, soit dans la veille, soit dans le sommeil.

Comment cela arrive-t-il? Voici ce qu'en disent ceux qui se sont spécialement occupés de cette matière.

Le langage divin mental ne consiste ni dans des paroles formelles, ni dans le son, mais il est renfermé dans un sens, une pensée qui est communiquée à l'âme immédiatement. Cependant ce langage interne ne s'effectue guère sans qu'il s'y mêle quelque chose du langage ordinaire. Tyrée observe très-bien ici que le langage qu'on appelle mental n'existe pas pour cela exclusivement dans l'imagination; il existe aussi dans l'intelligence. Seulement il prend son nom de mental ou imaginaire (imaginaria) du principal de ses caractères.

Or Dieu peut produire cette sorte de langage en imprimant dans l'âme certaines représentations qui existent sans voix, sans sons de paroles, et qui produisent le même effet que si réellement il y avait parole matérielle.

Nous convenons que ce genre de langage ne peut être expliqué par les règles ordinaires de la psychologie. Mais on comprend que notre tâche ne nous y oblige nullement et que nous ne craignons pas le moins du monde de faire à Dieu la part trop grande dans ses communications avec les saintes âmes.

On ne peut révoquer en doute l'affirmation suivante: c'est que Dieu parle quelquefois, non avec des paroles extérieures, mais seulement intérieures et perceptibles par l'imagination, à certaines âmes contemplatives. On peut le conclure: 1° par le livre des Nombres XII, où il est dit: S'il est parmi vous un prophète du Seigneur, je lui apparaî trai en vision, et je lui parlerai dans les songes; ce qui ne peut s'entendre que des paroles mentales ou imaginatives. Nous de

vons penser la même chose au songe que Dieu envoya à Adam (Gen. xxvIII, 13), où il fut instruit des divins mystères de Dieu; du songe de Jacob, qui vit les anges descendre et monter sur l'échelle. Ainsi encore Dieu s'entretint pendant un songe avec le roi Salomon. Un ange est apparu trois fois à Joseph, pendant qu'il dormait, et lui intima les ordres du Seigneur. Saint Paul fut averti par un ange pendant le sommeil. Saint Pierre et saint Jean, étant en extase, ont aussi entendu des paroles célestes. Tyrée pense que la plupart des discours que Dieu a adressés aux saints se rapportent à ce genre de langage mental et d'imagination. Saint Cyprien avait cette pensée, lorsqu'il parlait de certaines paroles mystérieuses dont on ne peut douter qu'elles ne viennent de Dieu. Saint Augustin, saint Thomas reconnaissent très-distinctement ce genre de langage divin. Saint Thomas surtout (2-2, q. 174) la dépeint très-soigneusement.

Le langage divin mental se distingue aisément du langage réel, lorsqu'il existe sans mélange de langage extérieur; mais ce langage extérieur, au contraire, ne peut avoir lieu sans qu'il soit accompagné de langage intérieur, par cette raison que le langage extérieur ne peut réellement avoir lieu sans la coopération du sens intérieur; cependant on appelle ceci un langage extérieur, à cause de la principale impression, et on appelle langage intérieur et mental celui qui se rapporte davantage à ce sens intérieur, surtout lorsqu'il se fait sans aucun concours extérieur.

Les anges peuvent concourir à cette sorte de langage en parlant, soit en leur nom, soit au nom de Dieu, et toujours comme ses ministres; ils y concourent même d'une manière coefficiente, en appliquant, comme on disait autrefois, les actifs aux passifs naturellement. Les mystiques pensent cependant que ce ne sont pas les anges, mais Dieu, par sa puissance, qui rend la vue aux aveugles de naissance, qui donne la lumière prophétique. Saint Thomas doute s'ils peuvent par eux-mêmes produire des apparences phénoménales qui ne soient pas soutenues par la réalité.

Le langage divin mental peut arriver même aux personnes éveillées et occupées à la contemplation; sainte Thérèse observe sur ces sortes de communications: 1° que les paroles mentales n'ont lieu ordinairement que pendant l'extase et le ravissement; 2° que l'âme est sujette à l'illusion, si elle n'est pas arrivée à une grande perfection, et qu'elle n'ait pas déjà fait l'expérience de ces choses; 3° les faux langages intérieurs se discernent plus facilement, lorsqu'on en a expérimenté de véritablement divins, sur lesquels il n'y avait aucun doute possible au jugement des hommes d'expérience. Les fausses communications de ce genre sont confuses, incertaines, engendrent l'inquiétude ou quelques pensées qui ne vont pas assez droit à Dieu et à la vertu.

Le langage divin mental peut arriver pendant le sommeil, quoique le démon puisse aussi, comme nous l'avons vu, nous faire croire faussement que Dieu nous fait entendre au fond de l'âme certaines paroles; cela n'empêche pas qu'on ne puisse découvrir lorsque c'est Dieu qui lui-même parle à notre âme. Dieu sait bien le moyen de convaincre que c'est lui qui parle, de manière à ce que l'interlocuteur n'en puisse douter. Nous devons nous en rapporter à lui; seulement le directeur ne doit l'admettre qu'avec une grande réserve, et ne s'en rapporter qu'à des marques incontestables.

Qu'est-ce que le langage intellectuel ?

Il est différent de celui que nous venons d'examiner, qui est mental ou plutôt dans l'imagination; mais celui-ci a lieu dans cette partie de l'âme que l'on appelle la pure intelligence; mais cependant avec des paroles comprises par l'âme, sans le secours des sons articulés et des sens extérieurs.

Outre le mode de percevoir les paroles articulées par l'organe de l'audition, il existe d'autres moyens de donner et de recevoir des paroles, et en général de saisir les sensibles et les insensibles. Et d'abord ceci peut commencer à se comprendre par des comparaisons: Ainsi dans les sens, il y a des modes bien différents de percevoir leur objet; l'œil ne s'en empare pas de la même manière que l'oreille, et tous les sens ont des différences marquées et profondes dans leurs aperceptions. De même dans les sens internes, une vision peut apparaître comme si on l'entendait, une autre comme si on la voyait; et, dans son genre, ce mode peutêtre plus parfait que celui des sens externes, parce qu'il s'étend à plus de choses et même aux absentes. Enfin, par la seule force de l'imagination et par un acte pur de notre intelligence, nous pouvons voir et entendre des choses que nous fournit la mémoire ou l'imagination et cela d'une manière trèsparfaite, en sorte que les choses actuelle ment insensibles, en soi pour nous deviennent sensibles par la puissance de nos facultés intellectuelles.

Il peut se faire même que Dieu, par un privilége très-spécial, parle à l'âme, indépendamment des apparences des choses sensibles et acquises. Ce langage peut exister aux moyens de formes infuses, ce qui rappelle le mode de connaître dont l'âme jouira lorsqu'elle deviendra un pur esprit après la mort, jusqu'à la résurrection générale, et même après la résurrection. Sainte Thérèse, dans plusieurs passages de sa Vie, écrite par elle-même, parle de cette sorte de langage qui lui fut tenu par le Seigneur apparaissant en personne : « Ce langage, dit-elle, est si céleste, que l'humanité ne s'en empare qu'avec une peine extrême, quelqu'effort qu'elle fasse, à moins que Dieu ne supplée à son inexpérience. Dieu verse ce qu'il désire faire connaître à l'âme, jusqu'au fond de l'esprit, et là, il le grave sans image ni forme de paroles, mais comme une vision indéfinissable. Dieu, dans ces circonstances,

me paraît vouloir donner à l'âme quelque connaissance de la communication des pensées dans le ciel. Comme dans le ciel les pensées circulent d'âmes en âmes, sans le secours des paroles (ceci lui a été révélé dans une extase), ainsi dans le langage dont il est question, Dieu et l'âme parlent, la majesté de Dieu le voulant ainsi, sans l'artifice des paroles. Ainsi parmi les hommes, quand deux personnes s'aiment beaucoup et qu'elles ont l'esprit délié, elles se comprennent déjà en beaucoup de choses sans paroles; leurs pensées s'échangent d'une manière de plus en plus dégagée des signes extérieurs et rapides. » Ainsi le langage purement intellectuel se fait sans image, et le langage imaginatif, que nous avons appelé mental, se fait au moyen d'images, mais sans paroles également.

Maintenant combien distingue-t-on de sortes de langages intellectuels?

Saint Jean de la Croix, dans sa Montée du Mont-Carmel, distingue trois sortes de langages purement intellectuels: 1° celle qui se fait par des paroles successives, auxquelles l'âme répond de la même manière ; 2 il y en a une seconde qui se fait par des paroles formelles que l'âme seule entend, saisit, et qui l'instruisent; 3° enfin il y a un langage purement intellectuel où l'on entend des paroles substantielles, qui ne sont pas précisément instructives, mais opératives, qui font ce qu'elles disent, et celles-là ne sont pas facilement sujettes à l'erreur. Il dit encore que le langage, intellectuel, clair, intelligible, peut être clair d'abord en soi, selon la mesure de la clarté de la chose qui est annoncée à l'âme, ou selon le degré de contemplation où l'on est arrivé; secondement, à raison de la matière que l'âme peut voir à sa manière; elle est sensible comme l'humanité de Jésus-Christ, ou spirituelle comme Dieu et ses anges.

Comment peut-on discerner le langage intellectuel? Quoiqu'il ait lieu indépendamment de toute participation des sens, cependant il n'exclut pas toute opération de ce genre, d'où il arrive que le discernement de cette espèce de langage n'est pas sans difficulté. Il est prudent dès lors de ne s'en rapporter à soi-même qu'avec une extrême réserve.

Prouvons maintenant cette proposition: Dieu parle quelquefois aux parfaits d'une manière purement intellectuelle. Sa certi tude résulte de l'autorité de l'Ecriture sainte. David exposant le mode de sa prophétie dit (11 Reg. xxш, 2): L'Esprit du Seigneur a parlé par moi, et (. 4): Ainsi que brille la lumière de l'aurore, le soleil commençant à se lever, lorsque le ciel est sans nuages. Ce qui veut dire selon Lyron: Dieu m'a éclairé d'une lumière spirituelle, sans vision imaginaire. Nous avons aussi des exemples de langage divin dans Moïse et saint Paul, nous en avons parlé plus haut.

Saint Augustin (liv. xv De Trin.) parle du langage du coeur dans lequel l'âme aidée de la grâce ne voit plus comme dans un mi

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